Chapitre 32
Write by Max Axel Bounda
Chapitre 33
Deux
jours plus tard, la journée avait été passablement lourde au cabinet, avec
beaucoup de visites et plusieurs rendez-vous. À dix-sept heures, Jessica était encore
au bureau. Elle était pourtant censée avoir terminé son service depuis bientôt
deux heures.Pourtant, elle se rendait dans le bureau de son patron.
— Bonsoir,
Monsieur, vous avez une minute ?
J’aimerais vous parler de mon affaire.
— Laquelle ?
— Celle
des étudiantes de l’UPG. J’ai eu plusieurs entretiens avec elles. Elles sont prêtes
à témoigner.
— C’est
très bien ça.
— Non,
monsieur, ce sera bien quand nous aurons transmis le dossier au procureur. J’ai
préparé tous les documents nécessaires à la saisine, lui dit-elle en le posant
sur le bureau. J’aimerais que vous y jetiez un coup d’œil quand vous aurez le
temps.Maitre Okoumba s’y pencha et y jeta un instant. Il y avait des copies du
carnet de comptes, des clichés des vidéos contenus dans la clef de Rhianne et
un bref compte rendu de l’entretien qu’elle avait eu avec Lema et les autres
filles.
— Je
vois que vous êtes impatiente, et j’aime votre fougue, lui lança son directeur.
Notre système éducatif est à refaire. Savez-vous que j’ai étudié à l’UPG ?
—
Sérieusement ?
Je croyais que vous avez fait tout votre cursus à Dakar.
—
Pas tout à fait, je suis bel et bien passé par la case UPG. À l’époque, des
rumeurs circulaient déjà sur ce genre de pratiques, mais ce n’était que des
bruits de couloirs. Personne n’osait jamais en parler.Il n’y avait jamais eu de
preuves pour accuser un prof. Et après, même avec des preuves, quiconque aurait
essayé de s’en prendre à un enseignant, se serait vite retrouvé dans un
bourbier et risquait de se mettre à dos toute l’université. À cette époque
j’entretenais une relation avec une charmante jeune femme, elle s’appelle
Mélodie, une Togolaise qui étudiait à l’université avec nous.Son père ayant été
affecté à Libreville.
Un
soir, Mélodie est arrivée en pleurs chez moi. Je ne l’avais jamais vue dans un
état pareil. Elle m’expliqua qu’un prof voulait coucher avec elle, et qu’elle
ne voulait pas. Elle avait repoussé ses avances plusieurs fois, mais sans
succès. Elle ne savait plus quoi faire. À ce moment-là, elle souhaitait même
avoir le sida pour le lui refiler. C’est ainsi que nous est venue l’idée qui a
éloigné tous les profs d’elle. Et même tous les garçons d’ailleurs.
— Ah
oui ?
Qu’avez-vous fait ?
— J’avais
un ami qui travaillait comme stagiaire dans un laboratoire médical au
centre-ville. On lui a demandé de nous produire un faux test de VIH positif au
nom de Malko, c’était son surnom. Elle a ensuite donné rendez-vous au
professeur dans une chambre et lui a dit qu’elle était séropositive, mais
qu’elle était quand même disposée à s’allonger si telle était sa volonté, dit
Maitre Okoumba en riant. L’homme fut tellement terrorisé qu’il se rhabilla le
plus vite possible avant de prendre ses jambes à son cou.
— Bien
fait pour lui, éclata Jessica de rire.
— Mais
le revers de la médaille fut que le lendemain tous les profs étaient au courant
ainsi qu’une partie de la classe. C’était le prix à payer.
— Dommage
que Rhianne n’ait pas eu cette chance.
— Nous
nous sommes séparés quelques mois plus tard, en quittant l’UPG pour me rendre à
Dakar. Je n’avais pas pu supporter l’ambiance de cette école infernale. Les
fascicules, le biseautage, les grèves et autres conneries m’auraient tué si
j’étais resté et j’ai bien fait de partir.
— À
voir ce que vous êtes devenu, je crois que oui.
— Le
comble dans tout ça, c’est qu’en arrivant à Dakar, je me suis retrouvé dans un
environnement complètement opposé au nôtre. J’étais à des années-lumière de
l’UPG et ses réalités. L’école n’est sans doute pas facile, mais le minimum est
de donner aux étudiants la chance de s’en sortir et non pas d’y rester
éternellement.
— Ou
de finir enceinte, séropositive, assassinée et jeté comme un vulgaire chiffon
dans un bâtiment délabré.
— Asseyez-vous,
je vous prie, Mademoiselle Nyingone. Jessica tira un fauteuil et s’assit. Je
sais que si vous vous lancez dans cette aventure, rien ne pourra plus vous
arrêter. Vous êtes une battante, une guerrière et je l’ai décelé dès votre
premier entretien. Cependant, vous devez mesurer la portée d’une telle saisine
quand on s’y engagera, on ne pourra plus faire demi-tour.
— J’en
suis conscient maitre.
— Que
ce soit pour nous ou pour ces filles que l’on va défendre. Cette affaire
pourrait s’avérer la plus difficile que nous n’ayons jamais portée devant les
tribunaux. Quand on attaque une institution aussi enracinée que l’UPG, il faut
s’attendre à des représailles en commençant par des échecs scolaires ou des
menaces de la part des politiques.
—
Je comprends Monsieur.
—
Alors, avant de faire ce que nous nous apprêtons à faire, assurez-vous que
toutes les victimes n’aient plus aucun lien avec l’UPG, au pire qu’elles aient
obtenu leur diplôme ou qu’elles soient prêtes à en partir. Car c’est une chose
de les aider, mais à quoi bon, si c’est pour qu’elles en restent prisonnières
ou sans diplôme.
Jessica
comprenaitbien cet avertissement. D’ailleurs, c’était la condition pour que la
saisine soit déposée. Ainsi elle avait attendu que les soutenances soient
terminée à l’UPG avant de la présenter à son patron
— Je
comprends tout à fait maitre, et c’est ce qui a été fait. Les huit filles
signataires de cette plainte ont toutes obtenues leur maitrise.
— Je
vois. Vous avez pensé à tout. Je crois que nous aurons bientôt la plus grosse
affaire de notre histoire entre les mains. KNA contre l’UPG.Laissez-moi juste
étudier le dossier en profondeur, et j’appellerai le procureur.
— J’aimerais
aller le lui remettre en main propre, Maitre.
—
Vous le ferez !
—
Merci monsieur. A demain.
— A
demain, mademoiselle Nyingone.
Jessica
prit congé de son patron en ayant le cœur léger. Elle y était presque. C’était
une affaire de jours, voire de quelques semaines. Elle s’empressa, au sortir du
bâtiment dans lequel elle travaillait, de composer le numéro de Lema. La jeune
directrice adjointe de Red Butterfly décrocha.
— Allo ?!
— Bonsoir,
Lema. Je sors du cabinet.