Chapitre 6 : Joyeux anniversaire !

Write by Auby88

Margareth IDOSSOU


Devant une splendide demeure, je me gare. Un deux-étages magnifiquement sculpté dans le quartier Les cocotiers. Sur l'enseigne sur le portail, je lis "Villa Arnaud et Judith da SILVA". Je devine que ces deux-là doivent terriblement s'aimer. Quelle folie !


Au gardien assis devant le portail, je fais signe d'approcher. Je lui explique la raison de ma présence là. Je suis invitée pour l'anniversaire de Sibelle.


C'est sa mère même qui m'a appelée trois jours auparavant. Au départ, j'ai refusé mais elle a tellement insisté que j'ai fini par dire Oui, surtout que Sibelle est née un 25 novembre, un peu comme Maéva. Ma fille est aussi née dans la deuxième quinzaine du mois de novembre, précisement le 16. Chaque année à cette période, je me remémore sa naissance. Je me souviens d'elle toute mimi, mini et blottie contre mon sein...


Dans l'interphone, le gardien s'adresse à quelqu'un puis s'empresse de m'ouvrir le portail.


- Allez tout droit, madame !


Je hoche juste la tête. Dans une allée bordée de part et d'autre par des fleurs bien taillées, je m'engage. Elle me semble interminable. Je finis par atteindre ce que je suppose doit être le lieu de réception. J'aperçois des bâches, des tables et chaises devant, le tout bien décorées avec des guirlandes par endroits. Quelques garnements se poursuivent.


Près de là, dans une sorte de parking sont garés deux 4x4.  Je reconnais celle qu'utilise Sibelle. Je vais me garer à côté. De ma bagnole, je descends en prenant soin d'ajuster mon tailleur. C'est d'ailleurs le seul dans mon dressing qui ne soit pas trop moulant, qui ne dévoile pas trop ma poitrine. A une fête d'anniversaire pour enfant, je ne veux pas être la "brebis galeuse".


J'inspire profondément tout en avançant vers le lieu de réception. L'idée de devoir me retrouver parmi des gamins écervelés et bruyants ne m'enchante finalement plus. Quelqu'un vient à ma rencontre. Beau comme un dieu grec, grand, teint clair. Il doit être dans la quarantaine ou un peu moins. Cet homme a un visage qui m'est assez familier. Je dois l'avoir déjà vu quelque part.


- Mademoiselle Margareth IDOSSOU !


Je suis quelque peu intimidée par son sourire ravageur. J'avoue que s'il n'était pas marié et que je ne défendais pas durement mon célibat, je l'aurais séduit.


- C'est exact. Vous devez être monsieur Arnaud da SILVA, le père de Sibelle.


- En effet. Je suis enchanté de vous rencontrer.


- Moi de même.


- Je suis heureux de pouvoir enfin mettre un visage sur cette personne dont ma fille parle sans arrêt.


- Je suis flattée.


A nouveau, il me sourit. Je vois maintenant de qui Sibelle tient cette beauté et ce sourire extraordinaires : de son père. J'ai bien hâte de rencontrer sa mère. Ce doit être une déesse à l'effigie de son mari. Je l'imagine déjà : grande, fine, canon, très coquette. Une question me trotte dans la tête. Je me hâte de la lui poser.


- Vous êtes le directeur administratif et financier de la Banque Internationale de…


Sans me laisser le temps de terminer ma phrase, il acquiesce en hochant la tête.


- Je suis heureux de savoir que vous êtes l'une de nos clientes. Nous aurons l'occasion, je l'espère, de parler affaires. A présent, suivez-moi. Vous prendrez place à une place spécialement réservée pour vous. Ma femme et ma fille ne tarderont pas à s'amener.


Il me conduit à ma place et tire doucement la chaise en arrière, à la manière d'un gentleman. Je le remercie du geste et m'assois. Il demande à l'un des serveurs de s'occuper de moi. Il s'éclipse ensuite en me le notifiant à l'avance. Je le regarde s'éloigner et disparaître par un couloir qui donne sûrement accès au salon.


Tout autour de moi, je regarde. Ces gens-là​ doivent être très riches pour vivre dans un palace pareil. J'ai bien hâte de rencontrer la maîtresse des lieux, celle qui a su conquérir le coeur de cet adonis. Quelque peu jalouse, je me sens.


Les garnements autour de moi commencent à trop jaser. Cela m'agace mais je garde mon calme. Et puis j'ai l'impression d'être la seule adulte invitée. Je sors mes bouchons d'oreilles que je garde toujours sur moi et les insère bien dans la destination prévue pour eux. Enfin, plus de bruit ne parvient à mes oreilles grâce à ces gadgets.


Dix minutes plus tard, je vois le maître de maison se ramener avec son ... épouse.


Comment décrire ce que je ressens à l'instant ? Je manque de mots. C'est comme quand on vous sert un plat que vous adorez beaucoup. Vous commencez à manger avec appétit quand vous tombez sur un caillou qui craque sous vos dents ou sur une petite bestiole qui ne devrait pas être là. Un choc ! Oui. Le choc de ma vie.


Cette femme est … affreuse !


Incongruité. Absurdité. Gâchis. Je n'ai pas de mot pour qualifier ce que j'ai devant mes yeux.


Il la tient par la taille. Aucun doute, cette petite boule horrible est bien sa femme. Ce n'est point qu'elle est obèse mais elle reste au seuil. En plus, sa taille est en sens inverse par rapport à celle de son mari. Elle n'est pas naine, mais petite quand même comparée à son mari ou moi. Elle n'est pas laide, mais tellement banale, tellement invisible à côté de son mari. Et cette robe difforme qu'elle porte gâche tout. Franchement, elle ne lui sied du tout pas !!!


- Mademoiselle Margareth, je vous présente mon épouse.


- Enchantée, répond-t-elle.


Je ne dis mot. Je suis encore choquée.


- Enchantée, reprend-t-elle en me tendant la main.


Je finis par lui tendre la mienne et répondre.


- C'est un plaisir pour moi de rencontrer la mère de Sibelle.


- Le plaisir est partagé, reprend-t-elle.


Son époux ajoute :


- Veuillez nous excuser pour le retard. La majorité de nos invités ne sont pas encore présents. Mais rassurez-vous car d'ici 15 minutes, nous débuterons les festivités.


- Je vois.


Cela fait près de trente minutes que j'attends. J'avais oublié que l'heure africaine était bien différente de celle de l'horloge. Pendant que nous parlons, je vois deux couples s'amener avec des enfants. Au moins, je ne serai pas la seule adulte invitée parmi cette bande de mômes crieurs. Les da SILVA me délaissent pour aller les accueillir. J'en profite pour scruter davantage Judith da SILVA. Derrière son mari, elle est, pendant qu'il salue les gens. Elle est presque comme son ombre. Je secoue la tête.


Vingt minutes plus tard, la fête commence réellement. D'autres couples se sont amenés. Au final, je suis contente d'avoir patienté pour voir la superbe créature qui avance aux bras de son père. Elle porte une jolie robe en soie rose, ornée de strass. Ses cheveux naturels sont relevés en chignon et ornés par un diadème scintillant. Elle ressemble à une princesse. Sur son visage angélique, s'affiche le plus radieux de ses sourires. Dieu, elle est si belle !


Je suis tellement enchantée que sans m'en rendre compte, mes deux mains s'unissent pour applaudir. Heureusement, mon geste est suivi à l'unanimité. Une pluie d'ovations pour Sibelle retentit dans l'air.


Soudain, je la vois lâcher la main de son père, accourir vers … moi et se jeter à mon cou. Je suis surprise. Des yeux convergent vers nous.


- Tu es venue ! s'extasie-t-elle.


- Oui, je suis là. Tu es splendide, princesse !


Elle m'offre un sourire cristallin qui ne me laisse pas de marbre.


- Allez, file. Tout le monde s'impatiente.


Elle me dépose un bisou sur la joue et rejoint ses parents à l'avant. Après une brève introduction faite par son père, dont l'éloquence égale la beauté, nous avons droit à un buffet en service libre. Je me régale de salade comme à mon habitude puis je prends un peu de riz libanais accompagné de viande de bœuf rôtie et délicieusement tendre. J'ai cru comprendre que tout a été fait maison. Pendant la pause, nous avons droit à des prestations d'artistes et des chorégraphies d'enfants. Le clou de la fête, c'est le gâteau d'anniversaire. Une pièce montée de quatre niveaux également conçue par la mère de Sibelle. Cette femme est une as de la cuisine ! C'est sûrement ainsi qu'elle a pu mettre le grappin sur Arnaud da SILVA.

 

- Mademoiselle Margareth !


J'entends mon prénom qui résonne dans ma tête. Je quitte mes pensées. C'est Sibelle. Elle me tire le bras, insiste pour que je me lève. Elle tient à ce que je coupe son gâteau avec elle.


Je la suis, pendant que des yeux me scrutent. Le chiffre que je viens de lire sur le gâteau me fait l'effet d'une bombe. Dix. Je m'efforce pour rester concentrée et ne pas faire trembler le couteau que je partage avec Sibelle. Toutes deux insérons la lame à l'intérieur de la pâtisserie, pendant que le solennel joyeux anniversaire retentit.  Sa mère nous aide à faire les répartitions. A moi, elle sert une grosse tranche. Je la remercie, bien que je n'aime pas trop les pâtisseries. Et à cet instant, toute autre chose me préoccupe. L'âge de Sibelle. Dix ans comme Maéva. Serait-ce elle ? Peut-être que le destin et la force du sang nous ont amenées l'une vers l'autre. Je ne peux m'empêcher​ de dévisager Sibelle, dans l'espoir de découvrir une quelconque ressemblance avec Charles ou moi. J'ai beau la regarder. Je ne vois rien d'assez pertinent. Et mon esprit semble trop troublé actuellement pour bien réfléchir ou analyser quoi que ce soit. De toute façon, je suis bien décidée à en apprendre beaucoup plus sur Sibelle.


Malheureusement, le discours du père de famille qui s'en suit me désillusionne complètement.


"C'est une joie immense pour nous que de célébrer les dix ans de notre princesse. Je la revois encore à sa naissance, à la maternité. Elle était toute petite et tellement jolie dans les bras de sa mère. Je prie qu'on ait une multitude d'anniversaires et d'instants de bonheur à partager avec vous. Merci d'être là".

C'en est fini pour moi. Il vaut mieux que j'oublie tout cela. Sibelle n'est définitivement pas ma Maéva. Il faudra que je me détache de cette fillette pour ne pas finir par trop m'attacher à elle.


Le reste de la fête, je la passe perdue dans mes pensées. Je suis tellement abbatue que je n'ai qu'une envie : m'éclipser. Pourtant Sibelle tient à ce que je reste jusqu'à la fin. Parfois elle est avec ses amis, parfois elle vient près de moi parler de mille et une choses que je n'écoute pas vraiment. A chaque fois, je fuis son regard. Finalement, je finis par prendre congé des da SILVA après lui avoir remis mon cadeau : un joli pendentif griffé de son prénom Sibelle.











DESTINS DE FEMMES