Chapitre XLII

Write by Tiya_Mfoukama

Chapitre XLII

Putain, c'est pas possible ! Pourquoi ce fermoir s'amuse toujours à se bloquer quand je suis pressée de me débarrasser de cette montre. je me questionne intérieurement en essayant de retirer mon bracelet-montre. Sans succès. 

« — Roh mais tu vas t'ouvrir oui ! »

J'ai l'impression d'avoir le poignet lié comme une esclave et je déteste cette impression. Tout ce que je veux, c'est ouvrir ce putain de fermoir, prendre une bonne douche et m'allonger ! C'est pas trop demandé? Non ! Au lieu de ça, je dois me casser la tête pour ouvrir cette espèce de…. Argh !

« — Mais tu vas t'ouvrir merde ! j'hurle en frappant mon poignet, sur la commode, à l'endroit même où est positionné mon bracelet.»

Quitte à le casser, ça m'est complètement égale, pourvu que je puisse le retirer. 

« — Tiya, tu devrais….
— Je n't'ai rien demandé. je le coupe sèchement.
— Tu ne m'as peut-être rien demandé mais je te l'ai dit tout à l'heure. C'est pour toi. C'est pour toi que j'ai organisé cette rencontre. Je sais que tu m'en veux mais je te l'ai dit, c'est pour que…
— Mais de quoi tu me parles ?! je le coupe de nouveau. J'essaie simplement de retirer ce bracelet-montre !
— On sait tous les deux que ce n'est pas ça le vrai souci.
— Non ! j'hurle en me tournant vers lui, l'index accusateur porté vers lui. Tu ne sais rien ! Tu ne sais absolument rien ! »

Je me retourne de nouveau face à la commode, et tente encore une fois de casser le fermoir en tapant du poing sur la commode, à plusieurs reprises mais ça ne marche pas. 

La main de Dylan attrape fermement mon avant bras avant que mon poing ne rencontre de nouveau le plat de la commode, puis il me tourne vers lui, me forçant à lui faire face. 

« — Lache-moi Dylan !»

J'essaie vivement de me défaire de son emprise, en vain, malgré les coups que je tente de lui donner. 
Il maintient fermement sa prise, jusqu'à ce que lasse, je me résigne et le laisse me prendre dans ses bras.
Tout ce que je voulais, c'était passer du temps avec lui, essayer d'arranger les choses. Mais non, lui, il avait une idée aussi stupide et incompréhensible que son attitude ses dernières semaines. 
Il a agi comme s'il savait ce qu'il en était entre Ange Albert et moi alors qu'il n'en sait absolument rien. Et je lui en veux. Je leur en veux, à tous les deux.
J'avais une amie, Mathilde, qui passait son temps à m'inviter chez elle, et même si j'avais une forte envie d'y aller, je déclinais toujours ses invitations. Parce que je savais qu'elles se termineraient toujours de la même façon. On passerait notre temps à jouer, à rire, à parler, si bien qu'on en oublierait le temps passé et son père et elle seraient obligés de me raccompagner. On prendrait leur voiture et Mathilde monterait à l'avant, avec son père, et moi à l'arrière. Il nous poserait des questions sur notre journée, auxquelles Mathilde répondrait, puis inévitablement, il lui poserait des questions à elle, Mathilde, et tous les deux se taquineraient. Ils montreraient à quel point ils sont complices et moi je serais derrière, à les regarder. A m'imaginer être à leur place, avec mon père, et mon coeur se compresserait aussi fortement qu'il se compresse actuellement. 
J'ai essayé de créer une relation avec lui. Mettre de côté cette douleur, cette amertume et cette tristesse nourrit par son absence, en entrant en contact avec lui. C'est même la raison pour laquelle je suis venue ici. Pour donner plus de réalité à cette relation, pour lui donner un goût, une senteur, des sons, des images, une vie. Mais au lieu de ça, j'ai trouvé un homme lointain, occupé et qui n'a même pas attendu un mois avant de me décevoir. Juste une fois, j'aurais aimé être au moins une fois à leur place. A la place de Mathilde et son père.
Ange-Albert n'a jamais été présent pour moi, et je trouve ça injuste d'avoir autant mal en le voyant souffrir. Je trouve ça injuste d'avoir autant mal au coeur en le voyant aussi affaibli, le teint terne, les joues creusées. 

« — Il a pas été la pour moi, je ne devrais pas être là pour lui. je murmure à son oreille, la voix emplit de larme. Tu peux pas m'obliger à être là pour lui.
— Je ne t'oblige à rien, et personne ne t'oblige à faire quoi que ce soit Tiya. C'est pour toi que j'ai organisé cette rencontre. Pour toi, parce qu'il fallait au moins que tu le saches. 
— S'il aurait agi en tant que père, il aurait été là ! 
— …
— Il ne nous aurait pas laissées, mes soeurs et moi. Il ne nous aurait pas laissées. je psalmodie le visage baigné de larmes.»

Je laisse Dylan me guider jusqu'au lit et m'aider à l'allonger avant de prendre place derrière moi, et entrelacer nos mains.
Je ferme les yeux et mon subconscient me renvoie des images de mon père toussotant à inévitablement s'en brûler la gorge et les poumons. Je comprends pas pourquoi. Je pensais être bien avec ma conscience et là, elle n'arrête pas de me travailler, je me dis en essuyant une larme.
Je refuse de lui accorder un quelconque intérêt je me répète encore et encore jusqu'à ce que la fatigue et l'épuisement finissent par m'emporter dans un sommeil.
Quand je me réveille, je suis maintenant dans les bras de Dylan, la tête enfouie dans son cou et me tiens accrochée à lui comme si ma vie en dépendait. Je ne cherche pas à me détacher de lui, bien au contraire. Je me blottie un peu plus dans ses bras, comme si je cherchais presque à faire qu'un avec, et enfonce un peu plus mon nez dans son cou pour le sentir, entendre sa respiration régulière ainsi que les battements de son coeur, pour greffer le mien au sien. 
Je me sens bien dans cette position. 
Je dois probablement faire un mouvement brusque puisqu'il se met à gigoter pendant quelques secondes avant de poser son regard sur moi.

« — Ca va mieux? il me demande en passant une main dans mes cheveux. »

Je secoue négativement, la tête, soupire puis referme mes yeux. 
Non, ça ne va pas mieux. Et je ne sais pas si ça va aller. 

***

« — Bon, qu'est-ce que tu veux manger ?
— Rien, je n'ai pas faim. »

Émeraude soupire, tourne sa tête vers moi, puis referme le frigo, et prend appui sur la table centrale et me dit : 

« — Tu n'avais pas faim hier soir, tu n'avais pas faim ce matin non plus, et ce midi c'est la même chose. Tu sais qu'à un moment il va falloir te nourir ?
— Mais je me nourrie. je réponds en prenant appuie sur la table également.
— Je parle de réellement te nourrir. Pas avaler deux trois fruits en passant. Ce n'est pas se nourrir ça.
— ….
— Si tu ne le fais pas pour toi, fais-le pour eux. elle ajoute en indiquant du menton mon ventre.»

Je passe machinalement une main protectrice dessus et soupire à mon tour, lasse de tout ça. 
Le fait de ressasser ce qu'il s'est passé il y a une semaine, chez Ange Albert, ma relation avec Dylan ces dernières semaines, les recommandations du médecin que je n'arrive pas à mettre en place. Je suis juste fatiguée de tout ça. Je voudrais pouvoir balayer tous ces traces d'un revers de main pour enfin être en paix, mais c'est impossible…

« — Une omelette ? Je te fais une omelette ?
— … Va pour une omelette. je réponds bien que je n'ai absolument pas faim. »

Elle sourit de toutes ses dents avant de se tourner vers le frigo. 
Avec des gestes habiles, je la regarde sortir les ingrédients dont elle a besoin puis commencer sa préparation. En la regardant faire, on pourrait croire que cuisiner c'est tout ce qu'il y a de plus facile, et on se poserait inévitablement la question de savoir pourquoi je rate toujours mes plats, même les plus simples. 
Soupir.
Je me fais la réflexion qu'il faudrait que j'en profite pour apprendre à cuisiner quelques plats faciles. 

« — Au fait, t'as rappelé Dylan hier? me demande Émeraude, toujours dos à moi.
— Non… Pas eu le temps.» 

Elle tourne légèrement sa tête vers moi, un sourcil arqué. 

« — J'étais fatiguée, et je me voyais mal l'appeler alors que j'étais à moitié endormie.
— Pas à moi Tiya. elle dit simplement.»

Je détourne la tête. 
J'oubliais que s'il y a bien une personne à qui je ne peux pas la faire, c'est elle.
J'avais besoin de m'aérer l'esprit, de faire le vide et essayer de trouver des solutions, mais je ne pouvais pas le faire avec Dylan près de moi, alors même qu'il représente une partie de cette équation que je n'arrive pas à résoudre. 
J'ai profité de la préparation de la présentation d'Émeraude et Jesse pour venir ici, chez elle. Officiellement, je suis là pour l'aider dans l'organisation, mais officieusement…. 

« — Si tu ne veux pas lui parler de toi, donne lui au moins des nouvelles de ses enfants. »

C'est moi ou il y avait dans sa phrase une pointe d'agacement ? 

« — Pourquoi tu me parles comme ça ? »

Elle récupère une assiette dans un des placards en hauteur, fait basculer l'omelette dans l'assiette puis récupère des couverts dans le tiroir dédié puis se tourne vers moi et place l'assiette en face de moi. 

« — Je trouve que t'en fais trop. elle me balance tout de go. 
— … Pardon.
— T'en fais trop Tiya. elle répète sereine. Ce n'est plus comme avant où pour un oui ou pour un non, tu pouvais te permettre ce genre de réaction. Tu es une femme mariée et tu vas être mère. Va falloir que tu commences à agir en conséquence !
— Que j'agisse en conséquence ? Tu te moques de moi ? 
— Partir de chez toi, même sous un prétexte fallacieux, ce n'est plus possible ! T'as un problème avec Dylan, parle lui en ! Et c'est pareil pour ton père !
— Mais c'est toi qui me demandais de lui laisser du temps et maintenant tu me fais passer pour la gamine de l'histoire ! je rétorque vivement agacée. Et concernant Ange Albert, je comprends même pas comment tu peux me parler de cette façon alors que là aussi t'étais la première à lui en vouloir ! 
— Mais Dylan t'a expliqué ce qui l'a amené à faire ce qu'il a fait, donc tu ne devrais plus lui en vouloir. Et oui, j'étais la première à en vouloir à ton père parce qu'il t'avait arrangé un mariage avec un homme que tu ne connaissais pas. Mais aujourd'hui cet homme tu l'aimes, il fait ton bonheur, du moins en principe et t'es normalement heureuse d'être enceinte de lui, alors pourquoi je lui en voudrais aujourd'hui ? Pourquoi "tu lui en voudrais encore ?" D'accord, il n'a pas été là pour toi avant, mais on ne vit pas dans le passé. Dans le présent et pour le temps qu'il lui reste, il veut être là, et la vraie question c'est ce que toi tu veux ? Tu veux continuer à te morfondre des choses passées ou profiter du moment présent et essayer de créer une réelle relation avec lui. Dans tout ça, c'est toi qui a les cartes en main et qui peut les distribuer, alors arrête de faire comme si tu les attendais et qu'elle tardait à venir. »

Sur ces mots, elle quitte la pièce et me laisse planter là, comme une conne avec cette omelette en face de moi.
Je repousse l'assiette et quitte à mon tour la cuisine. Je trouve ça facile de sa part de me parler comme elle vient de le faire. Elle était là quand ça n'allait pas, elle a vu dans quel état ça me mettait, comment dans les deux situations autant avec Ange Albert plus jeune, que Dylan ces dernières semaines, j'ai supporté, je me suis retenue….
Fait chier !
Je tombe sur Jesse dans le salon en train de regarder la télé et décide de profiter de sa présence :

« — Dis-moi Jesse, tu es occupé ? 
— Pas pour toi. il lance en éteignant la télé. Dis-moi ce qu'il y a ? 
— Est-ce que tu pourrais m'accompagner à la maison ? J'ai… J'ai des choses à faire et récupérer. Dylan me déposera. j'ajoute pour lui donné un ordre de durée. 
— Euh… Ouais. Ouais. On y va maintenant ? »

J'acquiesce en souriant, puis récupère mon sac à main dans la chambre d'invités et le suis jusqu'à sa voiture.

***
Je retrouve Dylan assis sur un coin de son bureau, le nez dans un dossier qui semble le préoccuper au point où il n'a même pas conscience de ma présence. 

« — Salut.»

Il lève enfin la tête vers moi et referme le dossier qu'il a en main puis le pose derrière lui. 

« — Hey. Ça va ? Je te croyais avec Emo ?
— J'étais avec elle il y a encore quarante minutes. On a eu une petite discussion et… Et j'ai demandé à Jesse de venir me déposer.
— Vous vous êtes pris la tête ? 
— Pas vraiment…. Selon elle j'en fais un peu trop. je dis en m'avançant vers lui. Elle dit que si j'ai une chose à te reprocher ou à te faire remarquer, je devrais te le dire, alors je suis venue te le dire. 
— ....
— Je t'ai laissé gérer comme tu le sentais toutes les révélations qu'il y a eu concernant ton père. Je t'ai laissé être distant, secret et parfois blessant, mais je t'ai dit qu'à un moment, il faudrait que tu t'expliques quant à certaines de tes actions. Tu m'a expliquée ce qui t'a poussé à agir comme tu l'as fait concernant mon père, mais tu ne m'as pas tout dit. Je sais que tu ne m'as pas tout dit. Par exemple, je me suis retrouvée à l’hôpital, complètement paniquée, mais surtout seule et tu ne t'es jamais expliqué sur ton absence. Alors allez vers toi, et faire comme si cette scène n'avait jamais eu lieu, c'est pas possible pour moi. On a dit qu'on se dirait tout maintenant, et de mon côté tu sais tout, mais pour ce qui est du tien...»

Il reste silencieux pendant quelques secondes, et je me demande si ce n'est pas pour se créer un mensonge, jusqu'à ce qu'enfin il me réponde:

« —… Je te l'ai dit, j'étais dans un phase particulière, et je me suis posée beaucoup de questions. Mais je ne t'ai pas trompé. il ajoute rapidement. 
— Ça ne répond pas à ma question. 
— Je sais … mais c'est la seule réponse que je peux te donner. J'ai fini par comprendre que je ne suis pas comme mon père, ni comme le tien et je ne t'abandonnerai pas. »

Il se lève pour se placer en face de moi, et entrelace nos mains puis me dit, le regard rivé au mien : 

« — Je serai là. Qu'importe les jeux du destin. Ils nous ont mis ensemble, et ils nous feront tenir ensemble.»

A cet instant, deux choix s'offrent à moi, le croire et essayer d'arranger les choses, ou le soupçonner et faire preuve de méfiance constante. 
Je décide de le croire, parce que c'est ce que me demande de faire mon coeur, le croire. Pour le reste, on verra, seul l'avenir nous le dira. 

Fin. 

_____________
Et voilà ! 

La version 2.0 de l'histoire " Le monde de Tiya" intitulée "Les jeux du destin" se termine ! 

J'ose espérer que vous avez passé un agréable moment, parce que ça a été le cas pour moi. 

On se retrouve très vite pour une nouvelle aventure ! D'ici là, portez-vous bien !

Bisous en pagaille


Tiya, ;)

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