Chapitre V
Write by Tiya_Mfoukama
.Chapitre 5.
Mais
quel boulet celui là, c’est pas possible, j’ai jamais vu ça de toute ma vie !
Maintenant,
à cause de lui, je suis coincée dans une banlieue sans train retour. Fait chier
!
Me
voilà obligée d’appeler Rachel pour qu’elle vienne me chercher !
« —
Mais qu’est-ce que tu foutais à Villeneuve-Saint George ? elle me demande en se
garant devant la station de bus où je l’attends.
—
C’est à cause de l’autre idiot. je me mets à vociférer. On était à l’Equateur
et je voulais rentrer chez-moi, mais il me lâchait pas ! Alors, j’ai prétexté
devoir prendre un train pour rentrer et ce blaireau m’a accompagnée jusque dans
le train. Il est descendu une station avant moi et a attendu que le train parte
pour s’en aller. Et puis comme de par hasard, le train était un direct sans
arrêt jusqu'ici !
—
Mais tu le traites de blaireau pour quelle raison, c’est plus un
gentleman ? elle ricane. En tout cas, ça t’apprendra à mentir. Et d’ailleurs
pourquoi tu lui as menti ?
—
Parce que c’est peut-être un psychopathe, un voleur ou même pire un violeur et
j’ai pas spécialement envie qu’il vienne m’agresser ou me voler chez moi ! »
Bon,
encore une fois je viens de mentir, la vraie raison c’est que je n’aime pas le
regard qu’il posait sur moi. J’avais l’impression qu’il me scannait et qu’il
était à deux doigts de me mettre à nu. Mais qu’en j’y pense, l’excuse du
psychopathe passe tout aussi bien.
« —
Tu le soupçonnes d’être un psychopathe, ou même un violeur et tu lui laisses
ton ordinateur contenant toutes les informations te concernant ? Drôle de
logique non ?
—
Oh ça va, lâche-moi. »
Je
détourne la tête et me concentre sur les lignes blanches qui défilent devant
moi, fatiguée.
« —
C'est marrant. elle reprend après plusieurs minutes de silence. C’est toujours
avec Jedden que tu te mets dans des situations incongrues, c’est bizarre ça…
—
Y’a rien de bizarre. Maintenant roule, je suis fatiguée et demain je dois
arriver tôt au boulot. »
Elle
prend la route tout en se moquant de moi durant le trajet, et lorsqu’enfin
j’arrive à l’appart je prends rapidement une douche avant de me mettre sous les
draps.
Le
lendemain, quand mon réveil sonne à cinq heures trente, j’ai simplement envie
de le balancer loin de moi et de continuer mon sommeil, mais je finis par me
lever en me rappelant l’importance de cette semaine.
Je
bosse dans un cabinet en tant que stagiaire et mon stage se termine vendredi.
Je sais de source sûre qu’ils vont me garder et me proposer un CDI, mais ce que
je ne sais pas, c’est où je vais être affectée pour l’année de formation qu’ils
font faire à tous leurs nouveaux collaborateurs. Dès le début j’ai clairement
fait comprendre que je souhaitais un poste à l’international. Deux postes de
collaborateurs juniors sont vacants dans le bureau de Paris où je suis
actuellement, et quatre sont vacants dans trois bureaux internationaux de la
boîte. Parmi eux il y en a un à Madrid, deux à New York, et un à Brazzaville.
Bien évidement je bride un des deux postes de New York, et c’est la raison pour
laquelle je me lève aussitôt. Je me tue sur tous les dossiers que j’ai en main
et aide les collaborateurs seniors lorsque je le peux.
Sept
heures trente, je suis à mon bureau avec un double expresso, pour me réveiller.
Je prends une mini pause vers 15h, pour avaler une salade César puis je
reprends mes dossiers jusqu'à 21h. Beaucoup me diront que travailler autant est
illégal surtout en France mais dans ce métier, on ne compte pas les heures et
si je veux obtenir le poste que je désire je n’ai pas d’autre choix. Ça fait
six mois que je suis ce rythme effréné et je suis pratiquement au bout du
rouleau mais savoir que bientôt, je vais pouvoir savourer le fruit de mon
travail, me rebooste plus que jamais. Dans trois petits jours, je serais fixée
sur mon sort…
Et
puis ces horaires ne sont rien comparés à ceux que j’avais pendant « la
busy », où je dînais ici et rentrais chez moi à minuit.
De
retour à la maison, je me prépare une soupe de petits légumes et je vais la
déguster dans le lit où je retrouve Jean-François en train de bosser sur son PC.
« —
Tu ne manges que ça ? J’ai fait des pâtes avec du gruyère et du jambon.
—
Oui, j’ai vu mais à cette heure-ci, je préfère manger léger. Je te remercie
pour ton effort. j'ajoute pour qu'il sache que je vois ses petites attentions. »
*
* *
Mercredi,
je me réveille totalement excitée et anxieuse. J’ai préparé une tenue total
look noir : chemise à col chinois noire, jupe taille haute noire, et escarpins
noirs. Une barrette pour tenir mes cheveux en arrière et un rouge à lèvres
rouge vif pour donner ce côté classe à ma tenue, et le tour est joué.
J’arrive
au boulot, super enjouée, et papote rapidement avec d’autres stagiaires. On se
lance quelles politesses pour faire bonne figure bien qu’on se sait tous en
concurrence.
Vers
15h30, je suis appelée dans le bureau du manager senior de mon département
monsieur Riviera, qui doit m’annoncer si je suis retenue ou pas et si oui, à
quel poste je serai affectée pour l’année de formation.
Sans
grande surprise, il m’informe que je suis retenue, et je feins l’étonnement,
parce que je n’étais pas sensée le savoir avant l’entretien. Puis la pseudo
joie passé, j’attends qu’il me communique le nom du bureau où je vais être
affectée.
« —
… Vous vous êtes montrée active durant toute la durée de votre stage, ce qui
n’est pas passé inaperçu. Vous avez su vous adapter en très peu de temps à un
environnement de travail dont la réactivité et l’innovation étaient les maîtres
mots, ce qui correspond parfaitement au profil recherché pour le poste de
collaborateur junior… »
Bon
dieu mais pourquoi il parle aussi lentement, il veut que je fasse un infarctus
?
« —
.... Dans notre bureau… de Brazzaville. »
Qu…qu…quoi
!
Dis-moi
que j’ai mal entendu ! Seigneur dis-moi que j’ai mal entendu ! Bon sang, si
c’est une blague qu’il sache qu’elle est de très mauvais goût !
« —
Notre bureau vient à peine d’ouvrir. il poursuit. Nous avons besoin de
collaborateurs comme vous, dynamiques, passionnés, et sachant trouver des
solutions innovantes. C’est un poste… »
Je
ne l’écoute plus. D’ailleurs, j’ai arrêté de l’écouter lorsqu’il a osé dire que
j’étais affectée à Brazzaville. J’ai bossé comme une dingue pour atterrir
là-bas ? C’est n’importe quoi ! C’est totalement absurde, c’est un manque de
considération et de respect flagrant pour tout le travail que j’ai abattu. Puis
je n’ai jamais montré d’entrain pour ce poste !
Quoi,
c’est parce que je suis noire qu’ils m’envoient là-bas, où parce qu’ils savent
que je suis à moitié originaire du Congo ?
« —
Excusez-moi. je le coupe en tentant de garder une certaine contenance. Je suis
assez étonnée du choix du bureau auquel je suis affectée. Non pas que cela me
déplaise mais, j’aimerais savoir ce qui a motivé votre décision.
—
C’est en grande partie votre investissement. Nous avons besoin de
collaborateurs avides de challenges, ayant une facilité d’acclimatation, réactifs,
capables de résister à la pression, et disposant d’un esprit créatif pour
permettre à notre bureau de Brazzaville de se développer dans les meilleures
conditions. Vous nous avez montré tout au long de votre stage au travers de
votre investissement que vous disposiez de toutes ces qualités, et c’est ce qui
nous a renforcés dans l’idée que cette affectation était faite pour vous. »
Merde,
c’est donc parce que je me suis donnée ? Mais c’était pour montrer que j’étais
apte à tenir la route dans les bureaux de New-york ! Bordel !
Je
sors de son bureau, totalement dévastée après qu’il ait fini de m’expliquer en
quoi consistait le poste, à quel moment aurait lieu la prise de fonction, la
rémunération et toutes les merdes qui vont avec.
Je
l’ai écouté d’une oreille abstraite en priant intérieurement pour que cet
entretien finisse.
Je
me réfugie dans les toilettes de la boite sans passer par mon bureau qui se
situe dans un open space - ce qui ne me permet pas d’évacuer la rage que je
contiens en moi - et entre dans une cabine après m'être assurée qu'il n'y avait
personne.
Je
baisse l’abattant des toilettes avant de m’y asseoir et de pleurer de tout mon
soûl. Putain c’est pas juste, je me suis pas tuée à la tâche pour ça. Je mérite
mieux merde ! Snif !
Je
passe deux heures, enfermée dans les toilettes avant de sortir prendre mes
affaires et partir. Oui, aujourd’hui, je ne vais pas me casser le cul pour
leurs putains de clients, surtout quand je vois ce que ça m’apporte.
J’entre
dans le premier bus qui s’arrête devant moi et me laisse emmener pendant une
bonne heure avant de prendre le chemin de la maison familiale.
« —
Oh on avait rendez-vous toutes les deux aujourd’hui ? me demande Tiya en
m’ouvrant la porte. Je t’attendais p… »
Je
me rue sur elle et me remet à pleurer à chaude larme.
« —
Hey, mais qu’est-ce que t’as ?
—
…
—
Abi ? »
Aucun
mot ne peut sortir de ma bouche. Je suis totalement dévastée. Tiya le comprend
et me berce simplement en attendant que ma crise de larme passe. Une fois fait,
je me mets à lui exposer la situation et comme je m’y attendais, elle ne
comprend pas le problème qui se pose. Elle pense qu’il s’agit simplement, d’une
de mes « crises » parce que je vais être amenée à mettre mes pieds au pays.
« —
Mais non, ce n’est pas que ça ! Hormis le fait que je sois obligée de bosser au
pays, je pense aussi à la perte de temps que va constituer cette affectation.
Pour moi, ce n’est pas une opportunité de carrière, aucune bonne évolution ne
peut en découler. Quel apport peut m’amener les clients de Brazzaville ? Rien
absolument rien ! Il n’y a rien dans ce pays qui en vaut la peine. Tout le
monde est corrompu, c'est le même président depuis des lustres, les marchés
sont biaisés ! Les gens sont incompétents mais se retrouvent en poste parce
qu'ils sont enfant de, ou pistonné par ! Comment tu veux travailler dans des
conditions pareilles C’est une perte de temps et d’énergie ! Ce bureau ne sert
à rien ! Ils l’auraient implanté au Nigéria, ou même en Afrique du Sud,
j’aurais pu comprendre mais au Congo, j’en vois absolument pas l’intérêt….
Pays, de merde, population de merde !
—
Oh oh oh, je te laisse de défouler tranquillement depuis tout à l’heure mais
essaie quand même de mesurer tes propos, le Congo est un pays en voie de
développement qui regorge de beaucoup de richesses et tu serais impressionnée
de voir…
—
Oh pitié épargne-moi ton discours publicitaire ! je la coupe. Pays en voie de
développement bercé par les coupures de courants et les relais aux groupes
électrogènes, pour les plus riches, et les lampes tempêtes pour les pauvres.
Wahou tu as raison, je suis impressionnée ! »
Je
ne lui laisse pas le temps de répondre quoi que ce soit et m’en vais dans mon
ancienne chambre. De là, je passe un coup de fils à Jean-François pour
l’informer que je ne dormirai pas à la maison pendant quelques jours et qu’il
ne devrait pas s’inquiéter. Je préfère ne rien lui dire pour le moment,
concernant mon affectation.
Certaine
que je serai affectée à New-York, nous nous étions organisés pour qu’il postule
à son tour à un programme d’échange international qui lui aurait permis de se
retrouver avec moi. Mais tout tombe à l’eau et j’ai bien trop honte de lui dire
que je suis affectée dans un sous pays. Il ne me pose pas plus de question que
ça pensant probablement que je me retire pour écrire.
Lorsque
je raccroche, mon téléphone se met à vibrer et un numéro que je ne connais pas
s’affiche sur l’écran. Je n’ai aucunement envie de répondre mais sous l’insistance
de l’émetteur de l’appel, je me trouve forcée de décrocher.
« —
Oui ? je demande sèchement.
—
Bonsoir Abigail, c’est Jedden. Comment allez-vous ? »
Que
j’aille bien ou mal où est son problème à celui-là ? Que peut-il faire pour moi
? Rien donc qu’il ne pose pas ce genre de question stupide, je pense.
« —
Bonjour. je réponds froidement sans lui retourner la question comme l’exige la
bienséance. Vous m’avez appelée pour ?
—
…Euh, d’accord… alors, je vous ai appelé pour vous informer que votre ordinateur
était prêt et que vous pouviez passer le récupérer vendredi soir au lieu de
samedi soir. »
Ce
n’est pas trop tôt.
« —
Bien, je propose que nous nous retrouvions à Bastille aux alentours de 20h.
—
Ça ne va pas être possible, je vis en banlieue et ma carte de transport
n’arrive plus jusqu'à Paris. Je vous donne mon adresse et vous viendrez
directement le récupérer. Puis je ferai le dîner, je vous rappelle que vous
m’en devez un ! »
Mais
quel boulet celui-là. Il pense sincèrement que j’ai envie de me retrouver en sa
compagnie un vendredi soir ? S’il n’avait pas mon ordinateur avec lui, je lui
aurais balancé quelques mots bien sentis.
« —
… D’accord, faisant comme ça.
—
Parfait donc, on dit ce vendredi 20h30 ? Je vous envoie mon adresse. »
Et voilà
une journée merdique qui se finit par la programmation d’un dîner tout aussi
merdique, mais ce qui est sûr, c’est que je n’irai pas seule chez lui. Ça
jamais de la vie.
Vendredi
soir, 19h à Saint Lazare, j’attends Léa avec qui je dois me rendre chez Jedden.
Je suis totalement négligée, pas coiffée, pas maquillée et entre nous je m’en
fous pas mal. Je me suis faite porter pâle toute cette fin de semaine au
boulot, et si je ne devais pas retrouver mon ordinateur, j’aurais posé un lapin
à l’autre.
J’appelle
Léa sur son téléphone pour prendre sa position, mais ce qu’elle m’annonce me
donne une envie de meurtre.
« —
Bébé, je suis désolée mais, je ne vais pas lui dire non ! Pour une fois qu’il
pense à organiser un week-end romantique entre nous !
—
Et tu veux me faire croire qu’il te l’a annoncé aujourd’hui ?
—
Je t’assure, je suis tout aussi surprise que toi. Pardonne-moi ma puce, mais
appelle Rachel, elle est chez elle.
—
Elle est surtout avec Bertin et tu sais qu’ils ne font rien séparément lorsqu’ils
sont ensemble et je n’ai pas envie de voir sa gueule.
—
Aie, je m’excuse encore une fois pupuce, mais je t’assure que je ferai en sorte
de me rattraper une prochaine fois ok ? Bon je dois te laisser bye ! »
C’est
ça !
S’il
m’arrive quelque chose, qu’elle ne vienne pas à mes funérailles sinon je
viendrai la hanter dans ses rêves.
Je
prends le train jusqu'à Argenteuil, puisque c’est là-bas qu’il réside, et
allume mon GPS piéton pour me diriger dans les ruelles. Il aurait quand même pu
me prévenir que c’était aussi loin de la gare.
Je
marche pendant une bonne trentaine de minute et sonne en bas de son immeuble à
vingt heures trente pile.
« —
Oui ?
—
C’est Abigail.
—
Ok, c’est au 5e étage porte de gauche. »
Je
rentre dans l’immeuble et fait le désagréable constat qu’il n’y a pas
d’ascenseur. Obligée de monter les escaliers. Je suis en mode flemmarde
actuellement alors ça ne m’arrange pas. Du coup, j’arrive sur le palier de son
étage en nage et ça a le don d'accentuer ma mauvaise humeur.
« —
Bonsoir Abi. Entre je t’en prie, tu n’as pas eu du mal à te retrouver ? »
Déjà une, tu ne me tutoies pas, on a pas élevé les cochons ensemble. De deux on est pas assez intime, d’ailleurs on ne l’est pas tout court pour que tu m’appelles Abi. Et de trois je préférerai que tu effaces