Épisode 1

Write by Mona Lys

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***COLLINS AGNIMEL


— Un scandale ? Tu crois que c’est le moment de te le permettre ? Alors que nous sommes à un doigt de toucher les étoiles ?

— Je n’ai rien fait.

— Va le dire à la presse et on verra si ça suffit pour tout éteindre. Mon Dieu combien de fois t’ai-je dit de faire gaffe lorsque tu te coltines toutes ces pétasses ? Avec tous ces vagins sur pattes qui te courent après, il t'a fallu violer une fille de 17 ans.

— (Tapant du poing) MERDE J’AI DIT QUE JE N’AVAIS RIEN FAIT.

— Tu ne me hurles pas dessus, je suis ton père en plus d’être ton manager. C’est à moi de me taper tout le boulot pour faire passer ça. 

— Laisse les gens penser ce qu'ils veulent. Je n’ai absolument rien fait et cette gamine n'osera pas dire le contraire devant moi.

— Tu veux donc la confronter ? Pour créer encore plus de scandale ?

— Pff !!!


Je me lève du fauteuil complètement las d'entendre cet homme hurler sans cesse.


— Collins tu reviens poser tes fesses sur ce fauteuil. 

— J’ai du taf à terminer.


Je claque la porte derrière moi. Y’en a marre de toutes ces histoires. A peine une se termine qu'une autre commence. Jusqu’à quand vais-je subir encore la méchanceté des hommes ? N'ai-je pas droit à un peu de répit ? Il y a des jours où j’ai juste envie de tout envoyer balader. J’aime ce que je fais. Non, j'adore. Mais je commence à ne plus supporter tout ce qu’il y a autour. Tout ce que je désire c’est juste faire ce que j’aime et vivre ma vie comme je l'entends. Y’en a marre qu’on me dicte toujours la ligne à suivre et que ce soit les autres qui donnent une ligne de conduite à ma vie.


Je n’ai pas violé cette gamine. Elle m'a approché, m’a demandé un autographe que je lui ai donné. Après ça, basta. Là maintenant on m’accuse de harcèlement et pire de viol. Que Dieu me retire le souffle le jour où je m’adonne à de telles pratiques. J’ai toujours vécu discrètement mais les gens manigancent toujours pour me faire sortir de ma cachette. 


— Fais chier !


Je jette une énième boule de papier sur lequel je tentais en vain d’écrire un texte. Ça va bientôt faire trois mois que je n’arrive plus à copier, que plus rien ne me vient en tête. Je suis HS. Je n'arrive plus à rien. Il faut pourtant que je sorte quelque chose. Peut-être qu'une nouveauté fera taire ce scandale. Ça le pourrait mais en ce moment mon cerveau bug. Il me faut de l’inspiration. 


Je descends à mon studio. Mon frère s'y trouve à jouer avec la table de mixage. 


— Mets-moi un beat, lui dis-je. 


Je me rends dans la cabine devant le micro. Je fixe le casque et j’inspire profondément. La musique joue. Lémuel me fait signe d'y aller mais je n’ai aucune phrase introductive. De quoi vais-je parler ? D’amour ? Oui, ça c’est mon terme général. Mais quelle histoire exactement vais-je raconter ?


— Ça ne va toujours pas ? me demande mon frère.

— Non. Rien ne me vient à l’esprit.


Je le rejoins de l'autre côté et je me laisse tomber dans le divan.


— Ça fera bientôt trois mois que tu n'as rien composé. Tu n’as non plus actualisé tes statuts sur tes différents comptes. Les gens te demandent malgré tout ce qui se passe.

— Je suis off, frangin. Je crois que c’est la fin de ma carrière. 

— Ne dis pas ça. Des coups de blues ça arrive à tout le monde. Les symptômes de la page blanche aussi. En plus ton dernier tube continue de faire mouche.

— Le problème n’est pas de faire sortir un son maintenant. Le fait est que je n’ai plus aucune inspiration. Si je dois sortir un tube dans les mois à venir c’est dès maintenant que je dois composer.


Mon père fait une entrée fracassante dans le studio. Je souffle.


— J’ai organisé une conférence avec les médias, m’annonce-t-il. Tu dois t’exprimer sur cette histoire. Tes fans n’attendent que ça. 

— Je ne veux me prononcer sur que dalle.

— Non mais c’est à croire que tu t'en bats les couilles de ta carrière. Juste trois ans que tu es une star et tu veux déjà retourner dans le placard ?

— Et c’est reparti. 

— Je me démène pour sauver ta carrière et c’est comme ça que tu réagis ? Bref, je te donne ton programme. Ce soir tu as une interview avec une journaliste ici même dans cette maison. Demain dans l’après-midi tu as une prestation à La Cigale et de là tu prends l’avion pour le Brésil. Tu as un clip à tourner. Tes fans veulent des images sur ton dernier son. Prépare donc ta valise dès maintenant. Lémuel, fais de même et prépare le staff.


Il ressort comme il est entré en répondant à son portable. Je regarde mon frère. 


— Tu as quelque chose à dire ? lui demandé-je. 

— Oui, mais je ne sais pas si tu le feras.

— Dis toujours. 

— Moi je crois que tu as besoin de vacances. 


Je plisse les yeux.


— Depuis trois mois tu es surmené. Tout te tombe dessus et tu n'arrives même pas à écrire une phrase. Tu as besoin d’être un peu loin de tout le monde pour souffler et faire le point. Il te faut faire une sorte de feedback sur toi-même. Tu trouveras certainement une solution et de nouveau l’inspiration. 


Je soupire. Ce n’est pas une si mauvaise idée.


— Papa ne voudra jamais que je parte.

— Qui a parlé de lui demander sa permission ?

— Une fugue ?

— Non, des vacances. C’est toi la star et le boss. Personne ne peut t’empêcher de faire ce que tu désires.


Vu sous cet angle, il n'a pas tort. Mais bon on verra bien.


— Je serai dans ma chambre. 

— D’accord.


Je lui tape dans la main. Dans ma chambre, je reste étendu sur le lit, le regard fixé sur le plafond. Je suis dans une mauvaise passe de ma vie et je ne sais comment gérer. Au moins si j'avais encore mon arme je pourrais facilement tous les faire la fermer. Mais j’ai perdu cette arme, mon inspiration.


J’active mon lecteur. Peut-être que m’écouter me boostera. Je chante en même temps que la musique. J’ai toujours eu de l’inspiration en continu. Des textes j'en ai écrit des milliers qui font aujourd’hui du carton partout. En trois années, j’ai fait sortir deux albums de 13 titres chacun. J’ai aussi des singles. Je me suis très vite fait un nom avec mes tubes. Mais voilà que déjà je suis à bout. J'aime pourtant ce que je fais mais tout ce que je veux maintenant c’est qu’on me laisse tranquille.


On tape à la porte de ma chambre. 


— J’ai dit que je voulais qu'on me laisse tranquille. 

— C’est moi bro.

— Vas-y rentre.


Omar entre. C’est l'un de mes meilleurs amis. Il gère mes comptes Facebook, Twitter et Instagram.


— Quoi de neuf bro ? s’enquiert-il.


Nous nous tapons dans les mains.


— RAS.

— Il faut que tu te bouges parce que tes comptes sont morts. J'essaie de faire des publications pour animer mais les gens veulent te voir. Ils veulent tous une vidéo de leur idole.

— Bah, ils vont devoir attendre encore parce que je n’ai pas la tête à ça.


Il s'assoit dans le fauteuil face à moi. 


— Qu’est-ce qui ne va pas ? Ce n’est pourtant pas la première fois que tu es au cœur d’une histoire. Les gens créent tout le temps de fausses histoires sur toi. Tu en es habitué. 

— Mais là on parle de viol sur une mineure. Viol et harcèlement. Et il n'y a pas que ça. Je ne sais pas, je ne suis plus moi-même. Je vais tout envoyer balader. 

— Tu as besoin d'un break de quelques semaines. Voire de quelque mois.

— Lémuel m'a dit pareil.

— Je te commande un jet ?

— J'y réfléchis encore.

— Ok. Je suis en bas avec les autres. On se prépare pour le Brésil.

— Ok.


Je reste de nouveau seul. Vie de merde. Je me connecte sur les réseaux histoire de voir ce qui s'y raconte. Je me prends plein la figure des commentaires mais surtout des insultes. La toile est départagée. Certains ne croient rien de ce que raconte cette gamine, d'autres la croient mordicus, quant à un autre groupe, il attend ma déclaration avant de se prononcer. Je balance mon portable loin de moi. Dormir me fera oublier tout ceci.


Je suis réveillé par des appels incessants. Qui diable cela peut-il être ? Je vérifie et je vois que j’ai une vingtaine d'appels en absence. Des potes, des promoteurs de spectacles, bref un grand nombre de personne. Mon père déboule dans ma chambre comme dans un moulin. 


— Diantre, un peu d’intimité c’est trop demander ?

— La journaliste est là avec son équipe. Et comme si tout ce qui nous arrivait n’était pas bien grave, il a fallu que cette gamine annonce à la terre entière qu'elle est enceinte. Félicitations fiston, tu vas être papa.

— Je ne l'ai pas touchée, merde !

— Bah pour l'heure toutes les preuves sont contre toi. Donc lève tes fesses et prépare-toi. Tu diras tout ce que tu veux à la journaliste. Ça passera en direct sur les réseaux sociaux. Tu as dix minutes pour descendre. 


Il claque la porte derrière lui. Je fais valser tout ce qui me tombe sous la main. J'en ai marre. Plus que marre. J’appelle mon petit frère. 


— Loue le jet pour maintenant. Je retourne un peu au pays. 

— « Ça marche. »


Je range un bon nombre de vêtements dans ma valise. Assez pour me permettre de rester longtemps loin. Je prends rapidement une douche. Quand je ressors, Lémuel entre dans ma chambre. 


— Si tu dois partir c’est maintenant. Papa va monter dans cinq minutes. Tout est prêt en bas.

— Ok. Fais sortir ma valise par l’arrière. 

— Ok. Omar y est déjà avec ta voiture.


Je récupère mon sac contenant tous mes appareils et nous sortons. En descendant les escaliers, j’aperçois mon père qui discute avec la journaliste. Je m’éclipse en douce vers la porte arrière. Je rejoins mon frère et mon meilleur ami à la voiture.


— Vous devez y aller sinon il risque de se rendre compte que vous m'avez aidé. 

— Ouais, approuve Omar. Prends soin de toi et surtout appelle-nous quand tu arrives.

— Sans faute.


On se tchek et ils repartent rapidement. A bord de ma voiture, je mets ma musique à fond. Il me faut encore de la motivation pour aller au bout de cette fugue. Au bout d'une dizaine de minutes, mon père commence à me bombarder d'appels et de messages. Je le bloque de partout. Il me faut des vacances. 


CÔTE D’IVOIRE***ABIDJAN 


J'arrive à une heure tardive à l’Hôtel Ivoire. Je n’ai pas eu le temps de réserver une chambre. Je me présente donc à l’accueil, la casquette bien placée sur mon visage pour passer incognito. Je veux que personne ne me reconnaisse.


— Bonsoir, je voudrais une chambre. 


La réceptionniste ouvre la bouche mais se choque lorsque, par je ne sais quelle magie, elle me reconnaît.


— Mon Dieu c’est Collins. Oh mon Dieu ! 

— Moins de bruit s'il vous plaît. Évitez d'attirer l’attention. 

— Désolée Col…Monsieur. Nous n'avons pas été prévenus de la visite d'une célébrité. Un accueil vous aurait été réservé comme il se doit.

— Justement je n'en veux pas. Je veux que mon séjour ici se fasse dans la plus grande discrétion. Traitez-moi comme un client lambda et de grâce, pendant mon séjour ce sera Louis. Pas de Collins.

— D’accord. Le bagagiste va vous conduire à notre meilleure suite.

— Non, je veux juste une chambre normale avec toutes les commodités.

— Comme vous voulez. Je ferai part de votre présence au personnel et au directeur. 

— Ok.


Elle me tend la carte de ma chambre.


— Merci !

— Euh… s'il vous plaît, puis-je avoir un autographe. Je vous en supplie.


Je la regarde. Elle me supplie du regard.


— Ok.


Je lui signe son autographe dans un livre et je suis le bagagiste jusqu’à ma chambre à l'avant dernier étage. Lui aussi me demande un autographe pour sa petite amie qui serait une fan en me rassurant de lui dire que j’étais juste de passage à l’hôtel. Je le lui accorde en plus d'un pourboire. Une fois seul, je préviens mes potes de mon arrivée. Mon père a rempli mes messageries. Je ne prends pas la peine de lire ni d’écouter. Je me laisse juste tomber sur le lit et je souffle.


Enfin loin de tout le bordel. J’espère pouvoir retourner avec des solutions mais surtout de nouvelles inspirations pour ma carrière. 

Ma plus belle MÉLODI...