Chapitre 7 - Piégé

Write by NafissaVonTeese

-- PRÉCÉDEMMENT --

Après être restée quatre années à l’ignorer, Amina avait décidé de reprendre contact avec son père. Elle lui avait rendu visite au camp pénal de la Liberté 6 et lui avait posée une seule condition en échange de son pardon : l’aider à découvrir qui avait assassiné sa mère.

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« Le bonheur, souvent, se construit au détriment de quelqu'un, et ce n'est plus le bonheur. Le vrai bonheur est de mettre son bonheur dans le bonheur d'un autre. »

Jacques de Bourbon BUSSET

  

Nous sommes tentés de confirmer que notre bonheur dépend de nos choix de vie. Mais faisons-nous toujours le bon choix ? Certainement pas !

Quand on a toujours obtenu ce qu’on veut, de gré ou de force, il est rare qu’on se demande si avoir le monde à ses pieds est suffisant pour être heureux.

Je regarde ma vie et je me rends compte que la grandeur d’un homme se mesure plus par sa capacité à faire perdurer la joie et la bonne humeur autour de lui, que par son pouvoir à soumettre son entourage.



***

  


Arrivée devant le Golden Palace, j’ai scruté minutieusement sa splendide terrasse, avant de traverser la rue pour y accéder. Certaines tables étaient rondes, d’autres carrées, mais toutes en ébène qui brillait.

Le restaurent de cette hôtel était le seul sur tout le pays à avoir cinq étoiles et le personnel était principalement composé d’expatriés anglais et de cuisiniers français. C’était la première fois que je posais les pieds dans cet endroit que je ne voyais qu’à travers les panneaux publicitaires numériques sur la route de l’aéroport et les magazines économiques. Il été fréquenté le plus souvent par des hommes d’affaires en déplacement professionnel et de riches héritiers qui venaient profiter du soleil et des kilomètres de plages privées de Dakar, quand il faisait trop froid dans leur pays.

 

J’avançais lentement vers lui en imaginant que mon retard de quelques minutes lui avait permis de réfléchir à l’impact que pouvait avoir un scandale sexuel dans sa carrière et celle de sa femme. Mais plus je m’approchais de lui, plus son air serein me déconcertait. Il était particulièrement détendu et avait l’air différent du Professeur Malick DIOP que j’avais l’habitude de voir. C’était peut-être parce-que je ne l’avais jamais vu habillé autrement qu’en costume sur mesure et cravate. Il n’avait sur lui qu’une modeste chemise blanche déboutonnée au cou, avec des manches courtes, un jean d’un gris moulant et restait concentrée sur son téléphone qu’il manipulait en souriant.

 

J’étais passée derrière lui avant de lui donner une petite tape sur l’épaule, ce qui le fit sursauter. Il avait laissé tomber son téléphone par terre avant de lever la tête vers moi.

 

-         Surprise !

 

Il avait forcé un sourire puis s’était baissé pour ramasser son téléphone, mais je l’avais aussitôt écrasée avec mes chaussures à talons aiguilles.

 

-         Oups !


-         Mais tu es malade !


-         Oh là là ! Ce n’est pas fait exprès.

 

Je lui avais redonnée une tape sur l’épaule avant de prendre place sur le fauteuil club en face de lui.

 

-         Alors quelle bonne nouvelle as-tu à m’annoncer ?


-         Espèce de petite emmerdeuse. Tu ne sais pas avec qui tu as affaire !


-         Encore des menaces ?

 

Cet homme faisait apparemment tout pour me mettre hors de moi. J’avais gardé mon calme et m’étais résignée à prendre mon mal en patience jusqu’à ce qu’il m’affirme ce que je voulais entendre. J’avais fermé les yeux pour inspirer et expirer lentement avant de reprendre :

 

-         Je fais assez d’efforts comme ça pour te supporter alors ne me pousses pas à faire quelque chose que tu pourrais regretter.


-         Tu veux dire à la terre entière que je couche avec d’autres femmes que mon épouse ? Vas-y ! Ne te gêne pas.


-         Parce-qu’il en a plusieurs ?!

 

J’avais éclaté de rire avant de me mettre à l’applaudir. Cela commençait à attirer l’attention de la douzaine de personnes qui occupaient la terrasse, mais surtout deux hommes de type caucasien assis à la table d’à côté. Ils s’étaient retournés, l’air très agacés par tout le bruit que je faisais.

 

-         Veuillez m’excuser messieurs! Je n’ai pas pu me retenir. Ce crétin me demande de raconter à tout le monde ses ébats sexuels avec de filles qui ont certainement l’âge de ses enfants ! Cerise sur le gâteau : sa femme est ministre dans notre si beau pays !

 

Apparemment, cela ne les intéressait guère. Ils avaient tous les deux jetés un bref regard vers Malick, puis le plus vieux des deux m’avait lancé un petit sourire au coin des lèvres avant de se retourner.

 

-         Tu es idiot mais pas à ce point. Tu bluffes !

 

Il s’était retenu de répondre et avait juste serré les dents en me fixant des yeux. J’avais regardé autour de moi et il faisait encore très clair même s’il était 18 heures passées de plus d’une trentaine de minutes.

 

-         Et si on allait marcher un peu sur la place ?


-         Je n’irai nulle part avec toi et cette mascarade a assez duré. Jamais je ne ferai sortir ton criminelle de père de prison. Il n’a qu’à y crever !

 

Il s’était levé d’un geste vif puis s’est rendu compte que tous les regards étaient portés sur lui.

 

-         Je te conseille de reposer ton gros cul sur ce fauteuil.


-         Tu peux raconter tout ce que tu veux, à qui tu veux. Ce sera ta parole contre la mienne.

 

J’avais pris quelques petites secondes pour réfléchir pendant qu’il me fixait des yeux, guettant le moindre embarra  de ma part.

 

-         D’accord ! Mais permets-moi juste de te rappeler que j’ai des photos, les vidéos de surveillance de l’hôtel de ton ami cramé dans l’incendie aussi, sans oublier les enregistrements audio de toutes nos conversations. Tu n’as aucune idée de qui je suis et de ce que je suis capable de faire alors je te recommande vivement de poser tes grosses fesses et de m’assurer que tu as fait ce qu’il fallait pour que mon criminelle de père comme tu dis, sorte de prison demain comme je te l’avais gentiment demandée.

 

Il s’exécuta aussitôt mais à contre cœur.

 

-         Voilà ! Après tout, tu n’es pas aussi idiot que Fadiga le disait.

 

Il avait reculé de sa chaise puis fait passer ses doigts de la main droite sur ses cheveux, avant d’exclamer :

 

-         Tu es alors derrière cet incendie !

 

J’avais juste haussé les épaules en guise de réponse, mais il avait clairement détecté que cela avait la même valeur qu’une affirmation. Malick avait aussitôt compris que son adversaire était de taille et qu’elle n’avait rien d’une gamine mal élevée qui cherchait tout simplement à s’amuser, comme il s’était permis de l’imaginer quelques instants plus tôt.

 

-         Je ne peux rien faire pour lui.


-         Tu crois ?


-         Je n’ai aucun pouvoir dans ce pays.


-         Ok ! On va vérifier cela !On a assez perdu de temps comme ça.

 

J’avais sorti mon téléphone de mon sac à main et émis un appel en mettant l’appareil en mode main libre. Il me regardait et se posait certainement des questions en silence.

 

-         Allo Amina ! Justement je pensais à vous. Comment est-ce que vous allez ?


-         Très bien Madame DIOP. Et vous ?

 

Malick me fusillait du regard, complètement déconcerté. Il avait reconnu la voix de sa femme et se demandait certainement d’où est-ce que je la connaissais.


-         Merveilleusement, grâce à vous. Vous aviez raison sur le massage. A mon réveil, je me suis sentie aussi légère qu’une plume ! Vous avez des doigts de fée ma belle.


-         Venant de vous cela me va droit au cœur !


-         J’étais sur le point de vous appeler pour vous confirmer notre rendez-vous du samedi matin, mais vous avez été plus rapide que moi. Dites-moi, ce ne serait pas abusé de vous retenir plus longtemps que prévu samedi ? Un massage fera certainement du bien à mon mari, je lui en parlerai. Il est tellement stressé ces temps-ci…


-         Aucunement ! D’après ce que vous m’avez dit de lui, c’est un homme brillant. Cela me fera plaisir de le rencontrer.


-         Parfait. Tu es un ange. Je peux te tutoyer non ?


-         Bien-sûr. Aussi, je suis tombée par hasard sur de belles vieilles photos de Dakar comme celles accrochée à l’entrée de votre maison. Je vous en ai fait des copies.


-         Tu es si adorable Amina. Mais je ne les accepterai que si tu arrêtes de me vouvoyer.


-         Promis ! Alors… Excellente soirée et à samedi !


-         A samedi Amina ! Et encore merci.

 

J’avais raccroché et lui avais jeté un grand sourire. Il n’affichait plus son arrogance improvisée mais paraissait plutôt en colère.

 

-         Elle est adorable ta femme mais j’ai des doutes… Je suis certaine que derrière cette humeur joviale se cache une vraie furie.


-         Tu es venue chez moi !


-         Oui.


-         Tu as rencontré ma femme petite garce.


-         Affirmatif !


-         Même s’il sortait de prison aujourd’hui, avant même que tu ne puisses le voir tu seras morte.


-         Ah oui ? Et comment ça ? Ne me dis pas que tu comptes sur l’aide de cet homme derrière nous, à qui tu n’arrêtes pas de jeter de petits regards depuis que je suis ici.

 

Je m’étais retournée et nos regards se croisèrent avant que je ne lui adresse un salut de la main. Il avait répondu à mon geste en faisant pareil, avant de plier en quatre le journal qu’il faisait semblant de lire et de s’en aller sans prononcer un seul mot.


- Je n’ai jamais vu une personne aussi prévisible que toi. Un conseil : ce genre de gars là, il faut toujours leur donner beaucoup plus qu’ils n’osent l’espérer. Tu as été trop radin alors e ne sera pas lui qui va m’éliminer. Sache que j’aurai toujours une longueur d’avance sur toi. Je connais tes moindres faits et gestes, alors évites de faire des bêtises qui pourraient me frustrer.

 

La nuit commençait à tomber et je commençais à perdre patience.

 

-         Tu as jusqu’à demain.


-         Sinon quoi ? Tu donneras les photos à ma femme ?


-         Et pas seulement à elle ! D’ailleurs, ton ami là qui vient tout juste de nous quitter, se fera certainement le plaisir de te rendre une petite visite quand tu t’y attendras le moins. Qu’est-ce que les gens ne feraient pas pour quelques billets de banque ?

 

Il s’était levé, l’air résigné.

 

-         Je ferai de mon mieux pour qu’il sorte le plus tôt possible.


-         Le plus tôt possible, c’est demain.

Il avait hésité quelques instants avant de hocher affirmativement la tête.

 


***


 

Arrivé dans mon appartement, je m’étais rappelé qu’au petit matin, Maurice m’avait laissé un mail disant qu’il allait recevoir avant la fin journée, les résultats des analyses que je lui avais demandée de faire.


« Je pourrai très faire un scan et te l’envoyer par mail mais cela me manque de me poser avec toi et de discuter comme au bon vieux temps. Alors si tu veux savoir d’où viennent les petites taches colorées sur la lettre, il va falloir que tu acceptes enfin le verre que je te propose de prendre depuis des lustres. »


J’étais à peine réveillée quand j’ai lu à la va vite son mail, mais cela m’avait fait sourire comme d’habitude. Il avait poursuivi avec une de ses théories farfelues sur les biens faits des jus de fruits naturels, rien que pour me convaincre de ne pas dire non, avant de terminer comme toujours, par une menace : « cette fois-ci si tu refuses, je me ferai le plaisir de t’envoyer une vidéo de moi en train de brûler le résultat des analyses !».

 

Je savais que jamais il n’oserait, mais qu’il allait plutôt me faire marcher pendant des jours avant de céder et de me l’envoyer. J’avais un réel souci de temps alors j’avais capitulé.

Dans ma réponse, je lui avais donnée rendez-vous à 20h30 au jardin public sur les deux voix de Sacré Cœur, qui se trouvait à moins de 5 minutes de marche de chez moi. Il ne me restait plus que 15 minutes pour prendre une douche et aller le rejoindre ? J’étais certaine qu’il allait me mettre sur une bonne piste. La personne qui avait glissée la lettre sous ma porte, m’affirmant que maman avait été assassinée, connaissait la vérité et si je le trouvais, je trouvais aussi soit le coupable, soit quelqu’un qui le connaissait.

 

Tu lui diras que tu...