Chapitre XXV
Write by Tiya_Mfoukama
Chapitre XXV
« —Waouh, je pensais vraiment pas qu’on y arriverait. On a été bon.je dis en regardant les quelques notes inscrites sur le paperboard.
—Correction, mon équipe a été bonne et entre nous, je ne suis pas surprise qu’on ait réussi cet exploit. lance Irène en superposant ses dossiers sur une seule pile.
—Et sinon, tes chevilles ? Elles vont bien, elles n’ont pas trop enflées. »
Elle fait retentir son rire à travers la salle de réunions qui a accueilli son équipe et la mienne pour un dernier point avant la présentation finale.
Je ne pensais vraiment pas que l’on y arriverait surtout dans un laps de temps aussi court, mais la collaboration entre son équipe et la mienne a été plus fructueuse que je ne l’aurais espéré et aujourd’hui après de longs mois sans aucun contrôle sur ce qu’il se passait, je peux enfin dire que je suis content de la tournure que prennent les choses.
« —Okay, Okay ! Je reconnais que ton équipe n’était pas si mal que ça, et qu’il est peut-être vrai qu’elle a contribué fortement à la réussite de l’élaboration de se plan de communication.
—Elle a peut-être hein ? Si ce n’est pas de la mauvaise foi ça.
—Non c’est un constat empirique !
—Bah voyons. je souffle en allant m’affalant sur une des chaises. Quoi qu’il en soit, je voulais te remercier pour ton travail. Ce n’est pas encore fini mais sache que ça a été un plaisir de travailler avec toi, dans une ambiance décontractée malgré la charge de travail. J’ai apprécié ton professionnalisme, que je n’ai, je tiens à préciser, jamais mis en cause. Tu m’as simplement confirmé ce que je savais déjà sur toi. »
Elle détourne son regard et s’active pour ranger ses affaires. Elle est gênée, comme à chaque fois qu’on lui fait un compliment.
Elle n’a pas beaucoup changé. Du moins, à mon sens. J’ai l’impression de toujours avoir à faire à la Irène dévouée, totalement investie et qui s’évertue à toujours donner le meilleur d’elle-même, sans jamais rechigner, même lorsque la tâche s’avère difficile. Ce sont des qualités que j’ai toujours admiré chez elle et que je suis heureux de pouvoir retrouver.
« —Arrête. Tu me gênes. elle dit en replaçant une mèche imaginaire derrière son oreille.
—Parce que je dis ce que je pense ? je lui demande en cherchant ses yeux du regard. »
Je réussis à les capter un court instant, et y lis une expression indéchiffrable avant qu’elle ne se détourne. Elle range prestement ses affaires dans son attaché-case puis s’avance vers la porte d’entrée et me fait face après avoir figé un sourire de convenance sur son visage puis me dit pour couper court à toute question de ma part :
« —Et si tu m’offrais à diner ? Parce que je te rappelle que jusqu’à présent tu n’as fait que m’exploiter !
—Moi Dylan Emmanuel Buaka, exploiter une si jolie femme ?
—Ouais. elle répond la mine attristée. On n’imagine absolument pas que tu es capable d’autant de cruauté. »
C’est à mon tour de rire face à la tête qu’elle fait. Elle a l’air d’un petit bout de femme innocent et adorable qui ne demande qu’à être protéger. Elle donne envie de la prendre dans ses bras, de les lui offrir comme refuge et protection. A coup sûr elle serait rendre tout ce dévouement. Par un regard plein de remerciement, des lèvres pleines entrouvertes appelant au… Non je ne devrais pas avoir ce genre de pensée. je me ressaisis en chassant cette pensée de ma tête. Tout comme elle quelques minutes plutôt, je me focalise sur mes affaires éparpillées un peu partout.
« —Mais quel enfoiré je fais ! je lance après m’être repris. Permets-moi de corriger mon erreur et de t’offrir le diner que tu mérites tant, ce soir !
—J’accepte, même si je garde quelques séquelles dues à la persécution subit. elle répond toujours boudeuse.
— Dis, t’en fais pas un peu trop là.
—Han-han. elle fait l’air mutin.»
Je secoue la tête et la rejoins à la porte d’entrée, que j’ouvre pour la laisser passer.
« —Une idée du restaurant ?je lui demande en cherchant mon téléphone.
—Non pas spécialement, je te laisse choisir… Qu’est-ce qu’il y a ?
—Je me disais bien que c’était étrange ce silence toute cet après-midi. je dis en tapotant ma veste. Je crois que j’ai laissé mon téléphone portable sur mon bureau. Tiens, prends mes clés de voiture et attends-moi je serai rapide.
—Je ne suis pas aussi affamée que ça. Je t’accompagne, allons le récupérer. »
Nous prenons le chemin inverse, menant aux escaliers que nous empruntons en discutant jusqu’à l’étage où ce situe mon bureau.
« —Attends mais Betty tu es encore là ?
—J’avais quelques dossiers à trier, puis je devais mettre ton agenda à jour et répondre à certains messages qui attendaient depuis plusieurs jours.
—Betty il est 19h, tout le monde est rentré, tu ne devrais plus être ici !
—Je finis ça et je pars. elle répond en pianotant sur son clavier.
—Non, je vais récupérer mon téléphone dans mon bureau et à mon retour, je veux que tout soit éteint !
—Okay. »
Je pénètre dans mon bureau avec Irène sur mes pas.
Je retrouve mon téléphone sur mon bureau comme je m’en doutais, en profite pour vider mon attaché-case de quelques dossiers, puis retourne vers le poste de Betty.
« —Betty ?
—Je ne suis plus là. C’est n’est pas vraiment moi que tu vois mais mon spectre.
—Elle est pas mal celle-là. ricane Irène. C’est une assistante comme elle qu’il me faudrait.
—En attendant, elle est à moi et tu ne me la débusqueras pas ! »
Elle sourit tout en poursuivant son rangement et je l’invite de nouveau à rentrer chez elle en me laissant le soin de tout ranger, ce qu’elle finit par accepter après une dizaine de minutes de pour parler.
« —Il devrait y avoir plus de patrons comme toi ! lance Irène alors que nous rejoignons ma voiture.
—Que veux-tu, je suis exceptionnel. je la taquine en la devançant pour lui ouvrir la portière. On en fait pas deux comme moi.
—C’est vrai. elle marmonne. »
Nos corps sont à quelques centimètres, une distance si proche que je peux sentir la douce chaleur du sien malgré les tissus qui nous séparent. Mon corps se tend vers elle , qui semble tout aussi réceptive et désireuse que moi. Je me rends compte que le temps est plutôt doux quand son souffle chaud vient caresser mes lèvres. Ce que je m’apprête à faire n’est pas une bonne idée, me crie mon esprit, mais je n’ai pas la force, ni l’envie de faire marche arrière. J’ai envie de goûter à ses lèvres qu’elle me présente comme une offrande. Je veux me rappeler de leur forme, de leur texture, de leur goût. Et je préfère miser sur elle pour tout arrêter. Mais elle n’en fait rien.
Je presse mes lèvres contre les siennes, sans trouver de barrières et glisse ma langue qui rencontre la sienne, tiède et lisse. Enfin je goute à l’objet de mes pensées depuis plus de trois semaines. L’envie de la prendre dans mes bras, la plaquer contre moi afin de ne faire qu’un avec elle me revient en tête à mesure que ce baiser s’approfondit. Ses mains se retrouvent sur ma nuque et m’attirent un peu plus vers elle, tout comme son corps. Je finis par l’enlacer…
« —Oh ! Excusez-moi. »
La voix, que je reconnais comme étant celle de Betty, m’éloigne d’elle à regret et je prends sur moi pour me tourner vers Betty comme s’il ne s’agissait de rien.
« —Je pensais que tu étais déjà partie ? je lui dis avec tout le calme que j’ai réussi à réunir.
—J’étais partie aux toilettes. elle répond gênée. Je vous laisse. Bonne soirée.
—Bonne soirée Betty. »
Je compte mentalement jusqu’à cinq avant de me tourner vers Irène qui a déjà remis de l’ordre dans sa présentation et s’est éloigner de moi qu’un bon mètre.
« —Je suis désolée. elle dis en passant ses doigts sur ses lèvres, la tête tournée vers sa droite.
—C’est moi qui m’excuse j’aurais pas dû…. Mais j’en avais envie depuis un moment. j’avoue »
Elle lève vers moi ses grands yeux en amandes, dénués de tout maquillage, et qui lui donne cet air juvénile. J’y perçois ce sentiment que j’ai vu quelques minutes plutôt dans la salle de réunions et le décrypte enfin lorsque, marmonnant probablement pour elle-même, je lis sur ses lèvres.
« —Si seulement tu n’étais pas marié. »
*
* *
Totalement confus par la fin de cette journée, je klaxonne à plusieurs reprises pour qu’Ismaël vienne m’ouvrir le portail, ce qui tarde un peu.
J’éteins le moteur, retire la clé de contact, puis sors du véhicule où des brides d’une discussion houleuse me parviennent à l’oreille. J’entre rapidement par le petit portail et trouve Tiya en pleine altercation avec le Germain, notre voisin qui semble vouloir lui porter main, et Ismaël entre eux, essayant vainement de tempérer les choses.
« —Qu’est-ce qu’il se passe ici ? je demande plus pour prévenir de ma présence et ainsi calmer Germain, ce qui fonctionne. »
Les yeux injectés de sang, l’écume aux lèvres, il continue de menacer Tiya sans toute fois tenter de la violenter. Mais ses poings fermés, et ses muscles bandés me disent qu’il ne réussira pas à se contrôler bien longtemps si elle continue de garder cet air insolent et moqueur qui lui sied tant.
« —Ismaël, rentre ma voiture, elle est devant le portail. je lui ordonne en prenant sa place tout en tendant mes clés de voiture.
—Okay patron. »
Il récupère mes clés, puis ouvre le grand portail avant de se diriger vers ma voiture.
« —Je repose ma question. Qu’est-ce qu’il se passe ?
—Je n’ai pas de problème avec vous. il commence, l’index menaçant pointé vers moi. Mais on va en avoir si votre femme ne me dit pas tout de suite où se trouve la mienne.
—Et encore une fois, je vous informe que je ne sais ab-so-lu-ment PAS où elle se trouve. elle articule faussement peinée. Je suis tellement désolée de ne pas pouvoir vous venir en aide. Snif-snif. »
La manière dont elle prononce cette interjection parait être la goutte d’eau qui fait déborder le vase déjà trop plein de Germain. Il tente de se lancer sur Tiya en l’invectivant, mais je fais place devant Tiya et pars chacun de ses coups avant de le repousser violemment.
Je suis de nature calme et préfère le dialogue à toute forme de violence, mais lorsqu’on me cherche un peu trop, on finit par me trouver. Et lui, il vient de me trouver.
Qu’il essaie de s’en prendre à Tiya dans notre cour alors que je ne suis pas là, c’est un comportement que je tolère moyennement, mais qu’il tente de la violenter alors que je suis présent et n’hésite pas à agir comme si je n’étais qu'un gardien, et non le propriétaire des lieux et accessoirement le mari de la femme qu’il veut tabasser, c’est un comportement que je ne laisserai pas passer.
« —Elle sait où se trouve ma femme ! il hurle en pointant Tiya de l’index alors que je l’immobilise fermement par le col. »
Je me tourne vers Tiya qui est maintenant sur le perron les bras croisés, mais l’expression moqueuse toujours sur le visage. Pire, un sourire narquois étire ses lèvres en coin, mais je ne me base pas dessus et lui pose à mon tour la question.
« —Est-ce que tu sais où se trouve sa femme?
—Je viens de le dire ! Je ne sais pas où elle est ! Peut-être qu’elle est partie faire des courses. elle suggère en haussant ses épaules. »
Un an et quelques mois que je suis marié avec Tiya, et le moins que l’on puisse dire c’est que les débuts ont été rudes. Différentes de toutes les femmes que j’ai pues connaitre avant elle, j’ai du pour réussir à cohabiter avec elle, apprendre à la comprendre. Pour ce faire, j’ai passé beaucoup de temps à l’observer. Et c’est durant ce temps que j’ai remarqué qu’elle avait plusieurs tics de comportement, suivant les situations dans lesquelles elle se trouvait. Par exemple, elle se ronge les ongles quand elle est préoccupée, joint ses mains entre elle et tournoie ses pouces lorsqu’elle est impatiente et se mord discrètement la lèvre inférieure lorsqu’elle ment. C’est presque imperceptible, parce qu’elle s’humecte souvent les lèvres, mais j’ai su le voir. Tout comme j’ai su voir, à l’instant, qu'elle mentait.
Sans la reprendre sur son mensonge devant Hermain, je lui ordonne de rentrer dans la maison, ce qu’elle fait sans se faire prier puis je reporte mon attention sur Gildas et l’enjoins à se calmer.
« —Elle vient de te dire qu’elle ne savait pas où elle se trouvait, alors maintenant, tu vas sortir d’ici et ne plus y remettre les pieds !
—Ça ne va pas se passer comme ça ! il hurle alors que je le dirige vers le portail. Depuis que ma femme passe du temps avec elle, elle lui met des idées bêtes bêtes dans la tête, parce que tu ne la gères pas comme il faut ! C’est ta femme mais, si tu ne sais pas comment la gérer, il faut le dire ! Un bon coup de poings et je vais te la redresser moi ! »
Je le conduis jusqu’à son portail, en essayant de rester calme face aux inepties qu’il balance et lorsque je suis certain de ne pas être vu, encore moins entendu par qui que ce soit, je le mets en garde calment, tout en resserrant la pression que j’exerce sur son col :
« —Nous sommes d’accord sur une chose, il s’agit de ma femme, pas de la tienne, alors la prochaine fois que tu tentes de t’en prendre à elle, que tu essaies de toucher ou même d’effleurer un de ses cheveux, je peux t’assurer que ce n’est pas qu’un coups de poings que tu prendras. »
Et sur ces mots, je reprends le chemin de la maison, et entre dans le SAS le visage fermé. Je me débarrasse rapidement de ma veste, que balance sur le canapé avant de rejoindre la chambre où Tiya séjourne officiellement depuis son retour. J’y pénètre sans lui demander son avis et la surprend en train de fouiller l’une de ses commodes.
« —Qu’est-ce que tu cherches ? »
Elle sursaute en faisant volte face, le visage apeuré et réunit ses mains derrière elle.
« —Rien. elle me répond après avoir repris son air hautain. Et tu pourrais toquer avant d’entrée.
—Qu’est-ce que tu caches derrière toi ? Et où se trouve la femme de Germain ? je la questionne en m’avançant vers elle. »
Elle s’éloigne au fur et à mesure que j’avance jusqu’à ce qu’elle bute contre le mur, en niant savoir quoi que ce soit sur le lieu où se trouve la femme de Germain et prétextant ne rien cacher derrière elle.
« —T’as envie de me prendre pour un con ce soir ?
—Mais je ne sais réellement pas où elle se cache et à supposer que je sache où elle est partie, je ne dirais rien. Elle était victime de violences et il agissait avec elle comme si elle n’était qu’une vulgaire chose à sa merci. Il était temps qu’elle reprenne les choses en main et si elle est partie, j’espère que c’est pour ce but.
—….
—Mais c’est à supposer. En vrai je ne sais rien, parce que je te rappelle que tu m’as interdit de m’immiscer dans leur histoire de couple tu te souviens ? »
Elle ponctue sa phrase d’un petit sourire triomphant, qui finit de me confirmer qu’elle sait où se trouve la femme de Germain.
« —Qu’est-ce que…Dylan ! Non, mais Dy ! »
Je réussis à m’emparer des documents qu’elle cachait derrière elle et découvrir qu’il s’agit d’un circuit touristique dans une ville au Bénin pour deux personnes.
« —Je nous ai offert une excursion à Emeraude et à moi-même ! Voilà, maintenant tu le sais. Je peux récupérer nos billets ? elle m’ordonne la main tendue, ce que je fais. Merci et maintenant, je te prie de bien vouloir sortir de ma chambre ! »
Je ne cherche pas à discuter plus longtemps avec elle, ça ne servirait à rien. Depuis son retour et le semblant d’explication que l’on a eu dans le SAS, nos rapports sont tous ce qu’il y a de plus cordiaux, mais on ne prend plus la peine d’essayer, ni même de faire semblant. Je me suis surpris à m’avouer aimer que les choses soient différentes. Qu’elle corrige mes propos en m’avouant vouloir essayer…parce que moi, j’étais prêt à le faire. J’avais même commencé… Mais ce n’est plus d’actualité.
Je quitte sa chambre comme elle me l’a demandé, et rejoins la mienne où je vais m’allonger sur mon lit, et laisse remonter les derniers épisodes de la soirée. Les souvenirs de mon baiser échangé avec Irène dans le parking, puis de l’altercation avec Germain, et enfin ce pseudo dialogue avec Tiya s’entrechoquent dans ma tête, pas forcément dans l’ordre de déroulement. Je repense aux paroles d’Irène, qui correspond tellement au genre de femmes avec lequel je me voyais finir mes jours puis je vois Tiya et son tempérament de feu auquel j’ai fini par m’accoutumé mais pour rien puisque rien, que ce soit bon ou mauvais, ne peut sortir de cette union fictive qui nous lie.
*
* *
Je m’attendais tout mais pas à ça..Vraiment pas. C’est tellement…
Assis sur une chaise le regard absent, j’essaie d’accuser le coup mais, là. C’est trop me demander, c’est trop me demander.
« —Dylan, je t’en prie, ressaisie-toi ! me murmure Irène à mes côtés. »
Elle glisse une de ses mains dans la mienne et la seconde caresse doucereusement ma joue, pour m’inciter à rester positif mais c’est peine perdue.
« —Ça va aller, ce n’est rien…. »
Elle n’a pas idée de ce que ça représente et de l’ampleur des dégâts. Pourtant, je ne suis pas de nature pessimiste mais là….
« —J’ai besoin de prendre l’air. je lance, en me levant d’un bond !
—Je t’accompagne.
—Non, là… j’ai besoin d’être seul…. M’en veux pas mais…
—Je comprends, ne t’en fais pas. Vas-y. »
Sans jeter un regard en arrière, je me roule dans la ville sans destination précise mais avec la seule ambition de prendre de l’air.