Chapitre 37 : En proie aux doutes
Write by Auby88
Margareth IDOSSOU
Assise à l'arrière du taxi qui me conduit à mon cabinet, je repense aux baisers de David. Je n'avais jamais pensé que cet garçon assez réservé puisse être autant passionné. Je passe mes doigts sur mes lèvres et ferme les yeux pour me remémorer chaque instant avec lui. Je l'aime. Oui je l'aime et je n'ai aucun doute là-dessus.
Certes, je me suis déjà laissée embrasser à nouveau par le père de ma fille, mais cela n'est rien comparé à ce que j'ai ressenti avec David. Tout à l'heure, tout mon être avait tressailli de bonheur au contact de ses lèvres et mon âme en paix n'éprouvait aucune peur. Je souris. L'amour, quand tu nous tiens ! (Rires).
J'ai beau me demander comment David a réussi à s'infiltrer dans le coeur d'une "misandre", d'une femme comme moi qui hait la gent masculine, mais je ne trouve aucune réponse satisfaisante. Il y est entré et c'est tout. Comme le dit l'adage, "IL NE FAUT JAMAIS DIRE JAMAIS."
Assise à l'arrière du taxi, je contemple la ville de Cotonou. J'ai demandé au chauffeur de couper la climatisation et j'ai descendu une vitre. Je laisse l'air frais me caresser le visage et balancer quelques mèches de cheveux. Je suis en vie et je suis si heureuse. Je suis en harmonie avec tout ce qui m'entoure. Cotonou ne me paraît plus du tout bruyant. Ni les klaxons répétitifs des véhicules et des motos, ni les vendeurs ambulants qui vous proposent avec une insistance presque insolente leurs produits, ni les feux qui semblent interminables n'affectent ma bonne humeur. Pour la première fois, je me suis permis d'acheter des chips de bananes plantains (découpées en petits morceaux, frites et assemblées en boules). C'est sûr que cela me laissera quelques traces d'huile sur les doigts mais je m'en fous...
Devant mon bureau, je me retrouve. Je descends, paie le taxi-man puis, tête toujours en l'air, j'entre dans l'immeuble et avance lentement en direction de l'ascenseur...
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Le lendemain
Judith da SILVA
Je suis dans mon restaurant. D'ailleurs, c'est là que je passe toutes mes journées. Je suis tellement fière de moi, fière de la femme que je suis devenue. Je le dois à moi-même, à Arnaud mais aussi à Margareth.
Margareth, ma petite sœur, mon associée et mon amie. Elle vient m'aider dès qu'elle a un bout de temps, même si j'aurais préféré qu'elle ne se gêne pas trop. De toute manière, elle est très occupée ces temps-ci par son boulot et très soucieuse à cause de sa relation chaotique avec David. J'espère qu'il finira par changer d'avis et que tous deux pourront vivre leur amour au grand jour.
Je verrai Mélanie tout à l'heure. Elle m'a promis de passer avec une surprise pour moi. Je suis donc impatiente.
La salle est à moitié pleine. Dans quelques minutes, elle sera pleine à craquer comme tous les midis. Un homme très élégant et très beau vient d'entrer dans mon restaurant. Je m'empresse d'aller l'accueillir avec un large sourire comme d'habitude. C'est mon client le plus fidèle. Il vient manger tous les midis et ne tarit pas d'éloge sur la qualité du repas et celle du service ; ce qui est tout à mon honneur.
- Bonjour, monsieur !
- Bonjour, madame.
- C'est un réel plaisir de vous voir chaque midi. Voici la carte du menu.
Je la lui tends, mais il refuse.
- Oh, non Judith. Vous connaissez mes goûts. Surprenez-moi une fois encore. De toute façon, vos mains sont magiques !
- Comme vous voudrez, monsieur Arnaud da SILVA, dis-je en lui souriant.
Nous jouons de temps en temps aux inconnus. Et je dois avouer que j'adore faire des mises en scène. Arnaud vient manger au restaurant tous les midis. Je laisse pourtant de la nourriture pour lui à la maison, mais il préfère s'amener ici pour déjeuner en ma compagnie.
Margareth IDOSSOU
Je n'ai pas pu revoir David hier parce qu'il avait une journée très chargée et était également de garde. Mais il n'a pas manqué de m'appeler plusieurs fois pour m'envoyer une multitude de bisous suaves et de mots doux, que j'ai reçus avec grand plaisir. Je reconnais que c'est vraiment intéressant de se sentir autant aimée par un mâle.(Rires)
Actuellement, je suis avec lui. Je l'ai invité à venir déjeuner avec moi au restaurant "Chez maman Sibelle". Je l'ai presque tiré de son fauteuil pour qu'on sorte de l'hôpital. C'est mon droit désormais en tant que sa….
Sa… quoi… d'ailleurs ? J'ai toujours détesté tous les attributs qu'on donne aux femmes, surtout quand elles ne sont pas mariées. Bon, disons simplement que je suis sa… moitié. Oui, la moitié de David ! Cela sonne plutôt bien. (Rire)
Nous sommes sur le point d'atteindre le portail de la clinique, quand nous tombons nez à nez avec Cynthia. La surprise que je lis sur le visage de l'ex de David disparaît en quelques secondes pour laisser place à la colère.
Il ne lui a fallu aucune explication pour qu'elle comprenne que David et moi sommes ensemble. Le sourire sur nos lèvres et nos mains enlacées nous trahissent déjà. Je soupire juste en pensant au mauvais quart d'heure qui m'attend. Parce que connaissant Cynthia, je suis sûre que c'est à moi qu'elle s'en prendra en premier. Je ne me suis pas trompée.
- Salope ! hurle-t-elle en essayant de m'attaquer.
Je recule prestement de quelques pas, me retrouvant derrière David qui arrête l'élan de Cynthia.
- Ça suffit, Cynthia !
Des regards se tournent vers nous.
- Lâche-moi, David. J'ai des comptes à régler avec cette voleuse d'homme !
Je reste là immobile, scrutant attentivement cette femme sans scrupule.
- Si tu as des comptes à régler, c'est avec moi et moi seul ! Elle n'y est pour rien dans tout ça !
- Elle est la seule fautive ici, David. C'est elle qui a continué à te harceler encore et encore jusqu'à ce que tu me délaisses !
- Ce n'est pas vrai et tu le sais bien !
De mon mutisme, je sors finalement.
- Il vaut mieux que je parte t'attendre dans la voiture ! Vous devez avoir beaucoup de choses à vous dire. Ne tarde surtout pas, mon amour ! dis-je avec un sourire de victoire sur les lèvres.
- Lâche-moi, David ! crie-t-elle à nouveau.
Je les laisse et me dirige vers la voiture de David, sans trop prêter attention à ce qui se chuchote par ci, par là autour de nous. Je m'en moque. Je ne me reproche rien. Je ne suis pas une voleuse d'homme...
Pourtant, je ne peux m'empêcher de me sentir un peu coupable par rapport à Cynthia. C'est quand même elle qui a redonné le sourire à David quand moi je l'ai rejeté. Je n'aurais pas dû la provoquer en la narguant et en appelant David "mon amour".
Cynthia n'est qu'une femme "amoureuse" après tout. Peut-être que si mes sentiments à l'égard de David n'avaient pas changé, elle ne serait pas devenue autant jalouse. Elle doit vraiment tenir à David pour se rabaisser autant à chaque fois et pour continuer à espérer qu'ils se remettent ensemble.
De toute façon, il est avec moi maintenant. La place n'est plus au doute, ni au regret. Cynthia fait désormais partie de son passé. Je me dois jour après jour de mériter David, d'être digne de son amour et de lui prouver qu'il ne s'est pas trompé en me donnant une chance d'être avec lui.
Cynthia DOSSOU
Pour la deuxième fois, j'ai raté mon objectif. Mais je jure que la troisième fois, personne ne réussira à m'empêcher d'arracher les cheveux de cette Mélanie.
- Lâche-moi David !
- Pas avant que tu te calmes !
- Je suis calme.
Il me relâche.
- Comment as-tu pu me faire cela David, te mettre en couple avec ma pire ennemie ?
- Mélanie n'est pas ton ennemie. Comprends-le une fois pour toutes.
- Mais cette femme ne te mérite pas David. Elle te fera encore souffrir.
Je ne fais pas attention aux yeux qui convergent vers nous. J'essaie de lui caresser le visage, mais il m'en empêche.
- Arrête, tu veux ! Il faut que tu comprennes qu'entre toi et moi, c'est bel et bien fini.
- Elle a bien joué son jeu. Elle a réussi à te voler à moi.
- Pense ce que tu veux ! Je veux juste que tu comprennes que je l'aime. Oui, j'aime Mélanie.
- Mais…
- On ne commande pas son coeur, Cynthia ! Je te souhaite d'être heureuse. Aurevoir.
- David ! Nous n'en avons pas fini !
Trop tard. Il est déjà au loin.
- Je me laisse choir sur une chaise en plastique posée près de là.
J'entends des murmures.
- Vous voulez ma photo ! Vous n'avez rien d'autre à faire, bande de curieux désoeuvrés !
Une idiote se permet de proférer un juron "tchrou" en ma direction en tapant ses mains. Je me lève aussitôt de la chaise, ajuste mon sac et passe près d'elle en la cognant du mieux que je peux. A terre, je la vois essayant de se relever. Dehors, je suis déjà riant aux éclats. Je n'ai pas pu "m'occuper" de Mélanie, mais j'ai réussi à passer ma colère sur quelqu'un, une femme de surcroît.
David N'KOUE
Cela fait cinq minutes qu'on roule, mais Mélanie semble absente. Elle m'a assuré que l'incident avec Cynthia ne l'a point affectée, mais je n'en ai pas vraiment l'impression.
- Mélanie, tu es sûre que tu vas bien ?
- Oui, je vais bien, répond-t-elle en mimant un sourire.
- Alors pourquoi es-tu si préoccupée ?
- Préoccupée, tu dis ! Bien sûr que non.
- T'en es sûre ? Tu peux tout me dire, tu sais ! D'ailleurs, on ne devrait rien se cacher ! C'est toujours à propos de Cynthia, n'est-ce pas ?
Elle hoche la tête.
- Tu n'as rien à craindre par rapport à elle. Je pense que cette fois-ci, elle a compris que notre histoire est terminée. C'est avec toi et toi seule, Mélanie, que je veux être.
Je découvre un léger sourire sur son beau visage.
- Merci, David. Mais, je me sens encore mal vis-à-vis d'elle. Parce qu'elle a toujours été là pour toi quand moi je …
Je l'interromps.
- Les histoires de coeur n'ont rien à voir avec la reconnaissance, la gratitude ou la justice. On aime ou on n'aime pas ! Nous avons choisi de laisser le passé derrière nous et d'écrire ensemble une nouvelle page. Alors, je veux que tu te libères de toute gêne, de toute culpabilité vis-à-vis de Cynthia, de moi ou de qui que ce soit. Tu me le promets ?
- Oui, David.
- Parfait !
Plutôt que de continuer sur la route principale, je bifurque dans une rue assez déserte que je viens de remarquer.
- David, qu'est-ce que tu fais ? me demande-t-elle toute intriguée. Ce n'est pas …
- Patiente un peu.
Je longe la rue et je m'arrête quelque part, à l'abri des regards.
- Je peux enfin savoir ce qu'on vient faire dans un endroit pareil ?
Je me demande bien tout ce qu'elle peut s'imaginer dans sa tête. Je ne peux m'empêcher de rire, ce qui la déconcerte encore plus.
- David ! Je …
Avant même qu'elle ait fini, je m'empare de ses lèvres par surprise, lui donnant un baiser encore plus fougueux que celui de la veille.
- David ! Tu es fou ! s'exclame-t-elle quand elle réussit enfin à reprendre son souffle.
- Avoue que cela t'a plu !
- Eh bien, c'était intéressant mais…
Je la chatouille jusqu'à ce qu'elle me dise le contraire.
- Eh bien oui, cela m'a plu.
A nouveau, je l'embrasse...
- Là, je découvre un David que je ne connaissais vraiment pas !
- Tu n'as encore rien vu, Mélanie ! Tu n'as aucune idée du type d'homme amoureux que je peux être, ou plutôt que je suis.
Tout en lui parlant, je plonge mes yeux dans les siens qu'elle baisse aussitôt. Elle n'est visiblement pas à l'aise quand il s'agit de sujets coquins.
- Il vaut mieux qu'on y aille, David. Judith doit nous attendre.
J'inspire profondément pour me calmer et je lui réponds tout simplement :
- A vos ordres, ma bien-aimée !
Même si j'en ai eu envie, je ne pouvais prétendre avoir une première union charnelle avec Mélanie, dans une voiture et en pleine journée ! (Rires)
Margareth IDOSSOU
Tandis que nous reprenons notre chemin, je reste perdue dans mes pensées. David me parle, mais je réponds à peine. Je repense à ce qui s'est passé tout à l'heure, à ses insinuations à caractère "sexuel", je dirais. C'est un aspect de la vie de couple que je n'avais pas bien considéré en me mettant avec lui. Je flippe juste à l'idée de devoir avoir une intimité avec lui, de me retrouver "sous lui". Je garde encore les "séquelles" de ma première fois avec Charles et je n'ai vraiment pas envie de revivre tout cela...
- Mélanie, tout va bien ?
- Oui, David.
Je m'efforce de sourire pour qu'il ne se doute de rien.
Nous arrivons finalement au restaurant "Chez maman Sibelle". Je soupire. Je n'étais vraiment plus trop à mon aise avec David. Surtout avec ce regard amoureux et ce sourire qu'il m'adressait en continu dans la voiture.
Je revois le visage souriant de Judith et j'oublie mes craintes, du moins pour le moment. J'apprécie vraiment cette femme pour tout ce qu'elle est, pour tout ce qu'elle m'inspire, pour toute la force qu'elle dégage. Elle vient vers nous. David me tient la main.
- Petite cachotière, c'était donc ça la surprise ?
- Oui, Judith ! dis-je en souriant librement.
- J'espère Docteur, que vous prenez bien soin d'elle ! Parce que je tiens beaucoup à elle.
- Vous n'avez aucun souci à vous faire.
Il répond en me fixant tendrement. J'évite son regard et répond à Judith.
- Il a raison, Judith. Il me traite comme une princesse. Il en fait même un peu trop au final !
- Tu n'as encore rien vu, Mélanie ! me murmure-t-il à l'oreille.
Cette phrase, je crois l'avoir déjà entendue de sa bouche et elle ne m'avait pas rassurée.
- Suivez-moi, les tourtereaux ! poursuit Judith.
Je sens la main de David sur ma taille. Je sursaute presque. Heureusement, il ne s'en est pas rendu compte.