Chapitre12

Write by Annabelle Sara


   

« Tu as quoi ? », s’écrièrent Cassie et Pierre en regardant Stéphane interloqués.

  « Que vouliez vous que je fasse, depuis quelque temps tu me plantes au beau milieu du travail ou d’un rendez-vous pour retrouvez une femme mystérieuse et quand je te pose une question sur son identité tu te dérobes… et avant-hier je te vois sortir du centre commercial les bras chargés de provisions et tu es avec qui… Mlle Esso, que voulais-tu que je pense de cela ? »

  « Tu aurais tout simplement dû me demander au lieu d’agresser Victoire de la sorte, il est vrai nous sortons de temps en temps ensemble… »

Le regard de Stéphane devint subitement sombre, cette lueur Pierre et Cassie l’avaient déjà vu, ils se jetèrent simultanément un regard, intrigués par la réaction exagérée de Stéphane.

  « Mais il n’y a rien de sentimentale entre elle et moi, même si c’est une femme très belle je ne crois pas que je sois son genre ! », déclara Pierre en lançant de temps à autre des regards en coin à Cassie qui était couchée sur son lit d’hôpital.

  « Alors qui est cette femme ? Depuis quelques temps tu te comportes comme si tu as trouvé la femme de ta vie, qui est-ce ?», demanda Stéphane de but en blanc.

« Attends avant tu… Peux tu me dire ce que cela te ferais si Pierre et Vicky étaient ensemble, je croyais que tout ce qui concerne cette femme ne te touchait pas ? »

Le frère de Cassie hésita une minute ne sachant pas trop quoi répondre à sa sœur.

  « Pourtant ce qui concerne Pierre me touche et tu le sais très bien… cette femme est loin d’être ce qu’il faut à un homme qui veut se poser ! »

  « Heureusement elle n’est pas pire que celle que tu voulais prendre comme épouse ! », lança-t-elle voulant le provoquer. « Tu la juge sans la connaitre ! Et saches que si elle est autant proche de Pierre… c’est parce qu’elle jouait les entremetteuses en ouvrant les yeux de cette femme qu’il aime plus que tout et qui n’est personne d’autre que moi ! »

Cassie appuya sur les derniers mots espérant qu’ils auraient l’effet escompté.

Stéphane crut être prit dans un tourbillon en entendant sa sœur lui assener une telle massue sur la tête. Il regarda un instant son meilleur ami et sa sœur se tenir par la main, il évalua la distance entre eux et il se rappela de certaines choses qui avaient suivi l’admission aux urgences de Cassie, de l’anxiété et de la colère mal refoulé contre le monde entier de son pote quand elle était en salle d’opération…

  « Vous ? »

Il était surpris.

  « Ça va faire deux mois… je suis désolé on aurait dû t’en parler… », commença Pierre en s’approchant de son vieil ami.

Mais Stéphane ne l’écoutait plus il se détourna et sortit de la chambre de sa sœur en trombe tandis que Pierre et Cassie criaient son nom en chœur.

Comment avaient-ils osé lui faire ça à lui ? Pierre et Cassie ensemble et il était le seul qui n’en savait rien.

Victoire était certainement morte de rire en le plantant hier dans le bureau où ils s’étaient disputés. Et lui qui s’imaginait des choses sur elle et Pierre.

Ce qui le mettait hors de lui c’est de savoir qu’il avait été inutilement jaloux de Pierre et qu’il ne voulait plus jamais avoir à vivre ça. Il allait tout faire pour ne plus ressentir cette jalousie qui risquait de lui rendre la vie impossible. Il le fallait à tout prix !

     

  « Alors ma puce tu veux, ce sac ? » s’enquit Victoire en caressant les cheveux de la petite fille qui regardait fixement un petit sac fait en laine de couleurs verte et jaune, avec un cœur immense au milieu.

« Mais je n’ai pas assez d’argent ! », répliqua la petite sans sourire visiblement contrarié par sa situation.

Son regard fit sourire Vicky qui ne résista pas et décrocha le petit sac.

  « D’accord, on va faire un troc, ça te va ? »

  « Je ne vois pas trop ce que je vais vous donner en échange ! », déclara la petite intriguée.

  « Moi si, tu me fais un gros bisou et je te donne le sac… surtout avec le sourire, marché conclu ? »

L’enfant hésita une minute, puis sourit au mannequin.

  « Marché conclu ! », lança-t-elle toutes dents découvertes.

Elle ne se fit pas prier et donna au mannequin un baiser résonnant sur une de ses joues et Vicky lui tendit l’autre, celle là reçu le même traitement et elle obtint sa récompense. On pouvait lire sur le visage de la petite la joie de posséder un tel objet qu’elle n’aurait surement pas dans des circonstances normales. Elle s’en alla en sautillant. En se retournant Victoire, se rendit compte que tous les regards étaient fixés sur elle, certains étaient surpris par son attitude envers cet enfant mais d’autre ne l’était pas du tout connaissant le grand cœur du mannequin.

  « A ce rythme nous n’atteindrons pas nos objectifs ! », objecta un des responsables de l’association.

  « Ne vous inquiétez pas je vais régler cet article. », coupa Victoire en se dirigeant vers une des filles qui était à la caisse. « Quel rabat-joie ! »

La présence de Victoire dans ce stand était due à  la visite des cadres de La Crête et des entreprises EDANG BROS. Elle devait donner son soutien à la maison pour qu’ils puissent passer un accord de partenariat. Elle voulait que chaque fille puisse bénéficier d’un emploi au moins de trois mois pour qu’elles puissent mener à bien leurs projets personnels.

Ils firent une entrée des plus fracassantes. En tête de peloton, elle reconnu la mère de Stéphane, Pulchérie suivit de près par sa sœur. Ange et la quinquagénaire semblait bien s’entendre malgré tout ce que Cassie avait dit sur sa mère, Angèle en avait fait une pseudo complice en l’impliquant bien plus que nécessaire dans son projet de restructuration de La Crête.

  « Victoire ! », s’exclama cette dernière en se dirigeant vers la jeune femme et en lui donnant deux baisers sur les joues.

  « Heureuse de vous revoir Pulchérie ! »

La  doyenne de la famille Edang, qui régnait un peu sur sa famille comme une « Mama » italienne jeta un coup d’œil autour d’elle.

  « C’est pas mal ! Il y a de vrai bijou ici, je crois que votre sœur a eu raison de vous proposer ce travail, C’est du beau travail que je vois là ! »

  « C’est un honneur que vous appréciez le travail des femmes ! », répondit Vicky. « Je vous  fais faire le tour pendant que Caïn s’occupe des hommes ! »

Elle leur montra toutes les créations des filles, l’inventaire des matières utilisées. La veuve Edang fut très impressionnée par le travail des femmes de l’association et elle semblait très heureuse de découvrir ce qui était déjà fait pour leur permettre d’être indépendantes.

Victoire tellement concentrée dans la présentation des produits et des compétences des femmes, elle ne se rendit pas compte que d’autres personnes s’étaient greffés à son petit groupe, et que c’est dernier l’écoutait avec beaucoup de concentration. Lorsqu’elle s’en rendit compte, elle décida de donner la parole à une des membres de l’association pour meilleure illustration de leur travail.

En ce retirant, elle aperçu une silhouette qu’elle reconnu. Sachant que sa présence ici n’était pas hasardeuse, elle décida de le suivre pour éviter un scandale qui risquait de  lui  coûter son partenariat avec La Crête.

Comment avait-il osé pointer son nez dans ce lieu à un moment pareil ! Il semblait sortir par la porte de derrière. Quand elle traversa celle-ci, une main l’agrippa avec une telle violence qu’elle cria.

  « John qu’est-ce qui te prends, lâches moi je croyais avoir été clair quand je t’ai dit de ne plus m’approcher ! », siffla-t-elle en se dégageant de la pression de son bras qui la meurtrissait.

  « Et moi je t’ai dit que je ne pouvais pas t’oublier ainsi aussi facilement, Vicky chérie peux-tu seulement savoir ce que tu fais naitre en moi ? »

  « Je ne veux pas le savoir et quand je te le dis crois moi, je le pense, tu n’as pas le droit de me suivre comme tu le fais tu peux avoir toutes les femmes que tu veux… »

  « Comme tu le dis si bien, j’ai toutes celles dont j’ai envi ! », cracha le photographe en l’attirant brusquement à lui, essayant de prendre ses lèvres férocement.

Victoire détourna la tête et posa ses mains sur son torse pour le repousser, peine perdue il était physiquement plus fort qu’elle.

  « Ne me touche pas… espèces de… non ! »

  « J’ai soif de toi… »

  « Massa… Vas boire de l’eau ! »

Victoire sentit une pression sur son épaule qui l’écartait de son assaillant, et brusquement elle se retrouva plaquée sur un autre torse bien plus imposant que celui de John.

  « Dickson ! Je crois que la demoiselle a dit non ! », lança une voix qui glaçait le sang de la jeune femme chaque fois qu’elle l’entendait.

  « Ne vous mêlez pas de ça, vous ne savez pas… »

  « Oh ! Mais je vais me gênez. », ajouta-t-il visiblement en train de perdre patience.

Victoire sentit les fibres du torse se contracter  chaque fois qu’elle s’en approchait un peu trop et que son dos se frottait imperceptiblement contre la personne qui était venu à son secours, le pire c’est qu’il la tenait par la taille elle était donc littéralement collée à lui et pouvait ainsi ressentir toute la chaleur de son corps contre le sien. Cette position ne lui convenait guère et pourtant elle se sentait si bien.

  « Je vous conseille de partir, de vous fondre à la foule et de ne pas attirer l’attention sur vous ! », menaça ce dernier tandis que l’autre s’en allait sans faire de bruit.

  « Tu entendras parler de moi ma belle ! », lança-t-il dans son dos.

Victoire ferma les yeux remerciant le ciel que les deux hommes n’en soient pas arrivés aux mains. Elle décida à contre cœur de s’écarter du corps chaud qui pendant quelques instant lui a  servi de refuge. Jamais elle ne s’était sentit aussi bien…

  « Merci d’avoir intervenu, je ne sais pas comment j’aurais fait si vous n’étiez pas là ! », murmura-t-elle sans osé se tourner vers lui.

  « Vous ne devriez pas fréquenter des gens comme Dickson, je me demande comment il a bien pu être votre amant… »

Victoire ne se fit pas prier, elle ne voulait pas avoir cette conversation donc elle se retourna et se dirigea vers la porte, elle ne voulait plus se battre avec cet  homme. Dieu seul sait à quel point c’est difficile pour elle d’encaisser tous les coups qu’il lui assène,  de rester loin de lui, et de le tenir à distance.

Elle ne fit pas deux pas, il la retint par le bras et l’attira brusquement contre lui, curieusement ce geste était dénué de violence. Et lorsqu’il la plaqua contre son torse, cette fois en lui faisant face, elle faillit défaillir.

  « Je n’ai pas dis ça pour vous blesser… », commença-t-il d’une voix rauque qui résonnait comme un doux murmure à son oreille.

Il l’a regardait droit dans les yeux et il y avait ce truc qui disait fait gaffe.

Elle savait ce qui allait arriver et une petite voix dans son fort intérieure lui criait de ne pas le laisser faire, elle essaya donc de s’écarter en s’arrachant à lui.

  « Laissez-moi… Je ne suis pas une femme pour…»

Elle n’acheva pas sa phrase. Les lèvres de Stéphane empêchaient tout son de sortir de sa bouche. Il pressait sensuellement sa bouche contre la sienne sans chercher à violer son espace comme lors de leur premier baiser. Il semblait vouloir l’amener à prendre l’initiative toute seule. Il voulait qu’elle puisse s’écarter dès que l‘envie lui prendrait ou alors de l’inviter à aller plus loin. Les battements du cœur de Stéphane, sous la main de Victoire décidèrent à la place de sa raison. Elle lui ouvrit la porte des douceurs de sa bouche en lui offrant ses lèvres et en l’accueillant dans un soupir langoureux.

Ils engagèrent ainsi un long ballet sensuel très lent qui arracha à Victoire un gémissement et qui poussa Stéphane à resserrer son étreinte.

  « Vous avez les lèvres les plus douces que je connaisse… Seigneur pourquoi me faites-vous cet effet Victoire ? »

La réponse que lui donna la jeune femme se traduit par un gémissement qui encouragea Stéphane qui en appuyant un peu plus son baiser laissa ses mains explorer les courbes du corps de Victoire, elle était fine dans ses bras comme une plume légère. Elle ne résista pas à ces caresses et se laissa complètement aller. La chaleur du corps de cet homme donnait le tournis à Vicky, elle n’avait jamais ressentit une tel communion avec aucun des hommes de sa vie, et il fallait que ce soit avec celui-ci en particulier.

Stéphane Medou, l’homme dont sa sœur rêvait…

Sans réfléchir Victoire mordit Stéphane sur la lèvre inférieure.

Il s’écarta dans un gémissement de douleur.

  « Pardon… », s’excusa-t-elle en lui touchant la bouche à l’endroit où elle l’avait mordu. « Je suis … désolée ! »

Sans s’en rendre compte elle caressait la lèvre meurtrie elle était rouge là où elle avait mordu. Elle ne se rendit compte de son geste que lorsqu’elle aperçu une lueur dans les yeux du jeune homme, elle s’écarta brusquement et cacha la main rebelle dans son dos.

  « C’est la deuxième fois que vous faites un geste que vous regrettez aussitôt après, d’abord une gifle et cette fois vous me mordez ! », déclara Stéphane amusé mais gardant cette lueur effrayante dans les yeux.

  « Je croyais qu’on avait convenu qu’on … que ça … »

  « Croyez vous vraiment que nous pouvons contrôler ce qui nous pousse dans les bras l’un de l’autre ? »

  « Vous allez devoir… vous ne pouvez tout de même pas penser ce que vous dites, vous qui êtes à cheval sur la morale et tutti quanti… »

  « Je ne comprends pas… »

  « Il n’y a rien d’autre à comprendre, vous et moi c’est impossible autant qu’une poule avec des dents ! »

Sur ce elle fit volte face et s’enfuit aussi vite que ses jambes pouvaient la porter.

       

Stéphane observait Victoire de loin, il n’osait s’approcher d’elle, de peur que l’envie pressante qu’il a d’elle ne le pousse à poser un acte déplacé dans le stand d’exposition de l’association des femmes qu’elle parrainait.

Il ne savait toujours pas pourquoi cette femme faisait naitre autant de sentiments en lui, sans compter le désire apparent qu’il avait d’elle, elle le rendait malade de colère à cause de toutes les bêtises de starlette qu’elle avait fait dans sa vie, mais surtout elle le rendait vert de jalousie chaque fois qu’elle affichait une quelconque attention à un membre de la gent masculine.

Jamais une femme n’avait provoqué en lui autant de réaction en même temps, pas même la rouquine du lycée dont il était fou amoureux quand il avait quinze ans. Il sourit en la voyant se plier en quatre pour prendre une photo avec une jeune femme qui avait la moitié de sa taille.

  « C’est une très belle femme ! », lança une voix dans son dos.

Il se retourna et tomba sur le regard inquisiteur de son oncle qui c’était joint à la sortie des cadres pour se faire sa propre idée sur la question du partenariat avec l’association.

  « Si on veut ! », répondit Stéphane qui voulait son ton le plus détaché possible.

  « Si je vois bien tu n’es pas un grand fan ! »

  « Pourquoi le serais-je c’est une femme qui prend tout avec une trop grande désinvolture comme si ce que les gens pensent d’elle lui importait peu ! »

  « Crois tu vraiment que si on tenait toujours compte de ce que « on dit » on arriverait à vivre sa vie comme on l’entend ? Laisses moi te dire que ce comportement a valu a ton père une vie d’enfer et de désolation, à mon humble avis c’est aussi le cas de ta maman ! »

Stéphane qui semblait comprendre les paroles de son oncle le  regardait  avec beaucoup d’intérêt.

  «Ces messieurs sont-ils satisfaits ? », s’enquit Angèle qui les avait rejoints.

Les deux hommes se tournèrent vers la nouvelle arrivante. Stéphane garda les yeux sur la jeune femme qu’il n’avait pas eu le loisir de voir plus tôt.

  « Nous sommes très satisfaits et je pense que nous pourrons discuter avec le bureau de l’association, les femmes font un travail remarquable, je suppose que votre sœur et vous serez très heureuses d’apprendre cette nouvelle ! »

Angèle eu un rictus que Stéphane ne reconnut pas, il avait l‘impression que toute cette histoire ne lui plaisait pas beaucoup.

  « Vous ne semblez pas très satisfaite par cette perspective, Angèle ! », dit-il en lui faisait face.

  « Non… bien-sûr que je … mais je ne crois pas que nous avons bien fait de proposer ce travail à Vicky… disons qu’elle est un peu trop occidentalisée, nous n’y pas avons pensé au départ ! »

  « Je crois que malgré ce fait elle est notre icône de la mode et qu’elle a toujours su comment représenter le triangle national dans le monde entier… de plus elle est revenu s’installer… », commença Etienne qui semblait inquiet par le changement de point de vue de sa collaboratrice vis-à-vis de sa propre idée.

  « Elle voulait raccrocher ! », déclara la sœur Esso’o cadette.

  « C’est autant à son honneur qu’au notre d’ailleurs, être les derniers à profité de son image c’est bon pour nous ! Vous devriez être fière d’avoir votre sœur auprès de vous ! »

La veuve Chedjou répondit par un sourire que Stéphane trouva factice. Mais pourquoi était elle aussi réfractaire à l’idée de travailler avec sa propre sœur, qui semblait être très professionnelle.

   


Un Nouveau Souffle