Chapitre 56
Write by Myss StaDou
Chapitre 56
Mon Dieu, ma joue chauffe comme si on y a appliqué un fer à repasser brûlant. Mince ! Où suis-je ? La scène qui se déroule en ma présence semble sortir tout droit d’un film d’horreur. Je rêve ou quoi ? D’où sort cette femme ? Elle m’a chassé de chez elle. Je suis partie. Elle vient faire quoi à Soa. En me posant ces questions distraitement, j’ai juste le temps d’éviter de justesse une autre gifle que cette furie voulait me donner.
− Mama eh…
− Tu n’as pas honte ?!
− Mais…. Madame, que me voulez-vous ?
− Mais tu es malade toi ! Tu sais comment on accouche un enfant ?
Je la regarde, ébahie. La maman de Victor murmure sous le choc :
− Mon fils, mon Victor. Ce n’est pas possible !
Elle est perchée devant moi sur des talons blancs et porte un bel ensemble en lin beige. Elle, si belle, est sérieusement enlaidie par sa colère. Heureusement qu’elle est maintenant à un mètre de moi et fait de courts va-et-vient, murmurant des paroles incohérentes dans lequel le nom de Victor ressort à plusieurs reprises. La manière dont elle est énervée, je sens qu’elle peut même me tuer ici sur place. Je ne sais même pas pourquoi elle s’énerve. Je n’ai pas vu son fils depuis et je me fais gifler ici pour rien.
J’entends Jeanne qui crie, essoufflée :
− Tata Cathy…Tata Cathy, c’est quoi ?
La maman de Victor a l’air outrée par sa question :
− C’est quoi comment ? Tout ça est sûrement de ta faute.
Jeanne arrive enfin à proximité et se place à côté de moi.
− Ma faute ? De quoi parles-tu ?
− Vraiment… murmure-t-elle avec dédain. Moi qui pensais que tu étais une fille bien. Pas comme toutes ces petites effrontées d’étudiantes… Toutes des croqueuses de diamant, voleuses de mari. Je suis déçue !
Tout son bavardage ne concerne qu’elle à l’heure. Il faut que je réfléchisse au moyen de me sortir de cette situation. Cette mère enragée est venue accompagnée. Le musclor m’a déjà montré que quoi il est capable. Je n’ai pas du tout l’intention de lui rendre ses coups. Je ne veux pas de malédiction sur ma tête. Je suis encore de dos contre la voiture qui a servi d’amortisseur à mon corps tout à l’heure. Mais heureusement je suis déjà de profil. Jeanne est venue se placer devant sa tante, avec qui elle a un échange virulent. Je guette rapidement la position du colosse qui m’a fait voler tout à l’heure : il est à quelques mètres derrière la mère de Victor et en claire position de la protéger en cas de danger.
− Je n’ai jamais fait à ta maman ce que tu fais avec Victor, dit la tante de Jeanne à cette dernière. Tu n’as pas honte ?!
Je vois la gêne sur le visage de Jeanne. Mais à cet instant T, c’est chacun pour soi. Ce qui est sûr, elles vont s’arranger. Mais si je reste là,nous allons « m’arranger », me refaire le portrait. Et il en est hors de question ! On dit souvent à cas de danger : les femmes et les enfants d’abord ! Je vais seulement appliquer. Moi et mon bébé d’abord. Anti… Si la femme ci savait ça, je sais qu’elle me donnerait des coups de pied pour que mon bébé sorte. Donc je dois fuir ! Et vite !
La distraction est là : Jeanne. Il faut juste que je trouve un moyen de diversion. Je me faufile rapidement derrière Jeanne comme pour me protéger, me mettant ainsi presque sur le goudron, à la portée des voitures qui passaient. La mère de Victor fulmine toujours et n’arrête pas de cracher son venin :
− Non mais, ce n’est pas possible ! Même les ancêtres au village ne me pardonneraient pas cela ! Comment a-t-elle osé ?
− Tata, calme-toi d’abord, l’intime Jeanne. Nous pouvons en parler calmement.
− Non, ma fille. Le calme n’a plus sa place dans cette histoire.
Tandis qu’elle parlait, j’ai profité de ce que des badauds s’étaient approchés de nous, très curieux de la scène qui se déroulait devant eux. Tandis que les gens approchaient et se posaient mutuellement des questions, j’engage un marathon digne de battre Usain Bolt au 100mètres. L’effet de surprise a payé. Les deux femmes qui discutaient à haute voix ont juste constaté que je prends la poudre d’escampette, sans demander mon reste.
− Mais où va-t-elle ? crie la mère de Victor.
Je savais qu’elle enverrait son cerbère à ma suite. Mais j’espère que les curieux le ralentiront. Et Dieu est avec moi à ce moment. Bien qu’une voiture qui vienne sur la gauche me lèche presque le mollet dans ma course, j’aperçois un car qui remonte en ville.
− Pardon, attendez-moi. Pardon !
Le chargeur qui avait dû observer la scène d’attroupement de loin fait signe au chauffeur de ralentir, juste le temps pour qu’il ouvre la porte du car et que je plonge sur le siège vide à l’entrée.
− Démarrez, je vous en prie ! Chauffeur, partons d’ici.
− Ma chérie, c’est comment ? demande curieusement le chargeur. On veut tuer quelqu’un là-bas ?
− Hum… En tout cas, il a failli il y a avoir mort d’homme.
− Ekie ! s’écrie le chauffeur. C’était chaud à ce point ?
− Ma sœur, c’est toi qu’on voulait finir là-bas ? demande le chargeur.
− Oui.
− Nous t’avons donc sauvé la vie, se moque-t-il. Tu ne nous donnes même pas une bière pour ça ?
Les gens ont de faux problèmes ici dehors… Je fuis pour ma vie, l’autre idiot vient me demander la bière. Il ne connait pas l’assistance à personne en danger ?!
− Ah, murmuré-je en essayant de relativiser.
− C’est quoi ? Tu as volé le mari de quelqu’un ? demande le chauffeur.
− Je me sentirais même mieux si c’était le cas. Mais non.
Je me sens très gênée par cet échange. Mais je connais les camerounais et leur curiosité. Ils ne me laisseront pas tranquille s’ils n’avaient pas un de matière à bavarder. J’entends les autres passagers dans le car murmurer. J’ai tellement honte de mettre retrouver dans cette situation… C’est la première fois de ma vie que je subis une telle humiliation. Je me moquais de mon camarade tout à l’heure. Mais mon cas est bien pire. Que penseraient mes parents s’ils m’avaient vue en train de me faire brutaliser en route ?
Tremblante de peur, je sors mon téléphone de mon sac et l’éteint fébrilement. On ne sait jamais… je ne veux pas que cette femme menace Jeanne et ils arrivent à me retracer.
− Je suis fatiguée. Laissez-moi seulement à la Mobil Omnisport.
− Ok. Madame, dit le chargeur.
Je serre mes poings et fait une prière dans mon cœur que cette femme ne m’est pas suivi. Heureusement le car étant presque plein, le chauffeur ne s’est arrêté qu’une fois pour charger d’autres passagers. En arrivant à Omnisport, j’écoute les remarques narquoises du chargeur en fouillant de l’argent dans mon portemonnaie. Je lui remets 500Francs et je me dépêche de descendre et de stopper un autre taxi pour la maison. C’est presqu’en courant que je sors de celui-ci pour me diriger dans notre concession. Je ne vois même pas Junior qui est assis dehors et est ébahi de me voir passer en courant. Il se met alors à ma suite, flairant un truc louche.
− Nicole ! Nicole !
Je l’entends bien. Mais je n’ai pas le temps de bavarder maintenant. J’entre dans la concession et balance le portail derrière moi, continuant au pas de course. Junior entre en courant plus vite que moi et vient se saisir de mon avant-bras, me freinant ainsi dans mon élan.
− Nini, c’est quoi ? Pourquoi tu cours comme ça ?
− Je veux sauver ma tête !
− Ta tête ? Quelqu’un veut te tuer ?
− Ce n’est pas le moment de me questionner ! Je vais dans ma chambre. À part les parents, si quelqu’un me cherche : je ne suis pas là ! Tu as compris ?
− Comment cela ?
− Je vais te gifler ! Tu m’as bien entendu ! Quiconque vient ici : je ne suis pas là. Même si c’est qui, je ne veux voir personne.
Je tire mon bras et entre dans la maison en courant. Ma mère est assise au salon et je suis obligée de ralentir ma course :
− Nicole, tu es rentrée ?
− Oui, Ma’a, dis-je en essayant de ne pas avoir une voix tremblante.
− Ok. C’est bien.
− Je vais me changer.
− Ok.
Je vois bien qu’elle est intriguée, mais je ne tiens pas approfondir. Sinon elle me poserait des questions très gênantes. Je vais dans ma chambre et ferme la porte à clé. La peur transpire de chaque pore de con corps. Là seulement, j’essaie de souffler un peu. Mes jambes qui jusque-là m’avaient porté semblent être devenues en coton et je m’affaisse sur le sol, le dos contre la porte.
Après quelques instants, je ressens une vive douleur dans le dos, vestige de mon atterrissage sur la voiture tout à l’heure. Le colosse de madame n’y est pas allé de main morte avec moi. Je suis sûre qu’il avait instruction de me brutaliser à sa guise. Mama ! Violenter l’enfant d’autrui… Qui lui a dit que je suis orpheline ?
Je ne sais pas ce que j’ai fait à ses gens… Depuis que je suis avec Victor, ma vie a pris une toute autre tournure. C’est ainsi que je quitte des moments intenses de joie et de bonheur passés à m’amuser et profiter du luxe à des situations bizarres et des bagarres. Et le fou qui a disparu… Il n’est jamais là quand des malheurs m’arrivent ! Et je suis sûre qu’il est dans son coin en train de réfléchir à comment me quitter. Je vous assure que si je n’étais pas enceinte de lui, après un tel traitement, je prendrais mes jambes à mon cou. C’est l’amour de quoi ? Il faudrait être folle pour rester dans une telle famille ! Je suis sûre que cette femme n’hésiterait pas à me tuer si elle en a l’occasion. Je me demande bien si c’est ainsi qu’elle traite toutes les copines de son fils ou c’est juste après moi qu’elle en a. En tout cas, ça expliquerait pourquoi, lui un parti de premier choix, n’est pas encore casé aujourd’hui.
J’aurais besoin d’une bonne douche chaude. J’ai mal à la joue, au dos, au pied, au ventre,… Moi qui me réjouissais de cette journée, la mère de Victor en a fait un calvaire en quelques minutes. Je me mets à sangloter tout doucement en repensant à ce que j’ai vécu tout à l’heure.
Mon Dieu… J’ai eu si peur d’y laisser ma vie. Tout ça par amour.