Chapitre 49

Write by WumiRa

MAYA 49



La nuit tombée, Malik qui s'était enfermé dans son bureau pour ne pas être tenté d'importuner Maya, dû se résoudre à sortir. Il devait s'assurer qu'elle allait bien et qu'elle ne manquait de rien.


D'après le peu qu'il en savait, elle aurait forcément besoin d'aide ; peut-être fallait-il enfin qu'il songe à appeler sa mère ? C'était son premier accouchement et... Enfin il était temps de faire appel à Firda Fall. Il s'empara du téléphone, avant de se souvenir qu'elle était chez les grands parents de Maya. Il n'avait absolument aucune idée de si elle était rentrée. Si ce n'était pas encore le cas, sa fille aurait certainement une idée sur comment la joindre. Il alla la trouver.


***


Maya venait à peine de prendre sa douche et de faire ses ablutions, quand elle entendit une porte s'ouvrir. Pour s'assurer de ne s'être pas trompée, elle passa la tête dans l'entrebâillement de la porte de la salle de bain et vit son mari apparaître. Instantanément, elle chercha de quoi se couvrir. Puis comme elle s'y attendait, il entra dans la salle de bain, sans frapper à l'avance.


- Salam.


- Salam, répondit-elle. 


Comme quoi, après l'amour ce n'est pas la guerre. Même si les sentiments deviennent inexistants. Rires... Non, ses sentiments à elle étaient plutôt restes indemnes, même après qu'elle ait découvert que l'homme qu'elle chérissait de tout son cœur n'était qu'un menteur, un imposteur, un bandit, quoique fortuné. Et elle était peut être très en colère contre lui, mais...


- Comment te sens-tu à présent ? s'enquit-il.


- Ça va mieux.


Il sembla la jauger du regard.


- Je n'ai pas trouvé mes médicaments, fit-elle ensuite remarquer.


- Désolé, ils sont restés dans la voiture. Je vais te les chercher.


Il sortit et revint un moment plus tard, avec les nombreux médicaments que le docteur lui avait prescrit, y compris ceux qu'elle prenait depuis sa grossesse, à cause de son ulcère.


- De quoi d'autre as-tu besoin ?


- Rien, merci. J'ai déjà envoyé le gardien m'acheter à manger.


Il afficha un air surpris.


- Le gardien ? Tu aurais pu faire appel à moi.


- Ce n'était pas nécessaire.


- Ok. Je vais dans ce cas faire appel aux services d'un cuisinier ou...


- Je ferai la cuisine, Malik. 


Il la regarda avec étonnement.


- À moins que tu n'aies peur que je t'empoisonne, je continuerai à faire la cuisine dans cette maison. Jusqu'à ce qu'on divorce.


Ah, il avait presque oublié cette histoire de divorce, pensa Malik. Mais de toute façon, il savait qu'il ne le lui accorderait jamais ; il est était hors de question. Il allait lui laisser du temps, puis ensuite tout mettre en œuvre pour la reconquérir, mais jamais il ne serait question de divorce entre eux.


- D'accord.


- As-tu téléphoné à mon père pour ce qu'il en est de l'enterrement ?


Il sembla hésiter.


- C'est déjà fait, dit-il ensuite. Il a fait ce qu'il y avait à faire.


- Très bien. Dans ce cas, c'est peut être le moment de te dire que je compte enfin rejoindre la direction de l'HFL.


Malik arqua les sourcils, d'incompréhension.


- C'est à dire ?


- Je souhaite occuper le siège qui me revient de droit dans l'entreprise de mon père.


Pendant un court instant, il sembla ne pas comprendre. Puis il demanda :


- Depuis quand y songes-tu ?


- Depuis tout à l'heure, avoua t-elle. À présent que plus rien ne me retient à la maison, je veux pouvoir aider à...


- Là n'est pas ta vraie motivation.


Il avait parlé avec calme, mais elle savait qu'au fond il était tout sauf calme. Il n'avait pas vu venir le coup qu'elle était en train de lui porter.


- Pourquoi veux-tu faire ça ? s'enquit-il.


- Je serai une bâtarde si je te laissais ruiner mon père sans...


- Et que crois tu pouvoir faire pour empêcher que je le ruine ?


- Si je ne peux pas lui dire la vérité sur toi, je peux au moins le protéger.


Malgré lui, un rire méprisant échappa à Malik. 


- De moi ? Et tu crois pouvoir y parvenir ?


- Je ne vois pas ce que tu pourrais me faire de pire que ce que tu m'as déjà fait.


Cette dernière phrase eût le don de refroidir Malik.


- Puis lorsque nous serons divorcés...


- Je ne t'accorderai pas le divorce, lâcha t-il, alors qu'il s'était pourtant promis de ne rien lui révéler de ses intentions.


Ce fut au tour de Maya de faire preuve de sarcasme.


- Tu comptes m'enfermer dans une tour ? Tu as oublié que si je suis toujours ici c'est de mon plein gré ?


- Tu pourrais me pardonner. On pourrait...


- Tu veux que je te pardonne de m'avoir infligé des blessures encore vives, alors que de ton côté tu répugnes à oublier un incident qui s'est passé plus d'une vingtaine d'années plus tôt ?  


- Pourquoi tiens-tu autant à ce que je lui pardonne ? 


- Pourquoi suis-je censée te pardonner ? 


- Parce que je t'aime. Est-ce si difficile à comprendre ? Si tu pouvais voir ton... père tel qu'il est réellement, tu ne me jugerais pas autant. Il y a trop de choses que tu ne sais pas et que je n'ai malheureusement pas le droit de te révéler.


- Si tu parles d'autres maîtresses...


- Il ne s'agit pas de cela. 


Son téléphone sonna à ce moment et il se detourna d'elle.


- Tout le monde n'est comme toi, les gens changent...


Il avait déjà décroché et sortit aussitôt.


Restée seule, Maya alla chercher des vêtements propres, s'habilla, puis ne trouvant rien à faire, elle décida de téléphoner à nouveau à Sonya.


Celle ci mit un temps fou à décrocher et lorsque ce fut le cas, elle dit d'une voix essoufflée :


- Je te rappelle dans quelques minutes, d'accord ?


- Je voulais te demander si tu pouvais passer à la maison demain, répondit Maya.


- Euh... Il sera là ?


Maya soupira.


- Tu as raison. C'était une mauvaise idée, oublie.


- Non, non, non, l'interrompit sa cousine. Je viendrai et il n'aura qu'à s'étouffer avec des airs de macho. En plus, il faut que je te dise quelque chose.


- Qu'est-ce que c'est ?


- Pas au téléphone. Je te téléphonerai juste avant de venir demain.


- Ok. À demain ?


- Oui.


- Bien.


- Comment a réagi ma tante ? Elle est passée voir papa tout à l'heure et elle avait l'air plutôt calme.


- Elle n'en sait rien. Je ne lui ai pas encore téléphoné.


- Hein ? Tu n'as pas téléphoné à ta mère ?


- J'ai envie d'affronter ça toute seule. Je ne veux pas que qui que ce soit en fasse toute une histoire.


Et sa génitrice, elle le savait d'avance, ne manquerait pas d'en faire toute une histoire.


- Hum, fit Sonya. Tu m'étonnes de plus en plus, mais c'est comme tu veux. À demain.


- À demain.


***


Et pendant ce temps...


- Je ne comprends pas comment tu peux me demander de rester en dehors de ce qui se passe, déclara Firda. Il s'agit de ma fille...


Henri secoua la tête, agacé.


- Tu ne crois pas qu'elle t'aurait appelée si elle avait eu besoin de toi ?


- Mais d'où te vient cette soudaine façon de penser ? N'importe quelle femme aurait envie d'un moment de solitude pour pleurer la mort de son nouveau-né, mais en tant que mère je...


- Tu n'es pas la mère de Maya, Firda. Cesse de te bercer continuellement d'illusions. Sans l'accident, je l'aurais certainement déjà mise au courant. Et si cela peut te rassurer, moi aussi j'ai peur de sa réaction lorsqu'elle saura.


- Dans ce cas ne lui dis rien, insista t-elle. Je ne crois pas qu'elle nous en voudra d'avoir pris soin d'elle pendant toutes ces années, je sais comment j'ai éduqué ma fille.


Henri se leva.


- Ta fille, ta fille, ta fille. Tu n'as que ce mot à la bouche.


- Oui. Parce que le fait que je ne l'aie pas porté pendant neuf mois, ne change rien à tout l'amour que je lui porte. Et puisque tu tiens tant à parler du passé, peux-tu me dire qui est cette femme avec qui tu as eu un enfant dans mon dos ?


Ne s'attendant pas à une telle question, il se rassit.


- Je ne vois pas l'utilité de parler de ça.


- Tu n'as pas manqué de vocabulaire quand la fois dernière tu as avoué m'avoir trompée la veille de notre mariage, répliqua t-elle. Je ne t'aurais jamais cru capable d'une telle bassesse.


- Je crois t'avoir dit que j'ignorais que notre liaison avait engendré un fils. Tu ne peux pas me dire que durant tout ce temps tu as cru que je t'étais resté fidèle.


Interloquée, elle en demeura bouche bée.


- Un homme est toujours tenté par ces choses là et je n'ai fait preuve de discrétion que par respect pour toi. Mais tu...


- Ça suffit !


Elle se mit debout et en wolof, lui fit qu'on comprendre qu'il avait dépassé les bornes et qu'elle ne voulait plus rien entendre de sa bouche.


- Maintenant tu es au courant, dit-il simplement.


- Si c'est pour que je pars, autant te prévenir que nous avons encore de longues années à passer ensemble cher époux ! Mais par contre, Dieu sait à quel point tu as diminué l'amour et l'estime que j'avais pour toi en tant que partenaire et je me sens sotte de m'être aveuglément consacrée à toi. J'aurais dû écouter mes amies et partir avec Anthony.


- Rien ne t'empêche de le faire à présent, n'est-ce pas ?


S'étant attendue à ce que sa déclaration le surprenne ou le touche d'une quelconque manière, elle fut surprise de voir que non. À quel moment un tel changement s'était-il opéré chez lui, grand Dieu ? Était-ce donc la découverte de ce fils soit mort, soit volatilisé dans la nature et dont il ignorait l'existence il y avait encore quelques jours ?


- Tu me sais dévouée à notre mariage et tu sais que quoi que tu fasses, je ne t'en tiendrai pas rigueur. Mais si je demeure la bonne épouse que je n'ai jamais cessé d'être pour toi, sache aussi que Dieu ne dort pas. Que tu ai radicalement changé de cette façon m'étonne de jour en jour, mais seul Dieu connait le fin mot de toute cette histoire. Je n'ai pas peur !


Sur ce, elle tourna les talons et sortit.


Resté seul, Henri sans se soucier d'avantage des propos de son épouse, replongea dans ses réflexions. Il avait beau réfléchir à comment faire, il ne voyait pas par quel moyen il allait pouvoir découvrir si ce fils qu'il avait eu une trentaine d'années plus tôt était toujours en vie. Pourtant il avait envie de croire que ce dernier l'était toujours. Ou du moins, il le sentait. Il aimait sa fille plus que tout au monde, mais un fils, un vrai héritier, ça changeait tout. D'autant plus que Maya avait épousé un homme qui à présent ne lui inspirait plus aucune confiance. S'il devait mourir demain, il avait peur qu'influencée par son mari, elle ne prenne pas les bonnes décisions concernant l'HFL. Oui, c'était peut-être lui qui contribuait à remettre l'entreprise sur pied, mais il n'était pas net et ses intentions l'étaient encore moins. 


Connaissaient-ils au moins ne serait-ce qu'un seul membre de sa famille ? Pourtant ce n'est pas que les Sylla manquaient dans cette vaste ville. Ils étaient un peu dispersés, mais ce simple nom de famille évoquait beaucoup de choses.


Beaucoup de choses comme cet ami qui avait essayé de le piéger des années plus tôt ? Il fit la grimace ; décidément les ennuis ne manquaient pas dans ce pays. Et plus il y pensait, plus les propos de son espèce de beau fils lui revenait en mémoire.


Il fallait qu'il fasse quelque chose.




Sensuelle Ennemie