Chapitre 4. TRIBUNAL FAMILIAL
Write by Dja
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Ho non ! Pas eux ! Pas eux !
Vraiment, moi qui pensais
passer une belle soirée tranquille et douce. Voilà que la « SMALA »
s’amène. J’entends les voix de papa et maman, Franck qui répond à leurs
salutations.
La porte de la cuisine
s’ouvre en grand sur un Pierre tout content. Il m’énerve celui-là. C’est l’un
des jumeaux, son double le suit de près. Dupont et Dupond comme souvent je les
appelle. Ou les DD.
_ Qu’est-ce que vous êtes
venus faire ici aujourd’hui ?
_ Hé bien, quelle manière
délicate d’accueillir la famille petite sœur. Bonjour ! Nous ça va et
toi ?
_ Bon ! Arrête de me
fatiguer !
_ Papa, Maman, votre
fille est très heureuse de nous voir.
Là, c’est Paul qui
s’amuse. Il est heureux hein, de dire ça. Pauvre Franck, vraiment, je ne sais
pas comment il doit se sentir. Surtout que papa n’est jamais tendre avec les
garçons. Je me souviens encore quand j’étais en terminale, d’un garçon de ma
classe qui avait osé me raccompagner jusqu’à la voiture. Le vieux était sorti
pour lui demander ce qu’il faisait avec moi et pourquoi. Qui étaient ses
parents, ce qu’ils faisaient dans la vie, et lui-même. Est-ce qu’il
fumait ? Buvait ? Se droguait ? Avec combien de filles il avait
eu des relations amoureuses ? Et plein d’autres questions en moins de deux
minutes qui avaient fini de me mettre dans l’embarras. Au final, le pauvre gars
s’était enfui en courant et je n’avais plus jamais eu de contact avec lui.
Pourtant, c’était juste
un copain de classe. Mais, mon juge de père l’avait tellement effrayé qu’il
m’avait expliqué le lendemain que plus jamais il ne m’adresserait la parole. Quel
fayot celui-là ! Pour si peu il me tournait le dos. Par la suite, j’appris
par le biais d’une amie qu’il voulait en réalité faire de moi une de ses
conquêtes. Finalement, mon père avait anticipé le truc. Mais quand même… !
Pour en revenir à
aujourd’hui, je voulais aller retrouver Franck. Mais, mes deux vigiles
bloquaient le passage.
_ Est-ce que ces messieurs veulent
bien avoir l’obligeance de me laisser passer ?
_ Pourquoi ? Moi je
veux bien savoir ce que tu fais à manger. Et puis, ton nouveau petit copain
fait quoi dans ta chambre ? Laisse papa et lui faire connaissance.
_ Ecoute Pierre, ne
commence pas. Sinon je dis à papa que tu as rayé sa voiture le mois dernier quand
il était au bled et que tu as vite fait de l’amener chez le concessionnaire.
_ Hum !
Mauvaise ! Mais, ne t’inquiète pas, on l’aura ton nouveau boy.
_ Ha, laisse-moi
passer ! Et, merci de surveiller la cuisson, monsieur le bad-boy.
Il s’efface et en
passant, je lui donne un coup de poing dans le ventre avant de tirer la langue
à Paul.
_ Bonjour papa et
maman ! Quelle belle surprise !
_ Bonjour ma fille
chérie ! Comment vas-tu ? répond maman.
_ Ça va pour moi !
... Coucou papa !
_ Hum ! Son
regard ne quittait pas Franck.
_ Ha ! Etienne,
l’enfant te dit bonjour. Tu pourrais répondre.
_ J’ai répondu !
Qu’est-ce qu’il y a ?
_ Hum ! Toi hein !
Je jette un coup d’œil à
Franck. Au lieu de le voir tout décomposé, il est plutôt bien fier sur sa
chaise et le regard pétillant. Il n’a pas peur lui de mon père. Pourtant,
jamais du plus loin que je m’en souvienne, aucun garçon en sa présence n’a jamais
levé la tête devant lui.
_ Alors mon bébé, ça
va ?
_ Oui maman, ça va !
Je suis bien contente de vous voir. Mais, vous auriez pu m’avertir, je vous
aurais préparé quelque chose de bon.
_ Nous voulions te faire
la surprise pour aller fêter ton vrai premier emploi. J’ai reçu ton e-mail ce
week-end. Ton père et moi avons décidé qu’il nous amènerait tous au resto dès
la signature.
_ Ho ! C’est super
cool !
Mon père est comme ça,
oui ! Il fait son grognon, mais il a un cœur en or.
_ Mais, si nous avions su
que tu recevais, nous aurions remis à plus tard.
_ Et pourquoi ?
Han !? Maintenant
Monsieur mon père retrouve l’usage de la parole. Ma mère le regarde comme si
elle peut le tuer. Mais, lui, il sourit tranquillement.
_ Alors jeune homme,
comment allez-vous ? Il me regarde en disant ça. Chérie, tu ne nous
présente pas ?
Dans tout ça, j’oubliais
complètement les convenances. Et Franck qui souriait de me voir dans
l’embarras. Il ne connaît pas mon père hein.
_ Heu… ! C’est
Franck, un ami qui passait pour me dire bonjour.
_ …ou bonsoir ! rajoute
papa !
J’ai seulement envie de
disparaître. Pourquoi seulement aujourd’hui, pourquoi ? Je regarde maman
d’un air qui dit « aide-moi ». Mais elle aussi attend on dirait.
Pourquoi ai-je une famille pareille ? Pourquoi ?
A ce moment, Franck se
lève et tend sa main à papa qui à mon grand étonnement lui tend la
sienne :
_ Bonjour Monsieur !
Je suis Franck Bouassa.
_ Bonjour Monsieur
Bouassa ! Comment allez-vous ? J’espère que notre arrivée ne vous
dérange pas.
_ Je vais bien, merci
Monsieur ! Et, non, au contraire, je suis bien heureux de vous rencontrer.
Votre fille m’avait lors de notre précédente rencontre, parlé de sa famille. Et
c’est assez agréable de vous voir tous. Même s’il me semble qu’il manque le
benjamin.
Han !? Mais le
garçon-là est étonnant. Il s’est souvenu de cela ? Je n’en reviens
pas !
_ Oui, c’est vrai, il
manque Marc. Il nous attend dans la voiture. Il n’a pas voulu monter.
_ Ha oui ? Et
pourquoi ? Je demande en retrouvant ma langue tout
d’un coup. Il ne voulait pas me voir ?
Papa se tourne vers moi,
mais c’est maman qui répond :
Il n’était pas sûr qu’on
te trouve. Et il est accompagné.
Alors que papa voulait
rajouter quelque chose, maman le regarde durement. Il ferme sa bouche et maman
continue :
_ Alors ma fille à moi,
comment te sens-tu ? Tu commences à quelle heure demain ?
_ Ça va maman ! Je
suis si heureuse, tu ne peux pas savoir à quel point.
_ Si mon bébé,
j’imagine très bien ! Et je suis si fière de toi. D’ailleurs, nous le
sommes tous.
Ce disant, elle me tend
un petit paquet.
Tiens ! C’est pour
te féliciter de ta réussite et pour ton embauche. C’est de la part de papa et
de moi.
_ Ho ! Merci les
vieux !
En ouvrant le paquet je
sors une petite main en or et argent en forme de porte-clés. Mes yeux sont
embués tout à coup.
_ Nous avons pensé que tu
en aurais besoin pour y mettre tes clés de bureau, Madame l’éducatrice
spécialisée. rajoute maman avec beaucoup de fierté dans
la voix. La voici qui pleure en disant cela.
_ Je suis si fière de toi
ma chérie ! Je sais que cela n’a pas été facile, surtout au moment des
examens. Et puis, bientôt tu pourras venir me retrouver au Gabon.
_ Ho ! Maman, ne
pleure pas s’il te plaît. J’ai réussi et c’est le plus important. Merci
beaucoup papa, c’est vraiment un chouette cadeau.
_ Tu le mérites ma
fille !
Les jumeaux étaient
entre-temps sortis de la cuisine. Ils s’avancent vers moi et me tendent une
enveloppe :
_ Tiens, c’est notre part !
Comme tu es bizarre, on ne savait pas quoi t’offrir. Débrouille-toi avec. Marc
te transmet ses félicitations également. Je lui ai demandé de monter, il
arrive.
_ Merci les
vilains ! Et je leur tire la langue.
Oui, ma famille est
ainsi. Ma mère est très sensible, mais moi j’ai hérité du caractère réservé et
bourru de mon père. Entourée de garçons, j’ai lutté pour m’affirmer. Et la
naissance de Marc, alors que maman espérait une autre fille, n’a fait qu’accentuer
cet état de fait. Et comme maman était toujours en mission, les hommes de la
maison me menaient la vie dure. En effet, j’étais la chouchoute des parents,
étant la seule fille. Mais, je n’étais pas douce non plus, au contraire. Je
savais faire de sales coups et, lorsque mes frères me cherchaient, ils savaient
qu’ils allaient me trouver.
Une fois, j’avais attrapé
un crapaud et l’avais glissé dans le lit de Paul parce qu’il avait raconté à
papa que je m’étais bagarrée à l’école à cause d’une fille qui me provoquait
tous les jours. J’avais fait manger le sable de la cour de récré à la fille et,
une convocation à mes parents avait suivie quelques jours plus tard. Papa
m’avait donné une de ses corrections que mes fesses doivent encore se souvenir
de cette raclée du lendemain de mon septième anniversaire.
Je jette un coup d’œil à
Franck, l’enveloppe, je l’ouvrirais plus tard. Je suis un peu gênée de toutes
ces marques d’attention devant lui qui ne semble pas mal à l’aise du tout.
Il se lève au même moment
et se dirige vers maman :
_ Je suis désolé, mais je
vais donc vous laisser. Comme vous avez un programme de prévu.
_ Non, pourquoi mon
cher ! Nous vous avons interrompu, aussi nous vous invitons également.
Lui dit papa. Et vous ne pouvez pas refuser, étant donné que c’est pour
célébrer la réussite de ma fille.
Il appuie bien longuement
sur le mot « fille ». Comme pour montrer que je lui appartiens.
_ Merci beaucoup
Monsieur ! Je ne savais même pas qu’elle avait été embauchée.
Il se tourne vers moi en
me félicitant chaleureusement. Au même moment, on frappe à la porte. C’est
sûrement Marc.
J’ouvre, et oui, c’est
lui, la famille est donc au complet. Il est accompagné d’une fille qui se tient
derrière lui. C’est comme si elle hésitait à entrer. Maman arrive derrière moi
et me tire dans le petit couloir en dehors de la chambre.
_ Je suis vraiment
désolée ma puce, si vraiment j’avais su, je n’aurais pas amené les garçons.
_ Ce n’est rien maman, tu
ne pouvais pas savoir.
_ Alors, c’est qui ce
beau garçon. Il a de bonnes manières.
_ Hum ! Laisse ça
comme ça ! Mais, ce n’est pas mon petit copain. Je te raconterais plus
tard. Sache seulement que depuis le jour de mon examen, nous ne nous étions
plus revus avant aujourd’hui.
_ Ha bon ? Et
pourquoi ?
_ C’est le jour des
surprises. Il a fait comme vous. Mais, s’il te plaît, remettons la discussion à
plus tard. Je n’ai pas envie que tes hommes l’embêtent trop.
_ Ok ! On verra ça
plus tard alors. Mais, il est mignon comme tout !
_ Hum ! Arrête
maman ! Je n’aime pas ça !
_ Bon ! Bon !
Ça va ! Rentrons !
On retrouve Marc à côté
de Franck, Papa devant la télé en train de regarder le journal et les DD assis
par terre à se chamailler. Vraiment ces deux-là, ils ne ratent jamais une
occasion pour faire les idiots.
_ Bon, Anne, on y va à
quel heure ? Il est déjà vingt heures et les jeunes doivent aller se
coucher pour le boulot demain.
_ Hum Pierre !
Arrête de les traiter comme des bébés.
_ Bon, moi j’ai faim, si
vous non.
_ Ha ! Il fallait le
dire depuis. Bon, la troupe, tout le monde debout, nous partons. Heureusement
que j’ai pris la plus grande voiture hein. Parce que certains auraient dû
prendre le taxi.
_ Mais, Franck et nous pouvons
prendre un taxi hein papa. Il n’y a pas de problème.
Il fallait bien que le petit
dernier ramène sa fraise. Mais, il me connaît, et avant que maman
n’intervienne, je me place devant lui.
_ Heuuu, toi, tu as fini
de réviser ton bac ? Et de quel droit tu te permets de venir chez moi avec
cette fille ?
Et vlan ! Raïssa se
lève. Oui, je ne l’aime pas cette fille, elle s’amuse trop avec mon petit
frère. Et lui, comme un idiot la laisse toujours revenir dans sa vie comme un
maboule. Une fois, je l’ai même giflée, après qu’elle ait osé insulter mon
frère devant moi et le traiter d’impuissant.
_ Bien ! Je savais
que je n’aurais pas dû venir ! Marc, je rentre chez moi. Tu me
raccompagnes ?
_ Non, tu restes !
S’il te plaît Wamy, ne fais pas ça ! … Maman !
_ Huumm !
Wamy ! Kokolu, sile mwane ngane ![1]
Quand maman commençait à
parler en langue, c’est qu’elle était excédée. Mais, c’est à cause de lui
aussi. Comment il pouvait amener cette chercheuse de mari fortuné chez moi
après tout ce qu’elle lui avait fait.
Papa se lève sans plus attendre
et invite les jumeaux à le suivre. Il me regarde durement et seul ce regard me
cloue le bec. Elle a de la chance !
Maman récupère son sac de
dessus une chaise et le visage fermé passe à côté de moi en me donnant une tape
sur la tête.
_ Je ne sais pas qui t’a
élevée comme ça, mais ce n’est pas moi en tout cas. Franck, viens mon fils.
Laisse la sauvage-là !
Ha ! Mais, qu’est-ce
que j’ai encore fait ? Maman aussi au lieu de me soutenir. Comment elle
peut accepter cette fille aussi facilement malgré son côté opportuniste ?
Hum ! Pas grave, on verra bien plus tard.
Je me mets entre les
jumeaux, l’instant pression masculine étant passée, je vais aux
nouvelles :
_ Alors mes amoureux
éternels, on dit quoi ?
Nous sommes arrivés en
bas après avoir éteint les lumières et que maman soit allée vérifier à la
cuisine que tout était en ordre.
_ Tu as fini de faire
le malin avec ton vilain boy ? Ça c’est Pierre
_
Ha ! Laisse-moi tranquille, jaloux ! Sinon, les vraies choses … ?
Paul ?
_ Ça va, on est là !
Le boss a encore acheté une voiture. Cette fois-ci, un coupé sport. Il dit que
c’est pour payer ses efforts quotidiens à la société.
_ Maman a failli devenir
dingue en le voyant arriver l’autre jour avec. Depuis qu’il est en vacances, il
sillonne les villes françaises avec et refuse que quiconque y touche.
_ Je ne te le fais pas
dire, frangin ! L’autre jour, il a carrément interdit à maman d’y mettre
ses courses. Il est revenu à la maison changer de voiture et elle a pris un
taxi, toute énervée. Pendant un jour, elle ne parlait à personne. Comme si
c’était de notre faute à tous.
En imaginant la scène, je
me mets seulement à rire. Franck se retourne à ce moment. Maman et lui sont
bras dessus, bras dessous. Le pauvre a vraiment tout subi aujourd’hui. C’est
comme ça dans ma famille, l’intimité pour régler les problèmes, on ne connait
pas.
D’ailleurs, une des
maximes de mon père c’est que « LORSQUE
TU AS QUELQUE CHOSE A DIRE, TU LE DIS. CELA NE SERT A RIEN D’ATTENDRE. SINON,
TU LE REGRETTERAS PAR LA SUITE. » Aussi, nous avons toujours mis cela
en pratique, d’où parfois mes soucis avec certaines personnes.
J’ai toujours eu un
franc-parler, au grand dam de maman qui me dit tout le temps qu’une femme doit
savoir faire preuve de tact. Elle oublie que j’ai été entourée de brutes durant
la plus grande partie de ma vie.
Au portail, Franck
s’excuse et explique qu’il nous retrouvera au restaurant en empruntant sa
voiture. Papa le regarde partir et seule moi, vois bien qu’il a soulevé un
sourcil en apercevant la voiture 4x4 de mon nouvel ami. Moi-même je ressens un
peu de fierté et surtout beaucoup de soulagement. Ouf ! Il ne sera pas
avec nous en voiture. Je n’aurais jamais pu me sentir tout à fait à mon aise si
on était tous partis avec le vieux.
[1] Kokolu, sile
mwane ngane : Pardon, laisse l’enfant d’autrui !