Chapitre XVIII

Write by Tiya_Mfoukama

Chapitre XVIII


Quand la porte s’ouvre sur ya Taliane, je suis quasiment certaine qu’elle vient me remonter les bretelles après ce qu’il s’est passé durant la cérémonie. Je peux comprendre pourquoi, mais je n’ai pas eu le temps de lui expliquer, je l’ai moi même su quelques minutes avant le mariage. 


-Rebonjour madame Malonga, je peux entrer ?

Je me déride, tristement .... 
Je ne me doutais pas un instant qu’entendre mon nom de femme mariée pouvait me rendre triste. Encore moins le fait d’être mariée. 
Ce mariage a des allures princières en surface, comme l’aurait apprécié Kala, si elle avait été là... mais est loin de l’histoire de la princesse qui trouve son princecharmant...

-Viens là. Murmure-t-elle en me tendant ses bras. 

Malgré mes difficultés à me déplacer avec la meringue qui me sert de robe, je me rue dans ses bras et inspire en levant les yeux en l’air pour ne pas abîmer mon maquillage. Ça a l’air de rien, mais il m’a fallu tenir quarante cinq minutes sur une chaise pour obtenir ce résultat.

-Tu m’en veux ?
-D’avoir suivi ton coeur ? Non.

Je desserre notre étreinte pour lui faire face, l’air inquisiteur. Ce à quoi elle me répond par un sourire dont elle seule à le secret. 

-Je sais que tu es encore, et Dieu seul sait pourquoi, amoureuse de lui en dépit de tout ce qu’il t’a fait vivre jusqu’à présent. Je t’ai beaucoup parlé ces derniers jours et aujourd’hui je ne vais pas en remettre une couche. Je ne suis pas là devant toi pour ça. Je suis là parce que je t’aime et que je me dois d’être à tes côtés en tant que grande soeur. Je suis là pour te rappeler qu’à chaque fois que tu auras besoin de parler, tu pourras toujours compter sur moi, quoi qu’il arrive. Et dernière chose, je suis là pour te donner le plus important et précieux de tous les conseils selon moi; celui de te confier en Dieu et lui demander la force nécessaire pour affronter ce qui vient au devant de toi ! 
-.....

Ses paroles me touchent en plein coeur, le stress des deux derniers mois, les préparatifs, la grossesse, ma vie actuelle.. tout resurgit et j’éclate en sanglots,

-Hey, hey, arrête de pleurer, lève la tête, voilà

Je peux pas retenir mes larmes, je les retiens depuis un moment, et le souvenir des évènements de la matinée ne m’aident pas à les retenir. 
Je dois arrêter de tout absorber je le sais mais c’est plus facile à dire qu’à faire… Je lève ma tête un peu plus haut, et me ventile énergiquement à l’aide de mes mains.
Quand, je réussis à gérer mes halètements, j’essuie du revers de la main, les dernières larmes rebelles qui continuent de couler puis compte mentalement jusqu’à 6. 
C’est mon chiffre porte bonheur. 
La seule fois où j’ai eu à discuter du mariage avec Shomari, c’est lorsqu’il m’a demandé si j’avais en tête une date pour le mariage. Spontanément j’ai dit le 6. Et on s’est mariés aujourd’hui, le 6... Est-ce que ça me portera chance ?

-Ya Tal, tu crois que j’ai fait une erreur ? Demandé-je en la regardant droit dans les yeux
-Ce que je crois n’a aucune espèce d’importance. Me répond-elle en prenant mes mains dans les siennes. Aujourd’hui tu as fait un choix, et on ne peut que prier le seigneur pour qu’il puisse te guider dans cette union. D’ailleurs c’est ce qu’on va faire, si tu le veux bien ?

J’acquiesce vivement et incline ma tête vers l’avant pendant qu’elle conduit la prière. A défaut de me marier à l'église, j'aurai au moins ça.
Courte et forte à la fois, elle a le don de me requinquer. J’en avais grandement besoin.

-Merci ya Tal
-T’as pas à me remercier. Dit-elle en prenant un disque de coton se trouvant sur la coiffeuse. Bon, comment on va rattraper ça ? 

Je jette un oeil dans le miroir de la coiffeuse qui me renvoie un visage pas très reluisant. Le moins que l’on puisse dire, c’est que je ne sais pas pleurer avec classe. 
Elle tente quand même d’effacer les traces de mes pleurs et du maquillage qui a coulé mais ça s’avère être une tache hasardeuse 

-Désolée, je ne peux rien faire là. Capitule-t-elle en déposant le disque de coton. Il va falloir qu’on appelle la maquilleuse et qu’elle reprenne tout. 
-Oui. Heureusement qu’il y avait deux maquillages comptés dans le forfait. Fais-je en allant prendre une linguette démaquillante
-Attends, je vais t’aider. Me propose elle en me prenant la linguette des mains... 

Je m'assieds sur la chaise près de la coiffeuse et la laisse me démaquiller

-...J’ai dit qu’aujourd’hui je serai là pour toi, que je ne rabâcherai pas avec mes conseils et que je ne discuterai pas de tes choix mais une question me turlupine… Pourquoi sous le régime de la polygamie ?
-T’en as mis du temps pour me poser la question. Je pensais quand tu as franchi la porte que tu venais pour ça justement…. C’était un choix par contrainte. Lui expliqué-je. On n’avait pas vraiment eu le choix, à cause de sa mère

Encore, rajouté-je intérieurement.

-...?
-Il…. il était ou plutôt est marié à la coutume, mais le mariage n’a pas été cassé. Sa mère avait affirmé qu’elle s’en occuperait mais elle n’a rien fait. Pourtant, elle prétentait qu’il ne s’agissait que d’une simple formalité et qu’elle n’aurait aucun mal à le dissoudre. J’aurais dû me douter qu’elle tramait quelque chose, vu l’amour qu’elle me porte. Ironisé-je sans réussir à faire rire ya Tal….Deux choix s’offraient à nous, soit nous nous mariions sous le régime de la polygamie soit nous ne nous marrions pas du tout. Je suis sensée accoucher dans quelques mois, je ne veux pas avoir à me prendre la tête et tout refaire. Le père de Shomari nous a conseillé de nous marier et a pris l’engagement de s’occuper de la dissolution du premier mariage après. En bref, c’est seulement sur les papiers que nous sommes sous le régime de la polygamie. 
-Et bien… Ta belle-mère se surpasse de jour en jour
-C’était une énième façon de me faire comprendre qu’elle ne m’apprécie pas..

Et je l’ai bien compris.
J’ai plutôt de bonnes relations avec les mères. Je parle facilement avec elles et j’aime les côtoyer pour tirer un peu de leurs connaissances. C’est en me basant sur cela que je me suis imaginée une bonne entente avec la mère de Shomari. Mais ce n’était qu’une imagination. 
La première rencontre s’est faite deux semaines après la visite chez mes parents, elle est arrivée chez Shomari sans prévenir, ce qui est son droit, et a agi comme si je n’étais pas dans la maison avec elle. Et quand j’ai voulu insister, ce sont des regards noirs que j'ai récoltés. Cette première rencontre aurait pu se produire au pôle nord, la température aurait été idem. 
Par la suite, c’est allé de mal en pis, les “visites” sont devenues plus régulières et son attitude austère. Lyne, la soeur de Shomari, avec qui je m’entends particulièrement bien, m’a expliqué qu’elle paraissait froide de prime abord, mais qu’avec le temps ça s’atténuerait et le dialogue s’installerait… Saufque quand elle a invité la “première femme” de Shomari et s’est comportée avec elle d’une façon plus que maternelle, et ça toujours en m’ignorant, Lyne a été plus réservée face à l’attitude de sa mère envers moi. “De toute façon, ce n’est pas toi qu’elle épouse, puis tu verras, quand sa petite-fille ou son petit fils sera présent, elle changera”. 
Optimiste, comme toujours.

-Les belles-mères sont réputées être chiantes. Me dit ya Tal
-Mais la tienne est un amour 
-Elle… C’est une exception… Te mets pas martel en tête, la situation finira sûrement par s’arranger et quoi qu’il arrive, reste toujours courtoise avec elle
-C’est ce que je fais et que je continuerai de faire… Je suis fatiguée. Soupiré-je
-Tu as deux heures devant toi avant le vin d’honneur. Dors une demi-heure et je viendrai te réveiller avec la maquilleuse pour qu’elle reprenne ton maquillage lorsqu’il sera l’heure
-Okay, faisons comme ça.

Une petite sieste ne sera pas du luxe pour être présentable à minima durant la soirée.
Ça va être un peu compliqué pour dormir avec ce truc, mais je dois pouvoir l’enlever. Ma mère, qui m’a aidé à mettre ma robe, m’a dit qu’il suffisait de faire glisser les trois petits boutons à l’arrière… Ça me fait penser que je ne l’ai pas réellement vue depuis la fin de la cérémonie civil. J’ai à peine eu le temps de lui expliquer l’histoire du régime matrimonial - en modifiant légèrement la version originale, incriminant un officier d’Etat civil incompétent qui aurait commis une erreur imaginaire, nous obligeant à opter pour ce régime au lieu de celui de droit commun - et de prendre quelques photos avec elle.

-Tu sais où est ma mère ? Interrogé-je après avoir réussi à retirer le jupon sous la jupe de ma robe
-Dans la salle de réception. Elle devait vérifier quelque chose et a embarqué avec elle, Elodie
-D’accord

Je comprends mieux pourquoi elle n’a toujours pas déboulé dans la chambre.
C’est pas plus mal, la connaissant, elle m’aurait fustigée pour avoir dit oui, comme beaucoup d’ailleurs…

-Ca va aller ?
-Oui…

Je l’espère, rajouté-je intérieurement avant de m’allonger

*****

Je suis au bord de l’implosion, c’est plus que de la colère que je ressens envers elle à l’heure actuelle. Elle voulait me voir avec femme et enfant, aujourd’hui, je m’exécute et elle me la fait à l’envers parce que je n’ai pas choisi son poulain.

-Arrête de bouger et déride ton visage. Me lance mon père en tentant de me nouer ce fichu noeud papillon.

Ma respiration était difficile et cette connerie ne va rien facilité, ça me gratte merde.

-Shomari !
-.... Pourquoi elle a fait un truc pareil ? Elle sait que Mayéla doit être le moins stressée possible !
-...
-Hier encore je lui demandais si c’était réglé cette histoire de premier mariage et elle m’affirmait que oui ! Que veut-elle en agissant comme elle le fait ? Que l’enfant meurt ?
-Shomari, n’y pense plus, j’ai dit que j’arrangerai cette situation et je vais le faire, ne t’en fais pas, concentre toi sur le déroulement de la journée.

Et je fais comment pour me concentrer quand je n’ai aucune idée de ce qu’il se passe du côté de Mayéla ? Elle est restée stoïque lorsque nous avons été informés du souci, puis après avoir dit “oui” elle a gardé le silence. Je l’ai vu juste après la cérémonie, s’éloigner avec sa mère puis revenir pour les photos mais elle n’a rien dit, comme toujours. Je n’ai même pas réussi à sonder les traits de son visage…

-Agrh, c’est trop serré! Me suis-je plains
-C’est de cette façon que ça se porte … Tu sais que ta mère est butée, qu’elle n’en fait qu’à sa tête, un peu comme toi. La connaissant, tu savais qu’en annonçant tes futurs fiançailles avec Mayéla comme tu l’as fait, sans la préparer, elle réagirait mal. Mais depuis toujours, tu te fais un malin plaisir à la mettre au pied du mur, pour simplement l’irriter. Tu ne peux pas être étonné. Bien sûr elle a tort sur toute la ligne, car Mayéla n’a pas à rentrer dans votre petite guéguère, mais tu vas devoir partager la faute avec elle car tu devais prendre les dispositions nécessaires afin qu’elle ne se permette pas ce qu’elle a fait.
-....

C’est n’importe quoi, mais on réglera ça plus tard. Si je continue à me focaliser sur ce qu’il s’est passé, je vais pas réussir à donner le change. C’est déjà difficile à faire en temps normal, alors aujourd’hui…

-Tu comptes te rhabiller à quel moment ? Lui demandé-je pour changer de sujet 
-Quand j’aurais fini avec…. ça ! Voilà. 
-Merci, même si j’ai le sentiment que je vais manquer d’oxygène.
-ah, ah, ah

Je vais me placer devant le miroir pour arranger les derniers détails de ma tenue, et fixer plus adroitement ce noeud papillon.

-Nous n’avons pas vraiment eu le temps de parler, mais fils, j’espère que tu sauras respecter les engagements que tu viens de prendre, parce que c’est tout ça être un homme. Vous connaîtrez des hauts et des bas, c’est certain, mais tu ne pourras pas te dérober comme tu le fais souvent, tu vas devoir agir en partenariat avec elle. Toujours. Tu es l’homme, et en tant que femme, elle doit t’épauler mais ne lui manque pas de considération et ne la traite pas comme ton subalterne car il ne faut pas oublier que c’est à deux que vous avancez. C’est ce qui fait que ta mère et moi sommes toujours ensemble après plus de trente ans de mariage.
-...

Sauf que je ne l’épouse pas pour les mêmes raisons qui t’ont amené à épouser maman et que je suis mais bien loin de vouloir faire d’elle ma partenaire. A coup sûr, elle profiterait de la première occasion pour me mettre un poignard dans le dos. C’est le genre à faire une OPA pour reprendre le contrôle d’une société crée à deux, et conduire seule les rennes de la-dite société. Elle m’a eue une fois, pas deux…

“Toc, toc, toc”
La porte s’ouvre sur Guy-Guy qui vient mettre un terme à la discussion que je repousse et ne souhaite pas avoir avec mon père. Elle n’aura finalement pas lieu, comme je l’avais prévu.

-Tout va bien ? S’enquiert-il
-Oui, je crois qu’on est dans les temps. Répond mon père en avisant l’heure sur sa montre. Il nous reste 30min, je vais aller m’habiller. On se retrouve au premier étage, devant la salle. 
-D’accord. Je le fais descendre. Dit Guy-Guy

La porte d’entrée se referme quelques secondes après, je me retrouve seul avec Guyslain. L’atmosphère est pesante entre nous, depuis un bon moment d’ailleurs. On ne s’est pas expliqués depuis notre petite altercation chez lui, on a fait comme si de rien n’était. Comme on l’aurait fait auparavant, sauf que là, la situation était différente, et avec le recul, je me dis qu’on aurait dû discuter. 
Je suis revenue vers lui pour lui parler du mariage, de la grossesse de Mayéla - sans lui dire ce qu’il en était réellement - et je lui ai demandé d’être mon témoin. Après réflexion, il a accepté. 
Par obligation. Pour notre amitié. Mais pas parce qu’il le voulait. Je le sais.
Encore une fois, on aurait dû discuter…

-Comment tu me trouves ? Le questionné-je en me tournant vers lui
-Tu ressembles à un pingouin, c’est le but non ? Lance-t-il en se servant un verre au mini bar. Au fait, mes félicitations !
-Merci.
-.... Fais attention à elle et rends-la heureuse parce qu’elle le mérite
-....

Je voudrais lui dire que non, ce n’est pas le cas. Elle ne le mérite pas, mais je m’abstiens. 
Nous restons silencieux, jusqu’à l’heure du départ. 
Va vraiment falloir qu’on discute lui et moi. Mais après tout ça.

Lorsqu’il est l’heure, nous descendons au premier étage, où se tiendra la réception. Les invités sont déjà installés et nous patientons, mon père, mon témoin, le cortège et moi même, devant la salle en attendant Mayéla qui arrive cinq minutes plus tard accompagné de Taliane

-Excusez-nous du retard. Petite retouche maquillage. Nous explique Taliane. Je vais aller chercher Elodie et aviser le Dj pour qu'il se prépare à lancer la musique
-Et moi je vais aller prendre place. Lance mon père 

Pendant que Lyne, qui fait partie du cortège, position les couples de demoiselles et garçons d’honneur, puis revoie les pas d’entrée, je peux enfin contempler Mayéla. 
Son maquillage a été totalement repris, et pour cause, elle a pleuré. J’en suis certain, ses yeux me le disent. Aujourd’hui, il n’était pourtant pas question de pleurs.

-Ari, tu as compris le pas ? Dit Lyne. Sur quatre temps, tu fais un grand pas en avant, un petit pas en arrière. Pour les petits pas, tu t’abaisses et les grands tu remontes. C’est bon ?

Voilà une autre connerie que j’espérais éviter

-Tu vas te sentir con de pas avoir assisté au répétition. Rit Fred moqueur, qui fait également partie du cortège. Je vais acheter la vidéo de ton mariage juste pour me foutre de ta gueule !
-Sale con...
-Ari. Souffle Lyne. N’oubliez pas, les autres, quand on arrive au milieu, les hommes restent à gauche et nous les femmes à droite et on fait une haie d’honneur aux mariés en continuant à se mouvoir dou-ce-ment. Ari et Mayé, vous dansez jusqu’au bout de la haie, de là, une ronde va se former autour de vous.
-Alors là, je vais aller négocier le prix de ta vidéo auprès du cameraman juste après ...J’ai hâte de te voir ouvrir le bal ! Lance Fred narquois

J’entends un petit rire venant de ma droite: Mayéla. Ça faisait un moment que je ne l’avais pas vu rire. Son visage est illuminé. 
Si ça se serait passé différemment entre nous, si aujourd’hui, c’était vraiment notre jour, je l'aurais embrassé à en perdre haleine, puis je l’aurais prise dans mes bras et dit combien elle est magnifique.
Mais c'est encore une connerie… Soupir.

Les premières notre de “All of me” version kizomba se font entendre, et tous les couples se meuvent, afin de synchroniser leur pas avant de s’avancer un par un dans l’allée créée.
Je me bats comme je peux pour aligner mes pas aux leurs, mais je souffre d’un souci de coordination depuis toujours dès qu’il s’agit de danse. J’échappe au moquerie en adoptant ce que j’appelle le pas type - un jeté à gauche, le pied droit le rejoint et marque le temps, puis un jeté à droit, le pied gauche le rejoint et marque le temps”- ça passe sur toute les chansons, du zouk, à la rumba, en passant par le Rnb, il suffit d’adapter la cadence. On a grillé ma ruse et depuis, certains, comme Fred, se font un plaisir de se moquer.

C’est une vraie torture cette entrée, j’ai l’air d’un robot, tellement je suis crispé, ce qui n’échappe pas à Mayéla qui finit par adopter mon “pas type”,qu'elle a elle même grillé. Et forcément, je la suis.
C’est beaucoup plus facile.
Par la suite, on a droit aux louanges, aux bénédictions, aux cris et tout le tintouin avant d’aller s’asseoir à la table d’honneur.
Sans surprise, ma mère n’est pas présente et d’où je suis, je peux déjà entendre les rumeurs qui vont bon train concernant le pourquoi de son absence.
J’arrive à faire abstraction de tout ça, pour moi cette réception ressemble plus à une fête à laquelle je suis obligée d’assister, alors autant chercher le bon côté, comme la consommation de se très bon Dom Perignon vintage, oeuvre de mon père qui adore diner avec du champagne. Au prix de la bouteille, il aurait pu prendre un bon trouillard Elexium, moins cher et faisant parfaitement l’affaire, mais c’est mon père, jamais dans la demi-mesure, toujours dans l’excès ! Autant ne pas se priver !

-Il est temps de vous levez pour l’ouverture de bal. Murmure Lyne à mon oreille
-Quoi ça ? Il est pas question qu’on danse encore. Mayé est enceinte, je te rappelle, tu veux la faire bouger pourquoi ? Puis on a pas prévu de danser
-C’est obligatoire, et comme je me doutais que tu chercherais à te servir de la grossesse de ta femme pour justifier le fait que tu ne saches pas danser, j’ai choisi une belle balade romantique. Allez, debout, Mayé, debout hop, hop hop
-Mais… Lyne !
-Y’a pas de Lyne, ne commence pas à faire comme ton mari. 

“Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, ils nous font l’honneur d’être les témoins de leur union, et nous permette de partager avec eux le début du reste de leur vie en couple… Veuillez accueillir Monsieur et Madame Malonga”

En moins de temps qu’il ne faut pour dire ouf, je me retrouve sur la piste de danse, avec Mayéla, les rétropojecteurs braqués sur nous et nous aveuglant au passage…

“When your leg don’t work like they used before…”

Au pitié, pas ça. C’est le genre de musique que je déteste. Elle aurait pu prendre une belle rumba de Théodor Blaise, elle sait que je l’aime bien, et j’aurai pu danser dessus accessoirement - la rumba est la seule danse pour laquelle mon corps accepte de se mouvoir correctement- mais au lieu de ça, on se coltine un slow…

Elle passe sa main dans la mienne puis je l’attrape par la taille et tente de trouver un rythme. C’est plus facile que ce que je pensais, mon pas type s’adapte parfaitement à la chanson, je n’ai plus à me préoccuper des pas que je fais. Ce qui me laisse le temps d’écouter les paroles.

"People fall in love in mysterious ways
Les gens tombent amoureux de façon étrange
Maybe just the touch of a hand
Peut-être juste le contact d'une main
Well, me i fall in love with you every single day
Hé bien moi, je tombe amoureux de toi chaque jour"

Je ris jaune, intérieurement. Cette chanson n’est pas approprié, pas du… 

-Woh !

Je m’éloigne légèrement de Mayéla, essayant de cacher mon air surpris, et l’interroge du regard

-C’était sa façon, à elle de se manifester. Chuchote-t-elle en baissant ses yeux sur son ventre
-...Je vois. Ça te fait mal ?
-Non…. Elle est un peu agitée

J’arque un sourcil devant l’emploi de l’adverbe “peu”.
Certaines nuits, quand je bosse tard à la maison, je l’entends parler au bébé. Pas plus tard que lundi dernier, je voulais aller dans la cuisine et je l’ai vu en sortir. Elle s’est brutalement arrêtée de marcher puis a froncé ses sourcils avant de se pencher vers son ventre “ mademoiselle, ce n’est pas l’heure pour faire la fête, alors tu vas te calmer !” 
C’était étrange, et maintenant que je viens de me faire “frapper”, ça l’est encore plus

-Bon, d’accord. Elle est très agitée. Elle aime la fête 

Je souris

-Et elle se calme quand ?
-Quand tout le monde se lève pour aller bosser bien évidemment

Je ris franchement et resserre notre étreinte

“Le bisou !”
Pris par l’impulsion du moment, je réponds à la demande et l’embrasse.

Pourquoi ça me semble différent des fois précédentes ?

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