Denis Louis Onbinda
Write by leilaji
Chapitre 17
Alexander
Je la rends heureuse, ça se voit à sa manière de prendre de nouvelles résolutions plus folles les unes que les autres.
En ce moment, elle s’active à la cuisine comme un vrai cordon bleu. Elle est loin d’en être un mais bon, il faut bien qu’elle soit nulle en quelque chose. Depuis la surprise de la Pointe Denis, elle s’est mise dans la tête de prendre soin de moi sur les conseils de son amie Elle.
« Les africaines prennent soin de leur mari, elles leur mijotent de bons petits plats, c’est comme ça que ça marche depuis la nuit des temps » dixit Elle.
Et quand Elle parle, Leila écoute et applique. Je ne vais pas me plaindre pour cette belle initiative, d’autant plus que dans ma culture c’est la même chose. Mais mon estomac craint le pire à chaque fois qu’elle se met au fourneau. Le résultat de ses opérations est souvent désastreux. Elle y met tellement de bonne volonté que je ne saurais lui faire de la peine en lui disant la vérité toute crue : « Leila laisse tomber la cuisine, tu m’empoisonnes carrément là ». La dernière fois, j’ai failli me casser une dent sur une simple recette de poulet. Elle a confondu poulet et poule dure. Le marathon que ça a été pour mâcher tout ça et avec le sourire. Pour ne pas la vexer, j’ai arrêté de lui proposé des restaus à chaque fois qu’elle crame une marmite.
Et pour aujourd’hui, je crains le pire. Il parait qu’elle va nous faire un ragout de je-ne-sais-pas-quoi-de-fabuleusement-bon. Seigneur vient moi en aide !
— La table est prête, bébé.
Quand faut y aller, faut y aller. Elle a dressé la table pour deux et s’est coiffée pour l’occasion. Ses cheveux flottent sur ses épaules. Elle porte un débardeur quasiment transparent et un jean taille basse qui souligne la forme de ses hanches. Si on pouvait sauter le diner et passer aux choses sérieuses !
— Oups, j’ai failli oublier de te servir en premier, rie-t-elle en dépliant sa serviette sur ses genoux.
— Non ce n’est pas la peine, je vais me servir, ça ne me gêne pas.
— Non hors de question, s’exclame –t-elle en bondissant de sa chaise pour saisir la première la louche et la grande marmite de ragout. Il parait que c’est l’homme d’abord. Je trouve ça complètement idiot vu que c’est moi qui me suis cramée les mains dans la cuisine mais, je dois te témoigner du respect en te servant en premier.
J’ai envie de rire. Connaissant Leila, ça doit la faire chier de réciter la leçon donnée par Elle. Alors je la taquine un peu.
— T’as dû subir un véritable lavage de cerveau ma très chère. Je ne te reconnais pas. Je peux me servir je t’ai dit…
Elle me tire la langue. Ce n’est pas gagné hein, la docilité. Chassez le naturel, il revient au galop. Qu’elle me serve ne me dérange pas vraiment, d’ailleurs ça flatte mon égo qu’une femme aussi moderne et farouchement indépendante qu’elle, consente à faire quelques ajustements comportementaux.
Mais en vérité, je n’ai pas envie qu’elle me serve parce qu’elle va m’en mettre dans l’assiette jusqu’à ras bord et qu’il me faudra encore batailler avec mes dents pour tout finir. Je préfère me servir moi-même. Trop tard. Mon assiette est pleine.
— Vas-y goute.
— Je pourrai avoir un peu d’eau d’abord.
Elle me serre un verre d’eau que je vide d’un trait. Rien ne vaut un bon sous-bassement d’eau. Puis je lui demande un peu de sel, puis du piment, puis de la moutarde. Elle observe mon manège un instant puis repousse la plat qu’elle s’est servie.
— Je suis si nulle que ça ?
— Non, ce n’est pas ça. Je n’ai pas faim.
— Tu mens très mal.
— Je n’ai pas faim Leila.
Puis je prends une cuillère de ragout que j’avale quasiment sans mâcher. Ce n’est vraiment pas terrible. C’est un peu visqueux et fade. Mais elle s’améliore. Enfin, si on est indulgent !
— Tu peux aller vomir si tu veux. Ne te gêne pas pour moi.
Puis elle se lève de table, et va prendre de l’air sur le balcon. Je l’y rejoins. Un léger courant d’air fait danser ses cheveux. Elle regarde les voitures passer et semble loin. Je me colle à elle et dépose un léger baiser dans sa nuque.
— Que va-t-on faire quand la passion va s’éteindre ?
— Pardon ?
— J’ai dit que va-t-on faire quand la passion va s’éteindre ?
— Pourquoi voudrais-tu qu’elle s’éteigne ? Il ne tient qu’à nous de nourrir la flamme continuellement. Ecoute Leila, c’est juste de la bouffe. On peut sortir manger, commander si on n’a pas envie de sortir. Je peux cuisiner. Je …
— Je veux prendre soin de toi, comme tu prends soin de moi. Pour la première fois de ma vie, j’ai envie de prendre soin d’un homme et quand je le fais, je ne me sens pas rabaissée. Mais je n’y arrive pas comme je le voudrais. Le temps va passer et je serai moins belle à tes yeux, mon corps changera, je voudrais que notre relation soit basée sur autre chose que...
— Que ?
— Que le sexe, complète-t-elle d’une toute petite voix.
Je la regarde tendrement.
— Mais Leila, il n’y a pas que ça entre nous, sois en sûre. Je sais que tu n’aimes pas parler de Nathalie, mais à vrai dire, c’est elle mon type de femme et avec elle c’était vraiment rien que pour le sexe. J’ai eu beaucoup de relation je l’avoue mais avec toi c’est spécial. Tout ce que je te dis, je ne me voyais pas en train de le dire à une femme.
Elle s’agite, essaie de se dérober à mon étreinte mais je tiens bon.
— La première fois que je t’ai vu, c’est vrai, je t’ai trouvée belle et attirante et je n’ai pas compris pourquoi je n’arrivais pas à m’empêcher de te regarder. J’ai surement eu le coup de foudre sans m’en rendre compte. Mais tu sais à quel moment je suis tombé raide dingue de toi ?
— Non.
— Quand tu m’as rendu mon chèque et jeté des billets au visage pour payer le baiser que je t’avais donné. Je n’en croyais pas mes yeux. J’étais en colère mais aussi ultra excité par ton attitude. J’ai énormément de respect pour toi, ta personnalité, ton intelligence.
— C’est vrai ?
— Je ne te mentirai jamais sur ce que je ressens pour toi, et ça tu le sais.
— Je l’espère vraiment.
Elle est rassurée. C’est tout ce qui compte.
— Mais le baiser c’est moi qui te l’ai donné.
Sacré Leila. Elle veut toujours avoir le dernier mot. Finalement, on est retourné à la cuisine et on s’est remis au fourneau ensemble. On a fait une omelette, du riz et on a ouvert une bonne bouteille de vin.
****Leila****
« Et moi ? Quand ai-je commencé à t’aimer ? Bien entendu dès le premier regard échangé, j’ai été attirée par toi. Mais ça c’est bien normal, tu as un physique de rêve. Quelle fille ne serait pas attirée par toi. T’es grand de taille, athlétique, beau et intelligent. Mais quand ai-je commencé à t’aimer ? Peut-être quand tu t’es confié à moi dans le jacuzzi ? Ou quand tu as traversé la route sans regarder et que j’ai failli te perdre ? Ou quand tu m’as donné le cadenas monté sur une chainette ? En fait, je n’en sais absolument rien. Tout ce que je sais c’est que je t’aime. C’est tout ce que je sais. Quand ? Où ? Pourquoi ? Ces questions m’importent peu. »
*
**
A des milliers de kilomètres de là.
Denis
Je regarde les photos que mon indic m’a envoyées sur mon e-mail personnel et je ne peux m’empêcher de sourire.
Alexander mais qu’est-ce qui t’arrive mon frère ? Ma machine à faire du fric est en train de dérailler. Oui, Alexander est ma machine à faire du fric. Tout ce que mon frangin touche se transforme en or. C’est un bosseur né, un dirigeant hors pair, je n’en ai pas un autre comme lui pour mes affaires.
Depuis Oxford où on a fait nos études ensemble, il nous a toujours tous surclassé. Après s’être fait tabassé par les petits blancs du coin, j’ai pris soin de payer son hospitalisation quand j’ai su le fond de l’histoire. Lui l’homme à la peau blanche et aux yeux verts, aussi étranger que moi, un l’indien ! La génétique nous joue parfois de ses tours ! Puis de fil en aiguille, on s’est lié d’amitié. Je payais quasiment tout pour lui et comme il ne voulait pas se sentir redevable, il m’a aidé à faire remonter mes notes minables. Et au fil du temps, il a bossé pour deux têtes, la sienne et la mienne. Ca ne lui coutait quasiment aucun effort intellectuel de faire deux dissertations différentes sur un même sujet, deux devoirs de mathématiques financières, de statistiques… pendant que moi je m’amusais.
Quand on a eu nos diplômes, il ne savait pas vraiment quoi faire malgré les nombreux appels du pied des entreprises anglaises. Loin de son pays, de sa famille, il se sentait perdu et abandonné, surtout que la forte communauté de NRI (Non Resident Indian) présente en Angleterre ne l’aidait pas beaucoup à oublier la rupture avec les siens.
Puis pour lui changer les idées, je l’ai emmené avec moi au Gabon.
Ca a été le coup de foudre pour le pays. Il s’est mis à avoir des milliers d’idées de business en même temps. Pour lui, le Gabon avait tout pour plaire. Ses idées m’ont emballé et je lui ai fourni les fonds pour suivre son instinct. La holding Olam et ses filiales sont nés d’abord dans sa tête et il les a matérialisés avec mon argent. On a deux ou trois autres sociétés en commun mais elles ne brassent pas autant d’argent qu’Olam. Je n’ai jamais regretté mon investissement. Il dirige les sociétés en véritable virtuose de la finance et je le paye grassement pour son dévouement. Aucune famille, aucune charge, tout son temps consacré à me faire brasser des milliards dans la plus grande honnêteté.
Et comme la confiance n’exclut pas le contrôle, j’ai demandé au cabinet « The Firm » d’auditer la Holding OLAM. Le résultat est tombé : l’entreprise est florissante, pas de magouille, tout est clean. Mais tout ça je le savais déjà parce que je le fais discrètement surveiller de temps à autre.
Et là je fais de nouveaux défiler les photos sur mon écran. Il passe tout son temps libre avec elle. Elle a même emménagé dans son appartement. Ca doit donc être très sérieux. S’il y a bien une chose à laquelle il tient, c’est bien son espace personnel. Il n’a jamais supporté de vivre avec quelqu’un même pas moi qu’il considère comme son frère.
Je suis son frère. Je le protège et il me protège et là, il va droit dans le mur. Je ne peux pas le laisser faire et détruire la carrière qu’il se construit au Gabon depuis 5 ans pour … une banale histoire de fesses. Des fesses il y en a pleins partout, à ramasser gratuitement, voir même à payer. Mais pourquoi s’est-il senti obligé de s’investir comme ça ? Nous étions pourtant si semblables sur ce point. Le business d’abord, les plans cul après, pour se divertir et c’est tout.
Mon frangin est amoureux ! Alexander amoureux. Ce mec tellement guindé et sérieux qui enchainait les relations de trois mois comme moi j’enchainais les verres dans les boites de nuit ! Et tout d’un coup les congés qu’il n’a jamais pris depuis cinq ans, il les prend. Lui habituellement si discret, fait parler de lui dans l’entreprise. Il couche avec une black, je pensais qu’il aimait les blondes. Je dois remettre de l’ordre dans tout ce bazar, protéger mes intérêts et les siens.
Je n’ai peut-être pas le don d’Alexander pour gérer les affaires mais je sais quand la merde va me tomber dessus. Et là, elle va bientôt me tomber dessus. L’Etat tente d’acheter les petits actionnaires pour prendre le contrôle de la société. Il y a trop d’argent en jeu, ils veulent leur part du gâteau. Leur part de mon gâteau ! Ils peuvent toujours courir pour l’avoir.
Quand je pense que j’ai été l’auteur de leur rencontre j’ai presque envie de me foutre des coups de poings. Cette pétasse, c’est moi qui l’ai embauchée pour auditer. J’ai demandé la meilleure pour auditer, je n’ai pas demandé qu’une meuf vienne baiser ma machine à fric. Elle est quoi déjà ? Togolaise ! Père inconnu. Ils vont nous faire des enfants arc-en-ciel ces deux là ! C’est quoi ce bordel ! Merde !
Je suis tellement en colère que je pète complètement mon ordinateur. Ce coup de folie m’aide à me calmer. Je me lève et mets de l’ordre dans mon costume Armani.
Je suis Denis Louis Onbinda.
Mon grand-père est président.
Mon père était président et respecté dans toute l’Afrique.
Mon frère est président.
Je suis né dans le fric et il n’y a rien au monde que j’aime plus que le fric.
Et cette Leila Larba, je vais la faire dégager vite fait de ma machine à fric.
Il est temps que j’entre en jeu.
A suivre.
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