CHAPITRE VI : Steve, le choix par défaut ?

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Cora réapparut après s’être rafraîchie et changée. Steve l’admira un instant avant de s’exclamer :

- Veux-tu libérer en moi des instincts d’homme de caverne ? Tu es sublime, même la mariée t’enviera.

- Vil flatteur !

- Partons avant que je ne puisse faillir à ma bonne éducation.

Les réjouissances battaient déjà leurs pleins à l’arrivée des deux jeunes gens. Un immense buffet légèrement en retrait, satisfaisait le goût de chacun. Des serveurs offraient à boire à tout instant. Le champagne et les roses embaumaient l’atmosphère. Les mariés ouvrirent le bal sous les ovations enthousiasmées des invités qui réclamaient le traditionnel baiser.

Cora, un verre de champagne à la main, observait avec mélancolie le couple. Un instant, tous les sentiments qu’elle éprouvait pour celui qui venait de lui échapper par le mariage refirent surface. Elle s’imagina à la place de l’heureuse élue qui pour le moment avait sa tête nichée sur le torse de son jeune époux. Deux larmes solitaires traversèrent la barrière de ses paupières et tracèrent de fines rigoles jusqu’à ses lèvres. Furtivement, elle les essuya avant de rencontrer des yeux ceux interrogatifs de Steve. Discret, celui-ci ne fit aucun commentaire mais se demanda bien pourquoi les femmes pleuraient lorsqu’il fallait rire.

Peu à peu, l’immense piste de danse se remplissait. Cora déclina de nombreuses invitations à danser, ne se consacrant qu’à son compagnon, qui par son humour réussit à la détendre. Les deux jeunes gens dansaient un slow langoureux lorsque Dean vint inviter la jeune fille à danser. Elle eut un instant envie de refuser mais aurait eu du mal à expliquer son attitude à Steve. Dean entoura la jeune fille de ses bras et durant quelques minutes ils évoluèrent en silence. Le corps souple de Cora était admirablement guidé par les mains puissantes de Dean qui dut se résoudre à interrompre le silence.

- Qui c’est ce garçon ?

- C’est un ami à moi, répondit-elle d’une voix sèche.

- Je ne voudrais pas me mêler de ce qui ne me concerne pas, mais vous semblez vous entendre !

- Je n’ai pas de compte à te rendre Dean.

- Je ne veux que ton bien Cora. Tu le sais bien !

- Non Dean ! Toi et moi n’avons plus rien à nous dire. Je ne suis pas ta sœur, je ne peux plus continuer à l’être. Je n’éprouve plus à ton égard des sentiments fraternels et toi non plus d’ailleurs. Mais tu as préféré fuir ce qui est une évidence. Tu t’enlises dans un mariage avec une femme que tu n’aimes pas. Tu as choisi, mais ne me demande pas de te considérer avec les yeux d’autrefois. Je suis désolée.

- Ne parle pas ainsi Cora. Avec un peu de recul tu t’apercevras que ce ne sont que des chimères, s’écria le jeune marié avec l’espoir d’y croire aussi.

La danse s’acheva et doucement la jeune fille dénoua de ses reins les doigts de Dean. Il la suivit des yeux et lorsqu’elle se laissa enlacer par Steve il en éprouva une vive jalousie. A ce moment-là, Andréa le rejoignit.

Après une salsa endiablée, Cora proposa à son cavalier de s’installer sur la terrasse. Ils s’assirent à une table. Ajouté au champagne dont ils ne s’étaient pas privés, l’air frais créa entre les deux tourtereaux une intimité qu’ils n’avaient jusque-là jamais connue.

- Je suis très amoureux de toi Cora et tu le sais. Mais depuis de longs mois tu me rejettes. Aurais-tu déjà quelqu’un dans ta vie ?

- Non, répondit la jeune fille, sinon je ne serais pas ici en ta compagnie.

- Dans ce cas, peux-tu donner une réponse positive à mes avances ? Je te promets de ne pas te décevoir.

La ferveur qui transparaissait dans ses paroles la toucha. Cora pour la première fois depuis qu’elle connaissait le jeune homme le considéra d’un autre œil. Elle savait que Dean lui avait déjà échappé et qu’elle n’avait plus aucun espoir. Brusquement sa décision fut prise et elle lui avoua :

- Steve, je me sens si bien avec toi.

- Alors c’est oui ? Cora je t’aime.

- Je sais et je veux bien être ta compagne.

- Oh Cora ! Ne put que murmurer Steve avant de l’étreindre.

- Je dois me réjouir pour une fois que tu perds ta langue, toi qui as toujours réponse à tout.

- Si c’est pour la perdre entre tes lèvres je ne vois pas d’objection, répliqua son compagnon son sens de l’humour retrouvé.

Puis, sans lui donner la possibilité de s’y opposer, Steve prit ses lèvres. Le baiser fut tendre. Crispée au début, Cora se laissa peu à peu gagnée par la tendresse de Steve qui se retenait afin ne pas la brusquer.

Tout à leur étreinte, ils ne remarquèrent pas la silhouette d’un homme figé dans la pénombre d’un lierre. Dean, car c’était lui, sentit son cœur se déchirer et serra son verre de champagne à le briser.

Tard dans la soirée, les jeunes mariés s’éclipsèrent pour s’envoler vers Bagdad pour une lune de miel qui ne dura qu’une semaine, contraints par leurs activités professionnelles respectives.

Cora et Steve devinrent presque inséparables. Les défenses de la jeune fille fondaient comme neige au soleil devant la tendresse de son ami. Elle se surprit à penser de moins en moins à Dean qui d’ailleurs quitta le domicile parental. Il acheta un magnifique appartement et s’y installa avec son épouse.

Les premiers jours qui suivirent son déménagement, Cora ressentit une poignante sensation de vide que combla Steve. A son contact, elle reprit son insouciance. Ce qui soulagea profondément ses parents. Un soir, elle rentra à la maison après avoir dîné avec Steve en ville. Son air réjoui combla Cadia qui confia à son mari :

- Ali, ta fille est complètement métamorphosée. Je sens en elle une telle joie de vivre. L’as-tu aussi remarqué ?

- Bien sûr ! Son bonheur crève les yeux et ce jeune homme n’y est pas étranger.

- Steve ? Il est un garçon conscient et je crois qu’il est sincèrement amoureux de notre fille.

- Elle aussi. Je t’avais bien dit de ne pas t’inquiéter pour elle. Elle traversait la période durant laquelle toutes les jeunes filles tombent amoureuses de leur idole et Dean était la sienne. Il a toujours été présent à toutes les étapes importantes de sa vie.

Une semaine après ce soir-là, Cora reçut une lettre lui signifiant que la demande d’inscription qu’elle avait envoyée à une école de stylisme se trouvant à Abidjan avait été acceptée. Folle de joie, elle en fit part à ses parents qui la félicitèrent malgré leur crainte de devoir la voir partir vivre loin d’eux. Mais Cora omit cependant de leur dire que Steve aussi avait postulé pour l’acceptation de son dossier à la faculté de médecine siégeant dans la même ville. Le jeune homme ne concevait plus la vie sans elle et espérait de tout son cœur une réponse positive à sa demande.

Cette réponse lui parvint peu après et lorsque Steve alla retirer le courrier de sa boîte postale, il vécut des moments d’intense tension avant de prendre la décision de l’ouvrir. Il défaillit de joie en prenant connaissance de la réponse qui était positive. Heureux de ne pas avoir à se séparer, ils décidèrent de fêter l’événement en allant danser le vendredi suivant.

Le jeune homme vint la chercher à l’heure convenue, mais Cora était en proie à de violents maux de tête. Les parents de la jeune fille étant sortis, elle se retrouvait seule dans la grande maison car les deux servantes avaient elles aussi obtenu leur soirée. Inquiet, Steve ne voulut pas l’abandonner dans cet état et lui proposa de l’amener chez lui.

- Pourquoi ne pas rester ici ?

- Ce n’est pas très convenable Cora. Tes parents en rentrant ne seraient pas contents de me voir chez toi à une heure aussi avancée de la nuit. Comme on avait prévu danser, ils ne s’inquiéteront pas de ne pas te trouver à la maison à leur retour.

Une demi-heure plus tard, ils se retrouvèrent dans l’appartement que Steve avait loué dans un immeuble situé en plein centre ville. Il y vivait seul depuis deux ans. Il avait dû s’éloigner de sa famille qui réside à Porto-Novo afin de poursuivre ses études en médecine.

Dès son adolescence, Steve avait su que sa vocation était la médecine. Il en avait été conscient en suivant avec fascination un documentaire sur la chaîne de la télévision nationale. Il était resté en admiration devant les gestes minutieux d’une main gantée qui opérait un malade du cœur. Bien que s’intéressant à la médecine en général, il était plutôt passionné par la chirurgie et son rêve était de devenir un des meilleurs dans ce domaine. Ses doigts, fins et longs, extrêmement habiles étaient pour lui un atout. Des mains de pianiste, lui avait dit un jour Cora.

Cora s’installa douillettement dans un fauteuil et observa le décor typiquement masculin. Le joyeux désordre qui régnait en ces lieux reflétait la personnalité presque insouciante du propriétaire. Mais un peu en retrait, la table d’études, comme à chaque fois qu’elle lui rendait visite, retint son attention. L’ordre presque irréel qui la caractérisait, laissait entrevoir du jeune homme une autre facette, plus sérieuse.

Steve proposa à la jeune fille un cachet de paracétamol.

- J’ai horreur des médicaments, grimaça Cora.

- Alors ne tombe plus malade. Bois, l’encouragea Steve, dans quelques minutes tu te sentiras nettement mieux.

Elle s’empara du verre d’eau et du cachet et qu’elle avala sous l’œil attentif de son compagnon.

- Veux-tu manger quelque chose ? Proposa ce dernier.

- Non, j’ai dîné avant ton arrivée.

- Repose-toi alors. Veux-tu rester assise ou préfères-tu t’étendre sur le lit ?

Elle voulut refuser, mais le regard chaleureux du jeune homme mit fin à ses hésitations. Elle accepta son offre et se rendit dans la chambre à coucher. La pénombre qui régnait dans la pièce eut tôt fait de la détendre et quelques minutes plus tard, elle sombra dans le sommeil.

Le Droit d'aimer