La porte s’ouvre soudainement interrompant ses pensées. Lorsqu’elle voit Stéphane entrer et avancer vers elle, son corps ne peut s’empêcher de courir à sa rencontre. Elle se jette à son cou et s’accroche fermement à lui.

-         Pardon. Dit-elle en pleurant.

Les jambes enroulées autour des hanches de Stéphane, Ciara n’est pas prête de descendre. Steph se voit obligé de d’avancer avec elle accrochée à lui comme un paresseux sur un arbre. Après tout, ce n’est pas la première fois qu’il la porte. Bien au contraire depuis un moment c’est devenu son quotidien. Pense-t-il en souriant. Dans le petit salon qui trône à l’angle du mur, Steph s’installe dans le sofa avec Ciara sur ses genoux. Elle semble ne plus jamais vouloir se détacher de lui. La ruse de tout à l’heure a parfaitement fonctionné. Sacré Philippe. Lorsqu’il a vu son message lui demandant de sortir de la chambre parce qu’il désirait rester seul avec Ciara, à aucun moment il n’a pensé qu’un truc se tramait. C’est seulement quand il a entendu sa princesse crier son nom au moment où qu’il demandait à Elodie de lui préparer son petit déjeuner, qu’il a compris que Philippe trafiquait quelque chose. Ce n’était pas l’envie de courir comme un fou pour la rejoindre qui lui manquait. Mais il a préféré ne pas intervenir et attendre l’autorisation de Philippe.  Le connaissant, Celui-ci aurait été capable de le jeter dehors comme un malpropre s’il avait cédé à ses pulsions. Les méthodes de Philippe ne cesseront jamais de l’étonner. Même si elles peuvent paraître sévères, il faut avouer qu’elles restent tout de même efficaces, très efficaces d’ailleurs. La preuve, Ciara ne vient-elle pas de refaire surface ? D’accord ce n’est pas encore tout à fait elle mais c’est un début non ? Elle lui a parlé, elle lui a demandé pardon. Ce qu’il doit faire à présent c’est l’emmener à se confier un peu plus et la nourrir. Doucement il l’écarte afin de pouvoir voir son visage. Ce visage qui l’a fasciné dès le premier jour. Ce visage qui a hanté ses jours après qu’elle l’ait fui. Ce visage qui lui a transpercé le cœur, lorsqu’elle était couchée près du cadavre de Ciara. Ce visage qui l’a rendu triste quand elle s’est renfermée. Et ce visage qui à cet instant précis, le rend  heureux parce qu’il peut y lire de l’amour.

-         Pardon pour quoi bébé ? Demande-t-il, les mains posées sur ses joues.

-         Pour…Pour tout. Répond-elle, le regard fuyant.

-         Regarde-moi Ciara. (elle obéit). Pourquoi me demandes-tu pardon ?

-         Parce ce que tu n’es plus heureux par ma faute.

-         Je suis juste triste, pas malheureux. Mais maintenant je ne le suis plus.

Le visage de Ciara s’éclaira aussitôt.

-         C’est vrai ? S’exclame-t-elle.

On aurait dit une enfant. Se dit Steph en caressant son visage.  C’est fou comme la mort de Lala a pu la transformer. L’esprit est-il aussi faible ?

-         Oui princesse.

Elle l’enlace de toutes ses forces, le nez plongé dans le creux de son cou. Au même moment, l’on frappa à la porte.

-         Entrez. Lance Stéphane.

-         Excusez-moi monsieur, j’apporte le petit déjeuner de madame.

-         Merci Elodie. Posez-le sur la table.

Il lui a semblé apercevoir un sentiment étrange dans les yeux d’Elodie lorsqu’elle est entrée. Pense-t-il après son départ. Quelque chose qui ressemble à… du regret ? Non, il doit se faire des idées.

-         Aller ma douce, tu dois manger à présent.

-         Hummm.

-         Tu veux me rendre triste à nouveau.

-         Non. S’écrie-t-elle en se détachant brusquement de lui. Je vais manger.

-         C’est bien bébé.

Il l’aide à s’assoir sur le sofa puis rapproche la table. Le plateau est bien garni. Un vrai festin. Il y a deux œufs dur, de la confiture qu’elle adore, du pain, du café, un grand verre de jus d’orange et des croissants. Il s’apprêtait à lui demander par quoi elle voudrait commencer lorsqu’elle se leva soudainement et courut jusqu’à la salle de bain. Elle revient quelques minutes plus tard, le visage plus pâle que jamais.

-         L’odeur du café m’est insupportable, c’est étrange. Dit-elle une fois assise.

Steph, sachant très bien ce qui se passe préfère ne pas répliquer. Il lui annoncera la nouvelle quand elle aura fini de manger pas avant.

-         Dans ce cas commence par boire ton jus d’orange.

Elle acquiesce avant de boire goulument son jus qu’elle finit d’un trait. Ah c’est qu’elle avait soif la demoiselle. Pense Steph amusé. Ciara attaque ensuite les œufs pendant que Stéphane badigeonne de confiture, l’intérieur du pain. Elle ne se fait pas prier et mange avec appétit le morceau de pain que lui a préparé Steph.

-         J’aime te voir manger comme ça.

-         J’avais faim. Avoue-t-elle la bouche pleine.

Steph éclate de rire. Le bonheur qu’il ressent là est indescriptible. Ciara qui se nourrit, Ciara qui sourit. Tout ça lui procure une telle joie.

-         Alors mange autant que tu veux. Et si tu as besoin d’autre chose tu n’as qu’à le dire.

-         En fait, j’ai envie d’une omelette épicée.

-         Mais tu viens de manger deux œufs Ciara.

-         Je sais mais j’ai une envie forte d’omelette. Désolée.

Pourquoi est-elle gênée ? Putain Ciara même si tu me demandais Jupiter, j’irai la chercher pour te l’envoyer.

-         Demande tout ce qui te fait envie bébé. Claque juste des doigts et tu auras tout ce que tu désires. Dit-il en lui donnant un baiser sur la joue.

Qu’est-ce qu’elle lui a manqué. Son désir se réveille rien qu’en la regardant mordre dans son pain. C’est encore trop tôt pour penser au cul il le sait mais il n’y peut rien. L’étendre dans le sofa et la prendre aussi tendrement que possible, telles sont ses pensées actuelles. Il refoule très vite ces idées sordides et passe un coup de fil . L’omelette de Ciara arriva quelques minutes plus tard. Ça se voit à sa manière de manger qu’elle en avait vraiment envie.

-         C’est bon ? Veux-tu autre chose ?

-         Bah non ou sinon je me transformerai en baleine.

Ah tiens ! Elle fait de l’humour, c’est bien ça. Au fur et à mesure que les minutes passent, la joie de Steph s’agrandit. Ciara est en train de récupérer. Sa Ciara.

-         Pourquoi tu souris comme ça ? Demande-t-elle sans le lâcher des yeux.

-         Parce que je suis content.

Il lui caresse la joue.

-         Et pourquoi es-tu content ? Murmure-t-elle le cœur battant.

-         Parce que tu es là avec moi, parce que je t’aime et parce que tu m’aimes.

Un silence s’installa.

-         Puis je t’embrasser ?

-         Euh…oui. Répond-elle d’une toute petite voix à peine audible.

Le baiser suivit aussitôt. Tendre au début puis fiévreux par la suite. La passion dont fait preuve Steph est presqu’effrayante. Il semble avoir perdu le contrôle. Pense Ciara inquiète. Ses mains commencent à s’aventurer sous sa robe de nuit tandis que sa bouche  ne laisse aucun répit à la sienne. Lorsqu’elle sent ses doigts à l’intérieur de sa petite culotte, elle l’arrête immédiatement.

-         Désolé ! Dit Steph en se redressant brusquement.

-         Non ! Rétorque-t-elle aussitôt en se relevant à son tour. C’est moi qui suis désolée. C’est que je n’ai pas la tête à ça.

-         Je sais, je sais. Pardon ! Quel con je suis ! Je ne sais pas ce qui m’a pris. Je n’ai pas su me contrôler. Excuse-moi Ciara.

-         Cesse de t’excuser. Tu n’as rien fait de mal alors arrête. S’écrie-t-elle. C’est moi le problème, je…

-         Hey ça va ! là, c’est bon. L’interrompt-il.

Il tient sa tête en coupe, le regard plongé dans le sien. Avec son pouce, il essuie les larmes qui s’échappent de ses yeux. Quel idiot ! Il ne pense qu’à son putain de plaisir. T’aurais pas pu te contrôler pour une fois ? Se dit-il intérieurement en s’adressant à la bosse sous son pantalon.

-         Ne pleure pas ma douce. Je suis désolé, je n’aurais pas dû aller aussi loin.

-         Je…

-         Chut ! Calme-toi. Je ne veux pas que tu te sentes responsable de quoi que ce soit. Prend tout le temps dont tu as besoin. Je ne te mets pas la pression.

-         Mais tu auras sûrement des envies…

-         Je me retiendrai et j’attendrai que tu sois prête. Répond-il en la serrant contre sa poitrine.

-         J’ai une nouvelle à t’annoncer ! Reprend-il après un silence qui dura quelques minutes.

-         Rien de grave ! S’empresse-t-il d’ajouter ayant senti son tressaillement.

-         De quoi s’agit-il ? Demande-t-elle après s’être écartée de lui.

-         Nath est venue ici ce matin et elle m’a annoncé que tu es enceinte.

Sa surprise ne surprend pas Steph. Il s’y est attendu. Lui-même a réagi pareillement.

-         Le test était négatif. Je ne comprends pas.

-         Ce jour-là les résultats que nous avons reçus n’étaient pas les tiens. Explique-t-il.

-         Comment est-ce possible ?

-         Une autre femme avait effectué le même test. Et je ne sais pas comment mais l’analyste a accidentellement échangé soit les échantillons de sang soit les résultats.

-         Mais à quel moment  s’en sont-ils rendu compte?

-         Hier lorsque la prétendue enceinte est arrivée en sang croyant avoir fait une fausse couche.

-         C’était donc…

-         Ses règles, oui. Nath a alors compris que vos résultats avaient été échangés.

-         Oh mon Dieu ! Fait-elle en se couvrant la bouche.

-         Néanmoins, elle conseille de faire un autre test pour en être certain mais je crois que c’est inutile. Tes nausées confirment que tu es enceinte.

Son visage n’exprime aucun sentiment. Pense Steph en l’observant attentivement. Elle ne dit plus rien. Elle semble être en train de réfléchir. A quoi ? Il savait que la nouvelle ne l’enchanterait pas car celle-ci tombe pile poil au mauvais moment. Mais alors qu’il pensait cela, il vit ses yeux briller tout d’un coup. Puis un large sourire se dessina sur ses lèvres.

-         Je suis enceinte ! S’exclame-t-elle en posant la main sur son ventre.

-         Tu me le jures Steph ?

-         Oui ma princesse. Mais nous ferons un test de grossesse pour en avoir la confirmation.

Heureuse, elle se jette au coup de Stéphane en pleurant mais de joie cette fois.

-         Tu entends Lala, tu vas être tata. Murmure-t-elle avant de resserrer son étreinte.

Trois mois se sont écoulés suite à la tragédie qui a frappé  la famille de Lala .Son enterrement a eu lieu une semaine après le drame. Ciara était inconsolable ce jour-là, tout le monde d’ailleurs. C’était une journée atroce au cours de laquelle Ciara a dû faire ses adieux à son amie, sa sœur de cœur. Pourquoi le destin s’acharne-t-il autant sur elle ? Pourquoi ses amies doivent-elles toutes s’en aller ? Pense Ciara, étendue dans le transat au bord de la piscine. Il fait beau aujourd’hui et donc elle a décidé d’en profiter. Vêtue d’une robe blanche, arrivant au-dessus des genoux elle semble perdue dans ses pensées, tellement qu’elle n’entendit pas Steph arriver.

-         Bonjour ma douce.

Elle tressaillit avant de tourner la tête vers lui. Il s’approche et pose un baiser sur son front puis un autre sur son ventre arrondi.

-         Bonjour toi ! Dit-il à l’égard du petit être qui grandit dans le ventre de Ciara.

-         Tu rentres tôt !  

-         La réunion s’est terminée plus vite que prévue.

-         Alors ça été ?

-         Euh… Oui. La négociation est en bonne voie. Bientôt les Allemands seront nos partenaires.

-         Je croise les doigts. Dit Ciara en souriant.

Il s’accroupit près d’elle.

-         Toi ça va ? Demande-t-il en caressant son ventre.

-         Oui ça va. Ne t’inquiète pas.

-         Tu as encore fait un cauchemar cette nuit. Comment veux-tu que je ne sois pas inquiet ? Tu n’en avais plus fait durant les deux derniers mois.

-         Tu en as parlé à Philippe ? Questionne-t-il ensuite.

Elle secoue la tête.

-         Bon sang Ciara ! Gronde-t-il en se levant. C’est la première chose que t’aurais dû faire à ton réveil.

-         J’avais prévu lui téléphoner mais… j’ai…oublié. Finit-elle en bredouillant.

-         Tu as oublié ! Répète Steph  de façon cynique. C’est la meilleure ! Bravo Ciara, vraiment bravo.

Et il part sans rien ajouter. Il gravit furieusement les marches de l’escalier qui mène à leur chambre. Si ce n’est pas de l’insouciance ça qu’est-ce que c’est ? A croire qu’elle se fiche de la santé de leur enfant. Nath a répété un million de fois que ces cauchemars n’étaient pas bons pour le bébé parce qu’ils provoquent un état de nervosité et de frayeur chez Ciara. Heureusement que les séances avec Philippe ont permis de stopper ces fichus démons. Mais voilà que ces derniers  refont surface. Est-ce parce que Ciara a arrêté les thérapies ? Philippe a dit qu’ils mettraient une pause afin de d’observer son état. Ça fait à peine une semaine.  

-         Merde Ciara ! marmonne-t-il en claquant brutalement la porte de sa chambre.

Ce qui le met en colère c’est la négligence de Ciara. A cela s’ajoute le fait que Bamba leur échappe à chaque fois. Comment est-ce possible d’ailleurs ? La dernière fois, ils étaient certains de le capturer mais ce dernier a su ils ne savent comment, qu’ils avaient trouvé sa planque. Gédéon en a pété les plombs. Il n’y avait qu’eux deux qui étaient au courant de cette histoire. Et ils n’en parlent jamais à la maison, seulement dans leur cave secrète loin de toutes oreilles. Comment fait ce satané Bamba pour avoir une longueur d’avance sur eux ? C’est un putain de sorcier ou quoi, Fais chier ! Dans sa fureur, il balaie de la main tous les objets se trouvant sur la petite table du salon. Le vase en porcelaine qui s’y trouvait s’écrase au sol dans un bruit fracassant.

-         Connard de Bamba ! Enfoiré de Bamba ! S’écrie-t-il. Je t’aurai sale con.

Lorsque Ciara entre dans la chambre, elle constate le désordre. Enfin, juste les fragments du vase qui sont éparpillés sur le sol et les vêtements de Steph trainant au pied du lit. Il est à ce point en colère ? Oui elle a commis une erreur en ne prévenant pas Philippe mais est-ce une raison pour s’emporter de la sorte ? Elle est en train de ramasser les débris de porcelaine lorsque Steph fait irruption dans la chambre.

-         Laisse ça, ce n’est pas à toi de le faire. Lance-t-il sèchement.

-         J’ai presque termi…

-         Putain Ciara ! (Elle sursaute). Pour une fois obéit sans discuter.

Pourquoi lui crie-t-il dessus ? Qu’a-t-elle encore fait ? Se demande-t-elle en se levant. Soudain elle ressent une petite douleur au majeur droit. Quand lève la main, elle voit le morceau de porcelaine planté dans son doigt et une énorme quantité de sang couler sur tout le long.

-         Ciara ! s’exclame Steph après l’avoir rejointe. Viens là.

Il la conduit jusqu’au lit où il la fait assoir. Il disparait ensuite dans la salle de bain et revient quelques minutes plus tard muni d’une trousse de pharmacie. Installé sur un pouf en face d’elle, il retire délicatement l’objet de sa chair puis fait un pansement. Une fois sa tâche c’est terminée, il part ranger le matériel. De retour dans la chambre, il dénoue la serviette autour de son rein puis entreprend de s’habiller sous le regard inquiet de Ciara.

-         J’ai téléphoné à Philippe. Annonce-t-elle. Il sera là dans environ une heure.

Steph se montre indifférent. Il enfile un tee-shirt noir sur son jean de couleur bleu foncé.

-         Tu es fâché juste parce que je n’ai pas prévenu Philippe ?

Les mâchoires serrées, il part s’assoir dans le sofa pour attacher les lacets de ses tennis. Il ne lui accorde aucune attention, l’ignorant complètement.

-         Ou c’est parce que nous n’avons  eu aucun rapport sexuel durant ces trois mois ?

-         Parce que tu crois qu’il n’y a que le sexe qui m’importe ? Rétorque-t-il sévèrement.

-         Alors si ce n’est pas ça, qu’est-ce…

-         Ecoute Ciara ! Des femmes il y en a des milliers à chaque coin de rue. Alors si j’ai envie de baiser crois-moi qu’il ne suffira que je claque des doigts pour qu’elles accourent.

Il sort ensuite en claquant la porte. Ciara les larmes aux yeux, reste figée le regard pointé sur la porte par laquelle vient de sortir Steph. Si l’idée était de lui faire mal, il peut être fier de lui car il a réussi.

Fin du quarantième chapitre. Bizbi.