CHAPITRE XXI

Write by Samensa

VICTOIRE

Je zappe désespérément les chaines à la recherche d’un programme que je puisse comprendre mais en vain. Exaspérée, je suis en train de me lever du canapé pour aller dans la chambre lorsque mon homme entre dans la maison.

-Bonjour bébé. Me dit-il.

-Bonjour mon amour. Tu rentres tôt aujourd’hui. Le déjeuner n’est pas encore prêt.

-Non ne t’inquiètes pas, je viens juste me changer pour repartir.

Je le regarde partir avec fierté. Lui c’est David, mon homme, mon amour. On s’est rencontré à Abidjan dans une de mes sorties nocturnes dans un bar. C’était ma grande période de dépression après que Karim m’ait fait comprendre clairement qu’il ne voulait plus rien savoir de moi. David est apparu dans ma vie comme une bouffée d’air au moment où j’étouffais. Du fonds du trou, il m’a fait sortir et le courant est vite passé entre nous. Mon coup de foudre, c’est lui. Alors c’est sans hésitation que je l’ai suivi dans son pays d’origine, le Nigéria.

Ici, je suis la maitresse de maison. J’ai mon foyer. Je peux même me targuer d’être la plus choyée des femmes dans mon entourage. Mon homme me donne tout ce que je veux, me couvre d’argent. Bref, je suis heureuse.

Je le suis jusque dans la chambre. Le bruit de l’eau me signale qu’il est déjà dans la salle d’eau. Au pied du lit, des sacs que je ne reconnais pas comme étant les siens sont posés à même le sol et attirent mon attention. Je les ouvre donc, curieuse.

Je ne comprends plus rien. Pourquoi les documents de Karim Cissé sont ici ? Passeport, chéquier, cartes bancaires. C’est quoi cette histoire ?

David sort de la douche, se fige lorsqu’il me voit avec les documents dans la main. Il se ressaisit et  me les retire nerveusement des mains.

-C’est qui Karim Cissé ? Demande-je.

-Tu es trop curieuse. Ça ne te concerne pas.

-Ah bon ? Mais je viens de voir que le mec est ivoirien.

-Et ?

-C’est mon frère.

-Tu dis quoi là ?

-Nous en Côte d’Ivoire, on est tous frères et sœurs !

-Pff ! Dit-il en haussant les épaules. Vous les Ivoiriens vraiment.

-Alors c’est quoi l’histoire avec mon frère ?

-Rien, j’ai juste retrouvé ses affaires dans un taxi… Bon ça va là avec les questions !

Il me ment, je le sais. Karim dans un taxi ? Ici ? Même dans la pauvreté extrême, le Karim que je connais n’aurait jamais emprunté de transport en commun. Il y a quelque chose de pas clair dans tout ça. Je suis consciente que David trempe dans des histoires louches mais quelles pourraient-elles être au point d’impliquer Karim ?

David ressort peu après de la maison en prétextant le travail. J’en profite pour récupérer les affaires de Karim pour une fouille approfondie. Sur une photo, je vois Karim et Safi avec dans leur bras leurs enfants. Ils sont assis dans un canapé blanc, vêtus en tenue traditionnelle. Mon cœur se serre devant l’image de la petite famille modèle. Ça aurait pu être moi.

Selon mon instinct, rien de bon ne se passe actuellement pour Karim et je ressens le devoir de faire quelque chose. Karim je l’ai aimé. Lui, pas vraiment. Toutefois, je dois reconnaitre qu’il m’a été d’un grand soutien dans les moments difficiles, gérant mes problèmes d’argent, d’alcool, et même de drogue. Il a permis à ma famille de vivre dans de bonnes conditions. Je ne l’oublierai jamais.

Je passe un coup de fil rapide à Ali qui au début réticent, me raconte l’histoire dans tous les détails. Après avoir raccroché, je me rends compte de deux choses. Un, je suis en couple avec un mafieux. Deux, Karim est dans la merde. Suite à nos échanges, Ali compte se mettre en route pour le Nigéria. Quant à moi, j’ai des choses à préparer.

 

KARIM

La notion du temps, je l’ai perdu. Enfermé dans le noir depuis je ne sais quand, je peine à garder conscience tellement je suis faible. La seule chose qui me permet de tenir le coup, ce sont les souvenirs de ma famille.

Un grand bruit se fait entendre. Des hommes viennent me chercher, me traine le long d’un couloir et vont me jeter dans une grande salle. Couché à plat ventre, à même le sol, j’entends des voix autour de moi. En[JD1]  ouvrant les yeux, je suis aveuglé par la lumière. Je suis retourné sur le dos par un coup de pieds puis porté pour être assis sur une chaise. Devant moi, sont assises plusieurs personnes dont Marc que je reconnais facilement.

L’homme du milieu, le plus imposant, prend la parole.

-Alors, tu voulais me rencontrer ? Je t’écoute.

Alors c’est lui « zeus ».

-Je veux que vous laissiez ma famille tranquille.  Répondis-je faiblement.

-Désolé mais je n’entends rien.

Les autres éclatent de rire.

-Laissez ma famille tranquille ! Crie-je avec toute la force qui me reste.

-J’admire ton courage jeune homme, je l’avoue. Malheureusement, je ne peux laisser ta famille tranquille. Vous allez tous mourir.

-Non ! Tuez-moi si vous voulez mais pas eux !

-Tu mourras ne t’inquiète pas. Je ne peux pas laisser vivre la personne qui risque de ruiner la vie de mon fils.

-On peut faire un marché… s’il vous plait.

-Un marché ? Il faudrait que moi j’y ai quelque chose a gagné. Tu ne comprends pas qu’en vous éliminant tous, je gagne ?

-Non, s’il vous plait ! Elle ne va pas témoigner. Nous allons abandonner les poursuites.

-C’est trop tard ! Mon fils a déjà été en prison par ta faute, quelqu’un doit payer… Bon je crois qu’on a assez parlé. Je suis ravi de t’avoir rencontré. David !

Un grand homme se détache du groupe.

-Emmène –le ! Et toi, Karim Cissé, ne t’inquiète pas. Ta famille te rejoindra bientôt dans l’au-delà.

Une cagoule m’est passée sur la tête puis je suis roué de coups jusqu’à ce que j’en perde conscience.

 

VICTOIRE

David entre dans la chambre en trombe et fouille des tiroirs pour récupérer des documents. Je retire mon peignoir pour me retrouver nue devant lui.

-Non pas maintenant Victoire !

-Pourquoi ? Dis-je en boudant.

-Je suis occupé actuellement.

- Accorde-moi 5 minutes… Allez bébé !

Sa faiblesse : le sexe. Il me prend violemment contre le mur en gémissant comme un fou. Il jouit et part dans la douche se nettoyer. Je me jette sur les documents pour avoir n’importe quelle information qui pourrait m’aider. C’est alors que le téléphone de David vibre. Malgré le fait qu’il soit verrouillé, le message défile en bande en haut de l’écran.

Alors comme ça, l’agneau sera sacrifié ce soir dans une maison à l’autre bout de la ville ? Il ne faut pas être sorcier pour comprendre que l’agneau, c’est Karim.

Dès que David ressort, je communique par SMS les coordonnées de l’entrepôt à des hommes avec qui Ali m’a mis en contact. La police, non merci, trop corrompue. Reste plus qu’à prier pour que tout se passe bien.

 

Quelques heures plus tard.

-Karim ! Karim ! Réveille-toi !

Je le secoue doucement pour le faire sortir de son état d’inconscience mais rien. Il est dans un sale état.

-Mon Dieu. Qu’est ce qui va se passer maintenant ? Demande-je à Ali.

-On va rentrer en Côte d’Ivoire. Un jet privé nous attend.

-D’accord. Prenez bien soin de lui. Moi je dois rentrer.

-Mademoiselle ?

-Oui ?

-Vous devriez venir avec nous. C’est dangereux de rester ici.

-Non ne t’inquiètes pas pour moi Ali. Personne ne se doutera de rien. Je vais filer faire des courses au supermarché et rentrer à la maison.

-On ne vous remerciera jamais assez pour tout ce que vous avez fait. Merci.

-On pourra dire que j’ai payé ma dette. Je souris. Allez, bon retour !

Je cours jusqu’à ma voiture et démarre le cœur rassuré. Karim est dans un sale état mais il survivra. Il est fort.

Pourquoi je retourne avec David ? Il est le seul homme qui m’appartienne maintenant. Il m’aime et moi aussi. Qu’il soit mafieux ou non, ça m’importe peu. Pour une fois que quelqu’un m’aime sincèrement.

 

SAFI

Pour passer le temps et éviter de mourir de chagrin, je passe mon temps à m’occuper de mes enfants. Je leur consacre toute mon énergie. Mes futurs beaux-parents sont à la maison depuis qu’il est parti. Ils font appels à leurs relations pour régler la situation en vain. Je fais fi de tout ce qui m’entoure, me renfermant dans ma bulle avec mes bébés.

C’est ce matin en passant que j’ai entendu qu’Ali s’était rendu au Nigéria, surement pour Karim. Mon cœur a fait un bon dans ma poitrine mais je n’ai rien laissé transparaitre. Dans la chambre, je suis montée pour fléchir genoux et prier comme je le fais souvent.

Le surlendemain matin, alors que je suis en train de prier dans ma chambre, j’entends des voix en bas. Curieuse, je descends m’enquérir de la situation.

Mon cœur bat anormalement lorsque je le vois : Karim. Il est méconnaissable. Tellement amaigri, avec une barbe qui lui mange carrément le visage et si faible qu’il est soutenu par deux hommes. Je cours pour le serrer dans mes bras malgré la crasse sur ses vêtements. Il me regarde dans les yeux mais n’arrive même pas à me sourire. Mon Dieu !

Il est rapidement monté dans la chambre. Je m’occupe de lui faire prendre un bain et le met au lit. Je suis horrifié par les traces sur son corps. Qu’est-ce qu’ils ont pu bien lui faire là-bas ? Et dire que tout ça est de ma faute !

La semaine qui suit, je prends soin de mon futur mari, lui donnant à manger, le massant et autres. Il est tellement silencieux que j’ai peur. Il se contente de quelques mots et de sourires pour nous tous. Je prie juste que mon Karim me revienne.

Une nuit, je me réveille et le vois arrêté à la baie vitrée.

-Chéri, tout va bien ?... Viens te coucher s’il te plait.

Comme il ne me répond pas, je prends la couverture pour la lui passer autour des épaules.

-Bébé tu vas attraper froid, viens te recoucher.

-Tu m’as manqué Safi.

C’est la première fois qu’il m’adresse ainsi la parole, depuis qu’il est revenu.

-Moi aussi… Ces semaines loin de toi… c’était trop dur.

-Combien de semaines ? J’étais parti combien de semaines ?

-Trois.

-Si longtemps ?

-Oui. Si longtemps.

-Mais j’ai lamentablement échoué. Je n’ai pas pu vous sauver Safi.

Je le sens trembler.

-Arrête mon amour, arrête ! Je suis tellement fière de toi !

-Putain ! Arrête de dire ça ! J’ai échoué, tu me comprends ? Dit-il en me secouant comme un prunier.

Je m’agrippe à lui pour éviter de tomber. Il a surement dû se rendre compte de son mouvement violent puisqu’il s’excuse en me prenant dans ses bras. Ses lèvres se posent doucement sur les miennes tandis qu’il me porte vers le lit. Il se place entre mes jambes en me regardant intensément.

-J’ai envie de toi ma reine.

-Moi aussi bébé.

 

KARIM

Je suis un miraculé. Depuis mon retour, je suis plongé dans un état léthargique. Autour de moi, ma famille tente de tout faire pour m’en sortir. Je vois bien leur effort mais j’ai besoin d’être seul avec moi-même, de réfléchir à tout ce qui se passe. Parce que mine de rien, rien n’est résolu, tout est devenu pire.

Cette nuit, après avoir passé la majeure partie de mon temps avec mes enfants dans la matinée, un déclic s’est fait dans ma tête. Je ne peux pas rester là à me morfondre. J’ai eu envie de reprendre ma vie où je l’avais laissé, de faire l’amour à ma petite reine, de me sentir en elle car d’elle je tire une grande partie de ma force.

Le matin, je descends prendre le petit déjeuner à la surprise de tout le monde. Je me sers copieusement en prétextant que je dois reprendre la forme. Ce qui n’est pas faux car tous mes vêtements ne me vont plus. Lorsque j’évoque le fait de chercher des solutions avec nos problèmes avec le cartel, tout le monde s’offusque à table. Mon père me regarde bizarrement et demande à me parler en aparté. Nous nous retirons dans le petit salon.

-Alors, tu n’abandonnes pas hein ?

-Non, je ne le ferai pas tant que tout ne sera pas résolu.

-Tu sais que je t’aime fils. Il me fixe intensément.

-Papa, s’il te plait, on n’est pas là pour des effusions d’amour, n’est-ce pas ?

Il se lève de son siège.

-Contente toi de retirer la plainte contre son fils comme tu l’as dit, et tout ira bien… Du moins, je l’espère.

-Mais il m’a dit que… Attends papa…

Comment il sait que j’ai dit à « zeus » que je voulais retirer ma plainte ? Je n’ai raconté ce qui m’est arrivé à personne.

-Papa ? Comment tu sais ça ?

-Euh… Tu me l’as dit…

-Impossible. Je me lève à mon tour.

Il respire un bon coup.

-Retire ta plainte. Je me charge de le convaincre de te laisser vivre avec ta famille.

-Ecoute papa, tu m’envoies confus là ! Qu’est-ce que tu racontes ?... Papa ?

Il pose sa main sur son épaule.

-Tu es mon fils. « zeus » fera une exception pour toi. Je ne sais pas ce qui t’a pris d’aller te jeter dans la gueule du loup comme ça, sans rien me dire. Tu aurais dû me laisser intervenir pour toi.

-En tant que qui, tu devrais négocier avec ce mafieux ?

Son regard me dit ce que mon esprit refuse de croire.

Les cris des femmes de la maison se font entendre lorsque j’envoie mon père au sol à l’aide de mon coup de poing. Comment il a pu être méchant à ce point ?


Désolée pour la longue attente. Difficile de jongler avec les cours, les devoirs et l'écriture.  Et merci pour les "kifs" et commentaires. Bisous!

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