Chapitre 3

Write by EdnaYamba

Chapitre 3

 

Antoine BOUMI

-         Ya Antoine ! me crie Julie ma petite sœur. maman a dit de venir prendre la purée.

Je me lève péniblement du lit. Je n’ai pas particulièrement faim mais si je ne veux pas répondre au questionnaire Georgette BOUMI, je ferais mieux de me pointer dans la cuisine et récupérer mon bol de purée. Sinon elle jouera aux investigatrices pour savoir pourquoi je n’ai pas faim.

La raison est simple, je rumine ma bêtise.  Je ne sais pas pourquoi j’ai laissé éclater ma frustration sur Isabelle il y a trois jours,  maintenant je regrette. Le lendemain après ma bourde j’ai essayé d’aller l’attendre à notre lieu habituel de rendez-vous mais elle n’est pas venue. Je pensais qu’elle était encore en colère mais depuis je fais des tours inutiles. J’attends elle ne vient pas. Comment pourrais-je m’excuser si elle ne vient pas ?

Je ne peux pas aller chez eux sans craindre que sa grand-mère nous voit et ne la blâme ou pire l’interdise de me voir.

Quel idiot j’ai été. Je m’avance près de la cuisine et quelle surprise m’attend ? Mélanie est là. Assise à côté de ma mère avec qui elle discute tous sourires.

-         Bonjour, me dit ma mère affectueusement.

-         Bonjour maman, dis-je en venant l’embrasser avant de me tourner vers Mélanie le regard interrogateur. Bonjour Mélanie.

-         Bonjour Antoine, me sourit-elle. Bien réveillé ?

-         Bien merci. Que fais-tu ici ?

De si bonne heure surtout, ai-je envie d’ajouter.

-         J’étais venue aider maman Georgette ce matin et apprendre à préparer le paquet de concombre, on dit qu’il n’y a pas deux cuisinières comme elle de ce plat ! alors je veux utiliser mes vacances à m’instruire.

-         C’est bien ma fille. C’est ça une femme ! approuve ma mère, contente.

Je doute que ce soit la véritable raison. Je prends mon bol et vais m’asseoir à l’extérieur.

Il faut que je trouve un moyen de parler à Isabelle, de m’excuser surtout que nous devons jouer la finale demain, je n’aurais pas toute ma tête si avant je n’ai pas pu régler cette affaire. Je la supplierais s’il le faut de me pardonner.

Le bruit des klaxons attire mon attention. J’entends les enfants crier.

«  La caravane est arrivée. La caravane est arrivée »

C’est la caravane médicale. Voilà qui va aider ceux qui sont malades ici et qui ne peuvent pas aller à BONGOLO ou ailleurs. Elle passe chaque année à la même période.

Isabelle MOUKAMA

-         Déjà nous n’avons presque plus d’argent et voilà que tu brûles encore le peu de nourriture qui nous reste, me gronde ma grand-mère.

C’est la 3e marmite que je brûle tellement je suis distraite, ailleurs.

-         Tu finiras par bruler la maison à cette allure, ajoute-t-elle, laisse-moi m’en charger ! dit-elle en m’éloignant du feu, d’ici là que toi-même aussi tu ne sois calcinée.

Je m’éloigne sans riposter et vais m’asseoir près de la porte. Le regard perdu dans le vide, je savais que tomber amoureuse d’un garçon du village ne serait pas une bonne idée. Mais Antoine s’était montré si gentil et prévenant avec moi, c’était la première fois que quelqu’un dans ce village le fasse. Il m’avait aidée à porter mes seaux jusqu’à l’entrée de chez nous. Et pendant tout le trajet, il m’avait fait la conversation. J’étais suspicieuse au début, je ne comprenais pas cette gentillesse soudaine, si les filles du village prenaient un malin plaisir à me narguer, les garçons eux m’ignoraient comme si je n’existais pas. Alors que lui BOUMI devienne soudainement gentil m’intriguait.

Le destin nous avait encore réuni deux rencontres plus tard au même endroit, c’est ainsi que nous étions devenus amis et enfin amoureux. J’aurais dû arrêter tout ça dès le début.

Mais pour la première fois quelqu’un me regardait avec ses yeux là…

Pour la première fois, quelqu’un m’appréciait pour ce que je suis moi et non pas pour ceux que mes parents ont été.

Je n’ai pas pu contrôler l’élan de mes sentiments à son égard.

Au fond je savais bien que cette histoire ne pourrait pas aller loin mais j’ai laissé l’amour m’aveuglée en croyant que nous pourrons avoir une chance…

Soupir.

Qu’il me dise qu’il est fatigué de se cacher, je le comprends même si ça fait mal.

Mais je l’aime. Je l’aime tellement.

Soupir.

Ma grand-mère me guette du coin de l’œil, mais ne me dit rien.

-         Mamie, mamie, crie Mireille qui vient en courant, la caravane médicale est là !

La caravane médicale. Dieu merci ! Mamie pourra recevoir les soins dont elle a besoin et les médicaments surtout vu que nos frères qui sont allés  travailler en ville n’ont pas encore envoyé d’argent. J’espère que ça se passe bien pour eux là-bas. Je sais que quand la situation sera stable pour eux, ils viendront nous chercher. Pour l’instant ce qu’ils gagnent ils le divisent entre leurs besoins à eux et nos besoins à nous ici. Ce n’est pas évident.

Au moins avec la caravane tout est gratuit. La consultation, les médicaments. Même si elle ne passe qu’une fois par année au moins mamie sera soulagée un temps.

-         Ils sont là pour combien de temps ? demandé-je

-         Je n’ai pas pris toutes les informations. Attends, je retourne !

-         Ok vas-y ! mais reviens vite et si on te provoque de grâce laisse-tomber ne réponds pas ! ne dure pas hein !!!

-         Ne t’inquiète pas ! me dit-elle en retournant.

-         Comme ça au moins on va te donner quelque chose pour soulager ton rhumatisme mamie !

-         Ah ma fille, les douleurs de la vieillesse ne finissent jamais oh !

-         Arrête d’être pessimiste mamie !

-         Ah pessimiste c’est quoi même d’ailleurs, pardon je dis juste qu’il faut vous attendre à ce que je quitte ce monde…je suis vieille c’est normal, ma seule crainte c’est ce que vous allez devenir ?

Je n’aime pas quand elle parle de mort. Je sais qu’elle est vieille déjà, mais je ne peux pas imaginer la perdre déjà, je n’y suis pas préparée. C’est la seule famille qu’on a. Dieu peut bien encore la garder jusqu’à 100 ans et plus pourquoi pas. De toutes les façons on verra ce que les médecins vont dire.

Les minutes s’enchainent. Mireille ne revient pas. Comme elle et les habitants de ce village c’est le feu et le bois, à la moindre provocation, ils s’embrasent. Je crains qu’elle n’ait rencontré encore des difficultés là-bas et c’est le même sentiment que mamie aussi a, vu qu’elle me demande d’aller chercher ma sœur.

Au fur et à mesure que je m’avance, je suis alertée par un attroupement de personnes riant et incitant à la bagarre.

Mireille.

Je presse le pas et effectivement c’est ma petite sœur qui se défend comme elle peut. Je me fraye un chemin tant bien que mal dans la foule pour la retirer de là.

Je me demande pourquoi autant de méchanceté à notre encontre.

J’arrive à dégager Mireille de ses assaillants mais sans que je ne fasse attention, un gamin me donne un coup dans le pied, j’arrive à l’attraper et lui donne une gifle.

Il se met à crier. Je tire ma petite sœur pour que nous partons de là. Quand en furie, arrivent MIPORA et ses amies.

Cette fille aime les bagarres tout le monde la connait dans le village, dans chaque bagarre, chaque dispute son nom est toujours cité. Elle se tourne vers le garnement.

-         C’est comment pierrot ?

-         Elle m’a giflé yaya, lui dit-il

Alors c’est son petit—frère donc. Je vois déjà les problèmes venir de loin, mais je n’ai pas peur d’elle. Elle ne m’effraie pas le moins du monde. Elle se retourne vers moi, les yeux éjectant la haine. Quelle est vilaine cette fille !

-         Tu peux m’expliquer pourquoi tu as giflé mon petit-frère ? me demande-t-elle.

-         C’est ton petit frère qui a commencé, répond Mireille,

-         Oh toi je ne parle pas avec toi idiote, dit-elle à Mireille, je parle à ta grande sœur.

-         Ecoute, lui dis-je, ton petit frère m’a donnée un coup de pied je l’ai giflé c’est tout !

-         Pourquoi ? pourquoi ? dit-elle avançant menaçante. On t’a dit que tu pouvais toucher mon petit-frère !

-         On a dit à ton petit-frère qu’il pouvait lui et ses amis embêter ma sœur ? répliqué-je, en la regardant droit dans les yeux. Mireille partons !

-         Tu ne vas nulle part, me dit-elle, pas avant qu’il ne t’ait rendu la gifle que tu lui as mises !

Elle est folle, ma parole.

-         Pierrot, vas-y !

Le gamin s’avance, gagné en confiance par la présence de sa sœur.

Alors que Mireille veut réagir, je l’attrape et quand il s’approche pour tenter quoi que ce soit, je le gifle à nouveau. Qu’est-ce qu’ils croient tous ! Qu’être orphelines leur donne le droit de nous malmener.

Il se remet à crier. Et la MIPORA s’avance en colère jusque devant moi , bombant le torse alors que la foule l’encourage. Je sais que tous là, n’attendent qu’elle me mette au sol. Mais je n’ai pas peur d’elle.

-         Tu te prends pour qui Isabelle ? me dit-elle en poussant

-         Tu as un problème avec moi MIPORA ? lui demandé-je encore calme

-         Oui, j’ai un problème avec toi. Aujourd’hui là tu vas me sentir

(oui frappe là MIPORA , lui crie-t-on)

Ils n’attendent que ça, qu’on se batte. Et je sais que je ne peux compter sur aucun pour venir à mon aide, Mipora s’avance et saute sur moi. je riposte à mon tour. Il n’est pas question que je me laisse faire. Ils en font un peu trop dans ce village. Nous en roulons au sol et quand elle réussit à me renverser sur elle, ses copines accourent pour me maintenir sous elle, alors qu’elle me donne des coups. Mireille veut intervenir mais elle est rattrapée par Pierrot et ses amis.

-         Arrêtez ça tout de suite ! ton une voix masculine et influente.

Les 3 filles se retirent. Je vois un jeune homme que je ne connais pas m’aider à me relever.

-         Non mais vous vous croyez où ? 3 personnes sur une seule ! c’est déloyal et c’est méchant !

-         Ah , c’est elle qui a commencé ! lance MIPORA. Et puis vous êtes qui même d’ailleurs ?

Elle le toise.

-         Je suis le Docteur MADOUNGOU ! venez mademoiselle, on va vous examinez pour voir si vous n’avez rien !

-         Non, ça va , dis-je

-         J’insiste ! et vous aussi ?  ajoute-t-il à l’endroit de Mireille.

-         Vous ferez mieux de vous éloigner d’elles, Docteur, elles sont maudites !

-         Et vous stupides ! leur dit-il. Ça va vous pouvez marcher ?

-         Oui !

-         Allons-y !

Le gentil docteur nous emmène avec lui, là où se trouve leur caravane. Il n’a pas plus de 30 ans, il est assez jeune, bel homme et gentil, il confie Mireille à un de ses collègues et m’entraine avec lui dans une pièce aménagée de divers produits hospitaliers. Il regarde mon visage, et mes bras égratignés.

-         On va soigner ça ! me dit-il. Pourquoi vous battiez vous avec ses filles ? me demande-t-il alors qu’il place son tabouret en face de moi et met de l’alcool sur un coton.

-         Je venais tout simplement défendre ma sœur après, bref, soupiré-je lasse, c’est une longue histoire. Laissez tomber docteur !

-         Je suppose que vous en avez l’habitude alors ?

-         Vous supposez bien ! lui dis-je, aie !

-         Désolé, j’ai oublié de vous dire que ça allait piquer un peu Mademoiselle…. ?

-         Isabelle !

-         Isabelle, c’est un joli prénom !

 

Antoine BOUMI

Je regarde le jeune homme qui sourit à Isabelle, en l’accompagnant, elle et sa petite sœur. Est-ce lui, le médecin qui a pris la défense d’Isabelle ?

J’étais avec Ghislain quand les échos de la bagarre nous sont parvenus, j’ai réussi à dribbler Ghislain quand j’ai appris qu’Isabelle avait été secourue et amenée à la caravane par un médecin. Mais quand on a dit médecin, je ne m’attendais pas à ce qu’il soit si jeune. Un peu plus âgé que nous c’est vrai mais jeune tout de même. Je pensais à un homme mur aux cheveux grisants, qui aurait pu être son père. Et là, je sens la jalousie pointée son nez quand je le vois discuter avec elle. Moi qui étais venu là, dans l’intention de l’intercepter pour lui parler un peu savoir si elle va bien.

-         Je vais devoir vous laisser là, vous etes sures que ça peut aller vous pouvez rentrer seule ? lui demande-t-il

-         Oui, merci beaucoup !

-         Au revoir Isabelle, quand vous voudrez, passez avec votre grand-mère vous serez la priorité ! au revoir Mireille.

Il prend congé en les laissant alors que je les suis. Je suis passé aussi rapidement que j’ai pu à côté profitant à lui glisser  en murmures:

-         Je suis désolé. Stp viens ce soir !

Et je suis passé aussi rapidement que j’ai pu sans que Mireille ne se rende compte. Il ne me reste plus qu’à espérer qu’elle vienne.

                   
L'orpheline