Chapitre 63
Write by Jennie390
⚜️Chapitre 63⚜️
Émile Biyoghe
Je vis actuellement les pires moments de ma vie. Enfermé dans cet endroit, je suffoque littéralement. La saleté, les odeurs nauséabondes, la bouffe... Je n'en peux plus. Même dans mes pires cauchemars, je n'ai jamais envisagé de me retrouver dans un tel lieu. À penser que certaines personnes s'habituent à un tel environnement au point de s'y complaire me laisse jusqu'à présent perplexe.
Mes journées sont infernales, je me retrouve à devoir faire la vaisselle ou à laver les toilettes. Moi qui n'ai jamais lavé une cuillère de toute ma vie. Le reste du temps, que je trouve d'ailleurs excessivement long, je reste assis dans la cour, dans mon coin. Je dors à peine la nuit à cause des moustiques, des odeurs de pets, d'aisselles, de pieds et de la chaleur infernale.
En plus de tout ça, je ne me sens physiquement pas bien. Je suis fatigué, des maux de tête perçants me compressent le crâne, je fais souvent des fièvres à répétition, sans compter les courbatures. Je ne sais pas si je suis vraiment malade ou alors si mon état est psychologique. Peut-être qu'étant donné que je déprime à cause de ma situation actuelle, cela se répercute sur ma condition physique.
On me fait savoir que mon avocat est passé me rendre visite. Je le rejoins dans la salle et prends place en face de lui. Un sac plastique est posé devant lui, il le glisse jusqu'à moi. À l'intérieur, je trouve un burger et un jus. Sans même lui dire bonjour, je me lance dans ma dégustation. Philippe me regarde manger en silence pendant un moment. Puis finalement, son regard me met un peu mal à l'aise parce qu'il n'y a pas si longtemps, j'étais le grand Émile Biyoghe qui ne pouvait, jamais au grand jamais, trembler devant de la nourriture. Aujourd'hui, je mange comme quelqu'un qui n'a jamais vu de burger de sa vie. Quelle chute !
—Bonjour Philippe, dis-je en toussant légèrement. Ce n'est tellement pas évident ici que j'oublie certaines manières, désolé.
—Non, je comprends, c'est normal. Bon, je ne te demande pas comment tu vas. Je vois bien que ça ne va pas du tout.
—C'est vraiment le cas de le dire, je réplique en prenant une gorgée de jus. Je ne vais pas bien du tout.
—Je ne peux te dire que "ça va aller", mon cher.
Je hoche la tête, peu rassuré.
—Diane Bibalou est passée me voir cette semaine, me dit-il. Pour prendre de tes nouvelles et pour savoir comment elle peut aider. Vu qu'elle m'a dit que Vincent l'a chassé, je lui ai dit qu'elle ne nous serait plus d'aucune utilité. En quittant mon bureau, elle m'a dit qu'elle passerait te voir.
—Elle est passée.
—Elle te sert à quoi encore, vu qu'elle ne vit plus chez Vincent ? Ne me dis pas qu'elle te plaît. Ou alors tu veux l'utiliser pour des visites conjugales ?
Il le dit en éclatant de rire. Je bouscule la tête.
—Pas du tout. J'ai vraiment la tête trop pleine pour penser à ce genre de conneries.
—Allez relax, mon frère !, me dit-il, sortant des documents d'une chemise cartonnée. C'est juste pour rigoler ! Bon, signe-moi rapidement ces papiers avant que le gardien ne vienne nous annoncer la fin de la visite.
Il me donne les documents que je lis attentivement à deux reprises. Puis je tends la main et il y dépose un stylo. Je signe les documents avant de les lui remettre. Il m'explique rapidement quelques trucs, puis le gardien vient nous informer de la fin de la visite. Philippe se lève après avoir rangé sa paperasse.
—Merci d'être passé.
—Je t'en prie, Émile.
—Au fait, trouve du temps, s'il te plaît, pour faire un tour à l'hôpital dans lequel j'étais hospitalisé. Parle avec le médecin pour savoir finalement si les résultats d'analyses avaient révélé quoi que ce soit de particulier. Je ne me sens pas très en forme.
—Ça doit être psychologique. Tu penses beaucoup et tout...
—Oui, peut-être, mais vas-y quand même.
—Ok. Bon, je voyage ce soir. Mais à mon retour, j'y ferai un tour pour lui parler.
—D'accord.
Il s'en va et devant la porte, j'ai le temps de le voir glisser quelques billets en douce à l'agent qui est devant la porte. Quant à moi, je suis escorté vers la cellule. Je suis au moins content, j'ai pu manger quelque chose de bon aujourd'hui. Je dormirai le ventre plein.
Vincent Mebiame
Prêt pour le boulot, je quitte ma chambre avec mes affaires. Dès que j'arrive dans la salle à manger, je remarque la tête d'enterrement de Toby. Sa mère lui manque déjà, à coup sûr. Il finira bien par s'habituer au fait qu'elle n'habitera plus avec nous, parce que je n'ai pas l'intention de céder cette fois-ci.
—Bonjour Toby.
—Bonjour papa, dit-il avec la mine déconfite.
—Tu as passé une bonne nuit ?
—Non. J'ai fait un vilain cauchemar. Dans le rêve, maman m'avait abandonné et là, ce matin, je ne l'ai pas trouvé dans son studio.
—Elle est partie, mais elle ne t'a pas abandonné, Toby. Tu vas la revoir.
—Mais elle est partie où ? demande-t-il avec les larmes qui roulent sur les joues. Pourquoi elle ne m'a pas dit au revoir ?
—Elle était assez pressée quand elle partait, voilà pourquoi elle ne t'a pas dit au revoir. Maman t'aime. Ça, tu ne dois pas l'oublier, ni en douter. Maintenant, essuie tes larmes. Les grands garçons, ça ne pleure pas.
Il essuie ses larmes. Je suis obligé de lui mentir de la sorte parce que je doute réellement que cette femme aime son fils. Elle l'utilise pour atteindre ses objectifs. Ça, ce n'est pas de l'amour. Je me demande vraiment ce qui m'avait pris pour associer ma vie à Diane.
—Je pourrais lui parler au téléphone ?
—Oui, mais pour l'instant, elle est très occupée. Quand elle sera un peu plus libre, elle va appeler.
Je vois à sa tête qu'il n'apprécie pas trop ce que je lui dis, mais il ne fait néanmoins plus aucun commentaire. Nous mangeons ensemble, puis une demi-heure plus tard, nous montons dans le véhicule.
—Samedi, on va en Belgique. J'irai te déposer chez Tonton pour tes vacances.
—D'accord.
—Qu'est-ce que tu veux manger ce soir ?
—Rien.
—Toby, papa essaye de te faire plaisir. Arrête de faire le bébé.
—Des tacos au poulet et un milkshake au chocolat, me dit-il après un moment de silence.
—Ça marche. Passe une bonne journée.
—Merci papa.
Je gare mon véhicule devant le gymnase dans lequel il fait son cours de tennis. J'arrive au bureau une vingtaine de minutes plus tard. Je reçois un appel de Richard. On prend rapidement des nouvelles l'un de l'autre avant de parler du sujet actuel : Émile Biyoghe.
—Le procureur a été très diligent sur ce coup, dit Richard. Je ne pensais pas qu'il réussirait à faire geler les comptes d'Émile sachant qu'il ne s'agit pas ici d'un crime financier.
—Il a sûrement dû présenter un argumentaire plus que pertinent pour que ça passe aussi vite.
—Donc là, quelle est la suite ?
—Bah, il a été incarcéré. Il va attendre son procès là-bas.
—Ah ok. Donc là, Yolande peut souffler ?
—En théorie, oui, mais bon, il faut rester prudent. Avec lui, on ne sait jamais.
—Ok. Bon, on se parle plus tard.
—Je voyage dans deux jours. Je vais en Belgique déposer mon fils chez mon frère. Mais on reste en contact permanent.
—D'accord, ça marche.
On se dit au revoir et je replonge dans mon boulot jusqu'à ce que je reçoive un appel d'un numéro inconnu. Je décroche et je me rends compte que c'est Diane. La femme là ne peut pas me foutre la paix ?
—Que veux-tu ?
—Vincent, je n'aime pas la façon avec laquelle tu me traites, commence-t-elle. Tu trouves normal de mettre ta femme à la rue en pleine nuit ? Sous une pluie torrentielle ? Si quelque chose m'arrivait ? Si je me faisais vi*oler et tu*er ? Tu n'as donc aucun cœur ? Tu...
—Euh Diane, au cas où tu l'aurais oublié, je suis quelqu'un de très très occupé, dis-je très agacé. Je n'ai pas le temps de m'asseoir à t'écouter geindre dans mes oreilles. Si tu n'as rien d'important à me dire (et je sais que tu n'en pas), dépêche-toi de raccrocher. Je n'ai pas que ça à faire.
—Depuis quand tu es devenu si froid et insensible ?
—Depuis que j'ai compris que tu n'en valais pas la peine, Diane. Je t'ai mise dehors pour une raison et à cause de la santé de Toby, je t'ai fait revenir chez moi. Au lieu de te concentrer sur ton fils ou de corriger même tes fautes, non, toi, tu t'introduis dans mon bureau pour chercher de quoi sortir Émile de prison. Tu es revenue à la maison pour servir d'espion ou de courroie de transmission !
—Mais...
—J'ai même peur de toi hein! parce que si tu es capable de venir en aide à un ass*assin de la trempe d'Émile, ça veut dire que je ne suis pas en sécurité avec toi. Tout simplement parce que tu sais que si ce gars sort de prison, je suis forcément la première personne qu'il va chercher à abattre. Mais ça, tu t'en fous, puisque ce sont tes intérêts qui t'intéressent.
—Non, Vincent, ne dis pas ça. Tu sais je...
—Diane! Diane! Diane! S'il te plait, je n'ai pas envie de trop discuter avec toi. En fait, je ne veux même pas discuter avec toi. Pendant toutes ces années, j'ai vu ton manège par rapport à Émile. Je suis resté calme en me disant que tu allais finir par retrouver tes esprits et parce que je t'aimais. Mais quand tu as traversé la ligne rouge, je t'ai définitivement barré de ma vie. Je dois voyager, mais à mon retour, tu auras des nouvelles de mon avocat pour que ce mariage puisse enfin être dissous.
Je ne lui laisse pas le temps de me pomper les oreilles davantage et je raccroche. Elle a trouvé le moyen de me faire beaucoup parler ce matin et de me mettre de mauvaise humeur. C'est très agacé que je replonge dans mes dossiers.
***
Une semaine et demie plus tard...
Landry Ratanga
J'ai passé une journée hyper chargée, entre toutes les consultations que j'ai faites à Saint-Honoré jusqu'en début d'après-midi et mon inspection sur les locaux de ma clinique. Les travaux d'installation avancent très bien et si tout se passe correctement, d'ici 6 à 7 mois, on pourra ouvrir.
Hortense et moi arrivons à la villa dans laquelle logent Mélissa et Yolande. Nous déchargeons les articles que nous avons achetés au supermarché avant d'arriver. Dès que Mélissa nous voit entrer dans le salon, elle bondit de son fauteuil et vient nous enlacer.
—Tu vas bien, Mel ?
—Oui, répond-elle en souriant.
—On t'a emmené du yaourt, du saucisson, des chips et plein d'autres choses sympas.
—Youpi!
Quand nous arrivons dans la cuisine, nous trouvons Yolande en train de cuisiner.
—Ça sent bon par ici, dis-donc! s'exclame Hortense. Tu concoctes quoi comme ça ?
—Folon au poisson fumé.
—Un vrai plat, dis-je, tout enthousiaste.
Elle me sourit et récupère les sachets de courses. Très vite, je suis viré de la cuisine pour les laisser entre femmes. Je prends une bouteille d'eau au frigo et je rejoins Mel au salon. On regarde le dessin animé ensemble. Ça me fait plaisir de la voir commenter les images de manière si enjouée. J'ai l'impression que retrouver sa sœur l'aide à encore plus s'améliorer, à parler, à devenir un peu plus indépendante.
La table dressée, on nous appelle manger. En se levant, Mélissa veut emmener l'Ipad qui est sur la tablette en verre.
—Non Mel, tu ne vas pas manger avec ça, dit Yolande. Tu commences à abuser avec ça, ma chérie.
Mélissa fait la moue.
—Elle regarde quoi sur la tablette ? demande Hortense.
—Il n'y a pas très longtemps, c'était l'anniversaire de madame Odile. Chaque année, elle le fête à Oasis avec les jeunes. Cette année, vu que Mélissa n'a pas pu y être, elle a demandé à madame Odile de lui envoyer les photos et les vidéos prises pour l'anniversaire. Donc Mélissa regarde ça tous les jours.
—Elle aime les fêtes apparemment, dis-je en souriant. On peut lui en faire une, un de ces quatre. Mélissa, tu veux qu'on fasse une fête ?
—Oui! Des gâteaux, des jus, des crêpes !
—Oui, il y aura tout ça. Maintenant, dépose la tablette et on va manger.
Elle s'exécute et on passe à table. Je prends la première bouchée. Je suis agréablement surpris, c'est vraiment très bon.
—Landry, toi qui adores le folon, commente Hortense. Tu dois être aux anges.
—Vraiment ! je réponds en souriant. C'est tellement bien préparé.
Yolande sourit, flattée.
—Oui Yolande est une excellente cuisinière, renchérit Hortense en regardant Yolande. Je me souviens de ce repas que tu as préparé la première fois où nous sommes venus dîner chez Émile. C'était excellent !
—Oui, c'était bon, mais c'était un supplice de préparer ce repas, fait Yolande, pensive. Il m'avait fait m'exercer à préparer pendant près de deux jours. Dès que la moindre petite chose ratait, je devais tout recommencer, et ce, sous la menace d'une arme chargée.
Je bouscule la tête. Ce type est réellement le bandit qu'il pense être.
—Franchement, tu as été forte de tenir dans un tel environnement sans devenir complètement folle.
—Je n'ai pas perdu la raison parce que je savais qu'il me faudrait être forte pour revoir Mel. C'est grâce à elle que j'ai pu tenir.
—Dieu merci que tu aies pu t'en sortir et retrouver Mel, fais-je en prenant une gorgée d'eau. Bon, arrêtons de parler de lui, ça plombe l'ambiance. Et sinon, quels sont tes plans pour la suite ?
—Reprendre à zéro. Investir dans un business qui va me rapporter de l'argent pour me reconstruire. Préparer un avenir pour mon bébé et...
Le téléphone d'Hortense sonne subitement.
—Salut bébé, dit-elle en décrochant. Comment vas-tu ?
...
—Ah ok. Euh...je suis à la villa en train de déjeuner avec Landry et les sistas Otando. Pourquoi tu n'es pas...
Son visage devient littéralement blême. Elle dépose son verre.
—Tu...tu peux répéter ?
...
—Euh...ok. On...on se voit plus tard.
Elle dépose son téléphone et je vois à son air qu'elle a reçu une mauvaise nouvelle.
—Que se passe-t-il ? Richard t'a annoncé une mauvaise nouvelle ?
—Le procureur a été retrouvé mort aujourd'hui... empoi*sonné !