Chapitre 28
Write by leilaji
The love between us
Chapitre 28
Je ne comprends pas pourquoi on a été convoqué en conseil de famille ma mère et moi, alors que ça fait des années que ses frères au mieux l’ignorent au pire l’envient. Moi qui pensais qu’ils n’avaient plus aucun contact. Avant de monter dans la voiture, elle a tenu à m’expliquer quelques petites choses que j’ignorais. Financièrement, elle prend soin d’eux. Encore. Alors qu’ils l’ont tous rejetée. Ils l’ont d’abord pointé du doigt pour être tombée enceinte d’un imbécile qui a disparu de la circulation en la laissant seule. Puis ils l’ont accusée d’avoir épousé un homme trop riche pour être blanc comme neige. Pour tout décès qu’il y a eu dans la famille, elle a toujours été accusée des pires intentions. Ils n’ont mesuré sa réussite qu’à l’aune de leur aigreur.
- Pourquoi est-ce qu’il faut absolument qu’on soit là ? Maman j’ai trop de problème en ce moment pour me coltiner tes frères et leurs enfants que d’ailleurs je n’ai jamais rencontré dans ma vie.
- On a été convoqué par un huissier. Je ne sais pas ce qui se passe mais il faut qu’on y soit plutôt que d’être surpris.
Elle a l’air plus las que calme mais je sais qu’au fond d’elle, elle bouillonne. Quand elle est tombée enceinte et que ses parents lui ont tourné le dos, aucun de ses frères n’a pris sa défense. Je trouve ça dingue. Malheureusement pour moi, je suis fils unique. Si j’avais eu la chance d’avoir une sœur, jamais je ne l’aurai abandonnée sous prétexte que son comportement ne plait pas à maman. Le sang c’est le sang. Ça se protège, ça ne s’abandonne pas.
Ma mère était l’étoile montante de la famille, celle qui était allée là où personne n’avait jamais mis les pieds : en faculté de médecine. Quand on vient d’une famille pauvre et illettrée, c’est un exploit. Ils étaient trop heureux qu’elle échoue au moins une fois dans sa vie. Mais malgré tout, elle a transformé cet échec en force et a réussi encore mieux qu’ils ne l’auraient jamais imaginé. Nous nous sommes contentés d’une famille où on était que mon beau père, ma mère et moi parce qu’elle a été rejeté. C’est quoi le problème aujourd’hui pour qu’ils se réveillent tout d’un coup avec nos noms en tête ?
- Tu as des problèmes avec ta boite ? demande maman en fouillant dans la boite à gants à la recherche de je ne sais quoi.
- Tu essaies de changer de sujet ?
- Non. J’essaie d’aider mon fils. Parle-moi Pierre. Tu sais que ça a toujours été toi et moi. Quoi qu’il arrive, je serai toujours là pour toi.
- Rien de grave maman. Ce n’est qu’une question d’argent et tu sais que ça, ça ne peut jamais me dépasser.
- Ton client a sauté de son ministère. Il y a une enquête sur lui. Ton nom sort dans les journaux à côté du sien et tu me dis qu’il n’y a pas de souci à se faire ?
- Oui. C’est exactement ce que je te dis.
- Dis le-moi si je peux aider.
- Je te le dirai maman, tu sais qu’il n’y a rien que je te cache.
- Tourne à droite, c’est la maison du fond, indique-t-elle en détachant sa ceinture de sécurité.
Nous sommes arrivés. Je me gare devant une maison dans laquelle je ne suis jamais rentré auparavant. C’est une bicoque bâtie moitié en planche, moitié en brique. Elle n’est pas peinte mais sur son toit trône une antenne canal plus. Les gens ont beau avoir un congélateur vide, ils ont toujours les chaines internationales à portée de main.
La cour est grande, parsemé de bout de gazon rachitique. Des enfants jouent avec un ballon dégonflé. Ils ont simulé des goals avec leurs chaussures. Ils sont à moitié vêtus, à moitié propre, à moitié souriant. Ma parole tout est fait à moitié ici. Une voisine curieuse, prend un tabouret et s’assoit à sa terrasse. Elle ne me quitte pas des yeux un seul instant. Dans le regard de ma mère, je vois tout sauf de la sérénité. Elle n’est clairement pas à l’aise. Mais son ensemble gris perle et son sac de marque le cacheront à merveille.
Un adulte sort de la bâtisse devant laquelle s’est arrêtée maman. Il sourit à peine, salue du bout des lèvres. Ses yeux rouges injectés de sang ne me disent rien qui vaille. Il est plutôt petit et malingre. Ses cheveux parsemés de taches blanches me donnent son âge approximatif.
- Bonjour Ya Paul.
- Bonjour. Ça va ? C’est ton fils ?
- Oui. C’est Pierre.
- C’est un homme maintenant. C’est bien. Entre, tout le monde est là, c’est toi qu’on attendait.
Je la sens soucieuse à l’idée de se livrer comme ça dans ce qui semble être un guet-apens. Cette femme m’a permis de vivre la meilleure vie qu’il soit pour un fils et maintenant que je vois d’où elle vient, je comprends encore mieux pourquoi sa réussite suscite autant de jalousie. Alors je touche son épaule et serre légèrement pour lui communiquer ma force. S’ils pensent pouvoir s’en prendre à ma mère, l’humilier comme ils ont eu à le faire quand elle était jeune sans qu’il n’y ait quelqu’un pour la défendre, ils se fourrent le doigt dans l’œil jusqu’à l’anus. Je prends sa main dans la mienne et entre en premier.
Une dizaine de pair d’yeux me dévisage. Je repère les deux chaises libres à ma gauche et fais asseoir ma mère avant de prendre place à mon tour. Cette chaise doit être plus vieille. La mousse en est tellement élimée que je sens une pointe s’enfoncer dans ma fesse à chaque mouvement que je fais. Une petite fille vient nous proposer de l’eau à boire mais maman décline l’invitation. Une odeur d’urine éventée flotte dans la pièce bien trop exiguë pour une réunion de famille de cette taille. Je crois que ça sent la vieille couche. Il doit y avoir beaucoup d’enfants en bas âge dans la maison.
- Bon, on va commencer puisqu’on n’attend plus personne. Si nous sommes réunis aujourd’hui c’est pour le conseil successoral de papa.
L’homme qui a pris la parole est le plus âgé de l’assistance. Il ressemble beaucoup à maman et c’en est presque troublant.
- Papa est mort ?
- Ne me coupe pas la parole s’il te plait. Papa est mort et nous l’avons enterré au village il y a deux semaines. Il faut maintenant qu’on discute du partage de ce qu’il avait. Tous les terrains que son ainé lui a donné et sur lesquels il n’a pu rien faire mais que toi tu t’es appropriée.
Donc ils ne lui laissent même pas le temps de digérer la mort de son père qu’ils en viennent déjà au nerf de la guerre : les biens immobiliers. Pourquoi est-ce que ça ne me surprend pas ?
- Pardon ? demande-t-elle sous le choc.
- Papa était malade et tu n’es jamais venu le voir même pas une seule fois. Alors que tu es docteur et que tu as de l’argent. Ça te coutait quoi de venir voir ton père ?
- Je vous rappelle qu’il m’a reniée. La dernière fois que je suis venue c’est avec un fusil de chasse qu’il m’a demandée de ne plus jamais mettre les pieds chez lui. Mais j’ai quand même pris en charge tous ses soins. Comme je l’ai toujours fait pour chaque enfant de cette famille malgré tout ce que vous dites de moi. Il est mort et personne ne m’a informée.
- Pourquoi est-ce qu’on va encore t’informer puisque c’est toi qui l’as tué mystiquement pour régler les problèmes de ton fils, accuse une femme entre deux âges à l’air peu amène.
On nage en plein délire là. Je sais que maman n’a pas de sœur donc celle qui s’est exprimée doit être une cousine ou la femme d’un de ses frères. A mon âge ne même pas connaitre les membres de ma famille me serre le cœur.
- Donc pour résumer, ma mère est mauvaise. Elle a tué mon grand-père pour régler mes problèmes mais vous continuez à prendre son argent ?
- Justement, on en veut plus. On veut récupérer les terrains de notre père.
- Pour en faire quoi ? Vous n’avez jamais eu de quoi bâtir dessus. Regardez l’état de la maison qu’il a laissé ? Qu’est-ce que vous ferez de ses terrains si ce n’est les vendre ?
- Parce que ça te regarde ? Elle a volé les biens de la famille, qu’elle les rende. Il y a un libanais qui veut bâtir dessus des immeubles. On va casser ce qu’elle a construit et lui vendre les terrains nus. On aura une bonne somme avec lui.
- Un libanais. Vous préférez vendre à un libanais ?
- C’est mieux qu’elle, intervient un homme à peine plus vieux que moi.
J’éclate de rire. Ma mère se tourne vers moi l’air agacé. Elle me connait. Elle sait que je suis en train de me mettre en colère même si je n’en ai pas l’air.
- Pierre. Calme-toi OK.
Mais je suis calme maman. Je suis très calme. J’ai juste du mal à croire que je suis de la même famille qu’eux. Je me lève, histoire de pouvoir bien tous les regarder dans les yeux. Certaines personnes me trouvent arrogant, vaniteux et que sais-je encore. Mais si je me teins droit, c’est pour que ma mère puisse être fière d’avoir choisi de me garder plutôt que de m’abandonner. Alors même que la situation était intenable pour elle. Ma mère se lève à son tour. Elle, je pense que c’est pour qu’on s’en aille avant que je ne fasse quoi que ce soit de mauvais. Franchement, on peut tout me faire, sauf manquer de respect à ma mère devant moi.
- Je me demande comment une femme aussi exceptionnelle que ma mère peut partager son ADN avec des tarés comme vous.
- Comment oses-tu parler comme ça devant tes ainés ? hurle celui qui a pris la parole en premier.
- C’est comme ça que tu l’as élevé ton fils ? demande l’homme assis à ma gauche.
Il se lève à son tour pour me faire face. Est-ce qu’il croit vraiment m’impressionner ? Il pourrait être le président de la République que je n’en aurais rien à battre tant qu’il essaie de s’en prendre à ma mère.
- Qui est mon ainé ici ? Qui m’a nourri, a payé mes études, m’a soigné quand j’étais malade ? Toi ? Ou toi ? je demande en désignant un autre de mes oncles au hasard. Vous croyez qu’après tout le mal qu’elle s’est donnée pour investir son fric sur les terrains de merde de votre père parce que vous étiez tous, trop imbécile pour le faire, vous allez tout lui arracher comme ça ?
- Peut-être que nous sommes des imbéciles. Peut-être que nous sommes pauvres mais nous sommes fiers de ce que nous sommes. Il n’y a aucune honte à être pauvre. Elle a réussi oui, mais on sait tous comment elle y est parvenue. Et toi le bâtard tu ferais mieux de fermer ta gueule au lieux d’être fière de ta mère qui a écarté ses cuisses pour te nourrir…
Je suis passé en une seconde à l‘état de type complètement halluciné par leur cupidité à celui d’homme furieux. Le coup est parti seul. Il s’est effondré net, le nez en sang. Ma mère a hurlé et les hommes se sont interposés entre lui et moi parce que j’avais l’intention de l’achever une bonne fois pour toute. Pour qui il se prend ?
- Voleurs que vous êtes ! Telle mère tel fils. En tout cas le dossier est chez un Notaire. Et il va tout bloquer. Elle n’aura plus rien. Sorcier, vampireux, malheur sur toi d’avoir levé la main sur un ainé, fils indigne, invective celle qui a pris la parole tout à l’heure.
Je me suis tournée vers elle. Les yeux exorbités et le masque de colère qu’elle porte ne m’émeuvent pas. Si elle continue, à elle aussi je vais fermer sa gueule. Maman me tire en arrière.
- Faites ce que vous voulez. Nous on s’en va.
Elle me tire par la chemise et me fait monter de force dans la voiture.
- Pourquoi as-tu fait ça Pierre, pourquoi ? Qu’est-ce qu’on va faire maintenant s’il porte plainte ?
Elle sort un mouchoir de son sac à main pour essuyer ses yeux puis mon visage d’une main tremblante. Le tissu se tache de sang. Comment cette femme si forte et généreuse peut-elle se transformer en cette femme terrorisée ?
- Comment mon père peut mourir et personne ne pense à me mettre au courant ? Comment ? je ne sais même pas où ils l’ont enterré.
- Il est mort et enterré, ce n’est pas comme s’il allait te manquer. Tu as coupé les liens avec eux, on s’en fout.
- Même si on ne se voyait plus, j’ai toujours continué à envoyer de l’argent. J’ai payé pour tout le monde. et j’ai enduré leur insulte toutes ces années sans rien dire. Mon mari était riche et alors ? on ne peut jamais être riche dans ce pays en paix. Il faut toujours que ceux qui n’y sont pas parvenu inventent des histoires dans ton dos. J’étais là pour eux malgré tout. Ce que personne n’a jamais fait pour moi.
Elle se remet à pleurer.
Ils sortent de la maison, posent leur regard haineux sur nous.
Tout ça ne pouvait pas tomber à un pire moment. Je suis au creux de la vague. Je dois encaisser beaucoup de changement ces derniers temps. Je suis nouveau père avec les contraintes que ça entraine. David est heureusement un bébé plutôt sage mais ce n’est pas comme si Manu pouvait s’en sortir sans mon aide. Je suis nouveau chômeur aussi, je n’ai plus mon salaire de cadre dirigeant de CFAO, ni les bonus qui allaient avec mon boulot. Concernant ma société, j’ai passé une grosse commande pour le compte d’une administration de la place il y a une année de cela. Il s’agit de plus d’une quarantaine de véhicules neufs haut de gamme. C’était le plus gros marché que ma société a réussi à obtenir depuis sa création. Sauf que le ministre qui a signé les papiers de la commande a sauté et que le nouveau ministre en place refuse de me débloquer la ligne de crédit qui doit me rembourser les sommes que j’ai avancées. Et maintenant ça ? Une foutue famille de merdeux qui veulent bloquer les revenus de ma mère ? Je ne regrette pas de lui avoir pété le nez. La prochaine fois qu’il voudra la traiter de femme facile, il y réfléchira à deux fois avant de le dire.
J’inspire puis expire profondément et démarre la voiture. Le spectacle est terminé.
- Tu n’as aucune idée de ce que je suis prêt à endurer pour que tu sois heureuse maman. Aucune. Alors arrête de pleurer ça m’énerve.
*
**
Quand je rentre à la maison, Manu est dans la cour en train de péter les câbles au téléphone avec je ne sais pas qui. David est dans ses bras et elle essaie de le calmer en même temps qu’elle discute. Elle porte encore une de ses salopettes en jean que je déteste voir sale. Deux hommes avec des tenues reconnaissables se tiennent debout devant elle. Ce sont des agents de la SEEG. Ceux qui posent des rubans rouges pour couper le courant. Merde. Elle écarquille les yeux et regarde son téléphone interloquée.
- Tu le crois ca toi. Elle m’a raccrochée au nez.
- Parce que tu crois vraiment que leur service client est là pour rendre service au client. Je lui demande en fermant la portière.
Elle se tourne alors vers les deux agents SEEG.
- On a envoyé trois foutus chèques chaque fin du mois donc je ne comprends pas pourquoi vous voulez couper le courant. J’ai un enfant en bas âge qui ne supporte pas la chaleur ici et nous sommes en saison des pluies. Il est hors de question qu’on dorme dans le noir et la chaleur alors…
- Bonsoir messieurs.
- Bonsoir Monsieur. Ecoutez essayer de parler à votre femme. On nous a demandé de couper. Nous on coupe c’est tout. La SEEG ce n’est pas la société de mes parents hein. Moi je suis salarié, je ne donne pas les ordres, je les exécute.
Je récupère David dans ses bras avant qu’il ne se mette à pleurer. Il me sourit dès qu’il me voit. Quand je pense que son premier mot a été papa, je suis encore plus fier du parcours entamé ensemble. Evidemment Manu était plutôt déçue. Mais j’ai fait quelques recherches et j’ai réussi à la calmer en lui expliquant que la plupart des enfants réussissent à dire le P avant le M. qu’il a donc été plus facile pour David de dire papa en premier. En réalité, je pense que c’est surtout parce qu’il voit très peu sa mère. Elle travaille deux fois plus qu’avant parce qu’elle refuse toujours de dépendre de qui que ce soit. Il sent bon. Il sent le talc et le propre. Et j’adore le serrer dans mes bras et le coucher le soir après une dure journée.
- Pourquoi ils sont là ? Comment c’est possible alors que tu envoies chaque fin de mois un chèque.
- Je n’en sais rien ma chérie. Mais ce qui est sur c’est que ce n’est pas en hurlant au téléphone que tu vas trouver une solution.
- Je le sais. C’est juste que je suis fatiguée. J’ai besoin d’une douche chaude et de dormir. Et David, lui veut juste jouer alors que mes yeux se ferment tous seuls.
Je prends les choses en main, emmène les deux hommes sur le côté et leur glisse cinq billets de 10 000 dans les mains. Ils me sourient de toutes leurs dents et repartent en bavardant entre eux.
- Demain je vais régler ça.
- Est-ce qu’il y a quelque chose dont tu souhaiterais me parler ?
- Comme quoi ?
Je vois de l’inquiétude dans ses yeux mais je ne suis pas encore prêt à avoir cette discussion, surtout avec elle. Ce dont j’ai besoin en ce moment c’est de son soutien, son amour et surtout son oui. Mais ça c’est une toute autre histoire.
- Je ne sais pas moi. je te vois très souvent à la maison. Plus qu’auparavant. Est-ce parce que moi je n’y suis pas et que tu ne veux pas que la nounou soit tout le temps seule avec David ou c’est plutôt parce qu’il y a un problème dans ta boite.
- Non. Je gère. Il n’y a pas de problème. Du moins pas de problème insurmontable. Si ça me dépasse, je te promets de t’en parler Manuella.
- OK, dit-elle en levant les mains en l’air. Je ne vais pas insister.
On se tait tous les deux. On sait comment ça s’est passé la dernière fois qu’elle a insisté et je prie pour qu’une telle chose ne se reproduise plus jamais. A chaque fois que je regarde mon fils, je me demande ce qu’il penserait de moi si un jour sa mère lui révélait que son père l’a giflé. S’il l’aime au moins autant que j’aime ma propre mère, ce n’est pas une chose qu’il serait prêt à pardonner.
Peut-être que tout coule autour de moi. Peut-être que je vais me retrouver sur la paille. Mais malgré tout, je suis heureux car j’ai Manuella et David à mes côtés et ça, ça vaut tout l’or du monde. Cette femme n’est pas le genre à se faire renverser par la vie et a resté par terre. Elle se bat. De toutes ses forces.
- Tu peux récupérer les paquets dans la voiture s’il te plait ?
- Ne me dis pas que tu as encore pris des spaghettis viande chez Diallo. J’espère que ta mère n’a pas vu ça. Elle va finir par penser que …
- Du calme. Ma mère ne se soucie pas de ça tant que tu fais le bonheur de son fils chéri.
- Ouais c’est ça, s’exclame –t-elle en riant en allant récupérer les boites dans la voiture.
Elle baille en les sortant. Il y en a deux. Une boite à gâteau et un cadeau. Elle se fige, fronce les sourcils.
- Quel jour on est ?
- Mercredi. C’est l’anniversaire de David Manuella. On a décidé de fêter ca entre nous. Tu devais prendre les boissons et moi, le gâteau et le cadeau. Tu… Attends tu as oublié ?
Elle passe devant moi sans rien dire tandis que j’essaie d’enlever le col de ma chemise de sa bouche vorace. Ce gamin fait ses dents et passe son temps à mâchouiller tout ce qu’il peut attraper. Je suis Manuella dans la maison. David vient de nous faire un gros pet et je suppose que ce qui a suivi et qui pèse dans sa couche n’est pas un cadeau d’anniversaire.
Une fois David changé, je retrouve Manuella dans la cuisine. Quand je pense que j’ai failli vomir la toute première fois que j’ai dû le changer quand il a eu une diarrhée. Il y en avait partout. Dans la couche, hors de la couche, sur mon tee-shirt. C’était un désastre. Je ne savais pas qu’un si petit bout d’homme pouvait se lâcher autant. Maintenant, je suis le champion toute catégorie des couches. Je peux changer mon fils les yeux fermés.
- Comment as-tu pu oublier l’anniversaire de ton fils ?
- Je pensais qu’on était mardi, que c’était demain son anniversaire… je suis surmenée en ce moment. J’ai dû rendre aujourd’hui les voitures du représentant de l’ONU ou de je ne sais quelle institution. Ils m’ont mis la pression. Et j’ai dû accepter parce qu’ils payaient dès que c’était livré. Tu sais que le business tourne bien pour moi en ce moment mais les gens ont tendance à payer plus tard et on a besoin d’argent.
- Ce n’est pas une excuse. Le premier anniversaire de ton fils !
- Pierre ne commence pas s’il te plait je ne suis pas d’humeur à me disputer avec toi aujourd’hui.
- Parce que tu crois que moi je le suis ? Si tu es surmenée que dois-je dire moi ? Je cours partout pour récupérer l’argent que les gens me doivent et personne ne veut plus rien avoir à faire avec moi parce que mon nom est associé à celui d’un mec qui va faire de la taule pour détournement donc crois-moi quand je dis que moi non plus je n’ai pas la tête à ça mais que j’y ai quand même pensé !
J’ai crié. Pourquoi ? Parce qu’elle ne comprend pas ce que je dis et que ça me porte sur le système d’avoir aussi a expliqué à Manuella ce que je traverse alors qu’elle est supposée me comprendre mieux que quiconque. David devient légèrement grincheux alors Manuella le prend et le serre fort dans ses bras.
- Je suis tellement désolé David. Tellement. Maman a oublié ton anniversaire. Mais ce n’est pas grave. Papa y a pensé. C’est le meilleur papa du monde n’est-ce pas ? Et chaque jour, il nous le fait remarquer.
- Arrête Manuella. Ce n’est pas ce que j’ai voulu dire.
Je baisse le ton, me rapproche d’eux pour les serrer dans mes bras aussi. Ça m’apaise de les avoir avec moi. Les yeux fermés je pense à tout l’amour que j’ai pour les deux êtres devant moi et je respire profondément pour me calmer. Elle ne me repousse pas. Au contraire, elle semble aussi en manque de quelque chose. En manque de moi. Je caresse le visage de la femme que j’aime. Elle ne porte pas de maquillage mais elle a fait coiffer ses cheveux naturels qu’elle a un peu laissé pousser sur le haut. Sur le côté c’est court mais j’adore la définition de ses boucles sur le haut de son crâne.
- Pardon pour avoir crié. Mais je me faisais une joie de fêter son anniv. Rien qu’entre nous. Tu te rends compte de combien ça a été difficile d’empêcher maman de lui organiser une méga fête.
Elle pose ses lèvres sur les miennes en un baiser léger et salvateur.
- Tu te rends au moins compte qu’il s’en fiche. Tout ce qu’il veut c’est son bibi du soir, jouer et dormir.
- Ouais je sais. Mais je lui ai acheté un cadeau super top. Et j’ai hâte que sa maman l’ouvre pour lui, dis-je le cœur battant.
David sur les reins, elle se penche vers moi et m’embrasse encore une fois sous les gazouillis de notre fils ravi de voir nos deux têtes cote à cote. Il essaie de se joindre à nous et bave sur mon menton, ce qui me fait éclater de rire et le reprendre à sa mère. La tension qu’il y avait entre nous est retombée. Je me suis calmé au bon moment. Je crois que je peux être fier de comment je gère les choses depuis mon dernier dérapage. Les rendre tous les deux heureux est ma seule mission du moment.
Le reste de la soirée se passe sans incident à part lorsque le gâteau a failli se retrouver sur le visage de David parce qu’il a voulu plonger la tête dedans. Manuella l’a sauvé in extremis. Ça nous a bien valu un bon fou rire général. Le plus drôle c’était David qui riait sans savoir pourquoi, juste parce qu’il nous voyait nous ses parents heureux. Nous mangeons le gâteau, jouons avec David jusqu’à ce qu’il s’endorme. Alors je monte le coucher dans sa chambre et rejoins Manuella qui prend une douche dans la nôtre. Je pose le cadeau de David sur le lit et rejoins Manuella sous la douche.
- Ca y est, il dort ? demande-t-elle en se savonnant avec énergie.
- Ouep. KO technique.
Elle pose son filet de douche et je la rejoins sous le jet d’eau. J’ai besoin de relâcher la pression, de me sentir en elle, de sentir ses bras autour de moi pour faire passer cette journée de merde. Elle se laisse faire et je la prends contre le mur de la douche. Ses jambes enroulées autour de mes hanches, ma tête dans son cou, nous profitons du moment. Les jeunes parents savent toujours qu’une partie de sexe sans interruption ou une nuit entière de sommeil sont une bénédiction du ciel. Mais j’ai besoin de plus. Alors, je ferme le robinet d’eau et soulève Manuella jusqu’à notre lit sans jamais cesser de l’embrasser. Elle gémit dans mes bras. Ses lèvres sont fondantes à souhait et ses mains brulantes. J’embrasse la peau de son cou puis descends à coup de petits baisers semés ci et là vers ses seins. Je lèche le téton dressé du sein gauche, celui que je sais le plus sensible et passe au sein droit. Elle me repousse et m’oblige à me coucher à mon tour pour m’enjamber sans chichi. Sa peau parsemée de petites gouttes d’eau brille. Je souris tel un renard devant un poulailler. J’ai l’impression que je vais avoir droit à une Manuella déchainée aujourd’hui. LE sexe est tellement bon quand elle est d’humeur à me chevaucher. J’ai hâte. Malheureusement le baby phone se met à grésiller. Puis les pleurs de David se font entendre. Manuella veut se relever mais je l’en empêche, la suppliant des yeux. Peut-être qu’il va se calmer et se rendormir tout seul. Mais non. Il crie de plus bel.
- Tu as dit qu’il était KO, me reproche-t-elle.
- Je t’assure qu’il l’était.
- Alors c’est toi qu’il veut. C’est toujours toi qu’il veut. Tout ça c’est de ta faute, à toujours vouloir qu’on dorme avec lui. T’as vu, il ne veut pas rester seul dans sa chambre. Va le chercher.
- Manuella, j’ai une trique de granit. Je pourrai casser des briques avec. Sérieux c’est l’effet que tu me fais quand t’es dans cet état.
- Quel état ?
Je caresse sa peau et elle se couvre de chair de poule à l’endroit où ma main est passée.
- Cet état.
- Hahaha. Monsieur abdos de fer. On s’en fout de mon état, va chercher ton fils.
- Je ne peux pas marcher là. J’ai besoin d’un moment pour me mettre debout.
Elle éclate de rire et quitte le lit pour revenir quelques instants plus tard avec notre fils, les yeux humides mais le sourire aux lèvres. Ce petit chenapan se fout surement de nous. Il tend les bras vers moi et je le prends tandis que sa mère nous rejoint sur le lit. Elle remarque le cadeau tombé du lit.
- Hé David. Regarde on a oublié d’ouvrir ton cadeau, dit-elle en secouant le paquet devant ses yeux.
David tente de s’en accaparer mais elle le lui reprend pour l’ouvrir. Elle déchire le papier cadeau et découvre une boite emballée dans la boite.
- C’est quoi ce délire ? demande-t-elle en continuant d’ouvrir.
Plus elle déchire les paquets les uns à la suite des autres et plus la pression augmente dans mon corps. J’ai chaud tout d’un coup et j’ai la gorge sèche. David lui est heureux et pense que c’est un jeu.
- Bon j’arrête. Ce n’est même pas drôle ton truc, dit-elle dépitée.
- Ouvre. C’est pour ton fils. Je savais que ça allait lui plaire. Regarde comment il est heureux pour ses un an.
Elle soupire et continue. Jusqu’à ce qu’elle tombe sur un écrin. Alors elle se lève du lit, raide comme un balai et me regarde droit dans les yeux.
- Pierre…
Je fais descendre David du lit et prends l’écrin à mon tour. Je l’ouvre pour qu’elle puisse voir ce qu’il contient. J’espère que les lumières de la chambre seront flatteuses pour la pierre. Je n’ai pas prévu de discours. D’habitude les mots ne me manquent jamais mais là, il y a trop d’émotions dans mon cœur pour que je puisse aligner plus de trois mots compréhensibles. On n’est pas dans un film mais dans la vraie vie où les moments de bonheur sont rares parce qu’on est trop occupé à courrière derrière des choses qui au final ne nous servent à rien. On court derrière tout : l’argent, le succès, les femmes. Puis on se prend un uppercut de la vie et tout d’un coup on voit plus clair malgré l’œil au beurre noir. On comprend ce qui est important et on veut à tout prix le protéger, le garder pour soi parce que lorsqu’on regarde autour de soi, il n’y a que du malheur.
J’ai fait du mal à Manuella et elle m’a pardonné. Je me suis haï pour ça à un point où j’avais du mal à me regarder dans la glace le matin. Mais ça m’a rendu heureux qu’elle voie en moi plus qu’un mec beau gosse, un peu grande gueule, fêtard, coureur de jupon et riche. Je suis plus que ça. Plus que la colère que je ressens toujours au fond de mon cœur et dont je ne sais quoi faire. Parce que tout ce qu’il reste de moi quand on enlève ces qualités c’est un petit garçon qui a une revanche à prendre sur la vie. Et la revanche, il veut la prendre avec elle. Et son fils.
- Euh Manu, j’attends toujours ta réponse.
(pour celles qui n’ont pas compris, car il y en a toujours qui rate un peu le truc. On est revenu en arrière)