Chapitre 8 : Ca tourne !!

Write by Chrime Kouemo

— Tu reviens quand de Kribi ? Demanda Mylène. 

Denise ajusta les oreillettes de son téléphone tout en faisant le compte des vêtements étalés sur son lit. 

— Je reviens lundi midi. Pourquoi ?

— Je voulais qu’on aille chez les parents ensemble ce week-end. 

— Depuis quand tu as besoin de moi pour aller voir nos parents ? Questionna t-elle interloquée. 

— Tu n’es pas allée les voir depuis le repas de Pâques. Et d’après ce que Papa m’a dit, tu n’as pas non plus tellement téléphoné pour prendre de leurs nouvelles. 

Denise souffla d’agacement. Quand est-ce que ses parents la laisseraient vivre sa vie comme elle l’entendait. Elle n’était plus une gamine qui devait pointer son calendrier d’appels. Ils ne l’avaient jamais soutenue dans sa carrière professionnelle et même le fait qu’elle avait malgré tout réussi à subvenir dignement à ses besoins n’y avait rien changé. Depuis bientôt deux ans qu’elle était revenue vivre au Cameroun, ils ne l’avaient pas interrogée sur les raisons de son retour. Ils ne cherchaient même pas non plus à savoir comment elle s’en sortait. Et c’était à elle que Mylène tentait de faire la morale ? 

— Mylène, je crois que je suis assez grande pour aller rendre visite aux parents si j’en ressens l’envie. Et je n’ai pas besoin d’un chaperon pour ça. Maintenant, plutôt qu’essayer de me faire culpabiliser sur ma relation avec eux, tu peux aussi aller leur parler et leur demander s’ils savent où j’habite, quels sont mes projets...

— Écoute, je ...

— Non, je n’ai plus envie de t’écouter sur ce sujet ! la coupa t-elle sèchement. Je te remercie d’essayer de faire ce que tu peux pour me rabibocher avec les parents, mais il n’y a pas que moi qui doive faire des efforts. 

Un silence pesant s’installa sur la ligne. Denise était plantée devant son lit, les mains sur les hanches. Elle prit plusieurs inspirations pour retrouver son calme. Avant l’appel de sa sœur, elle baignait dans l’euphorie de son imminent séjour à Kribi pour le tournage du clip de Chanel. En quelques secondes à peine, Mylène avait réussi à lui plomber le moral. 

Elle laissait entendre à ses proches que la relation qu’elle entretenait avec Rita et Zachary Moyo ne lui faisait ni chaud ni froid. Rien ne pouvait être plus faux ! C’était un mécanisme de défense qu’elle avait développé depuis tellement longtemps qu’il lui semblait presque intégré à son caractère. En arrivant en France dans le froid de l’hiver, la solitude, les difficultés financières, la compétition permanente, elle avait eu besoin d’une cuirasse pour se protéger. Elle l’avait fabriquée au fil des échecs et des désillusions. C’était de cette même cuirasse qu’elle se servait pour garder la face  devant ses parents, pour ne pas leur faire voir à quel point ça lui faisait mal chaque fois qu’ils l’ignoraient. 

Une larme solitaire s’écrasa sur sa joue. Elle l’effaça d’un revers rageur de la main. 

— Mylène, je vais devoir y aller. Je te fais signe quand je reviens, déclara t-elle d’un ton sans appel. 

— Euh... OK. Bon tournage alors. Bisous. 

Denise raccrocha et s’effondra sur son lit au milieu de ses vêtements épars. Elle se remit à respirer profondément pour faire écran aux larmes qui alourdissaient ses paupières. Il fallait qu’elle se mette une bonne fois dans la tête qu’elle ne pouvait pas tout avoir dans la vie. De même qu’elle avait fait une croix sur une vie familiale avec un compagnon après la fin de son histoire avec Oswald, elle devrait en faire autant sur sa relation avec ses parents. 

De façon presque automatique, elle déverrouilla son téléphone et lança un appel à Eloïse. Il n’y avait qu’elle pour lui remonter le moral en cet instant. 


***


Armelle jeta un coup d’œil à Denise assise sur le siège passager avant de se concentrer à nouveau sur la route. Sa nouvelle amie n’avait pas sa mine enjouée habituelle. Depuis qu’elle l’avait récupérée au pied de sa résidence, elle l’avait vue sourire au trop deux ou trois fois. Ca ne lui ressemblait vraiment pas. 

Denise lui apparaissait comme une personne à la bonne humeur perpétuelle, à des années-lumières de  Ralph qui changeait d’humeur au gré de ses vêtements.

Elle réprima un soupir. Elle ferait vraiment  mieux d’arrêter de ruminer sans arrêt. Comme sa soeur Clémence le lui avait fait remarquer hier au téléphone, elle ne pouvait pas passer son temps à se plaindre de sa situation et rester les bras croisés, croyant que le cours des évènements changerait tout seul. Sur le coup, cette réflexion lui avait hérissé le poil. Clémence était une exégète des théories de bouquins de développement personnel. Sa récente installation aux États Unis avec sa famille aux États Unis n’avait pas arrangé les choses. Avec le recul, elle admettait que sa sœur avait raison. Elle se devait de passer à l’action plutôt que de se morfondre, se fixer des objectifs dans sa vie privée et familiale comme elle le faisait dans son travail — ce qui lui réussissait très bien— plutôt que de naviguer à vue et de se bercer d’illusions quant à sa situation avec Ralph.  

Armelle interrompit le cours de ses pensées pour contrôler ses rétroviseurs. La visibilité étant bonne à l’avant, elle pouvait enfin dépasser le camion devant elle qui peinait de plus en plus à gravir la cote de la route. Une fois rabattue sur le côté droit, elle se détendit un peu. Même si elle s’estimait bonne conductrice, elle n’était jamais très à l’aise quand il fallait aborder un dépassement sur des voies à double sens, voies qui malheureusement représentaient la quasi totalité des grands axes routiers du Cameroun. Et avec le temps que prenait la construction de l’axe Douala-Yaoundé, pour ne citer que celui-là, elle aurait des cheveux blancs avant de pouvoir emprunter une autoroute digne de ce nom au pays. 

Son esprit vogua à nouveau vers la conversation de la veille avec sa sœur. Clémence lui avait dit à demi-mot qu’elle restait avec Ralph, non pas parce qu’elle l’aimait, mais par mesure de confort et de commodité. Elle avait failli lui raccrocher au nez tellement ça l’avait piquée, mais à la lueur de l’aube, elle avait dû admettre que le propos n’était pas si dénué de vérité. Elle avait regardé la masse ronflante de Ralph étalé à ses côtés. Comme à l’accoutumée, il était rentré au bout milieu de la nuit et s’était affalé près d’elle sans même rechercher son contact. Elle avait dû se retourner sur son côté droit pour ne pas subir les relents de son haleine avinée. À quel moment s’était-elle imaginée avoir une vie de couple aussi inexistante ? Elle ne se rappelait plus la dernière fois que Ralph lui avait fait l’amour, et encore moins quand il avait eu un geste de tendresse à son  égard. Non ! Ce n’était pas ainsi qu’elle avait rêvé sa vie de femme. 

Trois ans plus tôt quand ils avaient emménagé dans la somptueuse villa que Ralph avait fait construire, ça n’allait déjà plus très fort entre eux. Elle avait cru — à tort— que le fait de déménager avec lui représentait une promesse tacite pour un engagement officiel.  Quelle erreur ! Les choses n’avaient fait qu’empirer et elle s’était voilée la face. 

Elle poussa un profond soupir et serra plus fort le volant entre ses mains. Elle était décidée à aller de l’avant et à faire le maximum pour arrêter de se morfondre. Quand Denise lui avait proposé de l’accompagner à Kribi pour le tournage du clip une semaine plus tôt, elle n’avait même pas hésité une seule seconde.  L’idée de passer un week-end avec sa professeure de danse et amie sur un tournage l’enchantait plus que tout. Et puis c’était aussi une aubaine pour rompre avec la monotonie de sa vie. Elle saisirait cette opportunité pour passer à autre chose. Comment ? Elle ne le savait pas encore. 

— Désolée, je ne suis pas de très bonne compagnie ce matin, soupira Denise à côté d’elle. 

Une lueur mélancolique qu’elle ne lui connaissait pas brillait dans son regard. 

— Qu’est ce qu’il y a ? Je peux peut être t’aider ...

Denise secoua la tête avant de répondre. 

— Je ne pense pas. C’est le coup de fil de ma grande sœur ce matin qui m’a un peu mise en rogne. 

— Tiens ! Nous sommes deux alors ... Et elle a dit quoi ta sœur pour te mettre dans cet état ?

— Elle a insinué que je devrais faire un peu plus d’efforts pour rendre visite à mes parents. Pourquoi serait-ce à moi de faire des efforts alors que depuis que j’ai déménagé ils n’ont même pas cherché à savoir où j’habitais ? Du moment que je n’ai pas choisi un métier qui les honore, ils n’ont quasiment plus fait attention à moi. 

— Ah ! À ce point là ? Pourtant tu arrives à vivre de ton métier ? 

— Oui, mais ce n’est pas suffisant pour eux. Enfin... Surtout pour ma mère.

— Wèèèè Assia...

— C’est pas grave, je fais avec depuis presque toujours. En tout cas, j’ai hâte d’être arrivée. Ca me fera du bien de retrouver l’ambiance d’un tournage vidéo; ça faisait un moment.

— Moi aussi, j’ai hâte. J’ai besoin d’un dépaysement de ce genre pour prendre un nouvel élan dans ma vie.

Denise tourna la tête vers elle, les sourcils froncés.

— À propos de Ralph ?

— Oui, fit-elle en hochant la tête. J’ai décidé de faire ce qu’il faut pour changer ma situation et arrêter de me plaindre.

— Tu vas le quitter ?

— Si rien ne change, oui

— Bon...

Le scepticisme de la réponse de Denise ne lui échappa pas. Elle comprenait parfaitement. Jusqu’à ce matin elle-même était encore à se plaindre de sa vie sans réellement chercher des solutions pour changer le cours des choses.


Sur la plage de Grand Batanga, l’équipe de tournage s’activait. Denise, les danseuses et la jeune star Chanel se déplaçaient devant les caméras. Leurs tenues vaporeuses et les longues mèches de leur tissage voletaient autour d’elle au souffle de la brise marine chaude. Quelques badauds s’arrêtaient pour admirer le spectacle gratuit qui se déroulait devant leurs yeux.

Installée dans un transat à l’ombre d’un grand palétuvier peu feuillu, Armelle agita sans grande conviction son éventail devant son visage. L’effet escompté n’était pas au rendezvous. L’air était humide et lourd en ce milieu d’après-midi et elle avait l’impression d’exsuder par tous les pores de son corps. Elle était de plus en plus tentée d’aller se rafraîchir dans la grande étendue d’eau salée, mais elle voulait attendre que le clip soit terminé. Ce qui ne semblait pas gagné en voyant la tête que faisait Denise quand Rudy le réalisateur, un jeune homme à la coiffure afro imposante, interrompit une nouvelle fois la vidéo.

— Chanel ! Interpella t-il la chanteuse d’un ton qui dissimulait mal son agacement, en se dirigeant vers elle. Contente-toi de faire ce qu’on te demande et évite d’improviser. Ça sonne faux et en plus tu sors tout le temps du cadre !

— Ah bon ? Répliqua Chanel, un air boudeur sur son visage de poupée de cire. Tu es le premier à me faire la remarque. Mes abonnés aiment toutes les vidéos que je publie sur ma page.

— On n’est pas sur ta page Facebook ici ! On tourne un clip et j’exige un minimum de sérieux. Il nous reste deux prises et on doit les achever avant que le soleil ne se couche, donc tu t’en tiens au scénario, et au cadre. OK ?

— OK !

Denise, les bras croisés sur sa poitrine, esquissa un sourire moqueur en jetant un regard de biais à la jeune chanteuse. Armelle, elle aussi, se retint de pouffer de rire.

— Allez, on y retourne, hurla Rudy. Bobby sera là d’un moment à l’autre, et je ne veux pas avoir à lui expliquer pourquoi ce clip n’est pas encore bouclé.


Armelle tendit un verre de citronnade fraîche à Denise qui venait de s’étendre sur le transat voisin du sien.

— Merci ! Tu me sauves la vie. J’en avais vraiment besoin après ce tournage. Cette petite a failli me rendre chèvre ! 

— Oui, j’ai vu ça, s’esclaffa Armelle. Je trouve qu’elle bouge bien tout de même.

— Oui, elle a un truc c’est sûr, elle passe bien à l’écran et elle a le truc pour capter l’attention. Seul hic, elle ne veut en faire qu’à sa tête. 

— C’est quoi le programme de la soirée ? Demanda t-elle après avoir pris une gorgée de son jus de pamplemousse.

— Bobby organise un petit soirée privée à la salle de réception de l’hôtel. Chanel fera un show case avec Mister Léo. 

— Aaaah ! S’extasia t-elle. Mister Léo sera là ? J’espère que je pourrais prendre une photo avec lui, j’adore sa voix et je le trouve trop sexy avec ses locks !

— Ah ouais ? Fit Denise amusée.

— Ouais ! Et j’aime aussi son petit accent anglophone quand il chante ou il parle.

— Hé Darling ! Dit-une voix de basse au dessus d’elle.

Armelle leva les yeux et son regard intercepta un grand corps masculin vêtu d’un jean noir et d’un tee-shirt blanc dont les coutures étaient tendus sur des biceps saillants et un torse ferme et musclé. De ses yeux légèrement enfoncés dans les orbites, l’homme la fixait, un léger sourire s’étirant sur son visage à la mâchoire carrée.

— Hé Bobby ! Je me demandais où tu étais passé ? S’enquit Denise en se levant pour faire la bise au nouveau venu.

— Plein plein de choses à faire, répondit le dénommé Bobby qui ne l’avait toujours pas quitté du regard. C’est ton amie ?

— Oui, je t’avais dit que je venais accompagnée. 

Denise fit les présentations. Un peu gauchement, Armelle se leva et tendit une main incertaine au jeune homme. Il la prit, mais se pencha néanmoins vers elle pour lui faire la bise. Ses longues locks basculèrent sur son épaule et lui effleurèrent la joue tandis que son parfum aux senteurs boisés l’enveloppait. Un peu troublée, elle se racla la gorge pour retrouver une certaine contenance. Avait-il entendu son propos concernant les  locks et à l’accent anglophone de Mister Léo ?

— Tu as des beautés comme ça parmi tes amies et tu ne me les présentes pas ? 

— Je suis entrain de faire quoi là ? Rétorqua Denise dont le regard amusé allait de Bobby à elle.

Armelle baissa les yeux, un peu gênée d’être le centre de l’attention. Bobby gardait toujours sa main dans la sienne et la chaleur de sa paume semblait se propager à travers tout son corps.

— C’est vrai, tu te rattrapes. On se voit à la soirée tout à l’heure ? demanda t-il. 

Elle devina confusément que la question lui était destinée.

— Euh… oui, réussit-elle à articuler en lui jetant un bref regard.

Il sourit franchement, dévoilant une belle dentition dont la couleur immaculée contrastait avec son teint marron foncé.

— À toute !

Enfin, il lâcha sa main, et sur un clin d’oeil, s’en alla.

— Ikiiiii ! Je sens que quelqu’un a tapé dans l’oeil de Bobby the entertainer ! S’exclama Denise .

— Tu crois ? Fit-elle, toujours un peu troublée.

— Non, il regardait la bombasse juste derrière toi … Mais bien sûr que c’est de toi qu’il est question, ajouta Denise en levant les yeux au ciel. Tu as prévu de mettre quoi ce soir ?

— Euh… Rien de spécial, une simple petite robe noire.

— Ça fera l’affaire, on jouera sur le maquillage. Tu as une paire de talons, j’espère ?

— Oui, mais … Tu penses vraiment que… je ne sais pas si …

Elle s’interrompit. Elle ne savait plus trop ce qu’elle voulait dire. 

Denise posa deux mains sur ses épaules, cherchant son contact visuel.

— Tu te rappelles notre conversation dans la voiture de ce matin ? C’est toi même qui m’as dit que tu voulais prendre un nouvel élan, vrai ou faux ?

— Vrai, mais est-ce que …

— Arrête de te poser des tas de questions, l’interrompit Denise en la secouant légèrement. Vis ta vie ! C’est l’occasion.

Elle acquiesça. Denise et elle achevèrent leurs boissons, puis se dirigèrent vers la grande étendue d’eau. Il était temps de piquer une bonne tête pour se rafraîchir.


***

Denise déposa la coupe de champagne sur le plateau du serveur qui passait devant elle. La chanteuse Gasha, installée dans un canapé à l’angle de la pièce lui fit un signe de la main. Bobby les avaient présentées  l’une à l’autre avant le début du show case et elles avaient sympathisé. Denise avait apprécié sa simplicité et son autodérision. La jeune chanteuse revenait de loin, après plusieurs périodes de maladie qui avaient mis sa carrière à mal.

Pour sa soirée privée, Bobby avait ramené tout le gratin de la jet set camerounaise du show-business. Artistes et producteurs, connus et moins connus, engoncés dans leurs vêtements de marques paradaient dans la grande salle de réception. Pour tous, il fallait se faire voir, créer le contact avec les personnalités les plus en vue avec l’espoir de décrocher un partenariat. Elle non plus n’était pas en reste. Depuis le début des festivités, elle avait déjà échangé avec trois producteurs qui semblaient être intéressés par son spectacle. Bobby en bon master de la cérémonie avec ses lunettes effet miroir et cigare aux lèvres, se déplaçait de table en table pour échanger avec ses convives. 

Elle aperçut Armelle qui revenait des toilettes, et jetait un coup d’oeil à l’assemblée, visiblement à sa recherche. Elle levait la main pour lui faire signe lorsque Bobby surgit devant son amie. La minute qui suivait, il l’entraînait sur la piste de danse. Du regard Denise l’encouragea, puis rejoignit le buffet garni d’amuse-gueules.

— J’étais sûr que je te retrouverai ici, fit une voix grave derrière elle.

Elle se retourna et se retrouva nez à nez avec Ulrich Tamo. Réprimant avec grand peine le soupir agacé qui remontait le long de sa gorge, elle plaqua un faux sourire sur ses lèvres. 

— C’est comment ? Demanda t-elle d’un ton désinvolte. 

— On gère. À part le fait que tu m’évites depuis la dernière fois. 

Il y avait vraiment des gens durs d’oreille, et Ulrich en faisait partie. Il ne semblait pas avoir intégré le fait que leur petite sauterie après la dernière soirée privée de Bobby était terminée et qu’il n’y aurait plus rien entre eux. Elle se demandait même ce qu’il lui était passé par la tête pour avoir eu cette aventure avec lui. Ah si ! Il était plutôt beau gosse — avec sa boule à zéro et sa barbe parfaitement taillée en cerceau— et il bougeait bien sur une piste de danse. Dommage qu’il n’en fut pas de même dans un lit en position allongée. 

— Je ne t’évite pas. C’est juste que je n’ai plus grand chose à te dire, précisa t-elle en repoussant d’un coup d’épaule ses tresses retenues en queue de cheval.

Il se figea, les yeux écarquillés. L’instant d’après, son regard se fit hargneux et ses lèvres prirent un pli méprisant quand il vociféra :

— Pétasse ! Tu te prends pour qui ?

— Pour celle après qui tu cours depuis un mois, rétorqua t-elle d’un ton posé. Allez, bonne soirée ! 

Sans lui laisser le temps d’ajouter quoique ce soit, elle fit demi tour et se dirigea vers Rudy qui semblait un peu esseulé sur la piste de danse. Ça lui apprendrait à être un peu plus sélective dans ses conquêtes. Les deux dernières avaient avorté au premier corps-à-corps. À croire que sa longue période d’abstinence pendant sa convalescence avait érodé son jugement.

Tandis qu’elle accordait son pas  à celui de Rudy, elle vit du coin de l’oeil Armelle, complètement éperdue dans les bras de Bobby. Un sourire naquit sur ses lèvres pleines. En attendant sa prochaine aventure, elle vivrait au moins par procuration une histoire d’amour. Elle sentait qu’entre ces deux là, les choses ne faisaient que commencer.

Les Promesses du Des...