CHAPITRE III : Le baiser
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Dès ce jour, leurs rapports devinrent très tendus.
Rebellée, Cora se mit à sortir de plus en plus, ce qui ulcérait le jeune homme
qui avait du mal à résister à la tentation de réparer le portrait de ses
soupirants. Leurs parents essayèrent en vain de les réconcilier. Mais ils
étaient aussi butés l’un que l’autre.
C’est en ce moment-là qu’Andréa entra
dans la vie de Dean. Cora et ses parents se rendirent tout de suite compte
qu’il était plus amoureux d’elle que de toutes les filles qu’il avait jusqu’ici
côtoyées. Six mois après leur rencontre, ils annoncèrent leurs fiançailles.
Fille unique de Nathaniel Kéty, propriétaire d’une chaîne de restaurants très
cotés, Andréa avait les mêmes goûts et aspirations que Dean. Restauratrice de
formation, elle en dirigeait un elle-même.
Un après-midi, après que Cora et Dean
eurent une dispute plus violente que d’habitude, Cadia se décida à parler à son
fils. L’occasion se présenta un samedi alors que Cora était partie au cinéma
avec un groupe d’amis.
- Chéri, tu ne trouves pas que tu en
fais un peu trop ? Cora n’est plus une fillette. Il est vrai qu’elle n’a
que dix-sept ans, mais elle a besoin de s’épanouir.
- Je sais maman, mais je ne peux pas m’empêcher de
m’inquiéter. Elle est si fragile. Lorsque je pense qu’il y a quelques années
encore, elle n’était qu’un bébé, je me sens dérouté.
- Tu as tort de t’inquiéter pour elle.
Elle est une fille très mûre et elle ne fera pas sciemment quelque chose de
mauvais. Essaie de la comprendre. Elle traverse la période où tous les
adolescents aspirent à la liberté. Je ne dis pas de ne pas la surveiller, mais
ne lui donne pas l’impression de la harceler. A son âge, tu en faisais autant.
- Je n’en suis pas sûr.
- Essaie quand même de te réconcilier
avec elle. Je suis convaincue que votre ancienne complicité lui manque. Tu me
promets de lui parler ?
- Oui maman, je t’en fais la promesse.
- Merci mon fils. Arrête de te
comporter comme un mari jaloux.
Cora revint quelques heures plus tard,
et eut la surprise de trouver Dean dans sa chambre. Etendu sur le lit, il avait
allumé la veilleuse qui diffusait une douce pénombre.
- Tiens ! J’ai cru que tu sortais avec
Andréa ce soir.
- Elle ne se sentait pas très bien. On
a donc annulé. J’ai à te parler Cora.
La jeune fille se mit sur la
défensive. Dean entreprit aussitôt de la décrisper.
- Ce n’est rien Trésor. J’ai juste
envie de discuter un peu avec toi.
Mise en confiance, Cora sourit et
s’installa auprès de lui sur le lit.
- Cora, commença Dean embarrassé, je
sais que depuis quelques temps, toi et moi on est comme chien et chat.
- Et cela depuis près d’une année.
- J’ai commis beaucoup d’erreurs. Je
te présente mes excuses. Mais comprends-moi, je te considère toujours comme une
gamine de huit ans.
- Alors que j’en ai plus du double.
- Je sais. Oublie tous les différends
qu’il y a eu entre nous. Tu me pardonnes ?
- Oh oui ! Tu es le meilleur des
frères et je t’adore.
Folle de joie, elle se jeta dans ses
bras. Soulagé d’avoir eu la tâche si facile, Dean la serra contre lui, mais
pour aussitôt se rétracter. Il sentait en effet, pressés contre sa poitrine,
les seins pleins et fermes de la jeune fille. Pris d’un brusque désir de les
toucher, il s’écarta, horrifié. Surprise par ce revirement inattendu, Cora fut
déséquilibrée. Alors qu’elle basculait vers le sol, Dean instinctivement la
retint.
- Mais qu’est-ce que tu as
encore ? Je croyais qu’on s’était réconciliés !
Elle n’obtint aucune réponse à sa
question. Déconcertée, elle leva son visage vers lui. Et, pour la première
fois, Dean remarqua les lèvres délicatement ourlées de la jeune fille et ses
yeux s’assombrirent.
Cora, bien qu’inexpérimentée, perçut
en lui une nette tension et soudain les battements de son cœur s’accélérèrent.
Il fixait la poitrine de la jeune fille qui se soulevait au rythme de sa
respiration. Saisi d’un violent désir, presque primitif, il l’attira à lui et
goûta à ses lèvres qui libérèrent un léger gémissement.
Cora se sentit aspirée dans un
tourbillon. Abandonnant toute retenue et guidée par l’instinct, elle glissa ses
doigts fins derrière la nuque de Dean qui se crut au supplice. Enfiévré, il
resserra les bras autour du corps svelte qui se ployait sous lui.
- Dean, tu es là ? Fit soudain la
voix de sa mère dont ils perçurent tous les deux les pas approcher.
Dégrisé, il s’arracha à elle et poussa
un juron. La seconde d’après, la porte s’ouvrait sur Cadia qui lança :
- Andréa au téléphone.
- Merci maman, je descends, répondit
Dean en essayant de retrouver ses sens.
Il quitta le lit et sortit suivi de sa
mère. Celle-ci ne remarqua pas le trouble de Cora qui bénit la pénombre
diffusée par la veilleuse.
Cora, rêveuse attendait le retour de
Dean lorsqu’elle entendit le moteur de sa voiture vrombir. Elle eut juste le
temps de se précipiter à la fenêtre, pour voir son véhicule franchir en trombe
le portail. Déçue, elle dévala les escaliers et se précipita dans le séjour où
elle retrouva sa mère installée devant le téléviseur.
- Maman, sais-tu où Dean s’en
va ?
- Non Cora. Il est parti juste après
avoir fini de parler avec Andréa au téléphone. J’espère que vous ne vous êtes
pas encore disputés.
- Mais non maman ! Tu sais, on
s’est réconciliés.
- J’en suis heureuse. Mais il faut le
comprendre ma fille. Il se fait du souci pour toi et c’est normal. C’est
pareil pour ton père et moi.
- Je suis désolée de vous causer du
souci maman, soupira Cora en s’accroupissant à ses pieds. Ne soyez pas fâchés
contre moi.
- Mais non Trésor, ne dis pas de
bêtise. On ne pourrait jamais t’en vouloir. Tu es notre rayon de soleil dans
cette maison.
Cadia lui caressa affectueusement la
joue et Cora lui dédia un lumineux sourire en s’écriant :
- Oh maman, que je t’aime !
Crois-tu que cela aurait été pareil avec ma vraie mère ?
Cadia la regarda, nostalgique. Elle
savait que c’était l’une des rares fois où Cora parlait d’Anna et de Caleb.
- Ta mère était la plus douce des
créatures qu’il m’ait été donnée de connaître. Et chaque jour je la revois en
toi ; tu es tout son portrait.
- Et papa ?
- Il aurait été pour toi un merveilleux
père. Mais peut-être le fait qu’il n’ait pas survécu à ta mère est juste, car
sans elle, il ne pouvait plus être l’homme que nous avons connu.
- Ils s’aimaient donc tant ?
- Ils s’adoraient et représentaient
tout l’un pour l’autre. Il ne manquait plus que toi pour parfaire leur bonheur.
- J’aimerais tellement connaître un
amour pareil, soupira Cora, se revoyant dans les bras de Dean.
- Un jour, tu rencontreras celui qui
t’inspirera ce sentiment. Je te souhaite alors de connaître ce bonheur d’aimer,
celui que je vis depuis plus de trente ans avec ton père.
C’est avec un sourire serein que la
jeune fille se coucha ce soir-là, longtemps après avoir vainement guetté le
retour de Dean qui ne rentra qu’à l’aube. En l’entendant gravir les escaliers
menant vers ses propres appartements, Cora sourit en sentant son cœur esquisser
un bond d’allégresse.
Sa dernière pensée cette nuit-là fut
pour Dean, qu’elle voyait désormais, non plus comme « le grand frère de
tous les jours », mais comme l’homme qui a fait germer en elle les
prémices de l’amour.