CHAPITRE XVIII : Une naissance désirée
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Norma avait tout de suite séduit les parents de Dean. Cadia lui communiqua une pléthore de renseignements concernant les neuf mois que durait une grossesse et lui promit son assistance.
- Vous pouvez m’appeler ou venir ici à tout moment. Vous serez toujours la bienvenue, lui avait-elle dit alors que le couple prenait congé d’eux.
- Je trouve cette jeune femme tout à fait charmante ! Avoua Cadia à son mari une fois seuls.
- Belle et intelligente de surcroît. Le refus de Dean de l’épouser me déçoit profondément.
- Et moi donc ! J’ai bien observé Norma et je trouve qu’elle n’est pas aussi heureuse qu’elle voudrait le montrer. As-tu remarqué la souffrance qui se lit dans son regard lorsqu’elle regarde Dean ?
- Oui ! Comment mon fils peut-il être aveugle au point de ne pas savoir que Norma l’adore ?
Dean au fur et à mesure que le ventre de Norma s’arrondissait se sentait de plus en plus émerveillé. Il avait même parfois la sensation que c’était lui-même qui portait le bébé. Au bout de quatre mois, les nausées disparurent complètement et ce fut avec un bonheur évident que Norma assuma le reste de sa grossesse.
Dean prépara un énorme trousseau pour le bébé et la mère. Pour lui, rien n’était jamais trop beau pour la mère de son enfant. Il se sentait plus que jamais proche de Norma et parfois se surprenait à prier afin de ressentir pour la jeune femme un peu plus que de l’estime. Il lisait souvent dans son regard une lueur de tristesse et se sentait coupable de ne pouvoir répondre à ses attentes.
Dans les dernières semaines, Norma se sentait énorme et se plaignait de ne plus pouvoir voir le bout de ses orteils.
- Je suis sûre de ressembler à une montgolfière, plaisanta-t-elle un soir alors qu’elle s’admirait vêtue de la magnifique marinière qu’il venait de lui offrir.
- Mais tu es plus belle que jamais.
- Vil flatteur !
- Enfin, plus belle que la plupart des femmes enceintes.
- Dans ce cas j’accepte ton compliment.
- Je vais me verser un verre. Je reviens tout de suite.
Toujours installée devant l’énorme glace de la chambre, Norma sourit. Chaque jour davantage, elle était émerveillée par la douceur et la sollicitude de Dean. C’était un homme droit, honnête. Il l’adulait presque et n’avait pas lésiné sur les moyens afin de lui offrir tout ce qu’une future mère pouvait désirer pour son enfant. Malgré sa grossesse, ils avaient continué à entretenir des relations intimes. Norma espérait lui faire oublier un jour cette rivale qu’elle ne connaissait pas. Elle était à ce point de sa réflexion lorsqu’elle sentit une crampe au bas-ventre lui couper le souffle. Comme à toutes les autres fois depuis deux jours, elle inspira profondément convaincue que la douleur ne tarderait pas à passer. Mais elle s’intensifia et prenant son ventre à deux mains, elle se plia sous la douleur, le visage crispé. Ce fut dans cette posture que Dean la trouva lorsqu’il entra dans la chambre.
- Qu’est-ce qui ne va pas ? S’enquit-il inquiet.
- J’ai une douleur au bas-ventre.
- Elle est forte ?
- Assez. J’ai l’impression d’étouffer.
Il l’aida à s’allonger. Il lui fit boire un peu de l’eau qui était dans son verre car il avait renoncé à l’alcool. Elle voulut se relever mais interrompit son geste, emparée d’une crampe plus forte que la précédente. Dans la demi-heure qui suivit, des contractions de plus en plus rapprochées et fortes s’emparèrent de la jeune femme.
- Dean, je crois que je suis en travail.
- Mais il reste encore trois semaines avant le terme.
- Le bébé en a décidé autrement, soupira Norma qui, en se relevant, sentit un liquide visqueux entre ses jambes.
- Qu’as-tu ? S’exclama Dean en voyant le liquide dégouliner le long de ses cuisses.
- La poche des eaux vient de se rompre.
- Mon Dieu ! Que dois-je faire ?
- Me conduire à l’hôpital.
- Tu as raison. Je suis bête. Non ! S’écria Dean alors que la future mère faisait mine de se lever. Ne te fatigue pas. Je vais te prendre dans mes bras et t’installer dans la voiture.
- Je peux marcher, protesta Norma.
- Non ! Répliqua Dean catégoriquement en la soulevant.
- Demande à Olga de nous apporter la valise que j’ai prévue emmener à l’hôpital.
Dean se précipitait vers le véhicule lorsqu’Olga qui avait intercepté leur conversation vint à sa rencontre. D’un coup d’œil, elle mesura toute la situation.
- Je vais chercher la valise de Madame, fit-elle avant que Dean ne le lui demande.
Dean installa Norma sur le siège arrière et aussitôt en possession de la valise, il démarra. Heureusement que la circulation était fluide ce soir-là. Il parvint rapidement à la clinique. Aussitôt, deux brancardiers survinrent suivis d’une infirmière. Ils l’installèrent.
- Essayez de respirer, conseilla l’infirmière tandis que la jeune femme se contractait sous une nouvelle douleur.
Dean, au comble de la nervosité voulut suivre les brancardiers ; un infirmier s’empara de son bras gauche et le fit asseoir.
- Ne vous inquiétez pas Monsieur. Nous avons déjà fait appel au Docteur Houssou. Il s’occupera personnellement de votre épouse.
Trop nerveux pour pouvoir le détromper, il hocha la tête. Mais incapable de rester trop longtemps assis, il se mit à arpenter la salle d’attente lorsqu’il pensa tout à coup à ses parents. Il appela le domicile parental de son portable et ce fut sa mère qui décrocha.
- Surtout garde ton calme, conseilla Cadia après que Dean lui eut expliqué la situation. Ton père est sorti il y a juste un quart d’heure. Je lui laisserai un mot et je te rejoins à la clinique.
Le futur père éprouva un vif soulagement en apercevant enfin la silhouette de sa mère venir vers lui trois-quarts d’heure plus tard. Norma était dans la salle d’accouchement depuis trois heures d’horloge lorsqu’Ali le rejoint.
- Je suis venu dès que j’ai vu la note de ta mère. Comment te sens-tu ? S’enquit-il en s’asseyant à ses côtés.
- Je me sens si nerveux !
- Je te comprends, mais il ne faut plus t’inquiéter. Tout se passera bien. Un premier accouchement est toujours long.
- Je le lui ai déjà répété une centaine de fois. Tu es né après quatorze heures de travail.
Il sonnait exactement cinq heures du matin lorsque le Docteur Houssou apparut un radieux sourire aux lèvres. Dean suivi de ses parents se précipita vers lui.
- Tout va bien Docteur ?
- Oui, même si le travail a été un peu long. Vous êtes père d’un magnifique garçon de 4 kg.
- Et Norma ? S’enquit aussitôt le nouveau papa.
- Elle se porte comme un charme, même si elle est un peu fatiguée. Vous pourrez les voir, elle et le nouveau-né dans une demi-heure, le temps qu’ils soient transférés dans une chambre.
- Merci Docteur, pour tout.
- Je vous en prie. Je vous laisse à présent, conclut le médecin après avoir serré la main des trois personnes en face de lui.
A bout de forces, Dean s’affala sur un siège. Il avait à présent hâte de serrer contre lui Norma et le merveilleux cadeau qu’elle venait de lui offrir.
Intimidé, Dean entrouvrit la porte de la chambre une demi-heure plus tard en compagnie de son père.
- Mais entre, fit Cadia qui se trouvait auprès de la jeune mère.
- Il doit sûrement avoir l’impression de rêver, se moqua Ali.
Dean sourit et pénétra dans la pièce, un géant bouquet de fleur en main. Il était parti l’acheter juste après le départ du médecin. Avec émotion, il embrassa Norma sur le front.
- Comment te sens-tu ? Demanda Dean en s’installant sur le bord du lit après avoir déposé le bouquet.
- Comme si un rouleau compresseur m’était passé sur le corps ! Mais je suis si heureuse. Regarde-le, dit Norma en désignant le nourrisson qui dormait dans un berceau.
Il alla se pencher sur la couche de son enfant.
- Fripé mais magnifique. Oh Norma, si tu pouvais deviner toute mon émotion.
Ils partirent tous les trois un peu plus tard afin de permettre à la jeune femme de se reposer. Après qu’il eut déposé ses parents, Dean, alors qu’il se retrouvait seul dans la voiture n’arrivait plus à contenir sa joie. Il chantait à tue-tête de sa voix de baryton. Aussitôt rentré, il se coucha, mais il ne cessait de penser au petit enfant endormi qui était le sien. Il l’adorait déjà et avait l’impression que son cœur allait éclater tant il était gonflé de joie.
Deux jours après la naissance, Norma sortit de l’hôpital. Cadia avait d’abord suggéré qu’elle s’installât chez Dean, mais son fils lui avait opposé un refus catégorique.
- Maman, je t’en prie, ne me pousse pas à faire ce que je regretterai plus tard. Peux-tu savoir ce qu’est de vivre avec quelqu’un qu’on n’aime pas d’amour ?
- Mais elle t’a pourtant fait un enfant.
- Je le sais bien et j’ai pour elle toute la considération qu’elle mérite. Quand je l’ai connue, c’était juste pour moi une aventure qui ne durerait que quelques mois, mais je me suis attaché à elle. Lorsqu’elle est tombée enceinte, j’en ai éprouvé de la joie, une immense joie. Je ne la remercierai jamais assez de m’avoir rendu père, mais jamais je ne me remarierai, même pas avec elle. Une fois m’a suffi et je ne referai plus cette erreur.
- Es-tu certain qu’aucune femme ne te pousserait plus au mariage ?
- Oui, maman.
- Sauf Cora, n’est-ce pas ? demanda Cadia peinée par la souffrance de son unique enfant.
- Que dis-tu maman ?
- Inutile de me mentir. Il y a longtemps que j’ai deviné tes sentiments pour elle. Si tu avais la possibilité de l’épouser le ferais-tu ?
- Oui maman, sans aucune hésitation, à quoi cela me servirait-il de te mentir ? A travers ses nouvelles que j’ai de papa et toi, je sais qu’elle est heureuse avec son Steve. Alors que moi, il m’est impossible d’aimer une autre qu’elle.
- Mais elle t’aime aussi.
- Les dés ont depuis longtemps été jetés, maman. Et ils étaient pipés.
Longtemps après le départ de son fils, Cadia réfléchissait encore. Elle n’avait jamais mesuré jusqu’à ce jour la douleur que subissait son fils. Elle estimait énormément Norma mais elle ne pouvait pas s’opposer à la décision de Dean. Cora, quant à elle, avait aussi sa vie qu’elle menait auprès de Steve. Par ailleurs, Dean et Cora auraient-ils réussi à se construire une vie sentimentale épanouie si le destin leur en avait donné la chance ? Ils avaient été élevés ensemble et nos traditions africaines étaient si ancrées dans leurs préjugés. Auraient-ils eu la force d’y faire face ? Elle les avait élevés tous les deux et aurait pu essayer de donner un coup de main au destin. Mais était-il en son pouvoir d’inverser le cours des choses ? Autant de questions, d’incertitudes. Elle eut du baume au cœur en pensant que le destin ne manquerait pas de les réunir un jour s’ils étaient effectivement destinés l’un à l’autre. Dans le cas contraire, ils trouveraient leur bonheur chacun de son côté. Elle croyait au fait que la destinée de chacun était inscrite dans les lignes de la vie et que le hasard n’avait qu’une infime partie dans le cours d’une existence.
Cadia se rappela qu’il lui fallait aussi annoncer la bonne nouvelle de la naissance à Cora. Elle le fit aussitôt et ce fut la jeune fille même qui vint décrocher.
- Maman, je suis si heureuse. Comment le bébé s’appelle-t-il ?
- Adnane.
- C’est un si joli prénom. J’ai tellement envie de le connaître. Décris-le-moi s’il te plaît.
- Il est beau. Il ressemble beaucoup à Dean, mais il est de teint très clair, sa mère étant d'une lignée peulhe.
- Maman, j’ai envie de prendre le premier vol pour Cotonou, juste pour lui.
- Oh ma chérie, ce sera un bonheur pour tous ! Je t’offre le billet.
- Mais non maman, je me débrouillerai. De plus, je vais essayer de convaincre Steve de venir avec moi. Mais on ne pourra rester qu’un week-end