Épisode 5
Write by Mona Lys
Episode 5
TRISHA COMOÉ
Ça va faire la millième fois que j’appelle Carine mais toujours aucune réponse. Je vais tuer cette fille. Je jure que je vais la tuer. Elle n’arrête pas de se comporter comme une gamine alors qu’elle a 28 ans. J’ai l’impression de vivre avec ma fille alors que c’est elle la grande sœur. Bon c’est vrai qu’elle a juste deux ans de plus que moi mais c’est quand même elle la grande. Et puis merde où est-elle ? À chaque fois que je reviens du travail je dois la chercher partout dans la ville avec la peur qu’il ne lui soit rien arriver de grave ou qu’elle n’ait rien fait de grave.
– « Allô ! »
– Carine ? Bonté divine enfin tu réponds. Où es-tu ?
– « Je… je suis hic… »
– Tu es encore saoule !? Merde Carine jusqu’à quand ? Bref tu es où ?
– « Chez Jamal. »
– Ok j’arrive.
Je raccroche et me rends dans le bar de Jamal. C’est là-bas qu’elle va des fois pour se saouler la gueule. Cette fille me donne du fil à retordre. Je ne sais pas comment ni pourquoi elle est devenue alcoolique. Elle boit de jour comme de nuit et ça me fatigue. Elle est ma meilleure amie mais refuse de se confier à moi. Elle ne veut pas me dire pourquoi elle en est arrivée là. Dès que j’arrive je la vois devant la boite en train de se disputer avec deux filles. À voir l’accoutrement des filles ça se sent qu’elles sont là pour se chopper des mecs. J’attrape le bras de mon amie pour l’éloigner des autres mais elles continuent de se disputer sans prêter attention à moi. J’essaie tant bien que mal de la calmer pour que nous rentrions mais madame est trop à fond.
– CARINE CA SUFFIT !
Elle lance un long tchip aux filles puis me laisse la tirer loin des filles.
– Oh mais qui est cette pimbêche qui vient nous interrompre dans notre discours ? Lance l’une des filles à mon égard.
– Ce doit être sa femme, continue la deuxième. Regardez-moi des lesbiennes comme ça. Toutes des putes de premières classes.
Carine et moi nous arrêtons. Elle et moi nous communiquons en esprit. Oui nous savons nous communiquer en esprit.
– Tu prends celle de gauche ? Je demande à Carine alors que nous sommes toujours de dos.
– Oui et toi celle de droite.
En symbiose, nous nous retournons et fonçons sur les filles. Chacune prend sa cliente et là commence la bastonnade. Oui mon amie et moi sommes de bagarreuses. Seulement quand on nous provoque. Leurs perruques sont les premières choses qui s’envolent sur elles. Les gifles et les coups de poings pleuvent en désordre sur leurs têtes de macaque. Nous les mettons par terre et nous asseyons sur elles. Personnes n’essayent de nous séparer et c’est tant mieux.
– Tu dis que moi je suis une lesbienne ? Je demande à la fille que je bastonne sous moi. Si je roule les reins sur ton gars je te jure qu’il va te laisser.
– Laisse-moi ! Laisse-moi me lever tu vas voir de quoi je suis capable.
– Ko de quoi je suis capable. Attends je vais gifler ta bouche même.
Je lui donne plusieurs bonnes gifles jusqu’à ce que les gros bras du bar ayant marre viennent nous séparer.
– Regarde-moi bien ma chérie. Je suis Trisha COMOÉ et je ne m’amuse pas. Je frappe. Guénon. Mtchrrr.
Carine laisse celle qu’elle bastonnait et nous nous en allons. Quand nous montons dans le taxi, nous éclatons de rire.
– Trisha tu es grave.
– Pardon laisse-moi. C’est toi qui m’as mise dans ça. Mtchrr.
– C’est à cause de ça je t’aime.
– Ouais c’est ça. Je me suis même cassé un ongle.
– Je te remplace ça demain.
Quand le taxi arrive devant l’immeuble où nous habitons, je tapote la joue de Carine pour la réveiller. Elle ouvre les yeux mais est toujours endormie. Je règle le taxi et l’aide à marcher jusque chez nous. Je lui fais prendre sa douche alors qu’elle dandine de sommeil. Je vais ensuite la faire coucher dans son lit.
– Tu as faim ?
– Non j’ai sommeil. Peut-être que j’irai manger au milieu de la nuit.
– Je n’aime pas te voir comme ça.
– Pardon !
– Pourquoi tu ne me parles pas Carine ? Nous sommes amies.
– Je sais. Je n’ai pas envie de t’emmerder avec tout ça. Mais je te promets qu’un jour je t’en parlerai.
– Ok. Je suis dans ma chambre si tu as besoin de moi.
– Ok.
Je la laisse se reposer et vais m’enfermer dans ma chambre avec mon diner. Je dine en travaillant sur mon ordinateur portable de fonction. On nous donne tous des ordinateurs quand on nous embauche mais quand on quitte la boite on les laisse. Je cherche de nouveaux modèles de décoration du style américain et j’adore ce que je vois. Je suis déco-designer mais aussi peintre. Je suis capable de transformer une pièce en passant de la peinture à la décoration rien qu’à moi toute seule. Je peux transformer des objets sans aucune utilité en objet décoratif. Comme par exemple transformer un simple pneu en pouffe très confortable sur lequel s’asseoir. Je décore avec tout et n’importe quoi et je fais de la calligraphie. Dessiner des fleurs, des papillons, des étoiles et autres sur le mur ça me connait. Je n’ai pas appris tout ça, je n’ai pas fait d’école de calligraphie, de toutes les façons je n’en avais pas les moyens. C’est un talent inné.
Je suis en retard merde ! Hier nuit je n’ai pas vite dormi parce que Carine qui s’est réveillée au milieu de la nuit m’a aussi réveillée pour que je lui tienne compagnie. Nous avons causé de tout et n’importe quoi et regardé un film d’horreur avant d’aller nous coucher. En voilà maintenant les conséquences. Quand je pense que nous avons une salle de cérémonie à décorer j’ai envie de me maudire. Je travaille dans une boite qui est dans l’évènementiel. Mais nous notre tâche c’est juste pour décorer. Nous sommes partenaires avec plusieurs boite d’évènementiel qui nous préviennent quand il y a des cérémonies ci et là. Nous faisons aussi la décoration des hôtels, des maisons, des suites et autres. En gros nous faisons tout ce qui est décoration peu importe l’endroit. Je suis la seule dans la boite à ne pas avoir de gros diplôme mais je suis la plus compétente et la seule à ramener de grosses opportunités. C’est grâce à mon audace que j’en suis là. La patronne n’avait pas voulu de moi quand je m’étais présenté à elle parce que je n’avais aucune expérience. Mais un jour je me suis incrustée dans la boite, j’ai menti à son assistante que c’était sa patronne qui m’avait envoyé refaire la déco de son bureau. Sans lui laisser le temps de vérifier si c’était vrai, je suis entrée dans le bureau et j’ai bricolé un petit truc rapide avec le peu d’outils que j’avais. Quand elle est rentrée dans son bureau, elle est restée sur le cul un bon moment. Elle m’a regardé longuement et m’a dit : « Je t’embauche. ». Voilà comment j’ai intégré son équipe et je suis devenue la meilleure de ses employés.
– Trisha, m’appelle mon patron, vous êtes en retard.
– Je suis désolée monsieur, ça ne se reproduira plus.
– Il y a intérêt. Bon remettez le modèle de décoration pour la salle de cérémonie à Clarisse.
– Hum ? Pourquoi monsieur ?
– Parce que c’est elle et son équipe qui vous remplaceront.
– Comment ça ? C’est moi qui ai trouvé cette opportunité.
– Oui mais vous êtes arrivée en retard.
– Mais le rendez-vous c’est pour 10h et là il est 8h45.
– Je sais mais n’empêche que vous êtes en retard.
– Mais monsieur…
– Trisha c’est ma décision point. Si tu insistes je te renvoie.
Le rire qui s’échappe de la bouche de Clarisse me fait tourner la tête vers elle. Cette fille fait toujours tout pour me piquer mes offres et comme elle couche avec le patron il les lui donne. Lui c’est le patron, le mari de la patronne. Les deux dirigent cette boite même si à la base elle appartient à la femme. L’homme lui gère le côté financier mais n’empêche qu’il intervient dans les programmes de déco surtout quand ses maitresses y sont concernées. Tout le monde sait qu’il se tape les filles de la boite sauf sa femme bien-sûr et maintenant c’est avec Clarisse qu’il fait ses infidélités. Elle, elle est nouvelle. Ca fait juste deux mois qu’elle est là et de toutes les filles présentes dans cette entreprise c’est moi qu’elle a choisi comme rivale. Elle ne supporte pas que j’aie les grosses opportunités. Mais moi je ne m’occupe pas tellement d’elle et je crois que ça la met en rogne.
C’est toute découragée que je vais dans le bureau que je partage avec les filles de mon groupe. La patronne a instaurée une politique pour emmener les gens à travailler. Il y a plusieurs groupes et chaque groupe doit se trouver des marchés et le groupe qui en aura gagné plus aura une récompense en nature. Moi je suis la chef de mon groupe et je m’entends supers bien avec les filles. Nous sommes 4 au total.
– Bonjour les filles. Je suis désolée mais le patron a confié notre affaire à Clarisse et son groupe.
– Je comprends maintenant pourquoi depuis hier elle défilait dans son bureau. Répond Rita en tirant sa bouche.
– Fhum quand la patronne va savoir qu’elle couche avec son mari ça va chauffer. Ajoute Nadine.
– Elle va faire même je vais aller tout lui dire. Dit Céline.
– Pardonnez les filles restons en dehors de ça. Cherchons notre argent.
– Tu as raison Trisha. Approuve Nadine.
Nous avons finalement passée la journée à chercher des marchés et à visiter des sites de décoration. Alors que nous nous apprêtions à partir, le patron nous fait savoir que nous devons faire 100 nœuds en ruban à garder pour demain. Cet homme, je sens que je vais finir par le tuer. Oh oui je vais bientôt commettre un meurtre sur sa personne. C’est donc à 18h30 que nous finissons le travail. J’arrive à la maison et constate que je n’ai pas prises mes clés ce matin à cause de la précipitation. Sale journée ! J’appelle Carine qui me demande de la retrouver dans un bar pour me remettre ses clés à elle. Je m’y rends une trentaine de minute plus tard et je suis surprise de la voir en ténue légère.
– Carine c’est quoi cet accoutrement ?
– C’est pour mon travail.
– Ton travail ? Quel travail ?
– Je t’ai dit hier nuit que j’avais eu un travail.
– Attend tu es stripteaseuse ?
– Ouais. C’est le seul travail que je peux faire pour avoir de l’argent.
– Carine !
– Mais je te jure que je ne coucherai pas avec les clients. Je danserai juste et c’est tout. J’en ai marre de dépendre de toi. Je veux aussi t’aider dans les dépenses de la maison.
– Bon nous en reparlerons à la maison. Là je suis fatiguée.
Elle me donne les clés en me faisant un sourire timide comme pour me rassurer qu’elle ne fait rien de grave. Une fois hors du bars avec les clés de l’appart je remarque une silhouette marcher difficilement vers une voiture. La personne tanguote légèrement. Je l’observe attentivement pour m’assurer qu’elle va bien. C’est un homme avec une casquette sur la tête et sur lui un jeans et un tee-shirt. Une fois installé dans la voiture il démarre mais n’arrive pas à conduire normalement. Il fait deux trois zigzag avant de se garer. Je me décide donc d’aller l’aider. Je sais que ce n’est pas bon de laisser une personne saoule conduire une voiture peu importe si on la connait ou pas. Arrivée près de sa voiture je cogne la vitre qu’il baisse par la suite. Je n’arrive pas à bien voir son visage à cause de la pénombre.
– Qu’est-ce que vous voulez ?
– Juste vous aider. Vous n’êtes pas en état de conduire monsieur.
Il me scrute de haut en bas.
– Dites-moi juste où vous allez et je vous y conduis. Je ne peux pas vous laisser conduire dans votre état. Je m’en voudrai si jamais j’apprenais que vous aviez fait un accident.
Il ramène sa tête en arrière sur son siège en fermant les yeux. Je vois son visage et il m’a l’air familier seulement je n’arrive pas à savoir où je l’ai déjà vu. Je remarque sa couronne qui est très bien taillée d’ailleurs. Il se décide enfin à sortir de son véhicule pour me céder la place derrière le volant. Quand nous échangeons nos places son parfum me chicote les narines bien que mélangé à l’odeur de l’alcool. Je le regarde marcher vers le côté passager et remarque son élégance. Même étant saoule il est élégant. Une fois tout le monde installé je démarre. Lui se couche dans son siège en abaissant sa casquette de sorte à couvrir son visage.
– Où je vous dépose ?
– Hôtel YOUL Cocody Angré.
– Vous vivez à l’hôtel ? Vous n’avez pas de maison ?
– Je ne vous connais pas.
– Vous pensez que je vais vous cambrioler ou quoi ?
– Fermez-là et conduisez !
– Je vois que vous êtes très aimable.
Je le vois fouiller dans la poche de son jeans et il en sort son portable.
– Rico. Vient m’attendre devant l’hôtel à Angré. Je me fais conduire par une inconnue.
Il raccroche et se détend dans son siège. C’est dans ce silence qui suit que je remarque dans quel genre de voiture je suis. Cette voiture peut m’acheter et acheter même mes futurs enfants. Je glisse mon regard sur lui et malgré qu’il ne porte rien d’extra je peux affirmer avec ma connaissance que ce n’est pas n’importe quoi. Il y a les initiales TY sur sa casquette ainsi que sur le tableau de bord de sa voiture et les sièges. Ce type doit être riche. Nous arrivons devant le dit Hôtel qui me laisse sans voix tellement c’est gigantesque et beau.
– Nous sommes arrivés.
Il descend sans même me dire merci ce que je trouve très mal poli alors je descends à mon tour pour le lui faire savoir. Mais plutôt que de venir prendre les clés de sa voiture, il se dirige vers une autre garée en face dans laquelle il monte. Un homme à la carrure d’un garde du corps vient me prendre les clés des mains. Il me tend ensuite un billet de 10 000 FCFA.
– Tenez pour votre taxi.
– On vous a dit que je suis à 10 000 FCFA près ?
– Vous les prenez ou non ?
– Oh je vois que la politesse n’existe pas chez vous. Dites à l’autre là qu’un merci aurait suffi.
– Bonne nuit mademoiselle.
Il me pousse presque de la voiture dont il donne les clés à un autre qui s’y installe. Quant à lui il retourne dans la deuxième voiture où l’autre impoli est monté et tous s’en vont. Vraiment les riches là se la pètent. J’aurai dû le laisser se démerder tout seul. Mtchrr. J’emprunte mon taxi et quitte aussi les lieux. J’ai mieux à faire que de m’occuper des humeurs des gens sans vergogne.