Chapitre 5

Write by WumiRa

Pour la deuxième fois en deux jours, Maya se retrouvait dans le bureau de Malik Sylla. 


Elle sentit son coeur s'emballer à la perspective d'accomplir la plus difficile démarche de toute sa vie : elle allait donner sa main à un homme qu'elle ne connaissait pas. C'était tout simplement de la folie. La veille elle avait été tentée d'aller voir Djibril, mais après ce qui s'était passé la dernière fois qu'ils s'étaient vus, elle redoutait qu'il s'emporte à nouveau. Elle avait décidé de ne rien lui dire, puis une fois mariée au goujat qu'elle allait épouser, elle lui expliquerait. Parce qu'après avoir longuement réfléchi, elle avait décidé que son mariage avec Malik n'en serait un que de façade et elle comptait demander le divorce lorsqu'elle serait sûre que son père avait obtenu ce qu'il voulait.  S'il souhaitait l'épouser, le mariage serait conclu dans ses termes à elle !


D'accord, il était extrêmement séduisant, et peut-être même l'homme le plus sexy qu'elle ait jamais vu. Il avait des mains superbes : un autre détail qui avait retenu son attention. Des mains taillées pour des caresses... Elle secoua la tête, en se ressaisissant. Il semblait exceller dans ce domaine, à en croire la manière dont il l'avait déshabillée du regard, mais tout cela ne signifiait pas qu'il allait la glisser entre ses draps, oh non pas question !


Elle accepterait de jouer les parfaites épouses au foyer : elle serait une maîtresse de maison exemplaire, accueillerait ses hôtes pour le dîner avec le sourire, préparerait des délicieux petits plats à son "cher" mari, mais la comédie n'irait pas plus loin. Elle n'avait pas non plus l'intention de se montrer de bonne compagnie. 


Cependant en cet instant, Malik prenait un malin plaisir à la faire patienter dans l'antichambre de son bureau.  Tandis que les minutes s'écoulaient, elle sentait la tension et une irritation croissante monter en elle. Il le faisait exprès, elle en était sûre. Au bout de ce qui lui parut une éternité, elle se leva à bout de nerfs, prête à prendre congé : tout le courage qu'elle avait rassemblé ce matin pour affronter la situation avait disparu.  Mais au moment où elle posait la main sur la poignée de la porte, une voix ironique résonna derrière elle. 


- Tu pars déjà ? Ce fut bref !


Se retournant vivement, Maya planta son regard furieux dans les yeux de Malik, qui la contemplait avec la même intensité que la veille. 


- Je suis ici depuis plus de vingt minutes ! répliqua t-elle. 


- Je suis un homme très occupé. J'ai dû réorganiser mon agenda pour pouvoir être en mesure de te recevoir. Néanmoins je suis disponible maintenant. Entre.


Elle fronça les sourcils. 


- Est-ce un ordre ?


Il ne pu s'empêcher de sourire. 


- Dois je dire "s'il te plaît" Maya ?


- J'imagine que cela enlèverait la première lettre de votre prénom ? 


Il secoua la tête et son sourire s'élargit. 


- Entre, si tu veux bien.


Elle s'exécuta et le précéda dans la grande pièce aux murs dont une partie était recouverte de photographies représentant plusieurs hôtels. Il avait également une chaîne d'hôtel ? songea t-elle impressionnée. La loi devrait interdire qu'on soit aussi riche ! Elle parcourut du regard le reste de la pièce ; ce qu'elle n'avait pas eu le temps de faire la veille. Tout semblait être conçu pour le travail dans le bureau de Malik Sylla. Impressionnant... Comment s'était-il débrouillé pour amasser autant de fortune, en étant aussi jeune ? Elle n'ignorait pas que bon nombre de personnes étaient prêtes à toutes sortes de choses illégales pour parvenir au sommet, mais même si elle ne l'aimait pas particulièrement, elle le voyait mal en train de faire quoi que ce soit d'illégal. 


Mais d'où lui venait tout à coup ce genre de raisonnement ? Un homme qui était capable d'exploiter le désespoir d'un autre était capable de tout, point. Elle l'entendit soupirer. 


- Tu préférerais qu'on reste debout ?


Il venait de lui tirer une chaise.


- Je préférerais que vous m'épargnez la carte du gentleman. C'est comique. 


- Ah.


Touché.


- Cela t'étonnerait de voir jusqu'où ma galanterie peut aller.


- Mon...


- Je me suis libéré pour te recevoir, mais nous n'en avons pas pour toute la journée. Assieds-toi. 


Voyant qu'il ne plaisantait pas, elle le foudroya du regard et s'assit enfin.


- En fait n'allez pas croire que je serai une femme docile et dévouée, personne ne me donne des ordres. 


Malik prit place en face d'elle et demanda d'une voix calme :


- Dois je comprendre que tu acceptes finalement de devenir ma femme ?


En entendant le mot "femme" Maya serra les poings. Si seulement elle avait eu le choix ! Elle croisa son regard intense dont la puissance aurait intimidé n'importe qui d'autre et s'efforça de rassembler ses esprits.


- Vous êtes atteint d'Alzheimer ? Dois-je vous rappeler que vous ne m'avez pas laissé le choix ? s'indigna t-elle.


La colère monta encore en elle quand elle surprit le sourire satisfait qui se peignait sur le visage de son interlocuteur. Il s'amusait avec elle. Il la prenait pour un jouet.


- Tu aurais pu refuser, répondit-il. En fait je ne m'attendais même pas à te revoir. 


- Vous saviez bien que j'allais revenir.


- Non, mais apparemment je t'ai sous-estimée. Ton père a dû être très fier de toi. 


Elle repensa aussitôt au regard empli de gratitude d'Henri.


- C'est un homme bon, déclara t-elle. Contrairement à certaines personnes ici. 


Elle le vit se rembrunir.


- Fais attention à ce que tu dis. Je n'ai jamais obligé ton père à faire affaire avec moi. Mais je reconnais qu'il a beaucoup de chance, très peu de filles consentiraient à faire un tel sacrifice. Dis moi, tu l'aimes donc beaucoup ? Ou est-ce parce que toi aussi tu tiens à préserver le prestigieux nom des Fall ?


Une lueur de surprise passa dans les yeux de Maya. 


- Que voulez-vous dire ?


- Ce que je viens de dire.


- La tranquillité d'esprit de mes parents m'est très chère.


- Bien sûr. C'est très convaincant comme réponse.


- Vous...


- Revenons à ce qui nous occupe, enchaîna t-il aussitôt. Tu es ici pour me dire que tu acceptes de m'épouser si je sauve la société de ton père, c'est bien cela ?


Elle déglutit, s'efforçant d'ignorer la petite voix qui lui disait de fuir. À grand peine, elle acquiesça d'un hochement de tête. 


- Je veux te l'entendre dire. Oui ou non ? 


Maya sentit une vague d'émotions nouvelles monter en elle. Le désespoir la terrassait, mais aussi le chagrin, l'humiliation et la colère. Pourtant, elle songeait à ne rien montrer de son trouble à Malik. 


- Oui. 


- Oui ?


- J'accepte de devenir votre femme.


Il répondit par un sourire réjoui.


- Mais j'ai quelques conditions à poser. 


- Ah. Tu te crois en position de négocier ?


- Oui, je le suis, affirma t-elle sans se démonter. 


Il croisa les bras, avant de la considérer d'un air indécis. 


- Ce n'est pas mon avis, mais qu'importe, je veux bien t'entendre poursuivre. 


Il voulait bien ? Décidément les choses s'annonçaient plus que bien, ironisa t-elle, intérieurement. Elle s'éclaircit la gorge et poursuivit en disant :


- Je... Je n'aurai pas de relations sexuelles avec vous. Et je ne ferai pas non plus semblant de vous apprécier quand nous serons seul. 


- Est-ce tout ? 


De toute évidence, il s'y était attendu, ne put s'empêcher de constater Maya. Et il n'avait même pas l'air d'être surpris ou contrarié ! 


- Je consens à vous épouser, seulement si...


- Non, pas question.


Outrée, elle leva vers lui un regard assassin. 


- Non à quoi exactement ?


- Tu deviendras mon épouse, dans tout ce que le terme d'épouse recouvre.


- Il n'en est pas question ! Comment...


D'un geste de la main, il l'empêcha de poursuivre.


- Un mariage implique les relations charnelles, et tu le sais. Une épouse se doit de satisfaire son époux, également de cette manière. 


Quoi ?!


- À propos, je ne veux pas que tu revois ce vaurien, comment l'appelles-tu ? Djibril, c'est ça. Tant que tu seras mienne je ne le permettrai pas.


- Je n'appartiens à personne.


- Pas encore Maya, mais ne tente pas l'homme des cavernes en moi. Je peux me montrer excessivement possessif. 


- Mais encore ? railla t-elle. On croirait que vous êtes capable d'éprouver quoi que ce soit à l'égard des gens. 


- Tu en doutes ?


- Il ne suffit qu'à voir la manière dont vous parlez mariage. Comme s'il s'agissait d'un contrat de vente. 


Imperturbable, il déclara :


- Je vais demander à mes avocats d'établir un contrat de mariage, il sera prêt ce soir. Mais il faudra que tu viennes chez moi pour le signer, car le mariage aura lieu dans une semaine. 


- Mais... Pourquoi... pourquoi si vite ? balbutia t-elle, stupéfaite. 


- Ton père se trouve dans une situation périlleuse, à laquelle il faut remédier au plus tôt, non ? 


Comme s'il s'en souciait vraiment. 


- Ma mère, fit Maya.


- Pardon ?


- Ma mère n'est pas au courant que je me marie et j'ignore ce qu'elle va en penser. 


- La bénédiction d'Henri ne devrait pas suffir ?


- Vous plaisantez j'espère ?


- En effet. Mais ta mère ne me pose pas de problème. Si tu ne tiens pas à ce qu'elle entende la version originale, je lui dirai que nous nous sommes rencontrés dans l'avion il y'a six mois et que je suis automatiquement tombé amoureux de toi. Tu sais le coup de foudre, comme dans les films. 


Malgré le mépris que lui inspirait cet homme, elle eut beaucoup de mal à ne pas pouffer de rire. 


- Vous savez à quel point vous êtes agaçant, n'est-ce pas monsieur Sylla ?


Il haussa les épaules.


- De la même manière, je peux être très convaincant. Tu en doutes toujours ? 


- Je ne lui ai jamais menti.


- C'est moi qui suis censé le faire et omettre de dire la vérité, ce n'est pas vraiment mentir. 


- En plus de quoi vous êtes un grand calculateur. Néanmoins, j'étais sérieuse quand je disais...


- Ne pas avoir l'intention de faire l'amour avec moi. 


Une gêne commençait en s'installer en elle.  


- Vous appellez toujours un chat un "chat" ?


- À moins que tu ne veuilles que je dise "coucher" ? Mais non, je n'aimerais pas te manquer de respect, tu es quand même la future madame Sylla. 


Une chose qu'il avait dite lorsqu'ils étaient assis côte à côte dans l'avion, revint alors à la mémoire de Maya.


- Au fait, je pensais que même s'il s'avérait que j'étais la nouvelle reine d'Angleterre, vous ne me trouverez pas à votre goût. 


La surprise qui se peignit sur les traits de Malik, lui fit un immense plaisir. 


- Si tu veux m'entendre dire que tu es belle, bien oui. Mais tu n'as pas besoin d'en savoir plus, les mots n'ont pas autant de force que les actes. 


À présent il avait ses yeux rivés aux siens. 


- La cérémonie sera assez simple et célébrée chez moi. À moins qu'il tu ne veuilles quelque chose de grandiose ?


- Moins ce sera hypocrite, mieux je me porterai. 


- Alors nous sommes d'accord cette fois.


***


- Qu'est-ce qui te fais croire qu'il ne t'a pas reconnu ? 


Malik croisa le regard interrogateur de Umar. 


- Ne va pas commettre la plus grosse erreur de ta vie Mal. Sans parler du fait que tu n'aurais pas dû mêler la fille à ton plan.


- Maya ne fait pas vraiment partie de mon plan, protesta t-il. Cette fille sera mienne et qu'elle soit le sang de mon pire ennemi n'y change rien. 


- Tu n'as pas peur qu'elle te déteste en apprenant la vérité ?


Il parût réfléchir pendant un moment, puis il répondit d'un air sûr et certain :


- À ce moment elle serait sans doute déjà follement amoureuse de moi. J'aurais pu ne pas l'épouser et me contenter de l'attirer dans mon lit mais...


- Mais ?


- Je ne sais pas. Elle est la première femme qui ait réussi à me tenir tête et à me mettre en colère. D'habitude, elles m'ennuient.


Umar le regardait comme s'il était fou. 


- Elle est donc à craindre ? 


- Pas particulièrement. Écoute je ne l'épouse pas pour Fall, il s'agit d'un défi personnel à relever. Puis quand j'aurai obtenu toute la satisfaction qu'il me faut, je divorcerai d'elle. 


- Tu perds la tête Mal, tu viens de me dire que tu comptais la faire tomber amoureuse. 


- Fiches moi la paix, Umar. 


- Tu sais que le fait que son père n'ait pas reconnu le Zayn Sylla d'autrefois me laisse perplexe ? Peut-être qu'il n'a plus toute sa vue ? Quel âge a t-il au juste ? 


- Pour cet homme je n'existe plus depuis longtemps. 


Il s'assit. 


- Et il reste une petite question à propos, poursuivit-il. Quand mes parents étaient en vie, Henri ne leur avait jamais dit qu'il avait une fille. Je me demande bien pourquoi. 


- C'est peut-être toi qui ne l'a jamais su. 


 - Je suis sûr que non.  Elle n'est pas non plus née pendant que j'étais à l'orphelinat, Maya a vingt quatre ans. Ce qui veut dire qu'au moment de la mort de mes parents, elle devait avoir deux ans. Que nous cache encore ce traitre ? 


- Ne t'en mêle pas tant que cela n'a rien à avoir avec toi. 


- Tout ce qui est en rapport avec elle, me concerne.





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