Chapitre 5
Write by Annabelle Sara
Thérèse Se tenait debout devant le miroir. C’est un rituel auquel elle ne dérogeait pas depuis des années. Chaque matin, à son réveil elle se tenait debout devant le grand miroir de la salle de bain et elle marquait chacune des imperfections de son corps. Le problème c'est qu'elle n’en voyait aucunes.
Se demandant pourquoi Dieu lui avait donné ce corps, avec cette magnifique plastique mais lui avait refusé la seule chose qui aurait réellement fait d'elle une femme.
Elle avait 38 ans et ressemblait à une jeunette d'une quinzaine d'années, grande, taille fine, un visage angélique, de longues jambes galbées tout en elle était juste parfait.
Mais ce qui la faisait souffrir et qui la rendait malheureuse se trouvait à l'intérieur. Thérèse aurait accepté toutes sortes d’imperfection physique ; les rondeurs, des vergetures, la peau d'orange, la peau qui tombe qui est froissée, abimée si cela impliquait qu’elle avait le don d’enfanter.
Les médecins disaient pourtant que tout allait bien chez elle, qu’il fallait être patiente.
Elle ne comptait plus le nombre de fois qu'elle avait prié, les décoctions et traitement suivis sans succès. Le ciel ne lui avait pas accordé cette grâce mais il lui avait donné autre chose en compensation !
Depuis son adolescence déjà elle était mère ! Mère de 3 garçons ! Elle ne les avait certes pas portées en son sein mais les avait vu et surtout aider à grandir. Elles les avaient éduqué, modelé. S'était assuré qu'ils avaient à manger, de quoi se vêtir et en cas de besoin, de quoi se soigner.
Elle devait avouer qu’elle avait hérité ce rôle de mère de la façon la plus tragique qu'il puisse être donné à une jeune fille de 18 ans de vivre.
La perte de ses parents l’avait marqué au fer rouge ! Mais elle ne pouvait pas le montrer en tant que sœur aînée de la fratrie, elle devait être plus que forte pour le bien de ses petits frères ; 3 au total. A l’époque, Léon avait 12 ans, il était plein de fougue de rage à la disparition de leurs parents. Elle avait dû tempérer le caractère de son petit frère ensuite il y avait les 2 plus jeunes.
Adolf 5 ans et le petit Carel 2 ans. Elle s'était battue pour pouvoir les garder malgré le fait que ses oncles pensaient qu’elle était trop jeune pour s’occuper de 3 enfants. Seulement, il était hors de question pour elle de se séparer de ses frères.
C’est donc contre vents et marées qu'elle a décidé de garder la famille de ses parents unie. Elle n’a pas fini l’école cette année-là ; déjà très débrouillarde il lui avait donc été facile de convaincre un ami de lui trouver un poste de serveuse dans son restaurant.
Elle y travaillait d'arrache-pied se battant pour ne pas céder à la tentation de l'argent facile, pour pouvoir nourrir et envoyer ses petits frères à l'école.
Ça n’avait pas été facile cette période, oui il fallait jongler entre les obligations familiales, les petits bobos, les factures, les hommes qui lui tournaient autour et s'assurer que ses frères avaient tout ce dont ils avaient besoin. La providence croisa son chemin, lorsqu'elle rencontra celui qui deviendra 5 années plus tard son époux !
- Thérèse tu sors de là ?
- Oui j’arrive…
Elle rabattit les pans de sa robe de nuit sur elle, serra la ceinture pour maintenir le vêtement fermé. Elle soupira bruyamment ; traina presque son corps hors de la salle de bain pour retrouver Dieudonné qui avait fini de se préparer pour son travail. Elle s'approcha de lui et serra la cravate autour de son cou.
- Tu sors tôt ce matin chéri, dit-elle avec lassitude. J’aurais aimé qu'on passe plus de temps ensemble.
Dieudonné Kenfack, toisa sa femme. Il n'arrivait pas à comprendre ce besoin permanent qu'elle avait de rester collée à lui. Ils avaient déjà 15 ans de mariage au compteur, il n'avait plus besoin qu'elle soit tout le temps accroché à son cou comme une sangsue. Il lui attrapa les mains et la repoussa doucement.
- Si je reste collé à toi dans un lit toute la journée qu'est-ce qui va te nourrir… qu’est-ce qui va t’habiller ?
- Je ne demande pas que tu passes toute la journée avec moi mais au moins que tu ne sortes pas à 6h du matin pour aller au travail ! C'est quand même toi le boss tu as le droit d'être en retard si tu pars à 10h qu’est-ce qu’il va se passer ?
- Il va se passer que je vais rater les rendez-vous que je suis censé avoir entre 7h30-9h, dit-il agacé.
- Bon mais tu as des rendez vous prévu de 7h30 à 9h tous les jours ? tu pourrais au moins aménager ton emploi du temps pour que je puisse passer du temps avec toi !
- Thérèse je n’ai vraiment pas ni l’énergie ni le temps pour ce genre de conversation ce matin ! Tu n'es pas une enfant à qui je dois apprendre les choses tu sais comment ça se passe dans ce monde !
- Justement c’est parce que je sais que j’aimerais que tu prennes souvent le temps de te reposer… à cette allure tu vas faire un burn-out ou un AVC, aucun n'est meilleur parmi les 2, lui expliqua-t-elle avec inquiétude.
- Toi et tes théories bizarre…
- Ce ne sont pas des théories bizarres DD tu n'as plus trente ans ! Dois-je te rappeler que la semaine dernière tu as eu un coup de chaud ! Tu as des enfants qui sont là et peuvent reprendre le flambeau… ce n’est pas pour rien qu’on a fixé l'âge de la retraite dans la cinquantaine chérie tu devrais essayer de déléguer plus souvent… lever un peu le pied sur l'accélérateur… les enfants sont là ils peuvent très bien prendre le relais !
- La retraite c’est à soixante ans ! Et puis de quels enfants tu parles ? Tu parles de ceux qui n’écoutent pas ce que je leur dis ? Qui n’en font qu’à leur tête pardon donne-moi ma veste je vais m’en aller !
- Tu n’as toujours pas réglé la situation avec Sylviane ? demanda Thérèse inquiète par ce qu'elle venait d'entendre
Sylviane c’est la fille aînée de Dieudonné il l'avait eu ainsi que ses 2 autres enfants, durant son premier mariage. Lorsque Thérèse avait rencontré Dieudonné il était marié et père de 3 enfants une fille Sylviane et 2 garçons Paul et Baptiste ! Sylviane À 19 ans avait vu son père convoler en secondes noces après le décès de sa mère avec une jeunette de 23 ans.
Au départ ça n’avait pas été facile mais Thérèse avait réussi à convaincre sa belle-fille non pas en prenant une position de nouvelle maman mais plutôt de grande sœur. Pour ce qu’il est de Paul et Baptiste qui étaient jumeaux, il leur avait juste suffit de goûter à la cuisine de la jeune femme pour être conquis.
Elle avait réussi à recomposer leur famille son mari acceptant de s'occuper de ses frères comme si ceux-ci étaient ses propres enfants. Ceci malgré les contre-indications qui venaient à la fois de la famille de la défunte épouse de Dieudonné, que de celle de la famille de Dieudonné qui estimèrent que Thérèse était une opportuniste qui venait profiter de la fortune de leur frère.
Et jusqu’à ce jour rien n’avait changé de ce côté.
- Donc c’est moi qui dois parler avec Sylvianne ? Chéri je ne comprends pas quel est le problème que tu as avec ta fille…
- Qu’est-ce que tu ne comprends pas ? Je veux que cette fille écoute ce que je lui dis… qu'est-ce que tu ne comprends pas par là ?
Chaque fois que Dieudonné s’énervait Thérèse préférait ne pas argumenter.
- Pardon ne te fâche pas ! Je trouve juste que c'est une grande fille maintenant tu peux la laisser au moins faire ce qu'elle veut…
- Il n’y a que toi pour supporter ce genre de comportement cette fille a décidé de me désobéir et tout ce que tu as à dire c’est qu’elle est grande... elle est grande devant qui ? Je suis son père donc quand je lui dis de faire quelque chose est fait comme je lui ai dit !
- Je ne me suis pas entendu dire qu’elle ne doit pas t’obéir… je dis qu’elle sait ce qui est bon pour elle, mieux que toi, mieux que moi, mieux que personne! Si elle trouve que c'est ce qui est bon pour elle ! Pourquoi est-ce que tu dois en faire toute une histoire ! On dit que les conséquences valent mieux que les conseils ! Tu ne vas pas te fâcher avec ta fille parce qu'elle ne veut pas suivre tes conseils...
- Donc dire à ma fille de bien choisir ses partenaires en affaire c’est faire toute une histoire ? T'es sûr que tu vas bien ce matin ?
Le fait qu’il utilise ce ton sarcastique avec elle la poussa à calmer le jeu. Elle l’aida à porter sa veste.
- Je trouve juste que ceci n’est aucunement une raison pour que tu arrêtes de parler à ta fille !
- Bon comme tu t'entends si bien avec elle, dis-lui de m'appeler dans la journée il faut qu'elle vienne au bureau !
- Donc toi tu ne peux pas l’appeler pour lui demander de venir au bureau ?
- Je dis hein... finalement ton rôle c'est quoi ? Tu es médiatrice ou pas ?
- Ça va… ça va! Je vais l’appeler et lui dire de venir te voir, j’espère que tu ne vas pas lever le ton devant l’enfant là pardon ! Elle est déjà grande Dieudonné, s’il te plaît elle a 34 ans et sait ce qui est bien pour elle ! Respecte ses choix et laisse-la faire, même si ça ne ça ne marche pas y a pas de souci la vie ne s’arrête pas là !
- Oui Mère Thérèsa… passe-moi mon sac s’il te plaît je vais partir…
Thérèse éclata de rire avant d’attraper le sac de son mari et le lui donner.
- Tout ça mon problème à moi n'est pas réglé, fit Thérèse la mine boudeuse.
- Thé tu dérange ! Ce soir nous irons à la veillée de ma nièce… je crois que tu auras donc droit à ta grasse matinée tant voulue !
- Je ne demande que cela… on se retrouve à la veillée ou alors tu vas d'abord passer par ici ? S'enquit-elle !
- Non je vais d'abord rentrer ! Tu sais que je n'aime pas aller à ses événements familiaux en pièce détachée !
Il n'aimait surtout pas livrer Thérèse à la merci de sa famille qui ne ratait aucune occasion pour lui rappeler qu'elle était persona non grata. Qu’à cause d'elle la première épouse de Dieudonné était morte dans la douleur.
- D'accord ! Je vais sortir pour faire un tour au marché ensuite j'irai voir Léon…
- Il a un problème ? demanda Dieudonné
- Non… j'espère que non… mais il m'a semblé un peu accablé dernièrement !
- Je ne comprends pas comment un enfant talentueux comme celui-là peu délibérément décidé d'aller s'enterrer dans la fonction publique ! Je ne sais pas comment convaincre ton frère de travailler pour moi !
Dieudonné avait en effet tout fait pour séduire Léon et le convaincre de prendre un poste dans une de ses entreprises. Mais Léon avait toujours refusé.
- Mon frère est fière DD !
- Oui et stupide surtout ! Le voilà qui stagne depuis bientôt une décennie au service de la République !
Thérèse n'aimait pas parler des choix de Léon avec son mari parce qu'en plus de comprendre elle approuvait car elle savait qu’il se comportait de la sorte pour la protéger.
- Tu veux manger quelque chose en particulier aujourd’hui ?
- Les légumes avec du pistache ce serait une bonne chose, répondit-il en prenant sa femme dans ses bras. Plus de dix ans de mariage et tu aimes toujours autant prendre soin de moi.
- Si tu me laissais faire je te chouchouterais encore plus dit-elle avant de l'embrasser.
Il avait raison, lorsqu’on les voyait ainsi enlacés on aurait dû mal à croire que ça faisait déjà 20 ans qu'ils se connaissent. Thérèse aimait son mari comme au premier jour principalement parce qu’il n'avait jamais cessé de la choyer et de lui montrer son amour.
La protégeant des gens qui la cataloguaient et même parfois d'elle-même.
- N’oublie pas d'appeler Sylviane !
- Je fais ça tout de suite mon cœur !
- Bonne journée ma belle.
- Merci, à toi également DD.
Une fois son époux parti, Thérèse alla retrouver sa femme de ménage qui faisait la vaisselle dans la cuisine. Julie travaillait pour les Mbopda depuis déjà quelques années. Pendant sa recherche d'une personne à la fois compétente, discrète en qui elle pouvait avoir confiance pour s'occuper de sa maison lorsqu'elle devait vaquer à ses occupations, Thérèse en avait vu des vertes et des pas mûrs.
Mais depuis 3 ans Julie, avait réussi à se faire une place et Thérèse ne jurait que par la jeune femme dévouée qu'elle était.
- Bonjour Julie !
- Bonjour Ma Thé, comment vas-tu ?
- Je vais bien, souffla Thérèse en inspectant ses placards.
Elle sentit le regard de la jeune femme posé sur elle.
- Vous avez encore passé une mauvaise nuit ?
Cette question, Thérèse était habituée à l'entendre de la bouche de sa jeune employée.
- Non, c'était moins intense cette nuit ! Julie je suis fatiguée...
- Le plus important c'est le résultat, continuons de prier que les choses se passent bien. Surtout que Monsieur est un peu nerveux ces derniers jours…
- Parlant de sa nervosité, il faut que j'appelle Sylviane se souvint Thérèse.
- Elle a encore énervé son père ?
- Il s’énerve pour tout et n'importe quoi aussi… Tout à l'heure je vais faire le couscous avec les légumes pistache, tu achètes du Brochet fumé il n'y en a plus dans le frigo.
- D'accord Ma Thé ! répondit la jeune femme en retournant à sa tâche.
Thérèse retourna dans sa chambre pour prendre son téléphone et appeler sa belle-fille. La relation entre les deux qui avait beaucoup évolué au cours des années et des épreuves de la vie faisait qu'elles se considèrent plus comme des sœurs.
A la première sonnerie, elle décrocha en criant de joie !
- Mama Thé bonjour…
La voix stridente de Sylviane amusa Thérèse qui ne s’empêcha pas de rire.
- Sissi je dis Hein, tu ne m'appelles pas que tu comptes sur quoi ? Demanda Thérèse en s'installant sur le bord du lit.
- La Mère je m'excuse ! J'avais un peu trop a à faire ces derniers jours
- Donc tu as mieux à faire que d'appeler la vieille femme de ton père pour donner des nouvelles ?
- Vieille ? Qui est vieille ? Ce n’est pas parce qu'on t'appelle Ma Thé que tu vas venir jouer les vieilles
- La quarantaine et la ménopause arrive à grand pas ma chérie dit Thérèse.
- Ne dis pas ça ! La ménopause va arriver mais sûrement pas de sitôt…
La voix calme et grave de Sylviane réchauffa le cœur de sa belle-mère. Chaque jour elle comprenait qu'elle n’était pas seule à mener ce combat même si elle était celle au front.
- Je ne t'appelle pas pour moi de toute façon, comme tu ne me gère pas là…
- Waaaa... la Mère ci ! Je suis ta fille Hein ! Tu n'avais qu'à ne pas accoucher à 5 ans.
Elles éclatèrent de rire. Sylviane était une jeune femme pleine de vie et d'humour mais lorsqu'il fallait être sérieux et posé elle savait également le faire.
- C'est ton père qui me demande de caler un rendez-vous avec toi pour aujourd’hui !
L'atmosphère venait de changer, le son de la voix de la jeune femme à l'autre bout du fil le confirma.
- Il veut quoi ?
Cette question tranchante ne plut pas à Thérèse.
- Sylviane c'est ton Père !
- Oui alors pourquoi il n'appelle pas lui-même pour me demander… non pour me sommer à un rendez-vous ?
- Vous et votre tempérament...
- Ma Thé, papa dérange, il passe son temps à dicter au gens leur conduite ! Il veut m'imposer sa vision comme si je suis une enfant qui ne réfléchissait pas. Je suis fatiguée de ce comportement ! Dans tout ça je ne lui demande rien même pas son soutien, rien.
- Tu devrais pourtant ! Ton Père a une immense réputation, il a le devoir de vous faire profiter à la fois de son expérience et de son savoir… parce que quoiqu'on dise son nom est rattaché au votre !
- Si le prix à payer c'est son mépris et son manque de considération pour mes propres compétences je refuse son aide… coupa Sylviane.
Ça allait être plus difficile de la convaincre que ce qu'elle imaginait.
- La première chose que j'ai fait en entendant parler de ce marché c'était d'aller voir Papa pour qu'il soit mon avaliste ou au moins qu'il fasse poids pour que mon banquier accepté de m'avaliser ! Mais je ne savais pas que mon propre Père allait chercher à me freiner…
- Tu lui as demandé pourquoi ? Intervint Thérèse en essayant de comprendre pourquoi son mari aurait délibérément voulu talocher sa fille.
- Je ne veux pas connaître ses raisons, s'il veut entrer dans la course il me le dit au lieu de me poignarder dans le dos ! C'est bas !
- Je doute qu’il ait voulu te faire un sale tour ! Vous devriez en parler !
- De quoi ? Tu sais qu'il m'a dit que je suis une petite joueuse et que je vais vite le comprendre ?
- Chérie calme toi ! Vous devriez vous asseoir pour discuter et il est disposé à te parler paisiblement et là il pourra t'expliquer son comportement…
- Hum… j'ai envie de dire non mais mon Père n'est pas bête il sait pourquoi il t'a demandé d'appeler à sa place.
- Vu comment tu t'échauffe moi aussi je comprends ! Je ne sais pas où est passé la Sylviane qui m'avait promis qu'elle ne laisserait jamais l'argent la séparer de sa famille !
Thérèse utilisa la carte de la famille pour toucher sa belle-fille. Elle savait que c’était la seule façon de la pousser à aller voir son Père aujourd’hui
- Il veut te voir au bureau.
- Tu seras là ? demanda la jeune femme.
Thérèse se rappela qu'elle avait toujours servit de tampon pour les enfants de Dieudonné. Sa présence lorsqu'il voulait les discipliner avait toujours servit à apaiser la sanction et la rendre plus supportable pour ses enfants même déjà grands.
- Désolée ma belle je dois me rendre à la boutique et je dois voir Léon dans la journée ! Mais ton Père m'a promis de bien se comporter et j'espère que toi aussi tu sauras te retenir et essayer de le comprendre ! Votre façon de communiquer depuis quelques années n'est pas très bonne ma chérie !
- Je vais faire des efforts… tu salueras Léon de ma part ! Ça fait un moment que je n’ai pas de ses nouvelles !
Thérèse acquiesça se rappelant que Sylviane a toujours eut un faible pour son petit frère.
Thérèse souhaita une bonne journée à Sylviane avant d’enfin vaquer à ses propres occupations. D'abord elle se rendit dans son prêt à porter. Une fois les inventaires et les comptes établies, vers 15 heures, elle appela son petit frère pour lui dire qu'elle voulait le voir. Mais le téléphone de Léon ne passait pas. Se disant que c’était à cause du coin reculé dans les montagnes de Mendong où il vivait, qui expliquait que son téléphone ne passait pas.
Elle décida de faire rapidement un tour avant de rentrer faire à manger à son époux. Elle toqua à la porte du studio de son frère sans réponse. Elle allait s'en aller lorsqu'elle aperçue du mouvement dans le quatre pièces.
On aurait dit que des gens venaient de quitter le salon, derrière la porte pour aller dans la chambre.
Elle se baissa devant la fenêtre pour essayer de voir si elle voyait quelqu’un. Elle appela Léon. Pas de réponse. Le salon qu'elle arrivait à distinguer malgré les rideaux tirés baignait dans l'obscurité. Mais elle aperçut un téléphone sur la table basse. Elle recomposa le numéro de son frère, mais apparemment ce n'était pas le sien puisqu'il ne sonnait pas ni à son oreille ni sur la table.
Peut-être c’était celui de Solène.
- Solène, cria-t-elle. Tu es là ?
Aucune réponse. Elle n'avait pas le numéro de la jeune femme pour l'appeler. Peut-être qu’elle avait juste oublié son téléphone sur la table.
Elle décida de s'en aller lorsqu’elle croisa une voisine.
- Personne ne vous a répondu ? Demanda la voisine avec une mine inquisitrice.
- Non, il n'y a personne !
- Solène est pourtant entrée ça ne fait même pas dix minutes… ah peut-être qu'elle se repose et elle ne peut pas vous entendre cogner !
L'intervention des étrangers dans la vie de Thérèse ou d'un de ses proches avait tendance à l'exaspérer.
Cela lui rappelait l'intervention malsaine de l'entourage de ses parents à leur décès.
- Si elle se repose ce n’est pas grave. Je vais revenir après...
Elle ne voulait rien entendre d’autre alors elle quitta l'immeuble où vivait son frère pour conduire jusqu’à chez elle.
Elle reçut un message de Sylviane : “ La prochaine fois je ne vais pas suivre tes conseils”
La rage dans le message de Sylviane trottait encore dans la tête de Thérèse. Elle avait dû se retenir dix fois d'appeler son mari pour comprendre ce qui s’était passé. Sans compter que Sylviane ne lui répondait pas.
Il était là attablé face à elle maintenant et il dégustait son repas. Elle ne voulait pas lui gâcher le plaisir en lui posant la question. Elle allait attendre ! L'une de ses qualités c’était bien la patience.
Ils parlèrent de tout durant ce repas même après, alors qu’ils s’apprêtaient à aller à la veillée sans jamais évoquer le sujet de Sylviane.
Elle savait que si elle lui posait la question il allait se braquer. Elle allait attendre d'avoir la situation en main.
La veillée de la petite nièce de Dieudonné était bondée. On aurait dit les adieux à une star.
- C'est sérieux tout ce monde ?
- Tu ignores quoi sur l'hypocrisie humaine, répondit Dieudonné. Ils sont là pour s'assurer qu'elle est vraiment morte et que ce n’est pas juste un buzz de plus.
- La petite-là était vraiment une peste !
- Peste est faible ! Je ne sais pas combien de fois j'ai demandé à mon neveu de faire interner sa fille ou de l'amener chez TB Joshua.
Thérèse faillit éclater de rire alors qu'ils allaient entrer dans la maison du deuil, lorsque son regard se posa sur son frère.
- Léon ? Tu fais quoi là ? J'arrive... ne pars pas sans qu'on ne se voit !
Il s’était contenté de hocher la tête tandis qu’elle suivait son mari qui était désormais dans la maison. Il se retourna pour voir ce qui la retardait.
- Qu'est-ce qui t'arrive ? Demanda-t-il.
- Je parlais à Léon… Il est dehors !
- Il fait quoi ici ?
- Je lui ai posé la même question, en tout cas il va nous expliquer tout à l’heure je lui ai demandé de ne pas partir sans me voir…
Dieudonné hocha la tête et prit la main de sa femme. Ce geste fit retentir le son de cloche dans la tête de la de Thérèse : la famille est là !
Au même moment elle perçu les premiers murmures. Elle connaissait parfaitement bien se fond sonore, elle le percevait chaque fois qu'elle s'approchait un peu trop des membres de la famille de son mari, les abeilles se déchainaient. Elles avaient toujours quelque chose à dire sur son accoutrement, son comportement, ce qu’elle faisait et surtout ce qu’elle ne faisait pas.
- Tonton !
Dieudonné salua son neveu qui était venu à sa rencontre. Il n’était son aîné que de six ans car il était le dernier fils de la sœur aînée de Dieudonné.
Avoir un neveu qui pouvait être son petit frère avait été pour le mari de Thérèse une bénédiction dans son enfance car il pouvait se tourner vers une personne de sa génération. Ils avaient grandi ensemble mais le rapport oncle neveu était bien respecté.
Même si Thomas qui était de Père Ewondo, avait grandi dans sa culture paternelle il avait toujours respecté la famille de sa mère et son background.
Thomas et sa famille n’était pas le problème de Thérèse, mais les sœurs aînées de son mari si.
- Bonsoir Thomas, fit-elle en prenant le neveu de son mari dans ses bras.
- Merci d’être venue Thérèse !
Il la remerciait, mais elle voyait bien dans les regards des autres que sa présence n’était pas souhaitée.