
Chapitre IV
Write by EdnaYamba
Victoria LECKA
Je suis fin prête
quand Annabelle émerge de son sommeil et s’étire comme un chat paresseux, les
paupières lourdes de sommeil.
Elle se redresse et
s’assoit sur le lit, m’observant et me détaillant de la tête au pied un air
moitié moqueur, moitié attendri.
Il est 6H15
Aujourd’hui, je ne
risque pas d’arriver en retard. J’ai tout sauf la force nécessaire pour supporter
les sarcasmes de maitre NDONG.
-
Finalement,
t’as toujours eu raison de préserver à l’école. Tu es tellement...différente
dans ces vêtements !
Je regarde mon reflet
dans cette jolie robe de couleur marron teintée de fleurs que j’ai payé en
friperie au petit marché de rio, personne ne saurait deviner qui je suis
réellement.
-
Laisse-moi
relever tes braids en un petit chignon et ce sera parfait. On va masquer aussi
tes cernes. Et te maquiller un peu.
Anna a toujours eu le
don de sublimer les personnes, elle possède un talent inné pour l’esthétique si
seulement elle pouvait se détacher de l’influence de Gaspard et de cette vie
palpitante qu’elle pense vivre. Sa lumière se ternit.
Elle prend son temps
pour camoufler mes imperfections. Ce maquillage aussitôt me rappelle combien de
fois je maquille ma vie tous les jours.
Elle se dirige vers
son sac en bandoulière posé sur une chaise dans un coin de la pièce, elle sort
un parfum qu’elle m’asperge sans mon avis.
-
Tiens,
je te le donne !
Je ne demande pas la
provenance, j’accepte sans discuter. Anna a toujours aimé m’offrir de petits
cadeaux même des butins que nous dérobions.
La porte s’ouvre
brutalement sur Ma Léontine, elle toise Anna.
-
Tu
t’es enfin décidée à rentrer chez toi !
Elle est prête à
exploser.
-
Bonjour
Ma Léontine, répond-t-elle.
-
Je
t’ai entendu cogner hier. Anna, jusqu’à quand ?
C’est le même
discours à chaque réapparition d’Anna. Mais les oreilles d’Anna sont depuis
longtemps sourdes. Je les laisse à ce rituel de remontrances. Je prends mon sac
et je m’en vais.
Au cabinet, je
finalise les dernières annotations de mon travail. Je me relis satisfaite de
mon travail. L’effet positif d’une nuit blanche : je me suis acharnée sur
mon travail. Petit à petit, le cabinet prend vie avec l’arrivée du personnel.
Le bruit des pas, des salutations emplit les bureaux.
-
Tu
es matinale ce matin, observe Etienne. Et plutôt très jolie !
Je le remercie d’un
hochement de tête.
Bientôt, maitre Tia
Jackson apparait. Toujours autant sublime et joviale, l’exact opposé de son
acolyte dont l’expression faciale demeure un mystère. Je ne peux m’empêcher
d’apprécier la prestance naturelle. Il dégage cette autorité
silencieuse qui ajoute du charme à la beauté de ses traits.
-
Quel
bel homme ! s’extasie Magalie, une stagiaire à son passage.
Je me surprends à
acquiescer. Harry NDONG OSSAVOU a effectivement été généreusement gâté par la
vie.
Maitre Jackson nous
salue poliment.
J’attends encore
quelques minutes, le temps qu’il s’installe avant de me rendre à son bureau. Je
trouve sa secrétaire, une jeune dame d’une trentaine d’années bien coiffée et
accueillante. Elle m’annonce auprès de son chef après m’avoir informé que
maitre NDONG est en compagnie de maitre Jackson.
-
Maitre
NDONG, je vous apporte le dossier que vous m’avez confié hier ! annoncé-je
en lui tendant la chemise cartonnée.
-
Vous
avez déjà fini votre travail ? impressionnant ! dit Tia Jackson.
Harry NDONG OSSAVOU !
Impressionnant !
Tia fait bien de le
dire alors que les premiers raisonnements de son travail me surprennent. Je
tourne la page suivante, l’écriture est fluide, le raisonnement est précis. Je
m’attendais à devoir tout reprendre mais elle m’a surpris !
Je lève les yeux.
Elle est là debout
face à moi, une mèche rebelle sort de son chignon parfaitement coiffé. Son
calme apparent pourrait bien cacher une fougue bien contrôlée. Je la trouve
différente…
Tia toussote attirant
mon attention. Je lui tends à elle aussi le dossier pour qu’elle l’observe.
Victoria attendait là
contenant son impatience de façon maitrisée. Un peu trop maitrisée à mon gout.
-
Très
bien ! approuve Tia satisfaite.
-
Pas
mal, corrigé-je.
Inutile de lui lancer
des fleurs et qu’elle se repose sur ses lauriers.
-
Merci !
Elle soutient mon
regard. Ses yeux en amande s’assombrissent, enchainé comme si elle voulait dire
quelque chose qu’elle tait.
-
Quand
Harry dit pas mal, c’est qu’il est conquis Mlle… ?
Tia lui adresse un
clin d’œil qui arrache à Victoria un sourire rare. Son visage se détend. Elle
est… jolie, en fait. Trop discrète pour le montrer, mais belle dans cette
retenue.
-
Lecka,
victoria Lecka !
-
Nous
étions en train de faire des équipes de travail pour nos prochaines plaidoiries
et si Harry n’y voit pas d’inconvénients, je vous prends dans mon équipe !
Je m’apprête à
dire oui. Mais quelque chose me crispe. Les yeux de Victoria se posent sur Tia
avec admiration. Une étincelle qu’elle ne m’a jamais offerte.
Ça me serre, sans raison.
-
Trop
tard, je l’ai capté avant toi ! elle travaillera dans mon groupe et c’est
non négociable ! vous pouvez disposer Mlle Lecka !
La porte se ferme
derrière elle. Son passage reste marqué par la senteur douce et sensuelle de
son parfum. Elle est vraiment différente aujourd’hui.
Je fais face au
sourire malicieux de Tia.
-
Avoue,
elle t’a impressionnée !
Je détourne les
yeux, agacé.
-
Je constate qu’elle est appliquée. C’est tout.
-
Hm… “Pas mal”,
“appliquée”… Et bientôt tu vas lui offrir un compliment déguisé, genre : tu
fais moins d’erreurs que les autres ?
Je hausse les
épaules, sans répondre.
Tia me connaît
trop bien. Assez pour voir clair derrière mes silences. Mais elle ignore ce qui
me dérange, là, maintenant.
Victoria Lecka.
Pourquoi son
visage m’est resté en tête une seconde de trop ? Pourquoi ce regard si mesuré,
si opaque, m’a semblé… familier ?
Je reprends une
fois de plus la lecture d’une des pages de son travail.
Très bien
ficelé.
-
Elle pourrait peut-être t’être utile sur le dossier SOUNA
vu son sens du détail, propose Tia
-
Oui, peut-être…On verra bien. Ce dossier m’a l’air bien
plus complexe qu’il ne parait Tia. Pour l’instant, je ne veux pas le confier à
n’importe qui.
-
Le genre de dossier dont on doit se méfier !
Victoria LECKA
Je referme doucement
la porte du bureau. Maître Ndong m’a gardée dans son équipe. Je devrais me
réjouir. Mais quelque chose cloche. Je sens encore le poids de son regard sur
moi. Il ne m’a pas lâchée.
Pas hostile. Juste… troublant. Comme s’il cherchait à me percer. Et moi,
qu’est-ce que j’ai vu, dans ses yeux ?
Une froideur maîtrisée. Un mur. Mais derrière ce mur, une faille, peut-être.
Une tension qu’il masque, mais que je sens.
Et pourquoi cela me trouble autant ? Je retourne à mon bureau. Mon cœur
cogne un peu plus fort qu’il ne devrait. Et, ce n’est pas de peur.
****
Le parking du
centre commercial MBOLO est vide à cette heure. Un néon clignote, battant la
nuit comme un cœur malade.
je me serre les bras contre mon torse. Le froid n’est rien face à ce qui m’attend.
Une silhouette émerge de l’ombre. Il n’a pas changé. Grand, élégant, toujours
sa cigarette en coin.
Il s'approche sans bruit, les mains dans les poches, comme s’il venait saluer
une vieille amie.
-
J’ai une
mission pour toi !
Mon sang se
glace.
Tout ce que
je veux fuir.
-
Un
vieil ami SOUNA, détient un document très important pour moi qui ne doit pas
tomber entre les mains de la justice, je veux que tu t’introduises chez lui et
que tu me le récupères !
Il tire une bouffée
de sa cigarette.
-
C’est
pas compliqué !
Mon cœur cogne de
révolte à l’intérieur de moi.
-
Et
si je refuse ?
-
Ta
petite carrière de juriste s’arrêtera là, tu finiras en prison et Anna…l’association….
Je sens mon cœur
palpiter. Cette association, elle y est trempée jusqu’au cou…et dans un passé
récent moi aussi.
-
Laissez
Anna en dehors de ça ! … je le ferais !
-
Très
bien Vic ! très bien !