Chapitre 3

Write by leilaji

La belle et la bête


Episode 3


(ce serait trop long de mettre les conversations en anglais puis les traduction juste à côté donc considérez que toutes les conversations sont en anglais sauf quand je précise que c’est du français)


Pour faire face à presque 20 heures de vol et d’escale, je me suis plongée dans l’un des dramas que j’ai le plus aimé ces dernières années. J’en connais quasiment tous les dialogues par cœur tellement je l’ai vu et revu: Something in the rain. L’histoire d’amour entre une femme et l’ami de son petit frère. C’était à la fois poignant et attendrissant. Tout ce que j’aime dans les histoires d’amour. Mais j’ai eu du mal à me concentrer sur le dernier épisode parce que l’avion était en plein atterrissage et qu’un gros appareil qui se pose sur un territoire inconnu, c’est quand même terrifiant. Ce n’est pas comme si je n’avais jamais pris l’avion de ma vie. Dieu merci. Sinon j’aurai vraiment eu l’air d’une plouc sortie de son trou lorsque mes doigts se sont crispés sur la ceinture. 


Je suis allée à Port-Gentil plusieurs fois en avion. Donc je n’ai pas paniqué lors du décollage ou lorsque les acouphènes liés au changement de pression dans l’avion m’ont torturée les tympans. Mais sortir du pays, et même plus, du continent, ça je ne l’avais encore jamais fait. Je ne sais pas pourquoi tout d’un coup je me souviens des articles lus sur l’immigration clandestine. Qui si ce n’est par désespoir irait dans un pays dont il ne parle même pas la langue sans un centime en poche. Qui ? Pas moi en tout cas.  Si je suis un peu rassérénée, c’est parce que je sais que j’ai de l’argent sur mon compte. Des économies de toute une vie. Je pourrai rentrer chez moi avant de mourir de faim chez autrui.  


Pendant le vol, les hôtesses nous ont soumis un formulaire de déclaration du contenu de nos bagages à remettre aux officiers de douanes une fois hors de l’avion. J’ai dû pouffer de rire en écrivant banane plantain, mèche kanekalon, cube maggi poulet, piment. Le douanier il va bien galérer pour se retrouver. Heureusement que le formulaire était bilingue parce que je ne sais pas comment j’aurai fait pour répondre à un formulaire en coréen. Le plus drôle a été le questionnaire de quarantaine que l’on fait remplir à tous les passagers ayant vécu dans une zone touchée par le choléra, la fièvre jaune ou la peste. J’ai été la première à qui ils se sont empressés de donner ce foutu formulaire. Tout ça ne présage rien de bon. 

 

L’aéroport International d’Incheon est aussi immense que plusieurs stades de foot de Libreville et c’est peu de le dire. Malheureusement pour moi je suis la seule noire du vol, sinon je me serais collée à n’importe quel autre africain. Les gens qui ont l’habitude de voyager m’ont toujours dit que même si on s’entretue sur le continent, à l’étranger, nous sommes tous des frères. 


Au Centre d’Entrée et Sortie du territoire situé près de la quatrième zone des départs, nous subissons un contrôle biométrique de visage et d’empreinte. Alors que je n’ai absolument rien à me reprocher, je me mets à transpirer des paumes comme si mon nom fait partie de la plus secrète liste de terroristes affiliés à AlKahida.  Dès ma sortie du terminal, je me sens comme engloutie par l’atmosphère. C’est difficile à expliquer avec des mots cette sensation d’angoisse mêlée d’espoir qui me taraude. Tout le monde semble savoir où aller sauf moi. Même si sur mon visage on peut lire l’angoisse d’être dans un lieu où on ne maitrise rien, personne ne se sent assez concerné pour me demander si j’ai un problème. Chez moi, les gens s’entraident. Ici, je ne sais pas. Je me sens mais vraiment perdue.


J’ai un plan de l’aéroport et un guide. Je sais qu’il y a une ligne ferroviaire qui peut me mener en une heure au centre de Séoul. Mais je dois attendre qu’on vienne me chercher. Je prends un peu d’argent, des wons, grâce à ma carte visa. L’appareil me crache deux billets jaunes où transparait le portrait d’une femme et quatre billets verts. Je les fourre dans ma poche. Je sais que l’avocat a dit que quelqu’un m’attendra à l’aéroport mais, il y a des dizaines de personnes postées derrière la barrière de sécurité avec une pancarte et ce n’est pas comme si je pouvais reconnaitre quelqu’un. 


J’ai un peu mal à la hanche. Pour la simple et bonne raison que j’ai planqué dans mon slip mon passeport. Parce qu’au cas où tout ceci n’est pas une bonne blague d’Eyram, au cas où tout ceci pourrait mal se terminer pour moi, il ne faudrait pas non plus leur facilité la tâche en leur donnant mon passeport. En le cachant j’ai encore une fois regardé mon visa. Fond bleu pâles bordures rouge et bleu marine, alphabet coréen traduit. J’espère bien que la prochaine fois que j’obtiendrai ce visa ce sera pour faire du tourisme et non pas pour répondre à une convocation imaginaire de ma meilleure amie. 

J’ai sommeil. J’ai passé toute la nuit précédent mon départ à me faire de grosse vanille avec de la mèche. Et les heures de vol commence à se faire ressentir. Pour me donner de la force je m’imagine avec Eyram dans un de ces nombreux parcs  thème en train de manger de la barbe à papa. Ça sera fun. 


S’il y a bien une chose que je comprends maintenant que je suis ici c’est que tout le monde ne parle pas anglais. Si les pays africains ont été colonisés et ont pour la plupart abandonné l’idée d’une langue nationale pour adopter le français ou l’anglais, ce n’est pas le cas ici. Je suppose que ce sont les hommes d’affaires des dramas qui parlent anglais. A chaque fois que j’ai demandé des informations, la plupart du temps les gens ont secoué la tête pour s’éloigner légèrement de moi. Au bout de vingt minutes, il n’y a plus personne. Je commence à me demander si je ne viens pas de faire le truc le plus stupide de ma vie. 


Un jeune homme court vers la zone où je suis restée assise après avoir récupéré mes bagages. Il agite une pancarte sur laquelle est écrit : DI Boti-André. Il pense que mon nom c’est Di ? Je sais que les noms coréens sont souvent composés de deux parties, un nom de famille d’une syllabe et un prénom en deux syllabes. Mais il n’était pas obligé de m’appliquer leurs règles. Son anglais est hésitant mais suffisant pour qu’on se comprenne. Heureusement qu’il est là, je ne sais pas si je m’en serais sortie s’il avait fallu que prenne le bus, le train ou même un taxi. 


Je suis de plus en plus convaincu que tout ceci est un coup d’Eyram pour que je découvre la Corée. Peut-être a –t-elle sentie qu’il était temps pour moi de sortir de ma bulle et a organisé tout ça en conséquent.   


A bord du véhicule, une fois qu’on est à Séoul, je peux observer avec plus d’attention, les lieux que nous traversons. Je ne peux être qu’époustouflée par l’impression de propreté qui se dégage de tout le trajet. Les gratte-ciels qui défilent sous mes yeux sont impressionnants. En quelle saison somme-nous ici ? Je ne sais pas trop. Peut-être l’autonome parce qu’il y a des feuilles de chênes qui virevoltent un peu partout en tombant des arbres. 


Le chauffeur me lance de temps à autre de petits regards curieux alors je lui souris pour le détendre. J‘espère qu’on va retrouver Eyram au plus vite car je meurs littéralement de faim et mes yeux sont prêts à se fermer tout seul. Mais comment a-t-elle fait pour organiser tout ça ? Je sais que son père est riche. Du genre très riche. Ce ne sont pas tous les africains qui envoient leur fille étudier aux Etats-Unis avec un appartement qu’elle occupe toute seule au centre-ville à Nez York. Je ne parle pas d’un bled paumé mais de Nez York. De ce que j’ai compris, son père s’est enrichi grâce au pétrole et lui passe tous ses caprices à partir du moment où ses résultats sont bons. Mais depuis l’année passée ses relations avec lui se sont un peu tendues car il veut briguer la course à la présidence et souhaiterait par conséquent que sa fille ne fasse pas de vague.  


L’arrêt brutal de la voiture me tire de mes pensées. 


- Sommes-nous arrivés ? je demande en anglais.


Il doit y avoir méprise. Nous sommes devant un bâtiment formel devant lequel on peut lire Gangnam Police Station. C’est un bloc de béton assez sinistre qui n’a absolument rien à voir avec un hôtel. Gangnam… ça me rappelle la chanson de chanteur Psy qui a fait le tour du monde. Ok, je suis au centre-ville là c’est sur maintenant. J’ai déjà entendu parler de Gangnam dans les dramas et je sais que c’est l’arrondissement le plus riche de Séoul. Mon cœur palpite. Elle ne pousserait pas la blague jusque me rencontrer dans une station de police, si ?


Le chauffeur descend du véhicule et je fais de même. 


- Je vais vous accompagner. 

- D’accord merci. 


Je m’accroche à mon sac et inspire un bon coup avant de le suivre d’un pas déterminé. Il parle un instant  avec la policière à l’accueil puis me demande de le suivre. Nous traversons plusieurs couloirs sans nous arrêter puis il m’installe dans une salle et j’attends. Je regarde autour de moi. Tout est métallique et la table est fixée au sol. On dirait une salle d’interrogatoire. J’ai la chair de poule au fur et à mesure que je prends conscience que ceci n’est peut-être pas une bonne blague. Quelques minutes plus tard, deux hommes accompagnent Eyram qui a une sale mine. Le premier, plutôt court sur pattes et à la mine patibulaire, est habillé sobrement : chemise à carreau et  blue jean. Le second ressemble plus à un avocat. Aucun ne me sourit. Eyram se précipite dans mes bras et je la serre très fort. Je ne m’étais pas rendue compte à quel point elle était grande de taille. C’est la première fois qu’on se voit en vraie alors toute la scène me semble un peu irréelle. Elle a des cernes sous les yeux et des traces de larmes séchées sur les joues.


- Putain je n’arrive pas à croire que tu sois venue pour de vrai. 

- Mais j’allais pas te laisser seule. Explique-moi ce qui se passe. Je pensais que c’était une blague que tu me faisais… et là… Eyram…  

- Moi-meme je n’y comprends rien Andrée. Je voulais te faire une surprise au départ et tu as gagné le concours… Mais au moment où je voulais t’appeler… tout est parti en vrille… et …


Le policier intervient en coréen d’une voix dure qui nous fait sursauter toutes les deux. La langue coréenne paraissait douce à mes oreilles quand c’étaient des beaux mecs qui la parlaient. Mais là, dans la réalité, ça ressemble plus à de l’allemand qu’a de l’italien pour moi. Je n’ai rien compris à ce qu’il a ordonné. 


- Mesdemoiselles asseyez-vous, traduit l’avocat. Je suis Maitre Hyun. Je vais servir d’interprète.

- C’est l’avocat de ceux qui sont en train de me faire vivre ce cauchemar donc méfie-toi. 

- Mademoiselle Eyram, vous avez sollicité mon aide et je vous l’ai apportée en faisant venir votre amie. J’aimerai beaucoup que vous ne soyez pas discourtoise à mon égard. 


Eyram roule des yeux. 


- Comment on fait pour te sortir de là ? 

- Tu as apporté ton ordinateur ? 

- Oui. Il est là avec moi. 

- Dieu merci. J’espère que tu y as tout tes fichiers. 

- Oui. 


Les épaules d’Eyram se relâchent enfin. Elle semble soulagée. Mais immédiatement après elle se met à pleurer à chaudes larmes.


- De toute manière c’est foutu pour moi. Mon avion décolle dans trois heures, je n’aurai jamais le temps d’être à l’aéroport. Papa va me tuer lorsqu’il va apprendre que je suis impliquée dans un scandale de plagiat… il m’avait déjà demandé de me concentrer sur mes études… Dans un jour il sera à la maison et moi, je n’y serai pas. Je suis morte Andrée.

- Non. Je suis là maintenant, ils vont te relâcher et moi je reviendrai demain tout expliquer.   

 

Je tourne la tête vers celui qui peut me comprendre. L’avocat. Nous parlons en anglais sous le regard suspicieux de l’enquêteur. 


- Relâchez là et laissez la rentrer chez elle. C’est mon texte. Elle n’a fait que le présenter au concours.

- Contrairement à ce que vous pensez, nous sommes du même coté. Notre société n’a aucun intérêt à ce qu’un nouveau scandale l’éclabousse. 

- D’accord. Qui dit être l’auteur ? 

- Un jeune homme prétend avoir posté ce texte sur son blog en 2017.

- J’ai écrit cette histoire en 2015. Si je vous le prouve, on s’en va maintenant pour qu’elle ne rate pas son vol et vous réglez le reste avec …    


Pourquoi négocier encore plus, je préfère me taire. Eyram doit s’en aller coute que coute. Je ne veux pas qu’elle ait des problèmes avec son père parce que j’ai passé les six derniers mois à brailler que j’étais malheureuse et qu’elle a voulu me venir en aide. J’ai trente-deux ans bordel, je ne peux pas continuer à être l’assistée de service dès qu’il ne s’agit de ma vie personnelle. Je suis déçue car tout ce que j’avais imaginé qu’on aurait l’occasion de faire ensemble s’envole devant mes yeux. L’avocat jette un coup d’œil à sa montre. 


- Mademoiselle Andrée, J’ai des impératifs. Conformément à l’article 401 du code commercial coréen qui prévoit que « l’administrateur ayant manqué avec intention ou faute grave à ses missions est solidairement responsable de la réparation des dommages causés à un tiers », nos adversaires essaient d’engager la responsabilité de Monsieur Park. Alors plus tôt vous me prouvez votre bonne foi, plus tôt je vous tire toutes les deux de là et …


Qu’est-ce que j‘en ai à foutre de Monsieur Park ? sur le chemin de l’aéroport ma patronne m’a finalement appelée pour me demander de reprendre mon poste. Et imbécile que je suis-je lui ai dit que ça n’était plus possible. Que j’avais beaucoup réfléchi et que je souhaitais faire autre chose sur le plan professionnel. 


- Je n’ai plus de job à cause de cette histoire à la con et vous pensez que je vais me soucier d’un monsieur Park que je n’ai jamais vu de ma vie?  


Eyram écarquille les yeux de stupeur. Moi non plus je ne sais pas d’où me vient soudain ce langage peut châtier ma belle. Eyram s’éclaircit la gorge. 


- Tu te souviens des conglomérats des dramas Andrée ? 

- Oui… Quoi les conglomérats ? je demande avec humeur les bras croisés et le regard furieux.


Elle soupire et se met à chuchoter. 


- Les familles puissantes qui possèdent des groupes d’entreprises qui exercent dans tous les secteurs d’activité. 

- Oui … et alors ? 

- Eh bien Park c’est comme Samsung ou LG, c’est un conglomérat. Le plus petit à vrai dire. Evidemment ils sont moins connus à l’international mais ici, personne ne les prend à la légère donc s’il te plait… Coopère et qu’on puisse dégager d’ici avec qu’ils ne soudoient les policiers pour nous faire disparaitre.

- J’ai entendu, intervient l’avocat un petit sourire terrifiant sur les lèvres.  


J’ouvre rapidement mon sac à main qui contient mon mini HP. J’ai un peu honte de l’ouvrir devant eux car le bouton de la touche « J » a sauté depuis belle lurette. 


- Je peux avoir le mot de passe d’Internet ? 


Maitre Hyun traduit ma demande et le policier me le note sur son calepin. Ils discutent brièvement. Je me connecte à mon compte Facebook et ouvre les publications de mon groupe. J’ai beaucoup de messages en attente de lecture. Je remonte dans des anciennes publications et lui montre la page. 


-   Vous voyez ? 2015. Et c’est le même texte que celui qu’elle a envoyé. 


Avec son téléphone, il prend une photo de mon écran et pianote un message. L’appareil sonne immédiatement après. Il décroche et s’éloigne de nous pour parler à voix basse. Mais la pièce n’est pas très grande alors tous nos regards sont braqués sur son dos. Après avoir raccroché, il demande au policier de ramener à Eyram toutes ses affaires. Nous sommes toutes les deux soulagées lorsque ce dernier se lève pour s’exécuter. Je me demande du policier ou de l’avocat qui mène l’enquête. Il faut peu de temps à l’officier pour revenir avec un sac à main de luxe qu’il dépose devant Eyram. 


- Mais qu’est-ce que je vais faire de mes affaires restées à l’hôtel ? 

- Ton vol. 

- C’est vrai mon vol. Si je pars maintenant je peux encore y être à temps. Papa ne saura jamais. Mais il y a toutes mes affaires, mes plus beaux sacs et même mes chaussures…


Sa voix monte dans les aigus. Je sens qu’elle est en panique. 


- Entre tes affaires et la colère de ton père… A ta place je n’hésiterai pas. 

- Tu as raison. Toi tu pourras toujours les récupérer. Je te laisse la carte de la chambre.  


Elle sort son téléphone portable de son sac et me le donne. 


- Comme ça je pourrai t’appeler. Je suis sure que tout va rentrer dans l’ordre maintenant. 

- Viens Eyram on n’y va, je t’accompagne à l’aéroport. 

- Non, intervient l’avocat en anglais. j’ai reçu des instructions fermes.  Elle peut s’en aller mais vous, vous restez ici jusqu’à ce qu’on détermine quoi faire. 


Quand il dit vous vous restez comme s’il s’agissait d’une condamnation à perpétuité, j’ai l’impression de sentir tout mon sang se retirer de mon visage. 


- Je n’ai pas l’intention de quitter la Corée. 

- Je ne peux pas non plus vous laisser aller à l’aéroport. 

- Mais pourquoi ? Elle n’a pas plagié, elle n’a pas non plus envoyé ce manuscrit c’est moi qui l’ait fait… Pourquoi elle devrait rester à la station de police ? Vous n’aurez qu’à récupérer tout ce que vous voudrez demain matin à l’hôtel.  

- Sur ordre de Monsieur Park. Si elle s’en va, vous restez. Si vous voulez partir, elle reste. C’est simple. Nous n’avons pas encore complètement démêlé cette histoire et il va y avoir des déclarations à faire, des documents à signer…

- Si elle reste alors je reste, s’exclame Eyram en se rasseyant. 

- Tu ne peux pas rester, ton père… 


Elle se relève aussitôt. Tout ceci aurait pu être amusant dans d’autres circonstances. 


- C’est bien beau tout ça mais décidez-vous. 

- C’est moi qui aie écrit ce texte donc c’est à moi de rendre des comptes. Faites la partir. 

- D’accord. 


L’avocat fait un signe au policier qui attrape Eyram par le bras pour l’obliger à se lever.  


- Attends Andrée… Tout ce que tu sais de la Corée tu l’as vu dans les dramas. Et c’est loin d’être la vie réelle. Ce n’est pas …

- Rentre Eyram. 


Une fois à New York, s’il le faut elle fera jouer les relations de son père. Mais il faut qu’elle  rentre pour cela.  J’ai confiance. Je sais qu’elle ne m’abandonnera pas. Alors que moi si je m »en vais et la laisse ici, je ne pourrai rien faire d’autre pour elle. Je n’ai aucune relation haut placé. C’est le meilleur calcul. Je pose mes coudes sur la table et cache mon visage dans mes paumes. 


Je suis fatiguée.

Je suis effrayée. 


- Est-ce que ça vous rassurerait si je la raccompagne moi-même à l’aéroport ? demande l’avocat d’un ton conciliant. 

- Oui, je réponds français sans réfléchir avant de redonner la même réponse en anglais.

- Andrée…insiste Eyram.


Je ne lève pas la tête quand le policier la traine dehors. 

De toute manière, tout va bientôt rentrer dans l’ordre, j’en suis sure. Mais je suis tellement fatiguée. 


Une heure plus tard, je ne suis toujours pas sortie de la salle d’interrogatoire. Mes yeux se ferment tout seul. Je finis par m’assoupir. 


Lorsque j’ouvre les yeux, un homme se tient debout face à moi. Mais je n’ai pas la force de me lever. Il pousse légèrement mon ordinateur et tape sur le clavier pour que l’écran s’allume. Puis il s’adresse à l’avocat d’un ton impérieux. Le policier qui tout à l’heure semblait à l’aise dans ses basket baisse le regard. Je me demande qui est cet homme. L’avocat revient vers moi et me demande de me lever pour qu’il puisse vérifier ce que vient de dire l’homme en noir. On est dans une salle éclairée au néon. Les lunettes de soleil c’était vraiment nécessaire ? Ça me rappelle presque l’autre pimbêche de Libreville.   Oh mon Dieu, je ne savais pas qu’un jour ma ville natale me manquerait. 


- Mademoiselle Andrée, pourquoi Facebook me dit que le nom de votre groupe n’existe pas ? 


De quoi il parle ? Je tourne l’ordinateur vers moi tandis qu’il s’éloigne en farfouillant ses cheveux pour contenir sa colère. J’ai beau taper le nom de mon groupe dans ma barre de recherche, rien n’apparait. C’est quoi ce délire ? Je ne comprends rien. Puis sans crier gare, mon ordinateur s’éteint tout seul. J’essaie de la rallumer mais rien n’y fait. Les mains tremblantes je m’empare du téléphone laissé par Eyram et ouvre l’application Facebook. Mais j’obtiens le même résultat. J’essaie de dire quelque chose mais aucun son n’arrive à franchir mes lèvres. 


Conversation en anglais


- Qu’est-ce qui se passe ici ? Tu avais dit avoir la preuve qu’elle avait écrit le texte.

- Je l’ai vu de mes yeux, elle me l’a montré avant que je n’accompagne la première suspecte à l’aéroport. Il doit y avoir une panne…

- Une panne ? Et seulement sur son compte c’est ça ? Elle t’a entubé et tu l’as cru ? 

- Je ne crois pas qu’elle…

- Après combien de tentatives as-tu réussi l’examen pour devenir avocat déjà ? 

- Park Seung Kwon!


Il ne semble pas s’entendre ces deux-là. Pourtant l’un est censé être l’avocat de l’entreprise de l’autre non. 


- Ne prononce pas mon nom à moins que tu ne souhaites te faire virer pour de bon. 

- C’est vous qui avez demandé à ce qu’on me garde ici comme si j’étais une criminelle ?


Le flic et l’avocat me lancent exactement le même regard, exactement au même moment. Leur regard me dit : tais-toi. Mais je suis à bout de patience. L’homme qui jusque à présent ne s’était pas vraiment soucié de ma présence se tourne vers moi. 


- Avez-vous la moindre idée de ce dans quoi vous êtes empêtrée ? De ce que vous allez me couter ? De ce que vous allez m’obliger à faire ? 


Il crie. 

Sur qui ? Sur moi ? 

J’ai fait quasiment 20 heures de vol et presqu’autant d’heures de stress. Il se ramène comme une fleur, ne se présente pas et se met à crier ? J’ai besoin de décharger ma frustration, pour toutes les fois où on m’a traitée comme une moins que rien parce que je me laissais faire… A Libreville je l’acceptais parce que j’avais un putain de boulot à garder… Mais ici à Séoul pourquoi est-ce que je me laisserais faire ? Alors je me mets à crier à mon tour. Mais en français parce qu’ainsi je suis sure que personne ne comprendra ce que je dis. 


- Etait-ce une raison pour me garder ici j’ai demandé ? C’est mon texte, mon texte ! Ce sont mes personnages, mes émotions, mes mots, mon histoire, tout est à moi. et vous, vous avez sélectionné ce texte. Ne devriez-vous pas être en train de me défendre contre celui qui veut me voler ce qui est à moi ? Vous pensez que parce que je ne suis pas coréenne je ne peux pas écrire sur l’amour en Corée ? 

- Mademoiselle Andrée… essaie d’intervenir l’Avocat, mais je lui coupe immédiatement la parole et continue en français.

- Cette grosse tête que vous avez ne vous sert pas à réfléchir ? Bordel de merde. On ne peut pas me punir pour quelque chose qui est à moi à moins d’être un sombre enfoiré !


Haletante, je m’arrête enfin. Mes jambes devenues tout d’un coup trop raides, ma respiration trop rapide… J’ai bien vu que j’allais m’écrouler sur ma chaise. Mais ce que je n’avais pas prévu, c’est que l’enfoiré en face de moi la bougerait d’un coup de pied, et que je me retrouverai les quatre fers en l’air. 


Les mains dans les poches il m’observe avec la plus grande attention.


La chute a été douloureuse. Et je crois que le fait de me retrouver par terre m’a fait reprendre mes esprits ? Où est passé Andrée… Andrée qui ne fait pas de vague et sait se tirer de tout pétrin avec de grand sourire et une politesse exagérée… Je ferme les yeux et essaie d’oublier tout ce que je viens de crier comme insulte. J’arrive à me calmer. Ce n’est pas comme s’ils avaient compris. Ils ont bien évidemment deviné que j’étais en colère mais qui ne le serait pas à ma place hein… J’inspire un bon coup, prête à m’excuser platement et à reprendre les explications lorsque le Park en question retire ses lunettes et darde sur moi un regard aussi sombre qu’un trou noir. 


- Le sombre enfoiré parle et comprend parfaitement le français et cela grâce à sa grosse tête… grince –t-il des dents e s’accroupissant pour être à ma hauteur. 


Bon ben je crois que je vais dormir au commissariat…


 

musique accompagnant l"episode:

https://m.youtube.com/watch?v=QR0g4yQXov0

La belle et la bête