Chapitre 28

Write by Auby88

Trois mois plus tard


Aurore AMOUSSOU


C'est à l'École Mod'Art International de Paris que je me suis inscrite en stylisme-modelisme et j'ai 3 années d'étude à faire. En trois mois, j'ai pu m'initier au dessin, réussi à construire des patrons et même réalisé un ou deux vêtements. C'est tellement passionnant ! Je pense à Bella. Elle aurait aimé être ici avec moi. Dieu sait combien elle rêvait de devenir styliste et de pouvoir créer son propre prêt-à-porter ! (Soupir)

Je compte travailler pour deux afin de donner vie aux rêves de Bella, au travers de mes réalisations. 


C'est la pause de midi actuellement. Tandis que mon corps est à Paris, mon esprit est au Bénin. Je repense à mon amour perdu, à Femi.

Le premier mois ici a été très éprouvant pour moi. Je passais mes journées à le pleurer, à regarder ses photos, à rêver de lui, de ses mots si réconfortants et plein d'amour, de ses baisers, de son corps et de nos moments intimes.

Je tiens mieux le coup maintenant. Je n'ai pas eu d'autre choix, vu l'intensité des cours. Je me donne à fond dans mes études pour réussir et pour … oublier Femi. (Long soupir )


- Aurore ! Tu n'es pas partie manger ?

- Regarde ce qu'on t'a envoyé : un plat de salade avec plein de mayonnaise. Et je sais que tu aimes bien cela.


Les voix de mes nouvelles amies et camarades de classe, Laura et Sandrine, me tirent de ma terre natale. Laura est une belle espagnole vivant en France. Tout comme moi, elle vit avec un handicap : une jambe amputée après un accident.  Elle marche avec une prothèse. Sandrine, quant à elle, vient de Corse. J'adore son accent particulier. Toutes deux sont adorables.

- C'est gentil de votre part, mais l'odeur me…

Je me précipite vers les toilettes sans pouvoir finir ma phrase. Elles me rejoignent.


* *

 *

- Tu es sûre que tout va bien, Aurore ?

- Oui, je crois. C'est juste que ces derniers jours, je supporte moins la nourriture, j'ai des aigreurs d'estomac en permanence, j'ai souvent sommeil , je n'ai pas d'appétit…

Sandrine toussote.

- Je me trompe peut-être, mais on dirait bien que la cigogne passera bientôt chez toi te déposer un beau colis !

- La cigogne ? Que veux-tu dire ? demande-je perplexe.

- Est-ce que tu as fait crac-crac sans protection récemment ? renchérit Laura.

- Oui, mais cela remonte à trois mois ! Qu'essayez-vous de me dire ?

- Il se peut que ta dernière partie de jambes en l'air ait laissé une petite graine en toi. Tu comprends maintenant ?

Je reste bouche bée.

- Tu veux dire que je suis… enceinte ?

- Oui, exactement. J'ai ressenti à peu près les mêmes symptômes que toi quand j'attendais ma fille.

- Non, c'est impossible ! dis-je en secouant la tête. Ça ne peut pas être cela. Après mon accident, le docteur m'a dit que je ne pourrai pas concevoir.

- Tu es bien sûre qu'il a dit exactement cela ?

Je déglutis. Je suis complètement perdue.

- Bah, je ne sais plus trop, Sandrine !

- Tu seras mieux fixée avec un test de grossesse. Il y a une pharmacie à côté d'ici. Je vais tout de suite te prendre deux tests.

Tout en moi tremble. Je ne peux pas être enceinte ! Non !

Je suis seule avec Laura. Elle me parle mais je ne l'écoute pas. Mes pensées sont ailleurs. J'angoisse terriblement…


Environ une demi-heure plus tard.

Nous sommes toutes trois dans les toilettes. Depuis cinq minutes, j'appréhende les résultats que donneront les deux tests de grossesse...

- Eh bien ma belle, tu vas être maman !

J'arrache les tests de leurs mains et les regarde. Ils sont tous deux positifs.

Ma vision se brouille, je tombe dans les pommes.


* *

 *

A mon réveil. A l'infirmerie.

- Tu nous as fait peur, Aurore ! me dit Laura.

- Mademoiselle Aurore, commence l'infirmière, dans votre état, il vous faudra éviter les émotions trop fortes. Rentrez chez vous et reposez-vous. Vous reprendez les cours demain.

Je hoche juste la tête. Sandrine et Laura m'aident à me relever et à rejoindre mon fauteuil.

- Je te ramène chez toi.

- Merci Sandrine.



"********.

Madame Claire AMOUSSOU


Un bruit de sonnerie retentit dans l'appartement parisien que nous occupons. Je n'attends pourtant personne. Je vais ouvrir et je tombe sur Aurore et Sandrine. Je me demande ce qu'elles font là. D'habitude, Aurore ne rentre que le soir. Elles entrent à l'intérieur et je referme la porte.


- Que faites-vous ici à pareille heure ?

- Aurore a fait un malaise.

- Un malaise ! m'étonne-je. Il faudra que tu vois un docteur au plus tôt.

- Rassurez-vous​, ce n'est rien de grave. Elle va beaucoup mieux. Je vous laisse.

- Merci Sandrine

- Je vous en prie. Aurore, repose-toi bien. On se voit demain.

Elle hoche juste la tête. Je raccompagne Sandrine et referme la porte. Aurore n'est plus au salon. Je devine qu'elle est dans sa chambre. La porte est entrouverte. Elle est étendue sur son lit, ses yeux contemplant le vide. Je m'approche d'elle et remarque qu'elle pleure.

- Aurore, qu'est-ce qui ne va pas ?

- Tu avais raison, maman. Quitter Femi a été la pire erreur de ma vie. Je ne suis qu'une idiote ! J'ai bêtement perdu l'amour de ma vie et …(elle pose une main sur son ventre) le père de mon bébé.

- Tu es enceinte ?

- Oui, maman.

Ah ça ! Je n'y avais même pas pensé. Je ne l'ai même pas remarqué. Je suis si heureuse et en même temps si triste pour ma fille.

- Serre-moi dans tes bras, maman. J'ai grand besoin de réconfort.

- Tu comptes le dire à Femi, j'espère ?

- Non, je n'en aurai pas le courage. Et puis, après ce que je lui ai fait, il ne voudra plus jamais me parler. Je crois bien que je serai la seule à élever cet enfant.

- Tu ne seras pas seule, Aurore. Mais sache que Femi a le droit de savoir qu'il va être papa. Penses-y !

Elle acquiesce. Je n'insiste pas davantage. Elle semble bien pâle. Elle a besoin de se reposer.


**********

Aurore AMOUSSOU

Je sors du cabinet du gynécologue. Les tests sanguins et l'échographie le confirment : je suis bien enceinte, et ce depuis 3 mois.

J'aurais tout imaginé sauf cela. Et dire que je me croyais stérile, je suis tombée enceinte après un seul rapport non protégé avec Femi.

Pourquoi ai-je rompu avec lui, pourquoi l'ai-je inutilement fait souffrir ? Inutilement, parce que la raison que j'ai invoquée n'est même pas valide. Je ne suis pas stérile. Non !


Je porte son enfant, je porte le fruit de notre amour. Malgré toute ma douleur, je suis extrêmement reconnaissante au ciel pour ce miracle dans ma vie. Je caresse mon petit ventre. Je murmure quelques mots à mon bébé...


C'est dommage que je ne puisse pas partager ma joie avec Femi. Il aurait sauté de joie en apprenant la bonne nouvelle. Il se sentait déjà prêt à devenir papa. Je regrette tellement de l'avoir quitté. Malheureusement, je ne peux plus faire machine arrière.


Quant au bébé, je ne sais pas quelle décision prendre finalement. Dois-je informer Femi ou pas ?

Dois-je retourner au pays ? Je n'en ai pas le cran et je sais que Femi ne me pardonnera pas pour autant. Et puis, je viens à peine de commencer cette formation qui me plaît tant. J'en ai encore pour trois ans.

Mon Dieu, que dois-je faire ?


*******


Femi AKONDE


Je viens de garer ma moto devant un prestigieux immeuble de plusieurs étages. Il s'agit d'une société internationale dont une représentation vient d'être nouvellement installée au Bénin. Depuis le matin, je m'emploie à déposer mon dossier dans diverses entreprises qui recherchent actuellement un comptable, niveau licence au moins. Certes, je n'ai pas assez d'années d'expérience dans le domaine, mais je tente quand même ma chance. Cette entreprise-ci est la sixième et la dernière de mon périple d'aujourd'hui.

Hier, j'avais sillonné une dizaine d'entreprises pour déposer une demande d'emploi spontanée. La politique de l'emploi est un vrai casse-tête ici et le chômage fait fureur. Il faut donc multiplier ses chances autant que possible, pour espérer être remarqué par une entreprise au moins.

Et pour "les enfants de pauvre" comme moi, on se doit de redoubler d'efforts. Quand tu n'as pas de proche haut placé pour t'insérer quelque part, tu ne peux compter que sur les miracles ou tes aptitudes professionnelles.

Hors moi, je suis pas du genre à attendre les miracles et rester là à moisir à la maison ou vivre encore aux crochets des parents, comme le font encore beaucoup de jeunes diplômés sans emploi. Je préfère bosser dur chaque jour, multiplier les petits boulots parfois sous-payés et toujours donner le meilleur de moi-même où que j'exerce.

"Toujours donner le meilleur de moi-même". Telle est ma devise dans la vie. Je l'applique en toutes circonstances.

Je soupire. Je repense à Aurore. A elle aussi, j'ai donné le meilleur de moi-même mais elle n'en a pas voulu.

C'est bien dommage car nous aurions vécu l'une des plus belles histoires d'amour au monde. Je lui aurais tout donné. Vraiment tout !

J'inspire profondément. Ce n'est pas le moment d'être triste. Il me faut garder un visage souriant et plein d'assurance. Aurore est partie certes mais la vie continue, ma vie continue. Je suis un battant et les battants ne se laissent pas abattre si facilement. Allez, on y va !


Je pénètre le hall de l'immeuble et reste marqué par la beauté du cadre. Je me dirige vers le standard et m'ajoute à la longue file déjà présente. Je m'y attendais déjà...


Après trente minutes, je parviens devant la standardiste, une jeune femme à la mine serrée qui semble bien fatiguée ou contrariée de voir autant de monde. En tout cas, à cela aussi, je suis habitué.

Je dépose mon dossier, prends une décharge et sors en balayant à nouveau la pièce du regard. J'imagine déja comment les bureaux sis en haut doivent être modernes.


Dehors, je regarde une dernière fois l'immeuble puis remonte à moto en direction de mon humble demeure. J'y ferai une sieste bien méritée de trente minutes avant d'aller donner des cours dans deux collèges de la place.


Enfin chez moi. Je retire ma chemise et mon pantalon tout neufs et je me laisse tomber sur mon lit. Je lève les yeux vers le plafond. Intérieurement, je soupire.

 

Malgré moi, je repense aux moments éprouvants que j'ai vécu récemment. Je repense à la trahison d'Aurore. Oui, trahison parce que je ne vois pas d'autre mot pour qualifier son attitude.

Les semaines qui ont suivi son départ ont été les pires de ma vie. Je suis devenu l'ombre de moi-même, une loque qui passait de bar en bar et de femme en femme pour oublier une seule : Aurore AMOUSSOU. Cela a duré plus d'un mois. Heureusement, j'ai pu me ressaisir à temps et je n'ai pas contracté quelque maladie sexuellement transmissible.


Aujourd'hui, je ne jure que par une seule chose : le travail et rien que le travail. C'est la meilleure option que j'ai décidé d'adopter pour devenir quelqu'un un jour mais surtout pour oublier… Aurore.

Alors je continue à cumuler les petits boulots, mais beaucoup plus qu'avant. Je travaille jusqu'à en perdre haleine, jusqu'à des heures tardives, je reviens éreinté chez moi et le lendemain à la première heure, je suis debout prêt à recommencer. C'est éprouvant certes, mais je n'ai pas le choix.


Mon téléphone sonne. Je consulte mon écran. Un numéro inconnu. Indicatif 33, celui de la France. Je devine déjà qui cela peut être. Je ne décroche pas.

A nouveau, le téléphone sonne. Avec rage, je prends l'appel.

- Bonjour Femi, je …

- Va au diable, Aurore ! vocifère-je avant de couper l'appel.

Cette fois-ci, je ne l'entends plus sonner. Parfait. J'en profite pour mettre le numéro dans la liste noire de mon téléphone. Aurore ne manque vraiment pas de culot ! Oser m'appeler comme ça, comme si de rien n'était, trois mois après son départ. Si elle croit m'avoir encore, elle se trompe grandement. Je ne suis plus le même idiot qu'avant !


**********

Aurore AMOUSSOU


Femi vient de raccrocher l'appel mais je garde encore le mobile à l'oreille. Ses mots ont été si durs. Jamais il ne m'avait parlé si cruellement. Il doit vraiment être en colère, vraiment me haïr pour me parler ainsi et me raccrocher au nez. Je n'ai même pas eu le temps de lui dire que je suis enceinte de lui.

A quoi bon finalement puisqu'il est là-bas et moi ici. La distance et les mois nous séparent l'un de l'autre. Il se peut même qu'il doute de la véracité de ma grossesse ou qu'il refuse en être l'auteur. Cela fait quand même trois mois que je l'ai quitté et que je ne lui ai donné aucun signe de vie.

Bon Dieu, pourquoi ai-je été aussi idiote, aussi impatiente ? Femi me manque tellement. Si seulement, je pouvais retourner en arrière, si seulement je pouvais tout effacer, si seulement…

A présent, je n'ai d'autre choix que d'élever seule notre enfant. (Sanglots)


 

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