DOUCE MORT
Write by Marc Aurèle
DOUCE MORT
SAM
J’essuyai l’ultime larme qui roulait sur ma joue. Je
regardai tout autour de moi, recherchant un ainé à qui confier qu’on devrait
l’amener à la morgue. Je n’eus point besoin de me prononcer. Tout porta à
croire que c’est moi qu’on attendait pour procéder. Très vite les employés des
pompes funèbres firent leur apparition et la dépouille de gran’ma fut mis en
biais et conduite vers le funérarium pour être déposé au frais en attendant les
grandes décisions.
Très vite, les formalités avaient été remplies et les
premières réunions organisées. Gran’ma et son mari avaient eu juste trois
enfants, tous installés à l’étranger et qui ne revenaient que rarement. Du lot
des petits enfants, nous étions juste deux sur le territoire du Bénin et avions
d’ailleurs très peu de contacts. Avec cette nouvelle de sa disparition, les oncles
et tantes, tant du côté de la famille CELHY, que de la famille RENE firent mis
à contributions. Mes parents, promirent rentrer sous vingt jours tandis que mes
deux autres oncles quant à eux s’annoncèrent sous les soixante prochains jours.
Les obligations professionnelles des uns et des autres ne les autorisaient pas
vraiment à faire des déplacements aussi aisément.
J’avais après les différentes rencontres qui furent
organisé et dirigé par papi Gilbert le jeune frère de gran’ma, cherché à rejoindre
mon domicile. La famille avait souhaité que la bâtisse de ma grand-mère soit
entièrement vidée, de toutes présences humaines sur les prochains cent jours. A
en croire le sage CELHY, nous devrions laisser libre cours à l’âme de circuler
et libérer les objets de la maison de sa présence. Je ne voulus point protester
et me dépêchais de m’exécuter en faisant tout fermer par le gardien. Par
contre, au moment de m’en débarrasser, elles m’avaient été confiées.
-
Toi seul est autorisé à y
entrer. Il existe un lien fort entre elle et toi et s’il y a un message à
porter à nous autres, elle te le confiera assurément. Donc tu devras venir
assez souvent, tout au moins tous les deux jours ou selon que tu en ressentes
le besoin.
Papi Gilbert avait dit ses mots en me
tendant à nouveau, le trousseau de clé de la maison que je venais de lui
rendre. Je ne me fis pas prier deux fois. Me hâtant de quitter sa présence,
tant j’avais le souci de rejoindre mon
fils. Depuis bientôt quarante-cinq jours, il est entre les mains de ma
belle-mère. J’étais dans ma bulle anti Abokpè et rien ne m’en sortais vraiment
jusqu’à l’instant précis de la mort de ma grand-mère. Je saisi mon téléphone et
tout en roulant appela suzy.
-
Salut comment vas-tu ? quels sont mes
rendez-vous du reste de la journée ?
-
Aucun ! depuis la nouvelle
du décès de gran’ma j’ai procédé à une réorganisation de votre emploi du temps.
-
Merci beaucoup. On devrait se
voir toi et moi quand déjà ?
-
Pour notre séance de prières,
normalement ce soir. Par contre Daddy, veut nous voir tous les deux. Il aurait quelqu’un
à nous faire rencontrer.
-
Qui cela peut-il bien
être ? Je vais récupérer Sam et faire les boutiques en attendant que tu
descendes pour qu’on aille chez toi.
-
…
-
J’attends donc ton coup de fil
dès que tu es rentrée stp.
Je venais de raccrocher. La nouvelle
relation avec mon assistante m’est si étrange. Elle que je trouvais très
aguichante, ne me fait plus d’effets. Depuis que j’ai compris que c’était sa
voix qui avait prié pour moi le jour où j’ai fait ma prétendue crise
d’angoisse, je l’ai prise en respect et ce de plus en plus avec les
déclarations de mamie. Je lui confie désormais plus de responsabilités au
travail, mais également beaucoup de latitude quant à son mode de
fonctionnement. Je ne sais pas encore exactement le lien entre elle et moi
quant à Abokpè, mais mon instinct me dit que cela ne tardera pas à se faire
savoir. J’avais appelé la mère de Ray pour qu’elle apprête mon champion.
Très vite, j’y étais et c’est tout aguiché
et tout guilleret qu’il grimpa à l’arrière de la cherokee. Ma belle-mère me fit
part des nouvelles de sa fille et refoula rapidement une larme qui frayait
chemin sur sa joue. Elle se porterait bien selon ses dires et surtout que son
père serait avec elle, ce n’est que rassurant.
Mon fils et moi, prirent la route. Trois
belles heures se tenaient devant nous, j’appréhendais quant aux questions qu’il
poserait au sujet de sa maman et me préparait mille et une possibilités de
réponses dans la tête. Mais j’en eu pour mon imagination d’adulte et très
soulagé j’étais quand mon téléphone vint à sonner et que l’écran afficha la
tête de Suzy. Je raccrochai presque fébrilement, invitant mon fils à finir son
cornet de glaces au chocolat. Il le fit et trente minutes plus tard je stationnais
devant l’immeuble qui abritait tant le domicile du Pasteur APPIAH que son lieu
de culte.
Je pris mon fils dans mes bras, et nous
fîmes notre entrée dans le temple.
SOLANGE
Déjà une semaine, que j’ai assisté impuissante à
l’effondrement de gran’ma dans son séjour. Elle m’avait fait appeler pour me
parler de son petit-fils. On avait fini de discuter et elle m’a demandé de lui
passer son téléphone. Je l’ai vu parler à ses enfants à tour de rôle et ensuite
demandé que l’on lui place une natte sur le tapis du séjour, pour s’y éteindre.
Lorsqu’elle s’y était assise, elle demanda que j’appelle son jeune frère pour
elle et tout surpris, je vis celui-ci entrer dans le salon.
-
J’ai eu déjà les signes. Je suis
venu aussitôt, fit l’homme en entra dans le séjour.
-
Sois la bienvenue. Comme le veux
les rites de chez nous, c’est toi qui m’introduira dans le séjour des morts,
puis que c’est moi qui t’ai devancé ici sur terre.
-
Hummm ! qu’il en soit ainsi
répondit-il tout en prononçant les panégyriques de la famille.
Je vis gran’ma se détendre, puis s’allonger
tout doucement et fermer les yeux. Je n’avais rien compris du c’est fini de son
frère quand quelques minutes plus tard il se levait, mais très vite, je me
réveillai, obligé de sortir de ma torpeur quand il se mit à passer des coups de
fils pour annoncer la mort de dame AGNES.
La mort en saisi comme bon lui semble. Il
fait les victimes au rythme qui lui semble bon, laissant dans la foulée des
orphelins directs, mais surtout des dommages collatéraux comme moi. Depuis je
vis aux aguets guettant qui viendra me demander de quitter la résidence que
j’occupe et même si la présence de Sam me rassure, mon orgueil en prend de plus
en plus un coup. Je commence par fouiller les effets de Jules pour découvrir ne
serait-ce qu’un brin de lueur. Peut-être de la razzia post mortem qu’ont
effectué ses parents, il resterait des traces d’une acquisition cachée. Je le
savais très méticuleux et surtout assez mystère donc cachotier. Je n’avais pas
de répit depuis plusieurs nuits, fouillant dans les dossiers de bureau que le service
des ressources humaines avait ramené. L’avocat de Jules s’était chargé de nous
obtenir non seulement une allocation mensuelle consistante, mais continuait de
se battre pour avoir des bourses à vie pour tous les enfants. Toutes ces choses
étaient advenues comme naturellement, mais ne me rassuraient pas pour autant,
j’avais besoin d’avoir quelque chose à quoi m’accrocher venant directement de
mon homme ou fait par moi-même. Les enfants étaient tous à l’école depuis déjà
deux heures. Il était presque dix heure et je m’étais assise au milieu du
salon, éparpillant autours de moi le contenu du carton. J’y allais
minutieusement, ne laissant aucun détail m’échapper, jouant à la détective,
soulevant chaque post it et recoupant chaque note laissé par mon défunt
compagnon. Ma progression fut très lente, mais quand même je n’avançais pas
avec des découvertes, mais je laissais derrière moi de plus en plus de
documents fouillés. Je tenais à présent en main un calepin qui semblait servir
à recueillir les rdv de mon compagnon. Des dates ainsi que des tranches
horaires suivis de noms y étaient inscrits. La chronologie y était bien
respectée et très vite les trois derniers mois de fonction de mon homme
s’étaient affichés sous mes yeux. J’en étais à la dernière page du calepin qui
depuis peu ne m’offrait que des feuilles vierges. Je revins sur les dernières
feuilles écrites pour jeter ne serait-ce qu’un dernier coup d’œil et là mon
attention se porta sur un nom qui détonnait dans tout l’ensemble. Jules avait
précédé le nom en question d’un ‘’LL‘’ comme il le faisait pour notre
propriétaire quand il tenait les comptes de la maison à la fin du mois. Je me
souvins lui avoir posé la question et il m’avait juste répondu que c’est son
indice pour désigner le propriétaire, loin des regards indiscrets dans ses
notes personnelles. Mais cette fois ci ce n’était pas le nom du vieux bougre
qui nous hébergeait que je voyais. Le patronyme indiqué revenait au moins
quatre fois sur quatre dates différentes. Les tranches horaires inscrites ne
correspondaient pas à des heures de travail pour la plupart, mais beaucoup plus
pour des tranches de fin de journée.
Alors je décidai de rechercher et trouver le
contact de ce dernier, mon cœur se serra un coup. Les hommes sont ce qu’ils
sont, qui sait peut-être que ce cachotier à une seconde famille que nous tous
ignorons ou même une garçonnière si tant est-il, je dois y voir clair.