Chapitre VII

Write by Tiya_Mfoukama

Chapitre VII


« —Tu vas pas sérieusement faire un truc aussi stupide !hurle Jesse. »

Je passe une main sur mon visage. Las. 

La nuit a été courte, pour ne pas dire inexistante. Je l’ai passé à me demander si ce que je m’apprêtais à faire était réellement insensé et si ça en valait la peine. La réponse à ma première interrogation était évidente, c’était oui. Oui c’était insensé, complètement insensé, mais la réponse à la seconde était beaucoup moins évidente que ça.
« —C’est encore un de ses micmacs, tu sais que c’est le roi ! Dylan ! Comment ! Sois pas aussi crédule ! »
Il se met à arpenter la pièce, en sortant un série d’arguments plus valables les uns que les autres, et je reste là, impassible, assis sur ce canapé, le regard dans le vide. 
Ce serait épuisant de lui dire que j’ai pensé à la même chose, que plus d’une fois, je me suis convaincu avec les mêmes arguments que c’était une mauvaise idée, mais que je finissais toujours par l’accepter, à cause de l’autre partie…
Je récupère le verre posé sur la table basse, et m’amuse à tournoyer le contenu. De l’eau en apparence, une vodka Absolut en vérité. Pour m’aider à tenir.
«—C’est tellement incongru que… Mec ! »
Il va se placer devant la fenêtre, les jambes croisées et les mains enfoncées dans son pantalon.
« —J’ai l’impression que quoi que je dise, ça ne changera rien n’est-ce pas ?
—On est déjà là. je lance comme pour répondre que oui. »
Un silence définitif s’installe. 
Jules, mon cousin, et Kyle, sont assis sur le canapé perpendiculaire au mien, l’air aussi las que le mien. Ils ont cessé d’essayer il y a une heure. Seul Jesse pensait encore être en mesure de me faire changer d’avis. 
Mais encore une fois, on est déjà là, tout est organisé, il ne reste plus qu’à faire acte de présence, dire oui et sourire.
Je termine cul sec mon verre, le repose sur la table passe avant de me laisser retomber mollement sur le dos du canapé. Pas certain que ce soit de cette façon qu’un marié est sensé attendre le moment fatidique. Parce que c’est de ça qu’il s’agit, de mariage. Le mien.
Il y a encore une semaine, on m’aurait demandé si je comptais bientôt me marier, j’aurais gentiment répondu que ce n’était pas dans mes projets, que je me laissais encore cinq années pour trouver la bonne, et accepter de me faire castrer, je veux dire accepter de me marier. Et aujourd’hui, je suis dans la suite de ce grand hôtel attendant le signal pour rejoindre la mairie, et ma future femme par la même occasion. Quoi que je devrais dire ma femme. Parce que oui, malgré le couac de la veille, à la dot, on peut déjà dire que c’est ma femme. 
Putain, moi Dylan, je suis marié.
Soupir.
« —Je viens de recevoir le texto de Drew. lance Kyle. On décolle. »
Je me lève du canapé, attrape la veste déposée à mes côtés et la met pour parfaire ma tenue.
« —Elle n’a pas appelé ? je demande à Jesse. »
Il secoue sa tête de gauche à droite.
C’est normal, je la comprends. Ce mariage n’a pas de sens, et tombe comme un couperet. Rien ne le présageait. Je comprends aisément que ça ait du mal à passer, surtout pour elle. Elle a été mise de côté, et informée il y seulement quelques jours, ce qu’elle a sens surprise mal pris. C’était aussi le but, qu’elle le prenne mal. Pour l’éloigner, l’empêcher de participer et de se rendre compte de la mascarade. 
Après lui avoir laissé le temps de « digérer » la nouvelle, je l’ai appelé hier soir, et elle m’a prévenu qu’elle ne viendrait pas, mais j’avais espoir que….
Je balaie cette idée en me concentrant sur les boutons de manchettes de ma chemise. Après tout, c’est un faux mariage, que ma mère soit là ou non, cela ne change rien. Ce n’est pas moi qu’elle refuse de soutenir, mais ce mensonge, elle le refuse sans le savoir…
« —On y va ? lance Kyle. »
Jules ouvre la marche, suivi de Kyle et j’en fais autant.
« —Attends deux minutes. me retient Jesse…. Je suis pas pour et tu le sais, j’le sens pas ce mariage, mais…Tu as décidé de le faire malgré tout alors je vais respecter ton choix. Mais sache que quoi qu’il arrive, je serai toujours à tes côtés. 
—Je sais ça Bro. »
Je le serre dans mes bras, pour le remercier de toujours être avec moi, en particulier aujourd’hui, puis je pousse un soupir avant de continuer mon chemin.
***
« —Pour un mariage organisé au pied levé, je trouve qu’il y a du monde … Et un sérieux potentiel. sourit Drew en massant les mains, le regard tourné vers l’assemblé. »
C’est vrai qu’il y a du monde, principalement des membres de la famille, et des collaborateurs et ami de mon père si on regarde de plus près. Très peu d’amis à moi sont au courant, parce que je n’ai pas eu le temps, et surtout l’envie de mêler un grand nombre de personne à ce simulacre. Je trouve qu’on est déjà bien assez.
« —Mais les demoiselles d’honneurs, ne sont toujours pas là. Ni même la mariée. Constate-il. T’es sûr qu’elle n’est pas en train de te planter ? 
—….
—Si c’est le cas, j’espère au moins qu’on pourra manger du gâteau. Il termine avec la mine inquiète. Je l’ai vu passer ce matin et il m’avait l’air terrible. »
Jesse, Kyle, Jules et moi-même éclatons de rire, devant sa mine. Décidément, y’en a pas deux comme Drew.
Le niveau de débilité de ce jeune m’épatera toujours, mais aujourd’hui, il aura eu le mérite de me faire rire. Ce qui est louable.
« —Je vois que l’ambiance est à la rigolade ici. »
Je fais volte-face pour me retrouver face à elle. Ma mère. Cette toute petite femme, au cœur en or, élégamment vêtue qui m’a la veille fait le serment de ne pas venir et qui aujourd’hui se trouve en face de moi. Je devrais pas être autant heureux de la voir, je ne lui en voulais pas pour son choix, et pourtant. Je sens comme un grand soulagement, une sérénité dévoilée par sa présence.
« —T’as fini par venir ? 
—Oui… Mais si cela te dérange, je peux toujours repartir ! »
Je souris devant son air taquin, lui demandant pardon intérieurement, pour l’immense connerie que je m’apprête à faire, avant de la prendre dans mes bras.
« —Ne crois pas t’en tirer à si bon compte. elle marmonne en réajustant mon nœud papillon. »
Je l’attrape par la taille et nous conduis à l’écart du groupe formé.
« —Dis-moi tout ce que tu as à me dire.
—Non Dylan, je ne vais rien dire, surtout pas aujourd’hui. S’il fallait discuter c’était avant, tu avais le temps pour le faire mais tu ne l’as pas fait.
—Et j’en suis désolé. Vraiment. Je te demande pardon.
—C’est la sixième fois.
—Mais on dirait que ça ne suffit pas.
—… »
J’ai beau travailler avec mon père, c’est de ma mère dont je suis le plus proche. Elle a toujours prôné la discussion, le dialogue, là où mon père instaurait le silence. Pour compenser ? Je n’en sais rien, probablement. Toujours est-il que c’est elle dont je suis le plus proche et c’est son avis ainsi que l’image qu’elle a de moi qui m’importe plus qu’autre chose.
« —Je n’arrive pas à comprendre Dylan. Je n’arrive pas à comprendre pourquoi tu ne m’as rien dit. Pourquoi tu m’as tenu à l’écart de ce mariage. Je t’ai toujours soutenu, et lorsque je n’étais pas d’accord avec toi, je t’ai écouté. Qu’est-ce qui a fait qu’aujourd’hui, tu ne m’aies rien dit ? C’est quand même un jour important, un acte important. Le premier pour notre famille. elle ajoute les yeux ambulés. J’aurai pu te conseiller, te parler du mariage, te faire part d’informations qui te seraient utiles. Mais, en m’excluant, parce que pour moi c’est ce que tu as fait, tu m’as exclue, j’ai l’impression que tu rejetais tous ces conseils. 
—Mais non, pas du tout, ça n’a rien à voir ! Je t’assure ! C’est …. »
C’est que je te connais assez bien pour savoir que tu m’aurais démasqué, et que j’aurais fini par te dire ce qu’il en était réellement pour t’entendre me menacer si jamais je le faisais. je me dis intérieurement.
« —… Je suis désolé…. Je…. Je me répète. Je sais.
—J’ose espérer que c’est parce que tu as suivi ton cœur, que ce mariage c’est fait avec autant d’empressement, même si un amour irrationnel ne suffit pas à mon sens à justifier tout ça. »

Je détourne le regard, de peur qu’il me trahisse, ce qu’elle prend probablement pour de la gêne.
« —On reparlera de ça plus tard. Pour le moment, je crois qu’on devrait y aller. Il est temps pour toi de t’unir à celle que tu as choisi et pour moi, rencontrer ma chère belle-fille. »

La phrase exacte est « c’est l’heure pour toi comme pour moi de la rencontrer », j’ai envie de la corriger, mais bien évidemment, je m’abstiens. 
Je ne suis pas spécialement pressé. Hier, j’aurais du la rencontrer durant la cérémonie de la dot, mais d’après ce que j’ai compris , ou plutôt ce qu’on a voulu me faire comprendre, elle ne se sentait pas bien, elle aurait fait une réaction allergique et devait donc se reposer. C’est donc à la mairie que je vais la rencontrer. Enfin, si elle daigne se présenter.
Je retourne vers le groupe, avec ma mère, attendons cette fois –ci le signal d’une de mes tantes pour m’avancer devant le maire. Ce qui prend une demi-heure.

« —Ya D. m’interpelle discrètement Drew.
—Hummm ?
—T’as prévu une femme de rechange là ? Parce que je suis quasi-certain qu’elle est en train de nous la faire à l’envers. »

Kyle, Jesse et Jules qui sont juste à côté pouffe de rire, tandis que je soupire. J’aurais pu en rire, si seulement, je n’avais pas également le sentiment qu’elle ne viendrait pas. Mon père qui veut se donner un air serein, consulte sa montre toutes les deux minutes puis se tourne légèrement vers l’entrée pour guetter l’arrivée de Tiya, si je ne me trompe pas. C’est le nom que m’a donné mon père avant-hier. 
Je balaie l’assemblée des yeux dans le but de déterminer qui parmi toutes les personnes réunies pourraient être de sa famille et nous donner quelques informations sur la situation actuelle. Mais j’ai comme l’impression de ne connaitre personne. Je ne saurais même pas dire qui est présent de mon côté… Et on a maintenant quarante-cinq minutes de retard.
Je croise ma mère dans mon champ de vision qui à son tour balaie la salle du regard, puis se tourne vers moi, un sourcil arqué, interrogateur, puis vers mon père qui finit par se lever.

« —Je vais le suivre et voir ce qu’il se passe. lance Jesse qui a suivi la scène. »
J’opine légèrement du chef, et continue de garder une posture droite, qui ne laisse pas transparaitre le stress que je ressens. 
Ce serait quand même le comble qu’elle me plante là.
Moins d’une quinzaine de minutes, Jesse reviens vers moi et me balance la bombe que je n’étais loin d’imaginer :
« —Son père est là, et il vient d’avertir Koffi qu’elle ne viendrait pas. 
—C’est une blague ? je marmonne entre mes dents.
—J’aurais bien aimé, mais non. »

Me voilà maintenant crispé comme jamais, tentant de garder mon calme tout en cherchant rapidement au fond de mon cerveau éteint quelle serait la démarche la plus judicieuse à avoir à l‘instant « T ». Mais je ne trouve rien, je ne trouve rien à faire, si ce n’est soupirer face à cette idée stupide. 
J’aurais jamais du signer pour cette connerie !

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