Chapitre 4: La crise
Write by Alexa KEAS
**Cindy Nana Klénam**
-Je me sens assez mal, n’en rajoute pas s’il te plait.
J’efface les larmes naissantes dans mes yeux d’un revers de mains et tourne le dos à Djiédjom. Elle me connait et sait que j’ai besoin d’être seule alors j’entends le bruit de la porte qui se referme quelques secondes plus tard.
J’étends ma main et atteins l’interrupteur au chevet du lit sur lequel j’appuie pour éteindre la lumière. Bien que je me sente très mal, je n’ai pas envie de pleurer et retiens mes larmes de toutes mes forces. J’ai voulu ce qui s’est passé, il ne m’a pas forcé. Oui, j’aurais dû lui dire que j’étais vierge mais je savais que ça l’aurait freiné. L’amour nous surprend quand on s’y attend le moins et malgré le fait que je ne le connaisse que depuis peu, j’aime Noah comme jamais je n’ai aimé de toute ma vie.
Je l’ai choisi lui pour qu’il soit celui qui fasse de moi une femme. Je garderai au moins ce souvenir quand tous les soirs je m’endormirai aux côtés d’un homme que je n’aimerai pas et surement jamais. Je ferme les yeux et revis les instants passés dans les bras de Noah. Qu’il a été doux, si tendre!
Je pourrais être traité de folle que je ne jetterai pas la pierre à celui qui oserait le faire. Mais surtout, que cette personne s’assure de n’avoir jamais aimé avant de se saisir de la pierre à me lancer.
J’entends les vibrations de mon téléphone mais je n’ai pas envie de parler à qui que ça puisse être. Face à l’insistance de la personne, je me lève avec rage et cherche le téléphone sur le lit.
Pour que mon père m’appelle à cette heure, il doit avoir une urgence. Je décroche aussitôt, le cœur inquiet.
-My princess, entendis-je sa voix dire sur un ton plutôt jovial.
-Dady, tu m’as fait peur !
Il se lance dans un fou-rire durant quelques secondes avant de se reprendre.
-Tu dois rentrer au Ghana demain et venir au château directement sans faire escale chez ta tante.
-Qu’est-ce qui se passe père ?
-Viens et tu le sauras.
Je pense au pire aussitôt et lui demande d’un air inquiet.
-Où est mère ? Comment va-t-elle?
J’entends aussitôt la voix de ma mère résonner en fond sonore. Ouf !
Nous échangeons encore quelques mots avant de raccrocher en nous souhaitant ‘’bonne nuit’’. Consciente que j’aurai un grand mal à trouver le sommeil, je décide de rejoindre Djiédjom dehors. Je la retrouve assise sur la terrasse, un verre de jus devant elle. Elle lève la tête vers moi quand elle sent ma présence et reporte ensuite le regard sur son verre.
Je prends place sur l’accoudoir de son siège en bois et passe ma main pardessus son épaule.
-Désolée pour t’avoir crié dessus, lui dis-je.
-Ça va Cindy, je m’inquiète simplement pour toi. Tu n’as pas tenu bon en gardant ta virginité durant toutes ces années pour le donner comme ça à un homme que tu ne connais que depuis quelques semaines ! Qu’est-ce qui t’a pris ?
-I love him.
-Excuse-moi mais j’ai du mal à comprendre. As-tu pensé aux conséquences de ton acte ?
-Je dois rentrer au Ghana, mon père a appelé. Dis-je pour changer de sujet.
-Oh ! Tout va bien j’espère.
-Je l’espère aussi, il ne m’a rien dit de concret.
-Tu veux que je vienne avec toi ?
-Non, profite encore des tiens. Nous nous retrouverons à Londres dans dix jours.
-D’accord. Tu comptes leur dire ?
-Je ne sais pas… Parlons d’autres choses s’il te plait.
Nous improvisons une soirée cinéma et ne rejoignons le lit qu’à trois heures du matin. Je règle le réveil sur six heures avant de m’endormir.
A sept heures, je fais des accolades à Djiédjom et ses parents à tour de rôle avant de monter à l’arrière de ma voiture. Le chauffeur démarre et j’attends que nous passions la frontière avant de sombrer dans le sommeil, mes pensées envahies par Noah qui n’a fait aucun signe de vie.
**
Dès que les gardes aperçoivent ma voiture, ils se dépêchent d’ouvrir l’immense portail portant les effigies de sept lions en plein rugissement. La voiture pénètre la demeure royale à une allure très lente. Quelques servantes sur l’esplanade me saluent d’un signe de main sans même être sûres que je les voyais, les vitres étant teintées. Comme je déteste ce monde et ses devoirs !
J’ai droit à toutes les révérences dignes de la princesse que je suis avant d’aller retrouver mes parents à l’intérieur dans le séjour.
Ma mère se lève à ma vue, et me prend dans ses bras pour une accolade de quelques secondes. Mon père demeure sur son siège, se contentant de me sourire.
-Toujours aussi belle ! Dis-je à ma mère en souriant.
Je me dirige vers mon père ensuite et m‘accroupis devant lui.
-Votre majesté.
Il pose son sceptre sur mon épaule et me demande ensuite de me relever. Je me jette dans ses bras sans pouvoir me retenir, bénéficiant quelques secondes de la chaleur de ces derniers.
-Princesse, as-tu fait un bon voyage ?
-Oui père.
Ils n’attendaient que moi pour passer à table alors mon père donne aussitôt le signal pour que nous passions à table. Ils ont l’air tellement détendu que je me demande quelle pourrait bien être la raison pour laquelle ils m’ont fait rentrer précipitamment. Connaissant mes parents, je garde mes questions pour moi et savoure le déjeuner avec eux.
Après le déjeuner, la convocation de mon père dans sa chambre sonne comme un glas dans mon cœur.
*
*
Noah
Je reviens de chez Djiédjom encore plus mal en point que je ne l’étais en y allant. Cindy est partie et je m’en veux de n’avoir pas pu lui parler avant son départ. A moins que je me rende au Ghana, les chances de la revoir avant son retour à Londres se réduisent à zéro. Je me suis conduit en lâche et je le regrette amèrement. J’essaie son numéro du Ghana pour une énième fois mais il est toujours inaccessible.
« Elle était vierge ! »
Je n’ai cessé de me le répéter tout le reste de la nuit. J’ai paniqué, sachant tout ce que cela impliquait. Déjà que je ne suis pas amoureux d’elle, je me suis senti piégé car elle pourrait bien user de menaces se basant sur ce fait pour m’obliger à rester avec elle. C’était censé n’être qu’une nuit sans lendemain mais comment fait-on pour jeter aux oubliettes une fille dont on est le premier amant? Il y a des hommes qui le feraient sans sourciller mais moi je ne suis pas de cet acabit. Me serais-je abstenu de la toucher que tout ceci ne se serait pas produit… Il est bien trop tard pour les regrets et malgré le goût amer du vin, puisqu’il est tiré, il va falloir que je m’en abreuve jusqu’à la lie.
Arrivé au boulot, je force mais au bout de deux heures, il est indéniable que je n’arriverai pas à travailler. J’appelle ma mère et lui propose un déjeuner au restaurant.
-J’ai gagné au loto. Hurla-t-elle dans mes oreilles.
Je me rends compte de combien j’ai été égoïste ces derniers mois en ne pensant qu’à moi et mes peines de cœur. Je range les effets éparpillés sur mon bureau avant d’en sortir.
Je donne des consignes à mon assistant et m’en vais. Le chauffeur conduira maman au restaurant alors je m’y rends directement et attends presque une heure avant qu’elle ne me rejoigne.
-La plus belle, lui dis-je en lui faisant la bise. L’attente en valait la peine, tu es sublime.
-Oui c’est ça, flatte-moi bien.
Répondit-elle en s’asseyant sur la chaise que je viens de lui tirer. Ton père t’envoie ses menaces pour m’avoir enlevé à lui à ce midi.
-Ah, il n’est plus allé à la plantation ?
-Non.
-Je vous aurais invité tous les deux si j’avais su. Le chauffeur est-il déjà parti ?
Elle acquiesce de la tête.
-Donne-moi son numéro, je vais l’appeler pour qu’il emmène papa.
-Il faut dire que je ne voulais pas non plus que tu saches que ton père était présent. J’envisageais depuis quelques jours cette tête à tête avec toi mon fils. Ton invitation n’a fait qu’accélérer les choses en fait.
-Je ne tiens pas à parler du même sujet maman.
-Noah, tu es mon seul fils pour ne pas dire enfant. A trente quatre ans, tu n’as même pas de copine. Pourquoi tu ne me laisses pas te présenter des filles ?
-Si c’est une blague, j’avoue qu’elle est très drôle maman. Fis-je en riant.
Son air sérieux m’oblige à stopper mon rire aussitôt.
-Ah non maman, n’y pense même pas. Pouvons-nous déjeuner maintenant ? J’ai faim.
Elle me lance son regard de quand elle est fâchée avant de se saisir de la carte du menu sur la table. Au bout de quelques minutes, la tension s’apaise et nous éclatons de rire tous les deux.
-Choisis n’importe laquelle et donne-moi des petits enfants avant que la mort ne m’emporte Noah. Déclara-t-elle sur un ton si calme que j’en ai des frissons.
Je fais celui qui n’a rien entendu et attaque mon plat que le serveur venait de poser devant moi. Maman en fait de même et nous mangeons en silence. Au bout d’un moment, je lance une blague pour détendre l’atmosphère. Ma mère se met à rire fort sans pouvoir se retenir.
Au bout d’un court instant, elle lâche subitement sa fourchette et porte sa main sur sa poitrine, du côté de son cœur. Ses yeux semblent vouloir sortir de leurs orbites et elle allonge sa tête comme si elle s’étouffait.
-Maman, maman. Criai-je totalement paniqué.
Le temps que je me mette debout, je la vois s’écrouler au sol. Je me mets à crier ‘’au secours’’, ameutant personnels et clients présents dans la salle. Je m’accroupis auprès d’elle.
-Appelez une ambulance, je vous prie ! Hurlai-je en tâtant son pouls.
-On s’en occupe déjà. Entendis-je une voix me lancer.
Le temps me parait tellement lourd jusqu’à ce que l’ambulance arrive et l’emmène. Je me retiens d’appeler mon père et suis l’ambulance à bord de ma voiture, les yeux brouillés de larmes. Intérieurement, je prie Dieu afin qu’il épargne ma mère. Je ne supporterai pas de la perdre maintenant.
Le temps que j’arrive à l’hôpital, vu que l’ambulance avait pris de l’avance, ils l’avaient déjà prise en charge. Je m’occupe de la paperasse avant de me poser sur un banc dans la salle d’attente. Mes lèvres ne cessent de se remuer, égrenant des prières muettes à Dieu.
Je bondis de mon siège en voyant le médecin se diriger vers moi. Une demi-heure pratiquement venait de s’écrouler depuis que je suis assis sur ce siège.
-Comment-va-t-elle docteur ?
-Mieux, monsieur DJEVOU. Elle est réveillée et vous attend. Dit-il.
-Qu’a-t-elle docteur ?
-Allez la voir et passez ensuite me voir au bureau. Elle a été transférée dans la chambre 4.
J’acquiesce de la tête et le remercie avant de me diriger avec empressement dans le couloir, cherchant la chambre numéro 4 du regard.
Je la retrouve au fond du couloir et y pénètre. Elle était couchée sur le lit, perfusion à la main et se met à sourire à ma vue.
-Maman, tu m’as fait une de ces peurs !
-Je suis désolée mon chéri.
Je prends place à côté d’elle sur le lit et prends son autre main libre dans les miennes. Je la porte ensuite vers mon visage et caresse ma joue droite avec.
-Gros bébé ! Ricana-t-elle. As-tu appelé ton père ?
-Non, pas encore.
-Bien, ne le fais pas. Je ne veux pas qu’il s’inquiète pour rien.
-Tu qualifies de ‘’rien’’ ce que tu as eu ? Il faudra bien l’informer que tu as eu un malaise !
-Non Noah, je ne veux pas.
-Maman ?
Elle tourne la tête sur le côté. Je la connais assez bien pour déceler qu’elle me cachait quelque chose.
-Le médecin n’a rien voulu me dire concernant ton état, il m’a demandé de venir te voir en premier avant de passer le voir. Que se passe-t-il maman ?
Elle reporte son attention sur moi et prend une profonde inspiration.
-J’ai un cancer mon fils.
La terre semble s’ouvrir sous mes pieds et j’ai le vertige d’un coup. Mes larmes montent et veulent sortir mais je les refoule avec une force véhémente.
-Depuis quand tu le sais ?
-Depuis quelques semaines déjà. Ce sont les cellules cancérigènes qui se sont propagés jusqu’à mon cœur, la raison de cette insuffisance cardiaque qui a provoqué la crise tout à l’heure au restaurant.
-Mais...Tu sembles si bien aller maman ! Pourquoi as-tu gardé cette horrible nouvelle pour toi ?
-Pour éviter cette peine que je perçois dans ton regard, mon bébé.
Mes larmes se délient de leurs chaines invisibles et se meurent sur mes joues. Au bout de quelques tierces de temps, c’est toute une rivière qui coule de mes yeux.
-Ecoute maman, tu ne mourras pas. Je vais de ce pas passer des coups de fil et te faire évacuer le plus tôt possible.
-Calme-toi Noah, il n’y a plus d’espoir pour moi et je refuse d’ores et déjà de passer mes derniers jours sur un lit d’hôpital. Je te presse afin que tu te maries sans plus avoir l’assurance de pouvoir un jour poser mes yeux sur mes petits-enfants.
Elle éclate en sanglot et tous les deux nous nous lançons dans un concert de pleurs. J’ai du mal à y croire.
**
Je laisse maman avec toute la peine du monde, envahi par une impression soudaine qu’elle puisse s’en aller à n’importe quel instant. Je rejoins le médecin dans son bureau et lui demande la marche à suivre.
-Malheureusement, la chirurgie n’est plus envisageable, la maladie est à un stade bien trop avancé selon les informations reçues de mon confrère en charge de votre mère. Je viens à peine de raccrocher avec lui pour une seconde fois depuis votre venue. Essayez de la convaincre pour la chimiothérapie…
Je passe un petit moment avec le médecin et ressors de son bureau sans le moindre espoir de voir ma mère guérir. Les solutions dont il parle visent seulement à prolonger de quelques mois le temps qu’il lui restait à vivre.
Plongé dans mes pensées, je ne fais pas attention et bouscule une personne qui venait dans le sens opposé au mien. Quand je relève la tête, je suis subjugué par la beauté de la jeune dame qui au lieu de se mettre en colère me gratifie d’un sourire éblouissant.
*
*
Alexa KEAS