Des excuses ou des remerciements ?

Write by lpbk

     André… constatai-je bêtement.

     Tu attendais peut-être quelqu’un d’autre ? me demande-t-il dubitatif.

Il a l’air toujours aussi en colère qu’hier soir. Il entre sans y être invité et je ne m’y oppose pas non plus. Il me tend alors un sac en papier kraft.

     Qu’est-ce que c’est ?

     Du jus de tomate maison. Il parait que c’est excellent pour les lendemains de beuverie. Je t’ai aussi acheté un burger. Si je me souviens bien, c’est ce que tu préférais…

Il ne termine pas sa phrase mais je connais la suite. C’est ce que je préférais lorsque nous faisions la fête et que nous avions une faim de loup aux premières lueurs du jour. Assis sur le capot de sa voiture, nous regardions le soleil se lever. Très cliché, n’est-ce pas ? Mais j’adorais ce moment. J’étais tellement heureuse, en compagnie de celui que je pensais être l’homme de ma vie.

Je déballe donc mon repas et l’avale en quelques bouchées. Je n’avais pas remarqué à quel point j’avais faim avant de sentir sa délicieuse odeur. Je suis aussi ses conseils et ingurgite le jus de tomates. Il est excellent, je note de demander la recette à Marguerite la prochaine fois que je serais amenée à la voir.

Pendant tout ce temps, André n’ouvre pas la bouche. Il s’est éloigné et me tourne le dos.

     Je te remercie, finis-je par dire. Voyant qu’il ne fait pas mine de me répondre, je continue : Pour hier soir, je veux te dire merci. Merci d’être venu à mon secours, conclus-je, en cherchant mes mots.

     C’était quoi ce petit numéro ?

Mon petit numéro ? Quel petit numéro ? De quoi parle-t-il ?

Visiblement, il doit être mentaliste ou lire dans mes pensées car il ajoute, soutenant à nouveau mon regard :

     Je t’ai vu au Top. Avec Ethan d’ailleurs, termine-t-il plein de sous-entendus.

     Tu étais au Top ? m’écriai-je, décidant de ne pas relever sa dernière remarque.

     Oui, un diner d’affaires. Je t’ai vue arriver avec tes amis. Enfin si ces gens sont tes amis, corrige-t-il.

     Qu’insinues-tu ? demandai-je sur la défensive.

     Je n’insinue absolument rien. Je dis juste que lorsque mes amis sont dans un état d’ivresse aussi avancé que le tien, je m’assure qu’ils rentrent chez eux sains et saufs, il répond hargneusement.

     Pardon ? Je n’étais pas… tentai-je de me justifier.

     Tu n’étais pas ivre ? Tu te moque de moi, j’espère ? éructe-t-il en s’approchant dangereusement.

Je sens que le mal de crâne, qui me laissait tranquille pour le moment, commence à se réveiller.

     Ecoute, je pense que le moment est mal choisi pour…

     Pour discuter de tes amis douteux ou de ton petit-ami qui part avec une autre, te laissant avec un pervers que tu connaissais à peine visiblement ? me coupe-t-il, de plus en plus fielleux.

     S’il te plait, André, le suppliai-je.

     Non, tu vas devoir t’expliquer car je ne bougerais pas d’ici avant que tu n’aies éclairé ma lanterne.

     Je… commençai-je, platement avant de sentir la colère monter en moi tel un raz-de-marée. Pour qui te prends-tu, au juste ? Pour mon père ? Je te signale que tu ne l’aies pas.

     Heureusement pour toi, me contre-t-il sur le même ton, car je te jure que je t’aurais mis une sacrée fessée à l’heure qu’il est.

J’en reste bouche bée. Je ne m’attendais pas du tout à cette réaction de sa part. Je profite qu’il me tourne à nouveau le dos, cherchant apparemment à se calmer pour reprendre, moi aussi, contenance.

     Je n’ai pas d’explication à te devoir, André, repris-je patiemment. Tu m’as embauchée pour le mariage de ta sœur. Je suis donc ton employée et rien d’autre. Je n’ai aucune obligation envers toi, sauf celle de te rendre des comptes dans le cadre de mon travail.

     Alors, je te signale qu’à l’heure qu’il est, nous devrions être en train de faire le point avec Anaïs et Olivia au sujet des fleurs choisies, rétorque-t-il posément.

Il se tourne pour me faire de nouveau face, affichant un petit sourire satisfait.

André : un. Mélanie : zéro, semble-t-il me narguer.

Il m’énerve. J’ai envie de lui en mettre une. D’autant plus qu’il a raison.

     Je vais appeler ta sœur et m’excuser. Je comprendrais que vous ne vouliez plus faire appel à mes services…

     Ne dis pas d’âneries, s’emporte-ti-il. Olivia ne jure que par toi et ce n’est pas parce que tu as loupé un petit rendez-vous qu’elle t’en voudra. De toute façon, je lui avais envoyé un message hier soir disant que tu ne viendrais pas ce matin.

     Tu as quoi ?

     Tu peux juste me remercier, réplique-t-il condescendant. J’ai aussi prévenu Anaïs. Dans tous les cas, tu as ta journée.

     Qu’en sais-tu ? lançai-je. Je n’ai pas que le mariage de ta sœur à organiser !

     Je le sais parce que tu vas annuler tes rendez-vous pour te reposer.

     Je ne pense pas, non.

Mais pour qui se prend-il ? il a cru que j’allais lui obéir au doigt et à l’œil ?

     Je pense que tu vas le faire. Tu as besoin de te reposer après ce que tu as vécu hier soir et je pense que ta migraine ne vas pas te permettre d’être au summum de tes capacités, n’est-ce pas ? ajoute-t-il, doucereux.

André : deux. Mélanie : toujours zéro.

     Tu n’as pas changé de ce côté… marmonnai-je, agacée.

     Que veux-tu dire ? me demande-t-il, soupçonneux.

     Tu es toujours aussi suffisant, crachai-je. T’attendant à ce que tout le monde fasse ce que tu désires, sans opposer aucune résistance. A ce que tout le monde soit à tes pieds parce que tu es le grand et beau Felton André, le tombeur de ses dames, conclus-je les bras levés.

     Je pense que tu devrais t’arrêter là, Mélanie, m’ordonne-t-il doucement.

Mais je ne l’écoute pas et continue sur ma lancée :

     Et si je ne veux pas annuler mes rendez-vous, que vas-tu faire, André ? Me mettre aussi une fessée ? lançai-je, provocante.

     J’en ai terriblement envie… grogne-t-il la voix rauque. Mais je ne profiterais pas de la situation.

Voyant son regard me détailler, je baisse les yeux sur ma personne et aperçoit ma serviette, gisant lamentablement à mes pieds. Je rougis et n’ose relever la tête, de peur de croiser son regard inquisiteur toujours braqué sur moi.

     Est-ce-que tu peux t’habiller ? me prie-t-il, sa respiration étant devenue saccadée. Je ne suis pas un saint, je pense que tu la sais. Et si tu ne fais rien rapidement, je ne répondrais plus de moi.

Je me sens rougir et me baisse pour ramasser ma serviette dont je me drape avec toute la dignité qu’il me reste.

     Je crois que je vais y aller, reprend André après s’être éclairci la gorge. Je… Nous reparlerons de tout cela demain. Je passerais te chercher vers dix-neuf heures, si cela te convient.

Ces dernières paroles me sortent de ma torpeur honteuse et me font relever la tête.

     Pardon ? Pourquoi viendrais-tu me chercher…

     Tu n’as pas oublié que je dois me faire pardonner pour l’incident avec Jacques, le cuisinier ? me taquine-t-il, me lançant son premier vrai sourire depuis son arrivée.

A cet instant, il semble gêné mais je sens qu’il me désire. Je suis flattée car depuis la dernière fois que nous… ayons été intimes, mon corps a beaucoup changé mais visiblement, cela ne lui a pas déplu. Je le détaille à mon tour et essaie de l’imaginer nu. Malheureusement, il continue sa tirade, me tirant de mes pensées :

     … convenu que je passerais te chercher pour aller diner ensemble et que je t’en apprendrais plus sur Olivia. En même temps, tu m’expliqueras ce qu’il s’est passé hier soir…

Voyant que je m’apprête à riposter, il se sauve comme si tous les chiens de l’enfer étaient à ses trousses.

 

Finalement, je décide de suivre son conseil.

J’appelle les Diwouta et prétexte être malade pour annuler notre rendez-vous. Il s’agissait de revoir le planning de leur journée. Etant donné qu’il est parfait en tout point, je ne m’inquiète pas trop. Sidonie semble plus contrariée par le fait que je sois « malade » que par ce contretemps.

     Vous en faites tellement ! s’exclame-t-elle. Il fallait se douter que cela arriverait à un moment ou à un autre. Prenez le temps qu’il vous faut et remettez-vous. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, n’hésitez pas à appeler. Voulez-vous que je vous concocte mon fameux bouillon de carpes ? Il fait des merveilles, m’affirme-t-elle.

Après l’avoir chaleureusement remerciée pour sa proposition, je raccroche et appelle Anaïs. J’ai le droit au même topo que Sidonie à quelques variations près.

Je termine par Olivia. J’avoue que c’est l’appel que je redoute le plus car j’ai peur qu’elle pense que j’étais en rendez-vous avec André et qu’elle se fasse des idées.

     Mélanie ! Comme je suis contente de t’entendre. André m’a prévenue hier soir que tu n’étais pas dans ton assiette alors je me suis inquiétée.

     Ce n’est rien, tentai-je de la rassurer. Un petit microbe de rien du tout. Un peu de repos et il n’y parait plus.

     Tu es sûre ? J’ai su, de source sûre, qu’André était venu te voir ce matin. Le connaissant, ce que tu as ne doit pas être anodin, termine-t-elle laissant sa phrase en suspens.

Je ne sais que répondre. J’ai peur de dire une bêtise qui relancerait l’imagination d’Olivia quant à une possible idylle entre son frère et moi. je décide finalement de faire la sourde oreille et de reprendre sur un terrain plus professionnel :

     Quoi qu’il en soit, si tu es disponible, j’ai déjà vu avec Anaïs pour arranger un nouveau rendez-vous demain dans l’après-midi.

     Parfait, me répond-elle n’insistant pas.

Nous convenons de l’heure pour nous rejoindre car elle souhaite me montrer quelques idées qu’elle a trouvé ici et là sur la toile. Lorsque je raccroche, je sens que ma tête est sur le point d’exploser.

Mon lit m’appelle et je ne tarde pas à le rejoindre pour tomber dans les bras de Morphée.

   
30 ans... et célibat...