Chapitre XXII

Write by Tiya_Mfoukama

Chapitre XXII


« —Tu m’as entendu ?

—Oui, t’as essayé de joindre Jesse. je soupire en mettant mon clignotant.

—C’est ça. Et il n’a pas répondu. Je ne sais plus trop quoi faire.
—Laisse tomber. je lâche sèchement. C'est un caractère propre aux Buaka. Ils se barrent, ne te disent absolument rien et restent silencieux à toutes tes tentatives de conciliation. En bref ce sont des connards qui ne méritent pas qu’on se casse autant le cul pour eux.
—J’en déduis que toi non plus tu n’as toujours pas de nouvelles de Dylan.
—... hummm »

Et honnêtement, si je n’étais pas en train de conduire, j’applaudirai cette espèce d’enfoiré de première aussi fort que je le pourrais. Parce que réussir à me planter comme une conne, ignorer mes appels, me répondre par message une fois sur deux et réussir à me faire préparer une soirée d’anniversaire de mariage malgré tout, c'est fort. Très fort. Surtout quand on est aussi rancunière que moi.

« —Il doit y avoir une explication plausible. 
—En effet. Elle est même très simple cette explication: il me prend pour une conne avec option. 
—Tiya….
—Non mais c'est vrai Emeraude ! Il se dit que maintenant qu’il a compris que j’étais un peu trop accroché à sa queue, il va me traiter comme bon lui semble. Mais ce qu’il n’a pas encore compris, c'est que j’ai vécu avant lui et je vivrai après lui. Des hommes qui me mettent bien, j’en trouverai partout. 
—Et des hommes dont tu es amoureuse et qui te mettent bien? Elle m’interrompt.
—.....Tu fais chier Emeraude ! Sincèrement tu fais chier ! j’hurle pour qu’elle m’entende. Et toi là! Tu ne vois pas que j’ai la priorité ? ! Ta tête chauve là tsssss. 
—Si tu commençais par le commencement, c'est à dire reconnaître que tu as des sentiments pour lui. Ça permettra d’une part de donner plus de légitimité à ta réaction actuelle. « 

Et voilà pourquoi je n’aime pas discuter avec Emeraude. C'est le genre à mélanger tout et n’importe quoi. Ici il s’agit de respect et de considération rien de plus rien de moins. Je ne suis pas sa chose mise à sa disposition lorsqu’il sent ses bourses trop pleines. Et puis on est sensés être un couple, s’il lui arrivait quelque chose là où il se trouve? Si on venait me poser des questions sur le pourquoi ou le comment de son voyage ? Je répondrais quoi ? Qu’est ce qu’on ne dira pas de moi ici ? 

« —Je ne sais même pas pourquoi je discute de ça avec toi. Quoiqu'il en soit, je ne vais pas me prendre la tête, j’ai déjà trop de choses à gérer et plus intéressant à penser ou à faire durant mon temps libre. »

Je klaxonne devant le portail pourqu’Ismael vienne m’ouvrir. Les portes ouvertes, je distingue la voiture de Dylan garée à sa place habituelle. 

« —Je ne te le souhaite pas mais tout cet effort que tu mets à nier les sentiments que tu as pour lui pourrait te retomber dessus…. »

Je balaie ses propos d’un revers de main en fronçant des sourcils. Quand elle est lancée dans ses conneries Y’a vraiment rien à faire. 

« —Emeraude. Je l'interromps, je viens d’arriver, je te rappelle plus tard.
« —Okay mais…. »

Je coupe la communication avant de l’entendre en remettre une dose. Je n’ai vraiment pas envie de continuer à penser à ça. C’est pas mon genre et ça ne va pas commencer aujourd'hui.
Après avoir pris cette résolution, je sors de ma voiture et rejoins la maison. 
Je retire mes talons à l’entrée puis me rends dans ma chambre où je me laisse mollement retomber sur le lit. Cette lassitude couplée à cette fatigue venue de nulle part, m’épuisent un peu plus chaque jour. L’idée de prendre quelques jours de vacances refait surface et ma main plonge inconsciemment dans le tiroir et en retire une enveloppe blanche. Il n’y a rien d’écrit dessus, parce que je ne savais pas vraiment quoi écrire. « joyeux anniversaire de mariage ! » « Tu as passé l’étape de la première année avec brio, voici ta récompense ! ». Les mots que j’avais en tête sonnaient faux selon moi. Puis j’ai renoncé à écrire quoi que ce soit, le cadeau en lui même était déjà beaucoup; une semaine à Ouida, un petit coin de paradis situé au Bénin. Ça aurait été l’occasion pour lui comme pour moi de prendre du recul, de se reposer et de découvrir un endroit plébiscité pour ce qu’il offre. Il était prévu que je le lui offre durant le dîner surprise que j’aie concocté hier après midi avec Émeraude… Et qui est tombé à l’eau suite au message de Dylan « changement de programme. Vol reporté à demain ». Deux phrases écrites avec empressement. À croire qu’on l’a forcé à me notifier son changement de programme. Il aurait pu s’abstenir, ça aurait eu le même effet. 
Je balance l’enveloppe sur les côtés, en même temps que mes pensées tournées vers lui.

Je sens mon visage gras, mon maquillage étouffer les pores de ma peau. Je ferme les yeux et m’imaginer entrer dans la salle de bains, ouvrir le robinet d’eau, m’asperger le visage puis appuyer sur la pompe de savon pour récolter une noix de gel nettoyant, l’appliquer sur mon visage et faire disparaître toute trace de mon maquillage d’un simple frottement. 
C'est tellement réel qu’en ouvrant les yeux je crois le pendant une quart de seconde que j’ai bel et bien nettoyer mon visage. 

« Et non ma vieille, t’as rien fait. Bouge-toi ! » me dit une petite voix intérieure.

Après avoir pris une grande inspiration, je me relève vivement, fais deux pas en direction de la salle de bains quand mon téléphone, posé sur le lit, se met à sonner. 

J’hésite quelques secondes puis reviens sur mes pas et décroche le téléphone en souriant. 

« —Monsieur Haw ! Que me vaut le plaisir de votre appel ?
—Je viens t’aider à honorer ta parole.
—Ah bon? Je t’ai promis quelque chose ? 
—Je te cite « Quand tu veux Omari, on se retrouve sur une piste de danse et je te montre comment on danse ». Il me singe grossièrement. Tu te souviens maintenant ? »

J’éclate de rire et m’assieds sur le bord du lit en me demandant ce qui ne va pas avec cet homme. Je me souviens du jour et j’ai dit ça. Il avait l’air de vouloir nourrir son imagination déjà bien fertile alors je lui ai donné du grain à moudre. J’étais loin de penser qu’il me prendrait autant au sérieux. Ça doit être la cinquième invitation en moins de trois mois.

«—Tu ne lâches jamais rien toi ?
—Jamais. Mais tu peux aussi me dire la vérité, que tu ne sais pas danser et à ce moment là, je pourrai envisager de passer à autre chose. 
—....
—C’est demain soir. Un de mes amis va mixer un peu de tout et ça devrait être sympa. »

Ça m’a l'air tentant, puis ça fait un bail que je ne suis pas sortie... mais… je commence à prendre plaisir à passer mes samedis soirs à la maison, devant un théâtre, une livre ou une dîner maison entre amis. 

«—Je ne sais pas trop. je réponds faussement hésitante. Je te tiens au courant.
—Et la voilà ta réplique préféré “je te tiens au courant” ta décision est déjà prise et tu vas me sortir une excuse bidon demain après midi. 
—Mais non! j’affirme véhément. Je t’assure que je pèse le pour et le contre et je reviens vers toi pour te donner une réponse. 
—Je vais t’accorder le bénéfice du doute. En espérant que ta réponse sera positive. 
—Elle pourrait l’être…
—Vendeuse de rêve. Passe une bonne soirée et à demain. 
—A demain et merci pour l’invitation. Je dis avant de raccrocher. »

Je dépose mon téléphone sur mon lit, la décision déjà prise bien évidemment et referme la salle de bains derrière moi. Il ne m’en voudra pas de refuser encore une fois. Je ferai en sorte que mon mensonge ait de la gueule. 

Finalement, je prends une douche aux effets revigorants et vivifiants sur moi. J’estime mes batteries assez rechargées pour m’aventurer dans la cuisine et chercher de quoi calmer ma faim. 
C'est la que je tombe sur Dylan, adossé au plan de travail, le nez plongé dans son téléphone, comme souvent, et un main faisant la navette entre sa bouche et son assiette pleine d’apéritifs que j’ai préparé la veille. 

« —Bonsoir. Il lance sans vraiment lever la tête vers moi. »

Je vais ouvrir le réfrigérateur, en sort plusieurs tupperwares et me prépare une assiette bien garnie. Je prends place sur une chaise de la cuisine et commence à manger, en attendant que Dylan lève enfin les yeux vers moi et m’apporte quelques explications quant à ce qu’il s’est passé. 
Mais il ne fait rien, si ce n'est terminer son assiette en silence puis quitter la pièce sans un mot.

*
* *

Où est-ce que je l’ai mis, je m’interroge en fouillant mon sac, à la recherche de mon téléphone qui est en train de sonner. 
Je finis par mettre la main dessus mais au moment où je m’apprête à décrocher, la sonnerie s’arrête. 

« —Merde. Je rappellerai plus tard. je dis en prenant place en face d’Emeraude. 
—C’était qui ? 
—Personne d’important. Bon, on est venues pour se détendre alors détendons-nous!”

Je souris de toutes mes dents en interpellant un serveur. 
Cette fin d’après - midi, je la passe avec Émeraude, dans un bar pour décompresser de cette semaine stressante. Nous n’étions plus sorties ensemble pour prendre un verre depuis Paris ! On commençait à se comporter comme des femmes un peu trop raisonnables, alors on a décidé d’inverser la tendance.» 

«—J’ai envie d’un bon cocktail avec de la couleur, des fruits et de la vodka. Précise Emeraude. Pourquoi pas un Sex and the Beach ? 
—Moi je veux un verre de rhume arrangé et un autre de rhume au citron et je vais tourner qu’à ça. J’annonce dès le départ.» 

Quitte à se faire plaisir autant bien le faire. 

« —C’est noté. Dit le serveur. Vous souhaitez manger également ? 
—Non pas moi. Je réponds en levant les mains en l’air. 
—Moi je ne sais pas encore, je vous dirai ça tout à l’heure. »

Pendant qu’Emeraude termine sa discussion avec le serveur, je rédige un message à l’attention d’Omari pour l’informer de mon indisponibilité. 

« —Oh-Oh. 
—Quoi? Je demande à Emeraude en levant les yeux vers elle. 
—A deux tables de nous, il y a Dylan. 
—Tu plaisantes ? Je dis en me crispant. 
—Non »

Je soupire.
Parmi tous les bars que l’on peut trouver dans Brazza, c'est le seul endroit qu’il a trouvé pour venir se poser ? 

«—Il est avec ses amis ? 
—Non. Il est avec Lisa et une femme que je ne connais pas. 
—Okay, allons y ! je lance en réunissant mes affaires avec un peu de chance il ne nous a pas vu nous installer arrête de regard…
—Trop tard, la chance vient de nous quitter. elle agite sa main, un grand sourire aux lèvres. »

Manquait plus que ça…

« —On va les saluer et on bouge. elle propose en se levant.
—Je n’ai aucune obligation. je tente de dire avant qu’elle ne me lâche un regard assassin. »

A contre cœur, je me lève et lui emboite le pas, pour me retrouver en face de Dylan, Lisa et une jeune femme que je ne connais pas, mais qui me semble bien à son aise avec les deux membres de la famille Buaka.

« —Bonjour Lisa, bonjour Dylan. fait Emeraude en se penchant vers leurs joues.
—Salut ! lance Lisa, a l’attention d’Emeraude.
—Hey ! Bonjour Emeraude ! répond Dylan enjoué. Comment vas-tu ?
—Je vais bien et toi ?
—Egalement.
—Je vois qu’on a tous eu l’idée de venir prendre un verre. fait remarquer Lisa. 
—Comme quoi les grands esprits se rencontrent. Complète la femme aux côtés de Lisa et Dylan. 
— En parlant de rencontre. Irène, permets-moi de te présenter Emeraude, la femme de ya Jesse. »

Mais quelle conne, cette Lisa. Si on pouvait illustrer le dictionnaire, juste en dessous du mot stupide, on devrait retrouver le nom de Lisa. 
Comme rien ne semble se cacher entre les frères et sœurs Buaka, Lisa est parfaitement au courant de la situation actuelle qui prévaut entre Jesse et Emeraude, mais sa réflexion est tellement limitée qu’elle ne se dit pas un instant qu’affirmer une chose pareille peut mettre la personne concernée dans l’embarras. 
Non, elle, elle débite seulement des conneries et sourie de toutes ses dents une fois qu’elle a fini. 

« —Oh Jesse s’est aussi marié ! Mes félicitations ! Il a toujours eu bon goût ! 
—….euh…. On va vous laisser. dit Emeraude pour toute réponse.
—Et pourquoi vous ne vous joindriez pas à nous ! Je suis bien curieuse d’entendre votre histoire avec Jesse ! s’exclame la dénommée Irène.
—Euh… Et bien….
—En fait, Emeraude et Jesse ne sont pas mariés. intervient Dylan.
—C’est ça. reprend Emeraude. Par contre Tiya, elle, est bien mariée à Dylan.
—Oh vous êtes la femme de Dylan ! Alors vous devez prendre ce verre avec nous, je vous en dois un pour vous avoir privé de votre mari le jour de votre anniversaire de mariage ! »

En retrait jusqu’ici, parce que pressée de pouvoir partir, je me montre un peu moins pressée et tant l’oreille à ses propos.

« —Ah. Vraiment ?
—Je vous assure que je me suis sentie mal pour vous. Durant le diner et pendant le vol, je n’arrêtais pas de dire à Dylan combien ça m’aurait blessée de ne pas pouvoir être avec mon époux le jour de notre anniversaire de mariage. Enfin si j’avais été mariée. elle ajoute en riant. »

J’essaie de sourire. J’y arrive probablement de l’extérieur mais intérieurement, je ne souris pas. Vraiment pas. 
Je ne sais pas comment elle fait pour se tenir devant moi et rire aux éclats en me racontant une histoire pareille. Elle n’a aucun mal à s’imaginer blesser si elle n’aurait pas pu être avec son époux le jour de leur anniversaire de mariage, mais elle n’arrive pas à s’imaginer que ça peut être tout aussi blessant d’entendre que son « époux » était avec une autre femme le jour de leur anniversaire de mariage ? Je me demande comment elle fait…

« —j’insiste, s’il vous plait. Dy ! elle dit, en se retournant vers Dylan. »

Il tend sa main verre les deux chaises libres de leur table et Emeraude finit par prendre place avant que je n’en fasse autant. Je me retrouve assise entre la Irène et Emeraude, qui me sert affectueusement la main sous la table. 

Pendant plus d’une heure, je subis la bassesse de Lisa, qui n’en rate pas une pour conter les nombreuses anecdotes liant Dylan et Irène, puis Irène et elle, tout en réussissant à placer deux trois piques entre chaque récit. C’est ainsi que je découvre qu’Irène est le grand amour de jeunesse de Dylan, et que leurs familles respectives, pensaient les voir unis après leurs années universitaire. Faut reconnaitre que leur histoire est plutôt belle…

« —Et tu te souviens de la fois où la maquilleuse t’avait maquillé pour je ne sais plus quelle fête ? Dylan était hypnotisé par toi et ne te lâchait pas d’une semelle ! ricane Lisa.
—A tel point qu’il s’était pris un poteau ! Oui je m’en souviens. Dy, t’étais un cas. Elle rit en lui pinçant la joue.»

J’avise l’heure sur ma montre, puis estime que j’ai assez pris sur moi pour la soirée. Tous les verres de rhum consommés n’auront pas permis de distiller cette boule de « trop plein » installé, juste là, près de ma poitrine. Il me faudra bien plus que ça.

« Bizz, bizz, bizz »

Je bénis Dieu pour la vie d’Omari qui me rappelle à l’instant même où je cherchais un prétexte pour rentrer.

« —Allô.
—Mlle Mfoukama, tu n’as pas répondu à mes précédents appels, je suppose que tu vas me dire que tu es occupée et que tu ne pourras pas être présente ce soir ?
—Tu supposes mal. je réponds en jouant avec le ramequin posé en face de moi. 
—Vraiment ? Oh ! Donc je peux espérer te voir ce soir ? Tu seras là ? 
—….Oui. je réponds après avoir balayé la table du regard. »
*
* *
« Come on, come on baby. C’est moi daddy sugar. Lovely, lovely baby… »

J’avais jurée de retourner m'asseoir après la dernière chanson, mais les notes de « Téré, Téré » de Toofan m’oblige à rester sur la piste de danse. 
Je me déhanche un peu plus, avec sensualité tout en évitant les hommes trop lourds qui tentent de me coller. 
Finalement, je ne regrette pas d’être venue ce soir. Je pense que c’est de ça dont j’avais besoin. Sortir, me défouler, profiter aussi simplement que possible. 

« —Je reconnais officiellement que je me suis trompé. murmure Omari à mon oreille quand je le rejoins.
—Enfin tu le dis ! »

Je me sers un verre de wisky-coca, que je sirote les yeux rivés sur la piste.

« —Alors dis-moi, qu’est-ce qui t’a fait venir ici ? Ton mari sait que tu es là ? me questionne Omari.
—Tu penses que c’est mon gardien ? je lui demande en me tournant vers lui. »

Il est assis sur le bras du canapé en cercle formant l’espace dans lequel nous sommes installés. Je me tiens debout à quelques centimètres de lui et dans cette configuration, je parais être à la même hauteur que lui. Je peux plonger dans les iris marrons glacé de ses yeux, voir de plus près ses lèvres maronnées, qu’il humecte à chaque fois qu’il pose le regard sur moi.

« —Je serai lui, je serai ton geôlier.
— J’ai donc de la chance. je murmure en ondulant mes hanches au rythme de la chanson…. Tu peux arrêter de me regarder comme ça ?
—Est-ce qu’on arrête de regarder une déesse ? il me demande les yeux rivés dans les miens.
—Me dis pas que tu viens de sortir un truc pareil ! je ris en continuant de danser. »

Il garde un moment de silence, prend un air mystérieux que je n’arrive pas à déchiffrer, puis se lève en se penchant vers moi, me tend sa main et me dit :

« —On ne s’entend pas parler ici. Si on allait un peu plus loin ? »

Je vide mon verre d’une traite, glisse ma main dans la sienne et le suis à travers un long couloir qui nous mène à une pièce plus calme, à l’éclairage tamisé. 
Je prends conscience que mes oreilles bourdonnent énormément et ma vision est extrêmement trouble. Je vais m’asseoir à ses côtés sur l’immense canapé qui trône en plein centre de la pièce et qui pourrait tout aussi bien faire office de lit. 

« —T’es complètement daï ?
—Ouaip. je confirme en m’allongeant sur le canapé. Mais je suis toujours consciente de ce que je fais. 
—…C’est bon à savoir. il dit d’une voix sourde…. Ça fait longtemps que tu es mariée ?
—Tu m’as fait venir ici pour discuter de mon mariage ?
—Je t’ai fait venir ici pour qu’on discute de tout et de rien… On sait tous les deux qu’il ne se passera rien. T’es pas venue avec l’intention d’aller plus loin même si c’est ce que tu fais croire.
—Vraiment ? C’est ce que tu penses ? Même si je t’informe que je ne porte absolument rien en dessous de cette robe ? 
—Et tu me laisserais te la retirer pour contempler ton corps nu, avant de te prendre sur ce canapé ? »

Je soupire.
Ses yeux sont toujours rivés aux miens, mais j’arrive à apercevoir la bosse qui déforme son pantalon. 
Ce serait simple de dézipper son fermeture éclaire, libérer son sexe et m’empaler et tout ça sans avoir à retirer ma robe…mais il a vu juste. Je n’ai jamais eu l’intention de coucher avec lui. L’allumer certainement, mais pas coucher. J’avais besoin de me rappeler que je pouvais plaire, que je pouvais illuminer les pupilles d’un homme en me regardant, un peu comme les pupilles de Dylan s’illuminent lorsqu’il là regarde… Putain, j’avais presque réussi à les oublier tous les deux.

« —Un an… Ça fait un an que je suis mariée. je réponds pour geler l’atmosphère. 
—Il a de la chance, il le sait ? 
—Non. je dis en me levant du canapé. Tu peux m’aider à trouver un taxi pour rentrer ? »

A son tour, il se lève du canapé, puis je prends appuie sur lui pour rejoindre la route. 
La brise qui vient me fouetter le visage, me désoriente totalement et amplifie cette sensation d’apesanteur et de paysage déformé. Demain, j’aurai la plus belle des gueules de bois de toute mon existence, c’est une certitude.

« —Tiens, on dirait un de tes amis, celui que j’ai rencontré à l’anniversaire d’Emeraude. 
—Un de mes amis ? Il est où ? je demande les yeux clos.
—Juste devant, il vient vers nous… Dylan, je crois que c’était son nom.
—….Ce n’est pas mon ami.
—Ah. Il n’a pas l’air ravi. »

On s’en tape de son air, j’ai envie de répondre. Nous se que l’on veut, c’est trouver un taxi !

« —Il est encore loin le taxi ?
—Je vais te raccompagner, dans cet état, je ne vais…
—Bonsoir. Tiya, on y va. »

J’ouvre les yeux et vois Dylan m’empoigner le bras sans aucune autre forme de procès. J’ai la vision complètement déformée et mes sens sont totalement désorientés mais j’arrive à sentir, la colère qui s’est emparée de tout son corps. Sa main agrippe fermement la mienne et exerce une petite pression pour me pousser à le suivre.

« —Hey ! Lâche-là, c’est quoi ton problème ?
—J’en ai aucun, je viens récupérer ma femme. Toi, ça te pose un problème ?
—Tiya ? m’interroge Omari. 
—Laisse tomber Omari. Merci pour cette soirée. je dis avant de suivre Dylan. »

Y’a pas besoin d’être devin pour comprendre qu’il devait y avoir un ou deux de ses amis taupes pour l’appeler et lui faire un compte rendu de ma soirée. A Brazza, si tu connais trois personnes, tu connais tout le monde ! Je suis tellement alcoolisée que je ne cherche pas à discuter avec lui, ou a remettre en question la façon dont il est venu me récupérer. Non. Je n’aurais pas la force de lancer encore moins de répondre à ses attaques. Je préfère opter pour le retrait. Raison pour laquelle je monte docilement dans la voiture, m’enfonce dans mon siège avant de fermer les yeux.
Je n’attends pas qu’il gare la voiture et coupe le moteur pour en sortir. Je retire mes talons dans le SAS puis entre dans la chambre et entreprends d’enlever les accessoires devant ma coiffeuse, lorsqu’il rentre à son tour dans la chambre. 

« —Ecoute moi bien, je vais pas le dire deux fois. Ce que tu fais de ton corps, ça m’est complètement également, mais il est hors de question que tu salisses mon nom. »

Je le regarde en biais, et devine qu’il se contient pour ne pas exploser de rage. Sa mâchoire et ses poings serrés et m’enhardissent et je me demande jusqu’où il peut aller comme ça. Et je m’entends lui dire :

« —Ô grand seigneur ! Merci de me donner l’autorisation de faire ce que je veux de mon cul. Mais t’aurais tous aussi bien pu le faire là, bas. J’aurai pu lui donner mes fesses de la façon la plus discrète qu’il soit tu sais. Tu peux m’y redéposer ? »
« —Y’a que ça qui t’intéresse ? il souffle les yeux mis clos. Tu penses tenir longtemps avec ton vagin dans les mains ?
—Dixit celui qui a étanché sa soif entre mes jambes. Enfin bon, ne ferme pas le portail, je risque de ressortir pour distribuer le way comme on dit. »

Mes propos ne volent pas haut, je les sais abusifs et irrespectueux surtout pour moi, mais je les prononce parce que pour une raison que j’ignore, ils le touchent lui. 

« —Donc c’est de ça qu’il s’agit ? C’est ce que tu veux ? »

Le ton avec lequel il prononce cette phrase ne me dit rien qui vaille, et avant que je ne comprenne ce qui m’arrive, je me retrouve proposée sur le lit tel un vulgaire sac de pommes de terre, avec un Dylan transpirant de colère au dessus de moi. 

« —C’est ce que tu veux ! il hurle en tirant sèchement sur ma robe, la déchirant violemment. »

Je me rends compte tardivement, que je suis allée trop loin cette fois-ci.
Mes mains retenues au dessus de ma tête par une de ses mains, je me débats dans tous les sens pour me défaire de son emprise, sans succès. Il m’écarte violemment les jambes, puis s’attaque à la boucle de sa ceinture. Le visage baigné de larmes, je le supplie de me laisser, mais il continue de me maintenir sur le lit, en martelant la même phrase : 

« —Y’a que ça qui compte, y’a que ça que tu veux ? !
—Dylan arrête ! je crie en larmes. Arrête !
—Mais c’est ça que tu veux non ! C’est pour ça que tu cours nue dans la ville !
—Dylan, je t’en prie arrête. je l’implore quand mon regard croise le sien. Ne fais pas ça, je t’en prie… »

Il finit par me lâcher et je me recroqueville sur moi-même. 
Mais qu’est-ce qui a pu autant changer en seulement une semaine …

Les jeux du destin