chapitre 3

Write by leilaji

Chapitre 3


***Jenifer Elle Oyane***


Je suis complètement exténuée par ma journée de boulot où j’ai dû me déplacer pour rechercher des entreprises susceptibles de soutenir notre action en faveur des femmes… et je dois encore m’occuper des enfants alors que mes paupières s’alourdissent au fur et à mesure que les minutes s’écoulent.

C’est l’heure du diner et je n’ai même pas encore passé le léger coup de balai du soir qui me donne la sensation de dormir dans une maison bien tenue. J’ai rapidement fait des pâtes avec des saucisses et une sauce tomate au basilic car c’est quasiment tout ce qui reste de mangeable dans le congélateur. Il va falloir que j’aille des faire des courses demain mais je n’en ai ni le temps, ni la force. Si on pouvait ajouter des heures supplémentaires dans mes journées déjà bien remplies, ça m’arrangerait. 


Le petit monde attroupé autour de la table fait un bruit pas possible et je n’ai plus la force à cette heure-ci de crier pour ramener de l’ordre dans mes « troupes ». 


Cela fait quelques jours qu’Annie vit avec nous et pour le moment tout se passe bien sauf à  l’heure du coucher où elle réclame toujours son père à corps et à cris. 

Heureusement pour moi, ses cousins l’ont immédiatement adoptée surtout Oxya qui passe le plus clair de son temps à la pouponner. Elle est bien contente de ne plus être la seule fille de la maison. Quant aux garçons, ils essaient de ne pas trop l’ignorer et lui donnent leurs jeux quand elle les réclame. A leurs âges, c’est tout ce qu’ils peuvent accepter de faire avec une petite fille. Les autres jeux sont bien trop turbulents pour l’y inclure surtout qu’Ekang fait tout pour ne pas la blesser.


- Mon papa vient me chercher aujourd’hui ? demande-t-elle de sa petite voix de dessin animé.

- Non ma puce, il est un peu malade en ce moment donc dès qu’il ira mieux, il viendra. 

- Alors il vient quand ? Mercredi ? Mardi ?


Je sais qu’elle cite les jours au hasard car on est déjà jeudi. 


- Non, pas mercredi, il t’appellera avant de venir comme ça tu sauras. 

- D’accord. 


Rassérénée par ma réponse, elle replonge de nouveau sa fourchette dans son plat et me sourit. Quand elle sourit comme ça, sa fossette de dessine et son sourire révèle ses jolies petites dents blanches et ça la rend toute mignonne.  Son front volontaire révèle déjà le petit caractère qu’elle a. A ses oreilles, aucune boucle d’oreille. C’est le genre d’artifices que les papas ne savent pas acheter. Il faudra que je pense à lui en trouver avant qu’elle ne reparte. 

Sur sa tête, trône un long foulard blanc qui fait office de « cheveux ».  Elle vérifie toutes les cinq minutes que le foulard est bien en place et il est quasiment impossible de le lui faire enlever quand elle est à la maison. J’ai bien été étonnée par sa réponse la première fois que je lui ai demandée pourquoi elle portait un aussi long foulard sur la tête. 


- Mais c’est pas un foulard, ce sont mes cheveux ! s’était-elle écriée comme si cela était évident même pour le plus imbécile des idiots. 


Je lui jette un nouveau regard en coin après m’être attablée avec tout le monde. De son maigre bras gauche, elle sert sur sa petite poitrine « bébé africa », un poupon noir qui, a une certaine distance peut être confondu à un vrai bébé tellement il a été bien réalisé. Bébé Africa c’est son fils et elle le promène dans toute la maison, dort avec lui, lui donne à manger et lui parle quand elle se croit toute seule. Tout ceci resterait dans le domaine de l’acceptable, si elle n’avait pas à ses pieds mes plus vertigineux talons aiguille avec lesquels elle marche avec la plus grande aisance. Elle s’ingénue à les piquer dans ma chambre dès que j’ai le dos tourné avec l’aide d’Oxya que l’expérience amuse énormément. 


Annie, Annie ! C’est une vraie petite peste mais tellement adorable. Je suis sure que je serai triste quand mon frère viendra la récupérer. 


- Finissez vos assiettes, un peu de télé puis tout le monde au lit. 

- Maman, il n’y a plus de yaourt ? demande Obiang en raclant le fond de son assiette consciencieusement. 

- S’il n’y a en a pas à table c’est que j’en ai pas acheté. 

- Depuis qu’on est ici, c’est toujours la même histoire. Tu n’as jamais d’argent pour acheter quoi que ce soit! marmonne Ekang l’ainé de mes deux garçons. 


Oxya lui donne un coup de pied sous la table mais il a déjà dit ce qu’il avait à dire. Celui-là, c’est le même caractère que son père : il aime bien faire entendre son opinion ! Je lui souris pour lui faire savoir que je ne suis pas fâchée, je comprends que le changement de style de vie n’est pas agréable pour eux.


- Ce n’est plus comme avant sans l’argent de papa alors désormais faudra t’y habituer mon petit. 

- Pfffff. Soupire Ekang avec dédain. 

- Y’a pas de glace ? redemande Obiang dépitée de ne pas avoir de dessert. 


Lui c’est mon petit gourmand de la maison. A lui tout seul, du haut de ses sept ans, il pourrait engloutir trois baguettes de pain si on ne l’en empêchait pas. 


Annie qui a bien envie de se mêler à la conversation fronce les sourcils et cherche quelque chose à dire :


- Junior a dit qu’il est le chevalier …donc je lui ai dit que je suis la princesse. 


Oxya me regarde puis se tourne vers la petite. 


- Ah bon ? Donc qui est le prince ?

- Beaubébé a dit qu’elle est le prince…

- Mais si c’est une fille, elle ne peut pas être un prince ! 


Annie réfléchit un instant. Elle a mangé tous  les morceaux de saucisses  de son assiette et il ne reste plus que les pâtes. 


- Mais je lui ai dit ça ! 

- Ah d’accord. Répond Oxya.

- Mais j’ai mis le boskeur aujourd’hui pour aller à l’école. 

- Le bosquoi ? je demande tout d’un coup larguée.

- Le boxeur… m’explique Oxya

- Et papa m’a dit que c’est les garçons qui mettent les boskeurs. Et aujourd’hui j’ai mis le boskeur donc les filles peuvent aussi être des princes. 


Hééééé. C’était quoi ça ? Une argumentation ? Hum ces enfants vont me faire mourir de rire. Je préfère me lever de table et les laisser continuer à discuter de boskeurs et de princes. 


Quelques instants après à l’heure du coucher. 


Mon ainée dort toute seule dans sa chambre tandis que les garçons partagent la deuxième chambre. Moi, j’ai fait une petite place à Annie dans la mienne pour ne pas qu’elle dorme seule. 


J’ai vraiment eu de la chance ! Quand j’y pense. Cette maison, je l’ai construite à l’aide d’un crédit Finatra (établissement de crédit). Elle n’est pas tout à fait terminée mais au moins nous avons un toit sur la tête. Les murs sont crépis et peints, les portes et l’électricité installées… ce sont les dernières petites finitions qui manquent. Mais la maison sera superbe une fois entièrement terminée. 


Qu’aurais-je fait si je n’avais pas eu ce terrain pour y bâtir une maison à la fin de mon mariage? J’aurai été obligée de louer… Hum pour une maison de trois chambres de cet acabit et dans ce quartier, il m’aurait fallut au moins 350 000 francs CFA mensuels et en sus subir les humeurs d’un bailleur! 

J’ai eu beaucoup de chance, même si je suis endettée pour les dix prochaines années, j’ai quelque chose à léguer à mes enfants. J’ai quelque chose que j’ai moi-même fait bâtir à leur donner. Je ne les laisserai pas à la rue. Ca vaut bien la peine de faire tous ces sacrifices et chaque mois de donner les tiers de mon salaire pour rembourser mon crédit. 

*

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Quelques instants plus tard…


J’aime ces moments où la maison est calme. Les enfants dorment et je peux enfin me consacrer un peu de temps à moi toute seule. Je me brosse les dents puis me démaquille avec de l’eau micellaire. Je regarde mon visage sans fard. Mon visage sans artifices. Je suis ce qu’on appelle une belle femme. Depuis l’adolescence, je le sais. Les hommes me l’ont assez dit pour que je n’en doute pas.  En regardant le coton salit par le maquillage, je me rends compte de tous les efforts que nous les femmes devons faire au quotidien pour être … nous même. Et ces efforts impliquent de cacher tellement de parties de nous pour les remplacer par ce que nous pensons être mieux !


Nous pouvons être fausses de la tête au pied ! 


Faux cheveux (avec les tissages), faux sourcils (avec le tatouage des sourcils), faux cils et faux ongles (qu’on colle tout simplement), faux teint (on se l’éclaircit ne manière artificielle), faux seins (avec des soutiens rembourrés), fausse taille (avec des talons aiguilles) … Tout peut-être faux sur nous parce que nous les femmes, nous estimons ne pas être assez bien pour les hommes que nous rencontrons ou avec lesquels nous vivons. Nous estimons que notre beauté naturelle, celle que Dieu nous a donné n’est pas assez, il faut qu’on leur donne plus, toujours plus. En permanence nous cherchons à les satisfaire, à les attirer. 

Et eux que font-ils pour nous plaire ?  Ils vont chez le coiffeur et se rasent les cheveux et la barbe. Point final !


Je crois que le jeu entre les hommes et les femmes est faussé dès le départ. Quoique nous fassions la balle est toujours dans notre camps, c’est toujours à nous de faire des efforts… 


Je ne veux pas de ça pour ma fille Oxya ou pour la petite Annie… 

Je ne veux pas de ça pour la prochaine génération. 


Il commence à se faire vraiment tard, mes paupières sont lestées par le sommeil et la fatigue. Mais je n’ai pas encore fini. Pour me mettre de bonne humeur, je teste un nouveau rouge à lèvres que j’ai acheté tout dernièrement dans un moment de désespoir. Une fois appliqué, je regarde le résultat dans le miroir. 


Wow ! Avec un rouge pareil c’est presque comme si je disais sans le dire : i’m a bicth ! Je souris, il est magnifique et sexy à souhait mais ce n’est surement pas cette couleur que je vais porter pour aller au boulot et comme je ne sors presque plus … Je n’aurai peut-être jamais l’occasion de le mettre. 


C’est bien dommage !


Je n’aime pas laisser la maison sale alors j’enfile un short en jean que je n’ai pas mis depuis des lustres et qui me rappelle l’époque glorieuse où je pouvais être sexy. J’accompagne le short d’une brassière sans bretelles. Je soulève le balai au passage et commence un ménage nocturne. 


Au moment où je me demande où se trouve mon téléphone, il se met à sonner dans la chambre. Je m’y rends rapidement afin que la petite que j’ai eue du mal à endormir ne soit pas réveillée par la sonnerie. 

Quand j’entre, contrairement à ce que je pensais Annie ne dort pas. Elle pleure tout doucement et chuchote des mots à son bébé qu’elle a recouvert d’une serviette. 


- Je veux mon papa bébé africa… sanglote-t-elle. 


Je m’approche d’un pas feutré pour ne pas lui faire peur. 


- Annie ma chérie …


Elle cesse de parler et se retourne vers moi :


- Où est mon papa ? je veux mon papa. Je veux papa. 

- Ton papa n’est pas là. Demain on va l’appeler d’accord. 


Elle secoue la tête en signe de contestation tandis que de grosses larmes roulent sur ses joues. Je la prends enfin dans mes bras lorsque je me rends compte qu’elle est brulante. 


Merde !


Je la découvre un peu pour qu’elle n’ait pas trop chaud puisqu’elle est emmitouflée dans mes couvertures. Ma robe de nuit traine sur sa tête. 


- Laisse mes cheveux. Dit-elle malgré ses larmes.


Je les lui laisse. Je cours chercher dans le frigidaire de l’efferalgan pour faire baisser la fièvre. Je ne sais pas quel est son poids. Je fouille dans ses affaires à la recherche de son carnet et de son thermomètre. 


J’ai élevé trois enfants et habituellement ce n’est pas le genre de situation qui me fait trembler. Mais c’est Annie. Le trésor d’Etienne. Seigneur aide-moi.  


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Nous nous rendons à la clinique ADAN conseillée par le pédiatre de mes enfants qui ne peut nous recevoir vu l’heure tardive à laquelle nous avons besoin de consulter. 

Je me gare à l’entrée de la clinique qui se trouve à Glass et descends récupérer Annie à l’arrière. Elle se cramponne de plus bel à bébé africa.  


Annie dans mes bras, j’entre dans la clinique où le froid da la salle climatisée m’enveloppe immédiatement. Une femme en blouse blanche m’accueille à la réception, je m’avance vers elle. 


- Elle a de la fièvre et c’est le docteur Sabykal qui m’a conseillée de venir ici. 

- Malheureusement le docteur ADAN a fini ses consultations depuis une bonne heure et il s’apprête à partir, il est en train de fermer son bureau. 

- Faites quelque chose je vous en prie, il est très tard et je ne trouverai personne d’autre à une pareille heure. 

- Je ne peux rien faire pour vous. 


Je ne sais pas pourquoi je sens un peu d’animosité dans sa voix. Comme si elle me reprochait quelque chose. On ne se connait pourtant pas… C’est quoi son problème ? 


Si elle pense que je vais gentiment m’en aller alors qu’Annie est toujours brulante dans mes bras, elle rêve en couleur. Qu’elle continue à me regarder ainsi et je vais bientôt sortir mon gros fang !


- Madame, je ne peux vraiment rien pour vous…

- Si le médecin est encore là, c’est son devoir de me recevoir surtout que la petite fait de la fièvre. Franchement, il se fait tard, ça lui prendra juste dix minutes de me recevoir. Je ne partirai pas sans avoir vu le médecin…


Cette fois-ci elle ne cache même plus son ressentiment à mon égard. Heuuuu, est-ce que le regard tue ? Continue ma fille, moi je dois voir le docteur ! me dis-je intérieurement.


Le téléphone sonne et elle décroche.  


- Oui docteur ! Non docteur… j’ai fini …. Oui il y a une dame avec une petite fille, elle vient juste d’arriver… D’accord docteur. Dit-elle avant de raccrocher toute mécontente. 

  

Je souris intérieurement ! Merci cher docteur que je ne connais pas encore mais qui accepte tout de même de me recevoir. 


- La consultation est à 20 000 francs. Etes-vous assurée ? Avez-vous la CNAMGS (couverture sociale assurée par l’Etat)?


Je fais asseoir Annie sur une des chaises d’accueil et reviens vers la réceptionniste, pour poser sur le comptoir carnet et billets violets (les billets de 10 000 francs sont violets). Elle remplie à la machine un formulaire puis l’imprime. Ensuite elle appelle au téléphone une infirmière qui apparait quelques minutes plus tard. 


- Bonsoir mon bébé, dit-elle en s’accroupissant auprès d’Annie qui n’a pas soufflé mot depuis que nous sommes ici. Vous avez son thermomètre ? 

- Oui. Dis-je en le lui tendant. 

- On va prendre sa température et son poids avant que le docteur Adan ne la consulte. 


Je la suis docilement, Annie sur ma hanche. Elle a toujours un peu de température malgré l’efferalgan qui aurait dû commencer à faire effet. J’espère que ce n’est pas un palu. 

Nous entrons dans une pièce où trône un bureau d’un bleu vif … On se sent tout de suite chez le pédiatre car les murs sont tapissés de représentation de dessins animés populaires. Annie regarde la salle émerveillée de reconnaitre sa princesse favorite : Ariel la petite sirène. 

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Dix minutes plus tard…


Annie est maintenant de mauvaise humeur et refuse de laisser l’infirmière prendre son poids. A chaque fois que cette dernière essaie de la poser sur la balance, elle se met à hurler comme si elle avait le diable à ses trousses.  Je me rapproche d’elle tout doucement pour la prendre dans mes bras et la rassurer mais rien n’y fait, elle ne veut rien entendre. 


- On va attendre le docteur Adan. C’est mieux, ne la forcez pas. Finit par capituler l’infirmière. 


Je soupire et la reprends dans mes bras pour la cajoler. Dès qu’elle est plus calme, je fouille dans mon sac à la recherche d’un paquet de chewing-gum pour me détendre en attendant le médecin. Après cinq minutes d’attente, je me rends compte que j’ai envie d’aller aux toilettes. Je lance un coup d’œil gêné à l’infirmière puis me décide, je ne peux plus me retenir :


- Où sont les toilettes s’il vous plait ? 

- Vous ressortez, puis vous prenez la gauche. C’est la dernière porte au fond du couloir. 

- Pourriez-vous la garder pendant que j’y vais ? 

- Pas de problème. Dit-elle en souriant à Annie qui serre un peu plus fort bébé africa contre elle. 


Je la remercie et me presse aux toilettes. J’inspecte rapidement les lieux d’un coup d’œil expert. Ouf tout est propre et sent même la javel. Je me soulage puis me lave les mains au bidet et cherche de quoi me les essuyer en repensant à cette soirée de dingue. Malheureusement, il n’y a presque plus de papier alors je laisse le peu qui reste pour le prochain visiteur. Je passe mes mains sur mon short avant de me rendre compte que je ne me suis pas changée avant d’emmener Annie à la clinique. 


Merde ! 


Je porte encore l’espèce de micro short avec lequel j’aime faire le ménage et une  brassière qui me moule comme une seconde peau. Je comprends enfin pourquoi l’infirmière postée à l’accueil me regardait avec autant d’hostilité. Elle a dû se demander quel genre de mère s’habille ainsi quand sa fille est malade. Par ailleurs, mon visage porte encore l’expérience make-up de tout à l’heure donc mes lèvres sont parées d’un rouge à lèvres de couleur cerise. Et vu comment je l’ai mis, il est assez vif pour faire allumeuse! J’ai l’air … d’une bimbo affublée ainsi. 


Tout ça m’amuse. Il n’y a qu’à moi que ce genre de choses arrive. Il faudra que j’appelle Leila pour lui raconter mes déboires. Je constate avec agacement  que n’ai pas sur moi de quoi me démaquiller ou me rhabiller. Tant pis. Je relève mes cheveux et les attache avec un élastique qui trainait dans ma poche pour me donner un air un peu plus sophistiqué. Une fois satisfaite du résultat, je sors des toilettes, la tête légèrement baissée.  Je n’ai même pas le temps de faire deux pas que je me heurte à une barrière de muscles. En me reculant, je sens une main effleurer mon sein gauche et franchement ça me met de mauvaise humeur jusqu’à ce que je lève les yeux vers l’auteur de ce geste licencieux. 


Le regard terriblement acéré qui me fixe me coupe l’envie de me plaindre. Putain comment peut-on être aussi imposant et réussir à exsuder autant de charme et de magnétisme en même temps? L’homme en face de moi doit bien faire plus d’1m80. Il est immense. Habituellement, il m’en faut beaucoup pour me couper la chique mais là, je suis restée sans voix. Et lui, immobile me regarde sans même battre un seul instant des cils. Des cils étonnamment longs qui confèrent de la douceur à son regard. J’ai envie de dire quelque chose mais rien ne me vient à l’esprit. Alors sans que je ne puisse les contrôler et comme s’ils étaient habités de leur propre volonté, mes yeux se sont mis à courir sur le magnifique corps en face de moi, moulé dans un tee-shirt gris délavé et un Blue jean usé. Ses bras et avant-bras sont couverts de tatouages mais sa barbe est taillée avec grand soin. J’aime quand un mec est propre sur lui-même si les tatouages ce n’est pas vraiment ce que je préfère sur une peau. Mais sur lui, ça fait tout simplement « sexy bad boy ». Je m’évente mentalement, je n’ai plus l’âge de tomber en pamoison devant un beau mec. 


- C’est bon ? Vous vous êtes bien rincé l’œil ? demande-t-il avec un sourire narquois qui étire ses lèvres bien dessinées. 


Le son grave de sa voix déclenche des frissons dans une partie de mon anatomie réservée aux films pour adultes. Une partie qui a désespérément besoin d’attention on dirait pour réagir ainsi au quart de tour. 


- Vous m’avez bien touché les seins aussi alors j’estime qu’on est quitte ! je rétorque en croisant les bras sur ma poitrine. 


L’inconnu semble tout d’abord amusé puis déçu par ma réponse, comme s’il s’attendait à ce que je lui dise autre chose. Son regard est insistant et enveloppant. 


Il a quelque chose d’incongru sur lui mais je ne sais pas trop quoi. C’est bien la première fois que mes hormones prennent le contrôle total de mon corps au détriment de mon cerveau plus qu’outré par cette attaque par derrière. Je remarque enfin le balai et la pelle qu’il tient entre ses mains. Ces deux objets font tellement tache que j’ai presque envie de les lui retirer pour mieux l’admirer. Il a de très belles mains pour un homme. 


Seigneur je continue de le mater alors qu’il vient à peine de me faire une remarque désobligeante ! 


- Je ne vous ai pas touché les seins, si je les avais touché on ne serait plus là tous les deux. dit-il d’un ton qui me fait chavirer alors que j’ai envie de lui foutre une claque pour autant de condescendance. Je les ai effleurés par inadvertance. Continue-t-il sans paraître le moins du monde gêné par ce qu’il vient de dire. C’est largement … différent. 


Non mais quelle arrogance ! Est-ce que je suis en train d’avoir cette conversation avec un inconnu à la peau semée de tatouages et un air de portier de boite de nuit branchée?


Je m’en vais et le bouscule au passage pour bien lui montrer à quel point il ne m’intéresse pas du tout. Beau comme il est, même s’il s’occupe du ménage ici, il doit avoir des tonnes de filles qui lui courent après. Je ne veux pas m’engager dans des histoires tordues. Ca ne m’intéresse plus d’être un nom sur des listes longues comme le bras. La parenthèse « regard chargé de messages sensuels » était très intéressante à vivre mais il est temps de la fermer. Je retourne à la vraie vie. 


Je regagne le bureau du médecin avec autant de panache que je peux. Je me rends enfin compte qu’avec mon accoutrement, il a dû me prendre pour le genre de fille qui répond facilement à des avances aussi peu discrètes. 


*

*

*

Dans le bureau…


Annie s’est calmée car elle est concentrée à dessiner je ne sais quoi sur une feuille de papier sortie de nulle part. J’ai eu le temps de donner des informations complémentaires à l’infirmière pour l’ouverture d’un dossier. Après avoir consciencieusement  rempli les formulaires, elle nous laisse seules dans le bureau du médecin. 

Ca fait bien quinze bonnes minutes qu’on l’attend celui là. Je sais bien que c’est un service qu’il nous rend en nous recevant si tard mais quand même ! Ca commence sérieusement à m’énerver… Heureusement qu’Annie ne fait quasiment plus de fièvres. Au moment où je me décide à retourner à l’accueil demander des comptes, la porte s’ouvre enfin sur le mec de tout à l’heure. 


Il me suit ma parole ! Comme il est de la clinique, j’en profite pour lui demander s’il ne sait pas où est passé le pédiatre. 


- Il arrive. Répond-il puis il adresse à Annie un large sourire qui éclaire tout son visage. 


Waouh. C’est tout ce que j’ai à dire. 

Ce mec est putain de beau ! Je ne sais même pas si ça se dit. A vrai dire j’en ferai bien mon quatre heure !!!! Hum. 

Il se baisse pour ramasser les morceaux d’un vase brisé et met le tout de côté avant de se mettre à fouiller dans les placards de rangement à sa droite. Quoi c’est quand moi j’attends le pédiatre pour la consultation d’Annie qu’il va se mettre à faire le ménage ? 


Finalement, il tire une blouse accrochée à un cintre et la porte. 

Ne me dites pas que c’est lui le pédiatre !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!


- Alors Annie tu as fini ? 


Cette dernière se lève de sa chaise et va vers lui sans même me jeter un regard. Quoi, elle aussi, il l’a ensorcelée ? Elle lui donne son dessin et il l’observe avec beaucoup d’attention. 


- C’est vraiment joli, tu sais. Et où veux-tu me le mettre ce tatouage ? 


Tatou nzian (tatou quoi) ?


- Ici. Dit-elle en touchant son poignet libre de toute incrustation épidermique. 

- Ok, je prendrai rendez-vous avec ta maman pour que tu le fasses, d’accord. 


Annie réfléchit un instant puis se tourne vers moi en attente d’une réponse que je n’ai aucune envie de donner. Je ne sais pas pourquoi mais le fait qu’elle n’ait pas relevé que je ne suis pas sa mère m’a fait chaud au cœur. Je lui ai fait signe de revenir vers moi pour que je puisse la prendre dans mes bras. 


Je n’ose lever le regard vers lui après notre rencontre de tout à l’heure et les insinuations échangées. 


- Bon va t’asseoir avec ta mère, je vais lui expliquer ce que tu as.


Annie revient vers moi et je la prends sur mes cuisses. Elle se penche sur le côté pour récupérer bébé africa abandonné sur le siège qu’elle occupait.  


- Quand vous étiez aux toilettes j’ai eu le temps de l’ausculter. Ce n’est rien de grave. Juste la varicelle. Vous verrez un des premiers boutons sur son dos. Je vous fais une ordonnance et surtout il ne faut pas qu’elle se gratte quand ça va commencer à démanger. 


Il me parle sans quitter Annie des yeux. Je lève le tee-shirt qu’elle porte et vois en effet un petit bouton. Je n’ai plus qu’une seule envie, rentrer chez moi avec Annie. De sa main gauche, il rédige rapidement une ordonnance qu’il me tend après l’avoir cachetée. Nos regards ne se sont toujours pas croisés mais à l’instant où nos doigts se frôlent lorsque je récupère l’ordonnance, un violent frisson me traverse. 


Il faut que je file d’ici. 


- Ma chérie…


Cette voix et cette expression dite par lui est tout ce qu’il y a de plus doux à attendre. Mais je délire complètement ou quoi !? Je lève enfin les yeux vers lui croyant qu’il s’adresse à moi mais il regarde Annie. 


- … prends soin de toi ok et n’oublie pas mon tatouage pour notre prochaine rencontre. 

- Ouiiii, répond Annie. 


Une seconde plus tard, je sors en flèche. 


***Adrien Latif Adanlosessi Adiahénot ***


Elle s’est quasiment enfuie avec sa fille sous les bras. 


Jenifer Elle Oyane ! Cette femme est la pire chose qui me soit arrivée mais je ne sais pas pourquoi … je continue … 


Adrien laisse tomber, je me dis intérieurement, ça ne vaut pas la peine de remuer le passé. 

Combien de temps qu’on ne s’est pas vu ? Des années… Et elle n’a pas tellement changé depuis notre adolescence. Elle a toujours son corps de rêve et son visage aux traits de poupée. Pourquoi maintenant ? Pourquoi maintenant que j’ai un tant soit peu réussi à mettre de l’ordre dans ma vie ? 


Jenifer Elle Oyane ! Insolente comme pas deux quand on s’est connu! La voir dans cet espèce de mini short avec ce rouge à lèvres insensé sur ses lèvres pulpeuses m’a donné envie de me jeter sur elle. J’ai dû faire un effort surhumain pour ne pas la repousser contre un mur et la prendre sur le champ. 


Je suis con, vraiment con. Elle a bousillé ma vie. Elle ne mérite rien venant de moi … 


Et elle ne m’a même pas reconnu, alors que moi j’ai été pétrifié de la voir apparaitre ainsi après autant d’années d’absence dans ma vie. 


Elle ne m’a pas reconnu, moi qui lui ai donnée son premier baiser… 


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