Chapitre I

Write by 98shadesofab

Ce 26 juillet 2009, il faisait très beau à la Riviera Golf, où j’habitais. J’étais à la fois anxieuse et excitée à l’idée de mon imminent départ pour la France. Tout était fin prêt. Mes valises étaient bouclées, ma tenue, impeccablement repassée, les tresses que l’on m’avait faites la veille, traumatisaient encore mon cuir chevelu, mais étaient très jolies et mes documents importants étaient soigneusement rangés dans une pochette en cuir que j’avais reçue à mon anniversaire de la part de mon père. Tout était prêt, à l’exception de mon cœur. Koffi. Mon bien aimé, l’amour de ma vie. Je n’avais que 18 ans à l’époque, mais j’avais déjà le sentiment d’avoir trouvé mon âme sœur. Il était plus âgé que moi de trois ans, mais nous étions en parfaite symbiose. Avec lui, j’avais l’impression d’être une adulte, d’être mature. Il ne me traitait pas comme une enfant, contrairement à mes parents. Pour Koffi, j’étais une femme. J’étais très heureuse de partir vers de nouveaux horizons, mais le fait de le laisser à Abidjan me fendait le cœur. Koffi n’était pas issu d’une famille aisée comme la mienne. Ses parents n’avaient pas les moyens de l’envoyer poursuivre ses études à l’étranger. Mais il était si intelligent, que je savais que peu importe où il était, il réussirait. Nous avions tous les deux le même projet : devenir de grands avocats. J’étudierais le droit européen et lui le droit ivoirien, et à mon retour de Paris, nous ouvririons notre cabinet ensemble et nous marierions. Le plan de ma vie était parfaitement dessiné et rien ni personne ne pouvait empêcher son accomplissement. J’avais de la chance aujourd’hui ; mes parents me laissaient voir Koffi toute l’après-midi avant mon départ, puisque ce serait la dernière fois, en cinq ans. Il fallait que je sois parfaite afin qu’il ne m’oublie pas. Je passai donc plus de deux heures dans la douche, à me pomponner. J’enfilai ma plus belle robe blanche ainsi que de petits escarpins, et abusai un peu de ce parfum de grande dame que j’avais piqué à ma mère. Je me sentais irrésistible. 14h30 arriva et Koffi sonna à ma porte. Il venait me chercher dans la voiture de son père. Je n’avais aucune idée de ce qui m’attendait cet après-midi mais, j’étais tellement heureuse de le passer avec lui.

« Koffi ! » Criais-je lorsque je le vis après avoir ouvert la porte.

« -Ma chérie ! Tu es si belle

-Arrête donc de me flatter s’il te plaît ! » Nous rigolions ensemble tandis qu’il m’ouvrit la porte du côté passager et démarrai le moteur.

« Dis-moi, où allons-nous ?

-C’est une surprise ma chérie. Tu le sauras bien assez tôt » me répondit-il tout en étant concentré sur la route. 20 minutes plus tard, nous arrivions devant le grand hôtel ivoire. Un des plus luxueux hôtels d’Abidjan, rien que ça. J’y venais souvent avec ma famille pour y déjeuner le dimanche, mais, jamais Koffi ne m’y avait emmené. Nous faisions toujours des activités simples qui n’impliquaient pas de grosses dépenses. Cela ne me dérangeait pas du tout. Je n’étais pas du genre matérialiste et je privilégiais de loin, le contact humain. C’est pour cela que j’étais très surprise lorsque Koffi gara la voiture dans le parking et vint m’ouvrir la porte.

« Mais, que faisons-nous ici ?

-Eh bien, c’est ici que nous allons passer l’après-midi ! » Je restai bouche bée pendant un certain temps. Je réfléchissais aux activités que nous étions susceptibles de faire dans cet hôtel ; piscine, bowling, patinoire... Cela coûterait si cher, où Koffi avait-il donc trouvé l’argent pour cela ?

« Ça ne te plaît pas...

-Quoi ? Mais si bien sûr. J’adore l’hôtel ivoire. Je suis juste un peu surprise... » comment lui dire avec délicatesse que je ne pense pas qu’il ait les moyens de passer un après-midi ici avec moi ?

« Je vois où tu veux en venir. Tu penses que je n’ai pas assez d’argent pour être ici avec toi, c’est ça ?

-Non mon cœur, pas exactement. Je sais que tu économises ton argent en ce moment, je ne veux pas que tu fasses des dépenses inutiles.

-C’est moi qui décide de ce que je fais de mon argent. Aujourd’hui j’ai décidé de le dépenser ici avec toi. Maintenant, dépêche-toi, j’ai réservé une chambre.

-Tu as... réservé une chambre ? Mais pour quoi faire ?

-Comment ça, pour quoi faire ?

-Je pensais que l’on irait à la patinoire ou au bowling, enfin, je ne sais pas...

-Ah je vois. Eh bien, désolé de te décevoir, mais tu passeras l’après-midi confinée dans une chambre hors-de-prix avec moi ! » dit-il en me lançant son sourire éclatant. Nous nous rendîmes donc à la réception de l’hôtel afin de pouvoir récupérer notre clé et monter dans notre chambre. Je perdis ma virginité cet après-midi, dans les bras de Koffi, je passerai ici les détails, mais c’était très agréable bien que douloureux. Mais ce qui fût encore plus douloureux, ce fut le temps des aurevoirs. Nous n’étions pas sûrs de pouvoir continuer à communiquer. La poste était terriblement lente en Côte d’Ivoire, et Koffi n’avait pas internet. Ce soir-là dans l’avion, je ne pensai qu’à lui, qu’à nous. A mon arrivée chez ma tante à Paris, je m’étais empressée de passer un coup de fil à Koffi afin de lui faire savoir que j’étais bien arrivée et lui promit de lui écrire le plus vite possible. Ma tante me fit très vite comprendre, que les appels vers Abidjan seraient limités, car ils rendaient la facture très salée. Koffi et moi, nous sommes échangés des lettres pendant un an, entre les temps d’attente entre chaque courrier, et leur rareté grandissante. Nous avons éventuellement arrêté toute communication. Un jour je recevais sa dernière lettre, qu’il avait terminée par : « nous n’appartenons pas au même monde. Je t’aime, mais cet amour ne nous mènera à rien. Je sais qu’un jour je serai à ta hauteur, mais pour l’instant, je dois me construire. Et ce, indépendamment de toi. » il venait de me briser le cœur. Jamais je ne m’étais plaint de sa condition, je l’aimais pour lui et non pour son statut social. Je n’avais que faire qu’il devienne ou non, un homme riche et puissant. Je ne répondis pas à cette lettre, et soignai mon cœur au fil des années. J’eus quelques petites histoires avec de jeunes hommes à Paris, mais rien de bien sérieux, je ne ressentais plus ce que j’avais éprouvé pour Koffi. Mes études prirent 7 années au lieu des 5 initialement prévues, je les avais délibérément prolongées afin d’être plus qualifiée. J’avais désormais 25 ans et j’étais devenue une belle jeune femme. Pleine d’assurance et croquant la vie à pleine dents. J’avais été embauchée dans un cabinet juridique anglo-saxon à Paris, et j’aimais beaucoup mon métier de juriste. J’avais passé l’examen du barreau à 23 ans, mais j’avais échoué. A 25 ans, je l’ai réussi. J’étais donc officiellement avocate au barreau de Paris, et, lorsque mon patron me fit part de son projet d’implanter un cabinet en Côte d’Ivoire et qu’il voulait m’y muter, je ne pus pas résister. J’avais tellement envie de retrouver Abidjan, ma belle ville, qui avait tant évolué pendant mon absence. 8 mois plus tard, j’étais enfin de retour sur ma terre natale. Je logeais chez mes parents le temps de me trouver un appartement convenable. Je refusais de vivre sous leur toit, et de profiter des bienfaits d’être issue d’une famille aisée. Contrairement à la majorité de mes amis revenus au pays, je souhaitais être indépendante sur tous les plans. Je trouvai facilement un appartement dans un immeuble dans l’un des quartiers les plus prisés de la Zone 4, non loin de mon lieu de travail. Il était exactement comme je le souhaitais. Placé presque au dernier étage d’une grande tour, j’avais une immense baie vitrée dans mon salon qui donnait sur un grand balcon. J’avais une vue incroyable sur Abidjan. L’appartement était livré meublé. La décoration était très minimaliste ; de grands fauteuils de cuir blanc, du parquet gris, de beaux tableaux accrochés aux murs, une cuisine de type américaine avec un bar, une grande chambre bénéficiant également d’une vue imprenable et une salle de bain entièrement marbrée. Je payais la moitié de mon loyer ; mes parents tenaient absolument à payer l’autre moitié. Je vous avouerais que cela m’arrangeait bien. Sans cela, je n’aurais jamais pu emménager dans l’appartement de mes rêves. Le premier mois suivant mon arrivée était très calme, rien d’exceptionnel n’arrivait. Je me dévouais corps et âme à mon travail. C’est à partir de mon deuxième mois à Abidjan, que ma vie devint beaucoup plus palpitante.  

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