CHAPITRE 5

Write by Maylyn

-Votre attention s’il vous plaît !

Tous les regards des personnes présentes dans la pièce se portèrent immédiatement sur ma mère. Trois mois s’étaient écoulés depuis la nuit de ma rencontre avec Yélé et ses compagnes. Et Maman avait décidé que, la procédure d’adoption étant en bonne voie, il était plus que temps de présenter « Sa » fille à toute sa famille. Et quelle famille ! Mes grands-parents maternels avaient eu huit enfants dont six filles et deux garçons.

Je jetai un regard circulaire tout en commençant par ma grand-mère qui était tellement dynamique qu’on lui aurait donné sans hésiter 10 ans de moins. A 69 ans, elle avait l’esprit aussi alerte et le verbe aussi -sinon encore plus- aiguisé que Maman. Mais leur ressemblance ne s’arrêtait pas là : la même taille, le même teint, la même forme et les mêmes mimiques nerveuses. On les prendrait presque pour des jumelles si Mémé Mado n’avait pas cette magnifique et épaisse chevelure blanche qui lui tombait dans le dos et qu’elle rassemblait toujours en une grosse natte, héritage de sa mère peulh. Elle était venue seule, son fiancé étant en déplacement. Néanmoins, je soupçonnais El Dragón d’y être pour quelque chose. 

Ensuite venait ma Tante Monique l’aînée qui prenait apparemment son rôle très au sérieux vu son expression toujours sévère et les remarques qu’elle se sentait obligée de faire à tout le monde. Elle avait comme cible préférée son mari, mon pauvre oncle Philippe, tellement timoré qu’il ne pouvait certainement pas faire le poids. Malgré ses quatre grossesses, elle demeurait aussi mince et élancée qu’une adolescente. Avec ses grands yeux de biche et son teint d’ébène typique des femmes Bassamoises, elle aurait pu être aussi belle que ses petites soeurs, mes « Happy Twins » comme je les surnommais, si seulement elle acceptait de sourire de temps en temps. 

A 38 ans, si elles avaient le même physique que Tata Monique, Natacha et Natalia semblaient elles, toujours de bonne humeur. Taquines à souhait, les benjamines de la famille s’étaient reconverties dans le stylisme après une carrière assez fructueuse dans le mannequinat. Toujours célibataires, elles revendiquaient leur indépendance au grand désespoir de ma grand-mère. Personnellement, c’était mes préférées ! 

Mon oncle Charles, lui était l’intellectuel de la famille. Copie conforme de feu Papi Constant, il était de taille moyenne avec ce beau teint noir qu’excepté Maman, tous les enfants de la tribu Moulod possédaient. Etant l’aîné des garçons, ils étaient lui et sa femme Judith, des écrivains de talents et Julien l’un de leurs deux enfants semblait à 24ans, suivre leurs traces. 

Juste après lui, venait Tonton Sylvain, un beau gosse qui en avait terriblement conscience et qui en abusait. Heureux Papa de sept enfants de mères et de nationalités différentes pour la plupart, il revenait juste de sa lune de miel à Florence avec sa quatrième épouse avec qui il avait eu deux enfants. Son métier de diplomate avait certainement favorisé le fait que je me retrouve cousin à une tanzanienne, deux camerounais, une péruvienne, une américaine et deux italiens.

J’observai ensuite Tata Michelle qui, assise près de son époux Georges, semblait vouloir créer une équipe de football avec leurs neufs enfants. 

Je terminai mon inspection avec ma douce Tata Marie-Dominique, une religieuse qui avait pris le voile malgré les protestations de sa mère. 

Oui, tous étaient présents pour l’entrée de ma nouvelle petite-sœur dans la famille Aka. Mon attention se reporta sur Maman qui s’apprêtait à prendre la parole :

-Comme vous le savez tous, nous avons avec Désiré pris la décision d’adopter un enfant. J’ai enfin la fille que j’ai tant souhaitée. Elle s’appelle Yélen mais vous pouvez l’appeler Yélé. C’est une fillette de 10ans venue du Mali et elle est albinos… 

- Une albi quoi ? Et en plus du Mali ! Avec tous les orphelinats d’ici qui grouillent de gosses, il a fallu que vous nous coltiniez une étrangère dont on ne sait rien et qui porte sans doute la poisse ! Si tu t’ennuyais autant que ça, pourquoi n’as-tu pas pris un chien plutôt ?

- Mais tu vas la fermer Monique ! Je t’interdis de parler de MA fille de la sorte ! Et si jamais tu recommences, je te promets que tu ressortiras de cette maison les pieds devant Schtroumpf Grognon !

-Oh ! Maman tu as vu ça ? Elle a osé me traiter de…

-Tu t’attendais à quoi avec cette mine de bouledogue que tu as constamment! Renchérit Mémé Mado calmement. Quoique je trouve que tu as tord Cécile…

-Ah ! Merci de me défendre Ma…

-…Moi j’aurais plutôt dit Grincheux dans Blanche-Neige non ? Termina la matriarche dans un éclat de rire qui devint vite contagieux. 

Même Tata Marie-Do ne put retenir un gloussement.

-Ah bon ?! C’est comme ça ? De toute façon, je ne suis pas étonnée. Tu as toujours pris la défense de Cécile…

-Et toi, tu as toujours été la préférée de Papa, Madame la PDG !

-Ah c’est donc ça en fait ! Vous êtes tous jaloux et toi Cécile la première du fait que Papa m’ait confié les rênes de la société familiale !

-Qui jaloux ? Demanda Tante Natacha. Crois-moi Grande-Sœur, aucun de nous ne t’envies hein. Au contraire, nous te plaignons ! Parce que je pense sincèrement que si tu avais pu réaliser ton rêve de devenir chanteuse, tu ne serais pas devenue la femme aigrie que j’ai sous les yeux !

-Monique Chanteuse ? Merci Papa de nous avoir évité cette catastrophe tu veux dire Soeurette ! Mais j’avoue qu’elle a raison sur un point : Cécile est la Chouchou de Maman.

-Laisse mon nom en paix « Jambes de girafe » ! S’exclama Maman à l’adresse de Tata Natalia. Vous ne pouvez pas changer de refrain un jour ? Ça fait des siècles que vous me rabâcher avec ça ! 

Et pendant qu’elles continuèrent à s’invectiver les unes les autres Mémé Mado en tête, j’entendis un murmure près de moi :

-Et voilà, c’est reparti pour un tour. 

-Tu penses que ça durera longtemps cette fois-ci Tonton Charlie ?

-Oh tu sais, espérons que nous n’en aurons que pour une demi-heure. Oh oh Sylvain, ta femme se prépare à faire très grosse bêtise. Dépêche-toi de la retenir avant…Trop tard.

En effet, Giulia s’apprêtait à intervenir pour essayer sans doute de les calmer. Avant même qu’elle ne parle, j’avais mal pour la pauvre qui ne savait malheureusement pas à quoi elle s’exposait.

-Mesdames, s’il vous plait, essayez de vous calmer…

-Oh toi la toubab on t’a rien demandé ! Non mais tu te prends pour qui pour nous demander de nous taire ? Attaqua Tata Monique.

-Merci Monique ! Continua Maman. Ne viens pas nous emmerder avec ton accent de lavandière sicilienne là ! Ton problème il est où ? 

-Continues de nous énerver et tu finiras très vite avec le titre de la quatrième ex belle-sœur ! Ajouta Tata Natacha. Et puis d’abord, on se comporte comme on veut ok ? Nous sommes chez nous ici !

-Vous êtes chez vous et puis quoi ? Je vous signale qu’en tant que la femme de votre frère, je deviens aussi un membre à part entière de cette famille! Alors déjà toi la chanteuse ratée, plus jamais tu ne me traiteras de toubab ! Mon prénom est Giulia ! Et toi Madame Cécile « Grande Gueule », rectification, je ne suis pas descendante de lavandière sicilienne mais plutôt d’une des plus anciennes familles de la Noblesse Florentine, alors calme tes nerfs ! Quant à toi la Girafe, commence à t’y habituer dès maintenant parce que je compte bien demeurer la dernière femme de Sylvain !

Un grand silence suivit ces paroles. Dire que nous étions tous étonnés serait un euphémisme ! Seule Mémé Mado partit dans un grand rire et tendant ses bras vers Tata Giulia :

-Sois la bienvenue dans la famille ma Fille ! Viens là que je t’embrasse ! 

Après l’avoir longuement pris dans ses bras, elle ajouta à l’adresse de son fils :

-Tu l’as bien choisi cette fois-ci mon Fils !

-C’est sûr ! Dit Maman en donnant une grosse bise sur la joue de l’Italienne, suivie de toutes ses sœurs. 

-Mince Sylvain, où l’as-tu trouvé celle-là Frérot ? Nous sommes foutus si nous devons encore supporter un autre clone des femmes de cette famille !

Souriant avec fierté le regard rivé sur sa femme qui riait maintenant avec ses « sœurs » :

-Et je suis comblé Charlie ! Véritablement comblé !

Je vis Papa, qui jusque là observait tranquillement ces palabres, approcher vers ma mère et lui murmurer quelque chose à l’oreille. Hochant la tête elle dit :

-Bon revenons à nos moutons. Je vous disais donc que nous sommes en pleine procédure d’adoption de notre petite Yélen. Alors, écoutez-moi bien ! Ecoutez-moi très bien ! Quand elle descendra, elle se sentira en famille parce que vous lui sourirez tous ! Elle aura droit à des embrassades et des compliments sur sa belle robe à fleur ! Personne ne l’observera comme si elle était une bête de foire ! Et prévenez vos enfants en même temps : le premier que je surprends à la blesser n’oubliera jamais le passage de ma main sur sa joue ! Me suis-je bien faite comprendre ?

Après avoir regardé chaque membre de la famille attendant l’acquiescement de tous, elle se tourna vers moi :

-Viens avec moi Pierre-Marie. Elle se sentira plus à l’aise avec toi à ses côtés.

Nous sortîmes du grand salon pour nous rendre dans la chambre vert anis transformée en chambre de princesse depuis l’arrivée de Yélé. Entrant dans la chambre, nous la vîmes en pleine conversation avec Nadine, l’une de nos femmes de ménage. Apparemment, la jeune femme essayait de la rassurer sur la famille de Maman.

-Tu peux nous laisser Nadine. Aïssata a sans doute besoin de toi en cuisine. 

Puis s’asseyant près de Yélé sur le lit :

-Alors comment va ma Future Star ?

-Bof ça va, répondit-elle d’une petite voix.

-Tu sais pourquoi il y a tous ces gens en bas n’est-ce pas ?

-Pour me présenter.

-En tant que qui ?

-Ta fille.

-Oui Chérie. Ma fille ! Et tu es heureuse de cela ?

-Oh oui ! S’exclama-t-elle en riant. Ça veut dire que je peux t’appeler Maman ? 

-Quelle question ! Bien sûr ! Le contraire me rendrait super triste.

-Et Tonton Désiré aussi serait triste si je l’appelle pas Papa ?

-Très très malheureux tu veux dire !

-Hum ! Je comprends. 

Sautant du lit, elle se mit devant Maman et tendant la main :

-Marché conclu. Bonjour Maman ! Moi c’est Yélen ta nouvelle fille. Mais tu peux m’appeler Yélé si tu veux ! 

Eclatant de rire, ma mère la prit et la serra longuement dans ses bras. Puis, lui faisant des chatouilles :

-Petite coquine va ! 

-Au secours PM ! Viens me sauver, cria ma petite sœur entre deux gloussements. Arrête Maman, s’il te plaît !

La prenant en traître, je sautai sur le lit pour aider Maman dans ses chatouilles. Nous continuâmes nos taquineries quelques minutes encore avant que notre mère ne reprenne son sérieux.

-Bon, il faut que nous descendions maintenant Mon Cœur. Tout le monde est impatient de faire ta connaissance. N’est-ce pas Pierre-Marie ?

-Ah ça c’est sûr ! dis-je un brin ironique.

-Mais et s’ils m’aiment pas ?

-Mais si Chérie ! Ils ne t’ont jamais vu mais ils sont déjà tous amoureux de toi !

Devant son air sceptique :

-Viens là ! 

Le menant devant le grand miroir en pied de la chambre !

-Regardes comment tu es belle dans ta magnifique robe ! Et ces ballerines Mon Dieu ! J’en suis trop jalouse ! Sans parler de tes nattes sublimées par toutes ces perles qui mettent divinement ton beau visage en valeur. Qui pourrait ne pas aimer une fillette aussi adorable que toi ? En plus tu es ma fille non ?

-Oui c’est vrai !

-Alors ! Et les femmes de la famille Aka sont comment ?

-Fabuleuses !

-Exact ! Alors redresse-moi ce menton, montre-moi ce sourire que j’adore et marche fièrement à l’image de ta Maman. 

Un sourire amusé sur le visage, je les regardai sortir en me disant que finalement, c’est vrai qu’elles se ressemblaient.

Dès que nous fûmes au salon, Maman déclara à haute voix :

-Je vous présente Ma Fille Yélen !

Devant le silence qui suivit, elle se racla la gorge et ce bruit sembla réveiller tout le monde de la torpeur dans laquelle ils semblaient baigner. Comme un seul homme, tous vinrent vers elle et bientôt elle se retrouva dans les bras des uns et des autres. Mémé Mado attendit patiemment la fin des embrassades puis déclara :

-Viens ici Petite Fille !

Un peu intimidée, Yélé avança néanmoins vers la vieille femme.

-Alors comme cela, tu aimerais entrer dans notre famille.

-Maman…

-Tais-toi Cécile ! Réponds-moi Petite Fille et surtout sois franche ! Si tu mens je le saurais de toute façon.

-Eh bien…En fait… Je les trouve tous un peu envahissants dit-elle sur le ton de la confidence. J’ai failli étouffer parce qu’ils me serraient trop fort. En plus, ils parlent tous en même temps donc j’ai rien compris à ce qu’ils me disaient. Mais je me dis que si la dame blanche fait partie de votre famille, c’est que moi aussi je peux. J’ai raison non ?

-Eh bien tu sais quoi Mon Enfant ? Je suis tout à fait d’accord avec toi ! Murmura aussi Mémé Mado. Ils sont un peu bizarres mais pas méchants.

-Même la dame qui a le visage fâché ?

-Oh elle ! Ne fais pas attention, dit la matriarche avec un mouvement de la main. Elle est née comme cela.

-Ah ok ! Je comprends mieux. C’est vraiment dommage. La pauvre !

Alors que Tata Monique semblait sur le point d’exploser, Ma Grand-mère elle, se retenant avec peine d’éclater de rire, tendit les bras :

-Eh bien quelle journée ! Une nouvelle fille et une nouvelle petite-fille ! Viens là que je t’embrasse ! Tu es ma préférée à partir d’aujourd’hui !

Le reste de la journée se passa relativement bien. Tout le monde fit un effort pour qu’il règne une ambiance joyeuse et harmonieuse. Harmonie qui faillit cependant se perdre à cause d’un impair que fit Annie, la fille de Tata Monique qui avait le même âge que Yélé. Nous étions à table lorsqu’elle s’exclama à l’adresse de la petite albinos:

-Pourquoi t’es pas comme nous? 

Et avant que Maman ne puisse dire un mot, on entendit :

-Parce que le Bon Dieu a voulu m’épargner le poids de l’héritage des 400ans d’esclavage des noirs.

-Tope là Mon Cœur ! S’écria Maman visiblement très fière de sa fille.

-Nous venons d’avoir la preuve que c’est vraiment ta fille Ceecee ! S’extasia Tata Marie-Do en pouffant.

-J’ai une vague idée de l’auteure de cette phrase, n’est-ce pas Cécile ? Renchérit Mémé Mado.

Ce à quoi Maman ne répondit pas. Elle n’en avait cependant pas besoin. Son air satisfait était assez éloquent.

***

-Vérifies encore une fois que tu as ton passeport PM.

-Je l’ai Maman. Ça fait dix fois que tu me le répètes !

-Vérifier une onzième fois ne va pas te tuer !

-Hum ! Ok ok !

Regardant dans le sac en cuir que j’avais en bandoulière, je ne vis pas le petit livret vert.

-Oups tu as raison Maman.

-J’ai toujours raison Mon Fils ! Me dit-elle en me donnant une légère tape sur le front avec mon passeport qu’elle avait justement dans la main droite.

-Outch ! 

-Bien fait ! Entendis-je derrière moi. 

Me retournant, je vis Yélé entrer dans la chambre. Deux mois environs après le déjeuner familial, j’étais sur le point, en ce début d’année, de me rendre à l’aéroport. Ayant obtenu une bourse dans l’une des universités les plus prestigieuses de New York, aujourd’hui était le jour de mon départ. 

-Petite peste ! Heureusement que je serai enfin débarrassé de toi !

-C’est ça ouais ! Arrête de faire genre ! Tu sais très bien au fond de toi que ta petite sœur chérie va trop te manquer !

-Tu rêves ou quoi ? Toi me manquer ? Beurk !

-Maman ! Tu vois PM ? Dit-elle d’une voix plaintive.

-Ne l’écoute pas Chérie ! Tu verras qu’il passera son temps à appeler rien que pour te parler !

-Ah tu vois ? Même Maman le dit ! C’est que c’est vrai parce que Maman a toujours raison !

-Exact ! Tope là Ma Fille !

-Good girl ! m’écriai-je ironique en applaudissant.

-Arrête ton cynisme à deux balles et commence à faire descendre tes valises. Si nous ne nous dépêchons pas, tu risques de rater ton vol.

1h30 plus tard, nous étions à l’aéroport Félix Houphouet Boigny,- Maman, Papa Yélé et moi- lorsque une voix féminine venant des hauts-parleurs pria les passagers de mon vol à se rendre en salle d’embarcation.

-Bon, Fils c’est le départ ! Tu es un grand garçon maintenant donc je ne te donnerai que ce conseil : ne pose aucun acte qui t’empêcherait de te regarder dans une glace. D’accord ?

-Promis Papa !

Après une longue accolade suivie d’une tape énergique dans le dos, je me tournai vers Maman.

-Prends bien soin de toi Pierre-Marie d’accord ? Couvres-toi bien surtout car il fait encore très froid là-bas ! Dès que tu arrives chez ton Oncle Martin, tu nous appelles ok ? Nous t’avons donné une très bonne éducation Mon Fils, alors ne nous fais jamais honte ! Je ne veux pas recevoir un appel du frère de ton père m’annonçant que tu as engrossé une fille ou que tu te drogues ou encore…

-Cécile !

-Ok ok j’arrêtes! Nous viendrons te voir dès que possible d’accord ? Que Dieu te garde tout au long de ton voyage et durant tout ton séjour dans ce pays étranger ! Tu as ton chapelet ? Ok ! Gardes-le toujours près de toi ! Oh et puis viens-là !
Elle me serra si fort que je manquai d’air mais je n’essayai pas de me dégager parce que je savais que cette chaleur maternelle me manquerait terriblement. Lorsqu’elle se décida à me lâcher, je me tournai enfin vers Yélé. M’agenouillant devant cette petite sœur tombée du ciel que je connaissais depuis moins d’un an mais dont la présence m’avait comblé ces cinq derniers mois :

-Ne pleure pas Sunshine ! Tu avais raison tu sais ? Tu vas beaucoup me manquer.

-Toi aussi tu vas me manquer Grand-Frère, me dit-elle difficilement à cause des sanglots qu’elle avait dans la voix.

-Tu me promets de prendre bien soin de Papa et de Maman en mon absence hein ? Je compte sur toi ! Travailles bien en classe et sois sage d’accord ?

-Promis pour tout sauf pour être sage. Je suis une enfant donc je sais pas si je pourrai.

Sans le vouloir, elle réussit à nous faire éclater de rire. Me relevant en la tenant dans mes bras, nous nous fîmes tous une accolade groupée.

-Je vous aime Famille Chérie !

-Nous t’aimons aussi Fils, nous t’aimons fort ! Répondit mon père.

-Oh Maman…Mais tu pleures ?

-Qui moi ? Mais non c’est juste que j’ai une poussière dans l’œil. Au lieu de raconter des bêtises, tu ferais mieux d’y aller maintenant. Allez ouste !

-Ok ok j’y vais ! 

Reposant Yélé que j’avais toujours dans les bras, je pris mon bagage à main et après une légère caresse sur sa joue, je me dirigeai vers la salle d’embarquement. Juste avant de passer la porte, j’eus le temps, en jetant un dernier coup d’œil en direction de ma famille, de voir Yélé et Maman en sanglots dans les bras de mon père. Ce fut la dernière image que j’eus de ma famille avant d’aborder le nouveau tournant de mon destin.

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