chapitre 35

Write by leilaji

Chapitre 35


***Elle***

- Tu ne sais même pas à quoi je pense, je lui dis en cachant illusoirement mon ventre pour éviter une scène.

Je n’aime pas me disputer avec Adrien parce qu’il tolère beaucoup de choses jusqu’à ce qu’il dise stop et quand il dit non, c’est un « non » non négociable. J’ai beau faire des pieds et des mains, il ne revient jamais sur sa décision. Adrien me laisse toujours faire ce que je veux mais quand il utilise un ton impératif, le mieux c’est de ne pas l’énerver. Il peut devenir très blessant quand il ne veut pas qu’on lui impose quelque chose. Et en ce moment, je ne veux être blessée par personne, surtout pas par lui.

-         Je te vois en train de te caresser le ventre. Tu crois que je suis idiot ? Tu veux un enfant… Et toi, ta vie tu y penses ? Ton corps est assez abimé comme ça non ?
-       Je …
-       Ou tu essaies de me piéger avec un enfant ? Parce que c’est comme ça que je le ressens aussi. Ca ne fait même pas deux ans qu’on est ensemble. On ne peut pas profiter d’abord un peu de notre bonheur ? Il nous a couté tellement ! Et il y a déjà des enfants entre nous !

Je cherche rapidement de quoi m’habiller pour cacher mon corps qu’il détaille avec un regard étrange : un peu comme si pour la première fois de sa vie il le voyait vraiment, en remarquait les moindres défauts.

-          Tu me reproches la présence de MES enfants !
-          Non, ce n’est pas ce que j’ai dit. Tu as déjà des enfants et … bref. Où est l’urgence Elle ?
-          Profiter du bonheur c’est justement ce que j’essaie de faire. Ne plus perdre du temps et imaginer que je suis immortelle. On se connaît depuis tellement longtemps, on a assez profité de nous deux. Pourquoi tu réagis comme ça ?
-           A chaque fois que tu rencontres une de mes ex ou une amie proche, tu pètes un câble. T’as peur, tu es sur le qui vive comme si j’allais te laisser et m’en aller! Je ne suis pas comme ton mari et il va falloir que tu l’intègres. Ne me pousse pas à bout Elle, je te préviens.
-          Et tu ne risques pas de l’être dans le futur vu que tu es allergique au mariage, je marmonne d’une voix acerbe.

Il arrête de se déshabiller et entre dans la salle de bain. Il avance tout doucement, le visage fermé. Je sens qu’il contient sa colère, je le sens, je le sais. Il s’approche encore jusqu’à ce que son parfum m’effleure les narines. Je me recule et dévie mon regard. Je n’arrive plus à soutenir le sien.

-          Je n’ai pas besoin de prouver que je t’aime en te mettant une bague au doigt Elle, articule t-il tout doucement pour que je m’imprègne bien du sens de la phrase. Je prouve que je t’aime en prenant soin de toi, c’est  le plus important à mes yeux. Le mariage n’est qu’un simple contrat. Tu es juriste et bien placée pour le savoir.
-          Ce n’est pas qu’un simple contrat… c’est aussi un engagement moral, spirituel! C’est bien plus que tu ne crois.
-          Ouais c’est ça. Engagement moral que tu as rompu avec Gaspard.

Cette fois –ci c’est moi qui me fige. Cette conversation nous mène sur un terrain très glissant. Je savais qu’un jour ou l’autre il me le reprocherait. Je savais que lui, qui n’a jamais rompu d’engagement officiel me dirait : comment te faire confiance, toi qui as déjà failli et trompé ton mari ? Mais je ne pensais pas qu’il me le dirait maintenant que je suis au plus mal.

Je me sens tellement fragile, tellement à nu. Je n’arrive pas à lui expliquer cette envie que j’ai d’aimer, de donner la vie, de prouver à mon corps qu’il n’est pas qu’un linceul  et qu’il peut redevenir le corps d’une mère. Un corps qui protège et nourrit et non pas un corps qui tue.

-          Tu me parles comme ça parce que je suis divorcée ?
-          Bien sûr que non.
-          Si, ne le nie pas Adrien.
-          J’ai dit : bien sur que non !

Voilà que commence à se creuser nos différences. Après tout ce qu’on a vécu ? Maintenant ! Comment lui expliquer tout ce qui me traverse, tout ce que je ressens ? C’est Adrien qui est doué avec les mots pas moi. Moi je l’aime, je sais qu’il m’aime aussi et je voudrais juste qu’on s’engage l’un envers l’autre c’est tout. Est-ce un crime ?
Moi j’ai déjà fait l’expérience du mariage et je suis en âge de vouloir rester une femme mariée avec tout le respect que ça apporte. C’est cela aussi notre culture. Dois-je être fière de me balader à bientôt trente six ans, célibataire ? Quand ma mère me demande de ses nouvelles, elle dit : comment va ton mari et non pas comment va ton petit copain parce que c’est dans l’ordre des choses. Il faut bien se l’avouer, nous les femmes nous jugeons entre nous lorsque nous nous revoyons après tant d’années. Ce sont toujours les mêmes questions qui se posent : es-tu mariée ? As-tu des enfants ? ce n’est que bien après que nous pensons à demander : tu travailles où ?
Je ne supporte pas en tant que  mère de famille d’être présentée comme sa « copine ». J’ai toujours eu le statut de femme mariée. Cela a sa symbolique et il ne le comprend pas.

J’ai le droit de savoir si je perds mon temps à attendre.

-          Tu ne comptes pas te marier un jour ?
-          Pour quoi faire ? J’ai vu des gens s’aimer et être heureux mais je n’ai jamais vu de mariage heureux Elle.
-          Que tu n’en aies jamais vu ne veux pas dire qu’il n’en existe pas.
-           Alors cite m’en un …

Je voulais lui citer mon amie Leila et son mari avant de me rendre compte que ce serait peut-être mentir car ils traversent aussi des difficultés. Mais est-ce que ça veut dire pour autant qu’ils ne sont pas heureux ?

-          Et avoir des enfants ?
-          Non.
-          Comment ça non ? Tu n’en as pas Adrien, pourquoi non ?
-          Pas maintenant en tout cas.

Un lourd silence s’abat sur nous. Ma douleur fait écho et s’amplifie à chaque seconde qui passe.
L’homme là… je ne le comprends pas. Il est tellement généreux avec les gens qui l’entourent alors pourquoi se prive-t-il du bonheur de fonder une famille.
Personne n’est parfais mais il est des attitudes difficiles à cautionner pour une femme telle que moi.

-          Pour ton cancer c’est toi qui décide. C’est ton corps, tu en fais ce que tu veux. J’aurais préféré une mastectomie pour écarter tout risque de rechute mais tu as choisi une tumorectomie. Tu avais parfaitement le droit de le faire sans forcément écouter mon avis après tout je ne suis pas un oncologue…
-          Rien ne prouve qu’une mastectomie écarte tout risque de manière définitive et tu le sais. J’ai le droit de ne pas vouloir mutiler mon corps. C’est mon corps et oui j’ai décidé pour moi, tu ne peux pas m’en vouloir pour ça.
-          Alors j’ai moi aussi le droit de décider quand avoir MON enfant, tu comprends ? Tu n’as pas intérêt à le faire dans mon dos, je te préviens.

Il est quasiment menaçant.
Je sors de la douche en le poussant au passage. J’en ai assez entendu.
Je n’arrive pas à croire qu’il me croit capable de lui tendre pareil piège. Un enfant dans le dos ! Moi Oyane, je ne mange pas de ce pain là.

Je rejoins mes enfants au salon et passe le reste de la soirée avec eux à regarder la reine des neiges, un film d’animation des studios Disney. Les grands aiment bien mais les derniers c’est à peine s’ils regardent. Ils se contentent d’ausculter bébé africa comme l’aurait fait Adrien pour jouer avec Annie. Obiang interprète le rôle du médecin et pour la circonstance s’est fait tatouer un dessin incompréhensible sur le bras par Annie. Cette dernière joue la maman de la patiente. Puis je la vois sortir un vieux porte monnaie que je n’utilise plus pour en sortir des cartes à gratter de crédit téléphonique qui font office de cartes de crédit. La scène est très amusante et ça me faisait plaisir de constater qu’ils forment tous à présent un groupe plus ou moins soudé et qu’Annie n’est plus mise à l’écart.
Dès que le générique commence à défiler sur l’écran, j’envoie tout le monde au lit et je reste seule au salon à laisser mon esprit vagabonder loin, très loin. Mes yeux se posent sur mon prix en pierre de mbigou et bois d’ébène et je ne sais pas pourquoi je pense à Denis et à sa situation alambiquée. Ce que je sais c’est que s’il se rend compte que Leila est malheureuse peut-être sera-t-il moins enclin à respecter les sentiments de son ami… J’ai peur de ce qui pourrait arriver entre ces trois là s’ils ne se reprennent pas tous autant qu’ils sont.

Penser à Denis me fait revoir tous les couacs qu’il y a eu avec Adrien depuis le début de notre relation. Le baiser, le collier, la soirée… plein de petits cailloux dans mes chaussures pour me faire trébucher et m’empêcher d’avancer pour le rejoindre. Pour un homme possessif, il m’a pardonnée beaucoup de choses je dois bien l’avouer.

En fait, j’ai de la chance. Hier encore j’ai dû me rendre à la cérémonie de retrait de deuil de la femme du petit frère de mon père décédé. Et j’ai eu un choc. Le veuf a loué une grande tente, des tables étaient dressées et le dressage digne d’un mariage de conte de fée. Trois différents verres, des fourchettes à ne plus savoir quoi en faire, de la nourriture d’un traiteur, des vins exceptionnels. Quand je pense que du vivant de sa femme, il lui menait la vie dure ! Parce que lasse de ses incartades, elle a commencé à refuser de se donner à lui. En réponse et pour bien lui montrer qui tenait les bourses de leur ménage, il lui a tout simplement coupé les vivres. Je ne me rappelle plus le nombre de fois qu’elle est venue chez moi avec une petite marmite pour me demander de la lui poser au feu parce qu’elle n’avait plus de gaz. Pourtant elle était très malade et il la laissait mourir de faim alors qu’elle prenait des médicaments. Elle est morte après avoir fait un AVC qui l’a plongé dans un coma dont elle ne s’est pas réveillée. J’avais mainte fois demandé à Janine de se trouver un travail mais il s’était toujours arrangé pour la faire virer après quelques jours. Très peu d’employeurs supportent une employée dont le mari vient faire des scandales à son bureau. Lorsqu’elle l’avait supplié de la laisser travailler : il lui avait proposé un contrat : qu’elle lui verse chaque fin du mois l’intégralité de son salaire. Il déciderait alors à quoi elle avait droit. De guerre lasse, elle avait abandonné l’idée de travailler et dépendait complètement de son conjoint et quand elle a eu besoin de lui, il n’a rien fait.

Elle est morte… emportée par la maladie et lui, il dresse un festin de roi comme s’il remerciait les cieux de l’en avoir débarrassé?! Où était-il quand elle avait besoin de lui ? Il l’affamait pour qu’elle accepte de nouveau de coucher avec lui. J’ai trouvé toute cette opulence tellement glauque que j’en ai eu la nausée. J’ai juste fait acte de présence et je suis rentrée chez moi retrouver les miens.

Je m’y suis prise maladroitement et maintenant Adrien est fâché. Je voulais juste … être une femme comme les autres, qui pense à fonder une famille avec l’homme qu’elle aime et ne plus être celle dont la vie ne tourne qu’autour de la survie face au cancer. Je prends mon téléphone et envoie un message à Adrien sur whatsapp. C’est une application qu’il a essayé de me faire adopter sans succès. Je suis un peu allergique aux nouvelles technologies.  Je ne m’y mets que pour ne pas être trop déphasée face aux avancées numériques.

«  Je suis désolée mon amour. C’est compris pas de bébé. C’est trop tôt»

Est-ce que je dois ajouter un smiley ou ça fait trop gamin ? Ah les histoires d’aujourd’hui ! Je ne sais pas comment ça se passe pour faire des excuses par messages. Comme aucune réponse ne s’affiche, je vais me servir un verre de lait à la cuisine, prends le temps de le vider puis reviens au salon. Aucun nouveau message sur l’écran.
Pendant près de cinq minutes, je fixe mon téléphone sans le quitter des yeux. Il ne répond pas.
Je ne suis pas orgueilleuse moi. J’aime mon homme et quand j’ai tort, je le reconnais. J’abandonne le téléphone au salon et éteins les lumières puis me rends dans notre chambre.

Il est couché, le dos face à la porte. Bon ben, on reprendra cette discussion demain alors. Je me rends à la salle de bain sans faire de bruit pour ne pas le réveiller. J’enlève ma perruque et prends une douche rapide. Quinze minutes plus tard, j’en ressors, m’essuie et me ceins d’un pagne un peu usé.
Devant le miroir, je constate que mes cheveux ont un repoussé. Quelques magnifiques centimètres : peut-être deux de plus.
J’ai maintenant un petit afro qui ne dit pas son nom et dont je prends le plus grand soin avec les moyens du bord. Je n’ai plus ni la force ni l’argent pour aller à l’institut. Comme j’ai décidé de ne plus les défriser, ça me facilite un peu la vie. Je me contente de mettre une perruque ou un tissage quand je veux changer de tête mais je refuse de mettre un produit chimique sur ma tête. Ces perruques qui me font ressembler à toutes les autres femmes me donnent l’impression de ne pas si être si différente que ça au final.
J’ai acheté différentes d’huiles nourrissantes (argan, coco, amande, olive etc) que je mélange moi-même pour les entretenir et c’est tout. Même sur ma peau. Plus de dove ou de nivea, juste de l’huile d’amande douce naturelle vendue un peu partout dans la capitale.
J’ai fait un retour aux sources et pour le moment, j’ai encore un peu de mal à me reconnaitre dans tous ces choix. Quand je me vois dans un miroir j’ai l’impression d’avoir fanée, de m’être un peu éteinte, d’avoir perdu de l’éclat en route. Et pour une femme qui a bâti une partie de sa personnalité sur sa beauté, c’est difficile à accepter.

Je suis une rose aux pétales fanés.

-          T’es belle, murmure-t-il Adrien derrière moi.

Je sursaute, surprise. Il s’est adossé au chambranle de la porte, les yeux posés sur moi. Donc il ne dormait pas ? J’espère ne pas l’avoir réveillé. Il ne semble plus en colère contre moi.

-          Merci.
-          Et je sais que tu m’aimes, dit-il en se rapprochant. Tu n’as pas besoin de me faire un enfant pour me le prouver au cas où c’est ce à quoi tu penses. Je sais que tu m’aimes et c’est ce qui fait qu’aujourd’hui toi et moi sommes là, tous les deux.
-          Non c’est grâce à toi, je conteste en me serrant contre lui.
-          Non Elle. C’est un ensemble de choses… chaque jour j’y repense encore et encore tu sais. Si tu n’avais pas tellement tenu à venir me chercher au CHU en pleine nuit alors que tu étais surement fatiguée, tu ne serais plus là. Tu ne t’en rends même pas compte. Tu t’es sauvée toute seule.
-          Je ne comprends pas ce que tu dis Adrien. C’est toi que je dois remercier. Et Dieu…
-          Si tu n’étais pas venue me chercher Elle, si tu n’avais pas eu envie d’être avec moi cette nuit là, tu serais morte et  peut-être même aurais-tu emporté avec toi ton frère et ta nièce. C’est au volant que tu te serais effondrée et à une pareille heure il n’y aurait eu personne pour te ranimer sur les routes désertes de Libreville si tu avais survécu à l’accident.

C’est parce que je l’aime que je suis encore là ? Je n’avais pas vu les choses sous cet angle.

- C’est comme si le destin lui-même c’était mis en place pour tout organiser avec une précision mécanique. Ton frère a déconné, Annie t’as appelé, tu les as secouru et quand le malheur est a voulu s’abattre sur toi, tu as été à ton tour secouru. C’est ainsi que ça s’est passé : dis merci à ton étoile et arrête de te sentir redevable envers moi. Tu m’aimes et c’est amplement suffisant pour moi pour le moment. Je veux que tu restes en vie, en bonne santé… Je refuse de perdre encore une fois quelqu’un que j’aime Elle. J’ai perdu ma sœur et c’était très dur. J’ai failli te perdre et c’était encore plus dur. Je ne veux plus de ça… je veux juste te rendre heureuse Elle.
-          Et moi je veux te rendre heureux aussi.
-          Je le suis déjà, dit-il en me caressant tout doucement les fesses.

Puis sans crier gare, il m’embrasse sauvagement, passionnément et le plaisir est tel que je m’agrippe à lui de toutes mes forces pour lui communiquer à mon tour ma joie d’être dans ses bras. Sa langue défie la mienne et ses dents me mordillent les lèvres après coup. Il me débarrasse du pagne que j’avais rapidement passé autour de ma poitrine pour lui cacher mon corps.

- T’es belle mon bébé…
- Je ne suis pas ton bébé, j’arrive à murmurer tout en lui mordant suavement le cou.

En réponse, il me sourit. Je connais ce sourire, c’est celui qui précède … les nuits chaudes.

- Si, t’es juste un petit bout de femme quand je te prends comme ça, dit-il en me soulevant dans ses bras. T’es aussi légère qu’une plume et … tellement fragile. Je me contrains à y aller doucement, pour ne pas te faire mal…
- Je ne suis pas fragile. Pas comme tu le dis en tout cas.
- Si Elle, t’es fragile. Comme toutes les femmes. Ce n’est pas du sexisme ou du machisme. C’est un simple constat.
- Si je suis si fragile, je lui demande en lui léchant les lèvres, comment se fait-il que j’arrive à te rendre si … faible ?

Sans lâcher prise, il nous conduit vers la chambre et me pose sur l’immense lit aux draps frais. Il défait le pagne d’un geste rapide. Adrien passe un doigt sur une ligne imaginaire qui va de derrière mon oreille au bout de mon sein gauche. Je le regarde faire… Il titille le sein dont le mamelon durcit immédiatement. Je me cambre lui offrant ainsi plus d’emprise sur mon corps. Il sourit une nouvelle fois mais de manière encore plus machiavélique. Ses lèvres refont le même parcours que son doigt. La sensation est exquise. Puis sur mon sein, je sens sa langue… indélicate… tellement curieuse.

Une langue joueuse et des mains … baladeuses qui m’aident à me cambrer encore plus. Puis ces mêmes mains délaissent mes fesses pour revenir vers le devant de mon corps. Et de manière provocante sa main gauche s’insinue en moi.

J’ouvre les yeux, rencontre son regard et ne le quitte plus… Ses yeux aux longs cils sont légèrement plissés et ses lèvres entrouvertes exhalent un doux parfum. J’ai envie de croquer dedans mais les frissons qui commencent à courir sur ma peau m’empêchent de bouger.

- T’es belle Elle. Tellement belle bébé.

Je voudrais plus mais Adrien veut jouer de mon corps. Je le laisse faire. Je le laisse délicieusement me torturer. D’une main, il continue son œuvre tandis que ses lèvres reprennent leur parcours sur mon corps qui commence à s’engourdir. Je suis tellement excitée que je tente de fermer les jambes pour faire redescendre la pression. Il m’en empêche.

- J’aime tes seins Elle et ton corps nu…

Ses lèvres passent et repassent sur chaque parcelle de ma peau, en électrifiant chaque centimètre. J’ai chaud et froid en même temps. Quelque chose monte en moi, comme une vague.

- J’aime ton ventre, tes hanches…

Sa main ne s’arrête pas. Je vais devenir folle si ca ne s’arrête pas maintenant. Non ! C’est s’il s’arrête que je vais devenir folle. Je ne sens plus mes jambes tandis que sa main s’agite. Je ferme les yeux en attente de la délivrance lorsqu’il s’arrête.

- Qu… Ad… Mais… je… Adrien !
- Quoi ?
- Tu ne peux pas me laisser comme ça…
- Ah bon ? Qui rend l’autre faible tu disais déjà? Demande t-il en m’immobilisant.

Foutu Salopard ! Je suis tellement énervée que je lui crèverai bien un œil là tout de suite pour m’en faire un pendentif.

- Adriennnnnn ! S’il te plait… je suis ton bébé non ? je minaude en caressant ses bras.

Il éclate de rire et me laisse baisser un tout petit peu son boxer.

- Dis : je suis belle.
- Quoi ?
- Dis-le !

Je soupire. C’est quoi encore ce délire. Moi je veux seulement ma part de ce qu’il sait !!!

- Bon si tu ne veux pas, je vais remettre tranquillement mon boxer et dormir. Demain, j’ai une longue journée…
- Je suis belle.

Il me regarde.
Et son regard me transperce comme un dard.

- T’es franchement pas très convaincante Elle. Fais sentir à ton homme que tu es belle.

J’ai pas envie. L’année passée encore je le lui aurai dit sans manière mais aujourd’hui.
J’ai pas envie. Après une chimio et ma beauté envolée.
Je n’ai pas envie de me mentir pour lui faire plaisir…
J’ai pas envie.

Je ne veux plus jouer. Qu’il aille au diable !

- Elle ?

Je ferme les yeux et pose mon bras sur mes yeux avant d’ouvrir les digues mentalement.
Pourquoi ne comprend-il pas ? Personne ne peut comprendre sans être passé par là. Personne ne peut comprendre les hauts et les bas. On se réveille en grande forme, heureux d’être en vie et la seconde d’après on pleure sur tout ce qu’on a perdu en chemin puis on se force à sourire pour ne pas être celle qui se plaint de s’en être sortie. Tous ces yoyos, ces montagnes russes déstabilisent autant que la maladie elle-même… C’est dur d’expliquer… Dure de se faire comprendre. A un moment donné on a peur d’ennuyer l’autre avec ses peurs, on a peur de l’agacer en se confiant. On se mortifie pour chaque remarque, on essaie de se débattre seule avec ses propres démons et ça rend les choses encore plus compliquées.

- Elle ? Bébé…

J’ai pas envie.

- Parle-moi.
- Je…

Je baisse le bras puis pose immédiatement les mains sur mes yeux pour vite les essuyer avant de lui parler.

- Je n’ai pas envie Adrien laisse tomber.
- Moi j’ai envie de t’entendre le dire…

Je regarde ailleurs. Il comprend ma réticence et soupire. Je le sens se lever et se rendre à la douche.

Laisser un problème me miner la vie n’a jamais été une solution pour moi. Je peux être effrayée complètement terrorisée… je vais me dégonfler cinq secondes puis affronter. C’est comme ça que je fonctionne. J ne peux laisser l’incompréhension s’installer entre nous. Il faut dialoguer. Je le rejoins à la douche.

- Je t’aime si fort si tu savais... Si tu pouvais être dans mon cœur. Ce que je ressens pour toi me rend si forte tout comme ce que je ressens pour mes enfants. Alors c’est un peu normal que j’y pense non ? Mais jamais ça n’a été pour te piéger ou quoi que ce soir du genre. Jamais.
-  Excuse-moi d’y avoir pensé... C est juste que ma mère a fait un enfant par calcul. Ca m’a beaucoup marqué, je n’ai pas été heureux enfant… sauf quand il fallait que j’aille à l’école te voir parce que même les études ont été un parcours du combattant pour moi avec ma dyslexie.  Et le fils qu’elle a eu ainsi que le mépris de mon père l’ont endurcie. Le résultat n’a pas été à la hauteur de ses espérances. Ce n’est pas parce que tu porteras mon enfant que je t’épouserai pour autant. Les femmes font toujours ce mauvais calcul.
- Je ne l ai pas fait. Rassure-toi.
- Ok.

Ah... Son fameux ok qui met fin à la discussion semble t-il. Je préfère qu’on en parle encore un peu. Pour détendre l’atmosphère car pour le moment il me regarde avec appréhension comme s’il avait peur de m’avoir blessée avec la vérité.

- Je suis heureuse que tu aies été franc avec moi... Que tu ne me promettes pas ce que tu ne feras jamais...
- Je te promets de te rendre heureuse comme je t’avais promis d essayer jusqu’a la fin de te protéger.

Je le serre très fort dans mes bras et l’embrasse tout doucement.

- J’ai failli rater le bonheur à cause de deux dents de travers et de binocles !

Quand il comprend là je veux en venir il éclate de rire. Et ce sourire qui illumine son visage le rend tellement beau.

- Gamin t’étais vraiment pas un cadeau hein.
- Toi non plus tu sais. Certes t’étais belle mais une vraie petite peste.
- La vie m’a corrigée ne t’en fais pas. J’ai compris qu’être intelligente, belle et mariée à un homme riche ne suffisait pas pour être heureuse.
- Moi par contre la vie m’a gâté avec toi.

Le regard d’un homme peut détruire ou construire une femme, à condition que cette dernière lui en donne le pouvoir. On dirait que j’ai donné à Adrien le pouvoir de me rebâtir complètement malgré toutes les épreuves. Je puise ma force en lui comme en mes enfants. Il m’aide à raviver la force en moi car le regard qu’Adrien pose sur moi depuis tant d’années déjà … me porte aux nues. Et cet excès dans ses yeux est un baume pour mon cœur.

- C’est vrai… T’as été très gâté Adrien. Aujourd’hui, une très belle femme va s’occuper de t’envoyer au septième ciel…

Je lui montre le préservatif que j’ai pris au passage, pour qu’il se rende bien compte que j’ai compris ce qu’il m’a dit et que je respecte son choix plus que le mien pour le moment.

- Wo ! Allez montre moi bébé comment t’es belle !

*
*
*

***Un peu plus tard en pleine nuit***

L’absence d’Adrien dans le lit me réveille. Lui qui dort toujours d’une traite après avoir fait l’amour ! C’est étonnant qu’il ne soit pas en train de ronfler à mes côtés. Je me lève et pars à sa recherche. Il n’est pas dans la chambre alors je vais voir au salon. A –t-il eu une urgence en pleine nuit ?

Je le retrouve assis devant un verre, rempli d’un liquide ambre. Un verre rempli d’alcool ? Apparemment oui, l’odeur du whisky flotte dans la pièce. Que se passe-t-il ? Est-ce que j’ai fait quelque chose de mal ? A-t-il eu une mauvaise nouvelle ? Pourquoi ne m’a-t-il pas réveillée ?

- Adrien ça va ?
- …
- Adrien réponds !

Je m’assois sur l’accoudoir du fauteuil.

- Je me suis réveillé en sursaut parce que quelque chose m’empêchait de dormir. Et je ne savais pas quoi… puis j’ai compris… dit-il d’une voix hachée.
- De quoi tu parles ?

Son visage se décompose et il tend la main vers son verre. Je le lui arrache. Adrien ne boit pas. Il se l’est promis depuis la mort de sa sœur. Et il tient toujours ses promesses. Que se passe-t-il ? Je prends son visage dans mes mains pour le calmer et sa peine est telle qu’il me la communique immédiatement. Les larmes me montent aux yeux alors que je ne sais même pas sur quoi je pleure.

Je sens que c’est grave.
Seigneur !

***Adrien***

Je ne peux pas.
Retraverser toutes ces étapes encore une fois ?
Il va bien falloir que je le lui dise de toute manière. Pourquoi est-ce toujours à moi de le lui dire ? L’ai-je bien senti ? Peut-être que je me trompe ? C’est de la paranoïa. Non, je le sais, le bout de mes doigts l’a senti. Et même si sur le coup je n’y ai pas vraiment prêté attention, je sens que c’est ça. C’est cela qui m’empêchait de dormir… mon cerveau me disait que quelque chose n’allait pas sur le corps d’Elle.

Je ne peux pas. Pas encore, pas si tôt. Alors qu’elle pense déjà au futur, à un enfant…
C’est trop dur là. Retraverser toutes ces étapes encore une fois ? Elle se remet à peine. La voir souffrir encore une fois… chimio, radio, opération…

C’est de la paranoïa Adrien. Non ! Je l’ai bien senti mais sur l’autre sein. Comment on-t-il pu manquer ça ?

*
*
*

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Je t'ai dans la peau