Épisode 16

Write by Mona Lys

16



AALIYAH


‒ Il faut que tu arrêtes de penser à lui.


Je ne cesse de me répéter cette phrase depuis le départ de Jayden. Je ne sais pas si j’y arriverai. Je ne sais même pas si je pourrai m’empêcher de l’aimer mais je sais que je dois me faire violence. Malgré cette révélation, je n’arrive pas à le détester. Je suis juste déçue que ce soit lui. Je ne peux pas envisager un avenir avec un homme qui a causé la mort de mes parents. Ce serait déshonorer leurs mémoires. Je ne crois pas qu’ils approuveraient une telle relation.


Je réussis à m’endormir qu’à moitié lorsque la sonnette retentie. Je jette un coup d’œil sur la veilleuse. Il est 3h du matin diantre. Qui peut venir m’embêter à cette heure ? Mon idée part sur Jay. Il n’y a que lui qui puisse avoir envie de venir me voir aussi tardivement.


‒ Qui est-ce ? Demandé-je derrière la porte.

‒ Patrick. Le cousin à Jayden. C’est urgent.


J’ouvre la porte complètement surprise.


‒ Qu’est-ce qui se passe ?

‒ Jay a eu un grave accident. Il est maintenant entre la vie et la mort.


Je sens comme un poignard me transpercer le cœur.


‒ Com… comment ?

‒ Nous n’en connaissons pas encore la cause mais sa voiture a fait plusieurs tonneaux.

‒ Mon Dieu !

‒ Il était dans un sale état. Mon père et d’autres Docteurs essaient de le sauver mais… les chances sont minimes. Je tenais à t’en informer parce que je sais qu’il voudrait que tu sois près de lui pendant ses… derniers instants.


Mon cœur se brise en mille lorsque ces derniers mots parviennent à mon cerveau.


‒ Je… je vais me changer je viens.


Je retourne rapidement enfiler une tenue plus présentable et je le rejoins. C’est dans sa voiture que nous embarquons pour la clinique. Nous restons dans la salle d’attente. Plus les minutes passent, plus je suis susceptible de craquer. Un vieil homme en blouse s’approche de nous. Si je ne me trompe c’est lui papi Xavier.


‒ Comment va-t-il papa ? Demande le cousin.

‒ C’est encore chaud fiston. Pour le moment il a besoin de sang.

‒ Je… je suis donneuse universelle, dis-je en me montrant.


Il me regarde avec affection.


‒ Oui petit cœur je le sais. Tu peux lui donner ton sang pour qu’on puisse le stabiliser.


Je hoche la tête vivement. Il me demande de le suivre, ce que je fais à la hâte.


Après trois autres heures, Jayden a été conduit dans une chambre. Il est toujours dans un état critique. Il respire même par un masque d’oxygène. J’ai demandé à rester près de lui et j’y ai été autorisée. Je reste assise dans le fauteuil à prier pour qu’il se rétablisse sans grande séquelle. Il m’a déjà l’air très amoché comme ça. Je m’endors près de lui en lui tenant la main. Quand je me réveille, le soleil est déjà bien haut dans le ciel. Je remarque qu’il est plus de 9h sur mon portable. La porte s’ouvre sur une infirmière suivie de papi Xavier.


‒ Bonjour petit cœur. Bien dormi ?

‒ Bonjour papi Xavier. Un peu oui.


Je me craque le cou de tous côtés pour faire passer la courbature. Je me dégourdis les jambes dans la chambre pendant qu’il vérifie l’état de santé de Jay.


‒ Comment va-t-il ? Demandé-je.

‒ Il est stable pour l’instant. Nous attendons qu’il se réveille pour d’autres examens plus approfondis.

‒ Il aura de graves séquelles ?

‒ Pour l’instant tout est normal. Seulement ses jambes ne sont pas en bon état. Il risque de rester dans un fauteuil pendant un bon moment.

‒ Oh mon Dieu il est paralysé ?

‒ Non pas ça. Mais ses jambes ont reçu un sacré choc. En tout cas s’il sort sans dommage de ce côté c’est qu’il est vachement chanceux. On va attendre qu’il se réveille pour être plus éclairé.

‒ Ok.


Il me regarde encore avec tendresse.


‒ C’est vraiment gentil de ta part d’être restée près de lui toute la nuit et de lui avoir donné ton sang.

‒ C’est normal.

‒ Il sera heureux de l’apprendre à son réveil.


Je fais un faible sourire.


‒ Elle est où tante Mimi ? Je ne l’ai pas vu.

‒ Elle est en déplacement depuis hier dans la journée. Sa dernière fille se marie. Nous la tiendrons informée après le mariage pour ne pas gâcher sa fête.

‒ Ok.

‒ Tu devrais rentrer te reposer. Patrick te fera signe quand il sera réveillé.

‒ D’accord.


Je jette un dernier coup d’œil à Jay avant de m’en aller. En passant par la salle d’attente, j’aperçois Angèle et Mira. Je prends le risque d’aller vers elles.


‒ Bonjour, les salué-je.


Elles me répondent à peine.


‒ Comment vas-tu Mira ?

‒ Ecoute, nous sommes là pour Jayden. Evite-nous s’il te plaît.

‒ Tu me manques ma puce.


Elle me toise.


‒ Angèle, je te demande pardon pour la façon dont les choses se sont passées. Je ne voulais pas te faire de mal.

‒ Oh, parce que coucher avec son fiancé c’est lui faire du bien ? Me lance Mira avec haine.

‒ Je n’aurais pas dû, je l’admets. Mais… Mira c’est lui. Mon bienfaiteur. C’est Jayden.


Elle affiche une mine surprise.


‒ Je te l’avais dit qu’il existait. Et c’est Jayden. Je l’ai su à cette soirée quand j’ai entendu sa voix, mais j’en ai eu la confirmation après mon malaise. Tu sais combien de fois je l’ai cherché, combien de fois j’ai rêvé le revoir, combien de fois je l’ai désiré. Alors quand je l’ai retrouvé, je n’ai plus réfléchi. Je me suis juste laissée aller. Je n’ai pas réalisé sur le coup qu’Angèle faisait partie de l’équation. Je suis vraiment navrée.

‒ Il a été ton bienfaiteur ? Reprend Angèle.

‒ Oui. Celui grâce à qui je vois. Je crois que Mira t’avait déjà raconté.

‒ Oui.

‒ Mais ça n’a plus d’importance maintenant. Je ne veux pas que vous vous sépariez à cause d’une bêtise qui ne se produira plus. Lui et moi ne pourrons jamais être ensemble.

‒ Et pourquoi ça ? Demande Mira en croisant ses bras sur sa poitrine.

‒ Parce que… c’est aussi lui le chauffard qui a causé l’accident.


Elles me regardent choquées.


‒ Il me l’a appris après ton départ Mira. J’ai été conne de m’être mise entre vous. J’espère que toutes les deux vous me pardonnerez un jour. Vous êtes les seules sœurs que j’aie et je ne voudrais pas vous perdre. Mais je comprends que nos relations ne seront plus comme avant. Je suis encore désolée.


Elles ne disent rien. Je leur souhaite une bonne journée et pars.


*Mona

*LYS


Ça fait plus d’une semaine que Jay s’est réveillé. Je ne suis pas encore allée le voir depuis son réveil. Je ne peux dire exactement pourquoi. Je préfère juste rester chez moi. Bon je dirais que c’est en grande partie parce qu’Angèle est toujours à ses côtés. Elle était là jour et nuit. Je restais toujours éloignée pour les laisser et je ne tardais pas lors de mes visites. Ça a été confirmé qu’il restera en fauteuil roulant pendant un moment. Ça m’a fait mal de l’apprendre mais savoir qu’il y a de forte chance qu’il remarche m’a rassuré.


‒ Madame, quelqu’un demande à vous voir.

‒ Une cliente ?

‒ Non, un homme.

‒ Ok j’arrive.


Je sors de la pièce destinée à garder les stocks des marchandises. Je ralentie lorsque je vois Patrick arrêté dans mon magasin.


‒ Bonsoir Patrick. Il est arrivé quelque chose ? Demandé-je avec une once de peur dans la voix.

‒ Non il va bien. Il rentre ce soir. Je reviens de chez lui mettre un peu d’ordre, alors j’ai tenu à te tenir informer comme ton magasin est sur mon chemin.

‒ Ah ok.

‒ Il ne cesse de te demander depuis son réveil.


Je contourne le comptoir.


‒ Il devrait se contenter de sa fiancée. C’est elle qui prendra soin de lui durant sa convalescence. Ce serait un véritable manque de respect pour elle que je me pointe.

‒ Ils ne sont plus ensemble. Et je sais qu’avec toi à ses côtés il se portera beaucoup mieux. Je vais maintenant le chercher.


Je le regarde s’en aller avec une pointe de tristesse dans mon cœur. Par ma faute il n’est plus avec Angèle qui est pourtant une femme parfaite pour lui.


Durant toute la nuit je n’ai cessé de cogiter sur ce que je devrais faire. Et j’ai trouvé une solution. Je voulais rendre à Jayden le bien qu’il m’avait fait afin que nous soyons quittes. Et j’ai trouvé. Je sais ce que je dois faire. C’est ce qui m’a poussé à être ce matin dans la cuisine de l’appartement de Jayden à lui faire son petit déjeuner. J’ai pris la décision de l’aider durant sa convalescence. Son oncle avait mis à sa disposition une infirmière mais je lui ai dit que je jouerais ce rôle. Il m’a expliqué tout ce que je dois savoir et maintenant il attend que Jay se réveille pour me montrer d’autre chose.


‒ Il s’est réveillé, m’informe son oncle qui est revenu de sa chambre.

‒ Ok. Je vais lui donner son petit déjeuner après son bain.

‒ Il peut le faire tout seul tu sais, m’explique-t-il tendrement. Il n’est pas paralysé. Juste que ses pieds sont momentanément invalides.

‒ Ok.


Nous attendons encore avant d’aller le voir. Il s’est rallongé dans son lit. Je reste derrière son oncle avec le plateau de déjeuner. Lorsque son oncle se décale, il me voit. Il parait surpris mais heureux à la fois.


‒ Salut ! Lui dis-je.

‒ Salut !


Je dépose le plateau et j’aide papi Xavier à lui donner ses médocs. Il me tend une crème avec laquelle je dois lui masser les jambes matin et soir. Il nous laisse seuls lorsqu’il a terminé. Le silence s’installe dans la chambre. J’évite de relever la tête en sentant le regard de Jay peser sur moi. Je m’applique à lui masser les jambes. Personne ne parle mais mon cœur bat à un rythme effréné en sa présence. Lorsque je finis, je pars me laver les mains dans sa salle de bain. Il a été installé dans la chambre que j’ai occupé autrefois pour lui permettre de se déplacer facilement avec son fauteuil. Je reviens le retrouver qui n’a pas encore touché à son plat.


‒ Tu devrais manger maintenant.

‒ Je suis heureux que tu sois là.

‒ Ne te fais pas d’illusion. Je suis là juste pour me racheter auprès de toi. Tu as pris soin de moi autrefois, aujourd’hui c’est à mon tour de le faire. Lorsque tu iras mieux, chacun repartira de son côté.


Je sors de sa chambre comme si j’avais le feu aux fesses. Je me colle à la porte en soufflant. Il me sera difficile de vivre ici avec lui et m’empêcher de vouloir être dans ses bras.


J’ai fait un tour chez moi pour récupérer certaines affaires que j’avais oublié. Je crois que je passerai plus de temps que je l’aurais pensé chez Jay. Il y a tout un tas de chose à faire avant son rétablissement. J’en profite pour faire des achats pour le frigo. Lorsque je reviens à l’appartement, je tombe sur Angèle qui embrasse Jay qui se laisse faire. Je détourne les yeux de jalousie. Je veux rebrousser chemin sans qu’ils ne me voient mais mon portable me trahit. Il me signale un message entrant. Ils se tournent vers moi.


‒ Je suis désolée. Je ne voulais pas vous déranger.


Sans attendre une quelconque réponse, je fonce dans la cuisine avec mes courses. Je nettoie la larme qui menace de couler. Ils se sont peut-être réconciliés. Je veux jouer l’indifférente mais ça me fait très mal. C’est atroce de voir l’homme qu’on aime avec une autre femme. Je me demande comment font ces femmes qui supportent les infidélités de leur mari. Moi je n’ai vu qu’un seul baiser et j’ai l’impression de mourir.


J’entends un bruit dans mon dos. Il est là. Je continue de faire le rangement sans m’occuper de lui.


‒ Elle était là pour prendre de mes nouvelles et me faire comprendre qu’elle ne m’en voulait plus.

‒ Ça ne me regarde pas Jay. Tu peux faire ce que tu veux avec elle. Tu n’as pas de compte à me rendre.


Je range les sacs biodégradables dans un tiroir et je marche vers la sortie. Mais il me retient par le bras quand je passe près de lui.


‒ Liyah !


Je me dégage violemment.


‒ Evite s’il te plaît de me toucher Jayden.

‒ Tu m’avais dit que tu ne m’en voulais pas. Pourquoi donc es-tu si en colère contre moi ?

‒ Parce que… (Je souffle) Parce que tu ne me facilites pas les choses. Il y a cinq ans tu prenais soin de moi en évitant tout contact avec moi. Je veux aujourd’hui que ce soit pareil. Ne me touches pas, ne me parle pas. Considère-moi comme une employée. Je…

‒ Tu es dans cet état à cause du baiser d’Angèle ? Ce n’était rien de plus qu’un baiser d’adieu.


Je ferme les yeux un moment et sans plus rien ajouter je sors de la cuisine. Je ressens maintenant ce qu’Angèle a ressenti lorsqu’elle a appris que j’avais couché avec son fiancé. Je m’en veux terriblement de lui avoir fait autant mal.        


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