Episode 5
Write by Mona Lys
Leela, la défigurée
Episode 5
***Leela***
Cette soirée me pompe vraiment l’air. Je
ne sais même pas pourquoi Mr Sébastien m’a demandé de venir. Ah oui je sais,
pour lui servir de Google si jamais il oubliait une notion informatique. Il
aurait pu venir avec Laure non ? Non puisqu’elle est aussi bête que lui.
Je suis désolée d’insulter mon patron. Je suis assise tout au fond de la salle
pour ne pas qu’on me remarque. Je m’ennuie tellement que je préfère surfer sur
le net pour faire passer le temps. Benji est resté à la maison avec la fille de
la voisine qui me sert de baby-sitter lorsque je suis beaucoup occupée. Bien
évidemment que je paye ses services. Elle n’est pas véritablement baby-sitter
mais quand l’argent est en jeu elle devient tout ce que tu veux qu’elle soit.
Un parfum chatouille mes sens. Je dis mes
sens parce qu’il n’y a pas que mon odorat qui réagit face à ce parfum. Je le
reconnais ce parfum mais non ce n’est pas forcement lui. Il y a plein de gens
friqués ici donc l’un d’eux doit aussi utiliser ce parfum qui coûte
certainement la tête des yeux. Non c’est plutôt les yeux de la tête. Voilà
qu’un simple parfum me fait perdre les pédales. Je revois aussitôt son sourire
magnifique dans mon esprit et sa voix…pourquoi j’ai l’impression d’entendre sa
voix audiblement alors qu’elle n’est que dans ma tête ?
« Vous m’entendez ? »
Je lève les yeux et le voit…Il est bel et
bien là. Pourquoi ai-je zappé qu’il serait forcément là puisque Mr Sébastien
est là ? Ils sont pourtant associés donc normal qu’ils se rendent à des
soirées ensembles. J’abaisse mes yeux aussitôt les avoir levés…Merde il est
tout beau dans son costume.
Kelvin : Je peux m’asseoir ?
Moi : Euh je ne pense pas…
Kelvin : Ok je m’assois donc…Comment
allez-vous ?
Moi : Bien monsieur.
Kelvin : C’est fou comme cette soirée
est bondée de plein d’homme d’affaire.
Moi : Hum.
Kelvin : Ils n’arrêtent pas de parler
d’argent et d’argent. Apparemment il n’y a que ça qui les intéresse dans la
vie.
Moi : Hum.
Kelvin : D’ailleurs que faites-vous
assise toute seule ici ?
Moi : Rien. Je suis ici juste pour
accompagner Mr Sébastien donc je n’ai pas à me mêler aux autres.
Kelvin : Et pourquoi ça ?
Moi : ……
Kelvin : Pourquoi vous ne voulez pas
causer avec moi ?
Moi : Je ne suis pas une fille avec
qui un homme comme vous devrait causer.
Kelvin : Parce que vous êtes
comment ?
Moi : ……
Il me fixe longuement attendant ma réponse
avec un sourire. Je le vois du coin de l’œil. Son parfum me submerge et sa voix
me donne chaud. Cet homme me fait trop d’effet ce n’est pas normal. Ça fait 3
ans que je n’ai pas ressenti tout ça, qu’aucun homme ne m’avait fait autant
d’effet.
Kelvin : Ok comme vous ne voulez pas
qu’on discute je vais juste rester là à côté de vous. De toutes les façons
cette soirée m’ennuie autant que vous.
Moi : Je n’ai jamais dit une telle
chose.
Kelvin : Mais vous le pensez. La
preuve vous ne faites que manipuler votre portable. Vous avez un compte
Facebook, Instagram, Snapchat ?
Moi : Non.
Kelvin : Pourquoi ?
Suis-je vraiment obligée de lui dire que
je ne peux avoir tous ces comptes parce que je n’ai pas de visage à exposer au
monde ? Je laisse mon silence lui répondre. Il sourit et se lève pour
placer sa chaise vraiment à côté de moi. Il enlève sa veste qu’il accroche à sa
chaise et se tend de tout son long dans celle-ci, les pieds croisés à la
cheville et les mains dans ses poches. C’est vraiment bête qu’une simple chose
comme ses mains dans ses poches me séduit. Il ne dit plus rien mais reste à mes
côtés durant le reste de la soirée. C’est un véritable calvaire pour moi. J’ai
envie de disparaitre tellement je n’arrive plus à maitriser toutes ces émotions
qui me submergent. J’essaye de camoufler même ma respiration pour ne pas qu’il
se doute que je suis intimidée par lui. Je ne sais même plus ce que je regarde
sur le net tellement c’est son visage qui est collé dans mes yeux. Vivement que
cette soirée s’achève.
Quelqu’un vient lui faire signe qu’il est
demandé sur une table et c’est seulement lorsqu’il part que je libère ma
respiration. J’ai l’impression que je l’avais coupé tellement elle s’accélère.
Il faut vraiment que je reste loin de cet homme.
***Le lendemain***
***Kelvin***
Cette fille ne cesse de m’attirer encore
plus vers elle par sa manière d’être. Sa timidité me plait mais ce que j’aime
encore plus c’est l’effet que j’aie sur elle. Je sens qu’elle perd ses moyens
quand je suis dans le coin. Elle ne sait pas le cacher et c’est d’ailleurs ça
qui m’encourage à forcer les choses avec elle. Qu’elle le veuille ou non elle
et moi on finira par être amis. Bon je ne pense pas que ce soit le moment de
penser à plus qu’à l’amitié. Elle a quel âge déjà ? Je dirai dans la
vingtaine soit 25 26 27. Mais bon on verra comment les choses se passeront.
Avant la fin de la soirée je l’ai cherché
mais elle avait déjà disparu et je suis prêt à parier que c’est moi qui l’ai
fait fuir. Sébastien m’a dit qu’elle avait prétexté un mal de tête. Je ne suis
pas allé ce matin à l’entreprise parce que trop fatigué à cause de cette soirée
qui est fini très tard. Heureusement qu’elle est vite rentrée sinon je ne sais
pas si elle aurait pu se rendre au bureau.
Je suis garé devant l’école de Prunella
l’attendant pour qu’on s’en aille. Je surf sur le net le temps qu’elle vienne
mais je lève de temps en temps la tête pour essayer de la repérer. Un moment
j’entends un enfant crier « maman » ce qui me fait lever la tête. Je
vois Prunella puis le garçon de l’autre jour qui se met à courir en direction
de…Leela ? Elle se baisse et il tombe dans ses bras. Elle l’enlace
aussitôt. C’est son fils ? Je descends et m’avance vers elle. Elle sourit.
C’est la première fois que je la vois sourire et je la trouve magnifique.
Moi : Bonsoir Leela.
Elle se fige puis lève la tête vers moi.
Sa timidité réapparait. Elle se relève et touche son foulard en passant sa main
sur la partie de son visage caché.
Moi : Je ne savais pas que c’était
ton fils. Il est le voisin de ma fille.
Prunella arrive aussitôt à mes côtés. Leela
quant à elle ne répond toujours rien.
Moi : Alors votre tête ça va ?
Leela : Pardon ?
Moi : Sébastien m’a dit que vous êtes
vite rentrée hier à cause d’une migraine.
Leela : Ah oui. Ça va merci monsieur.
Elle baisse de nouveau la tête tandis que
moi je la fixe en souriant.
Moi : Attends relève la tête.
Leela : Quoi ?
Elle relève la tête et j’avance ma main
vers son visage. Elle recule aussitôt.
Moi (souriant) : Je ne vais pas te
faire du mal. Je veux juste t’enlever un truc.
Leela : Quoi ?
J’avance de nouveau ma main vers elle et
lui caresse la joue. Elle frémie légèrement en fermant les yeux un bref
instant. Bien évidemment il n’y a rien sur son visage, je voulais juste la
toucher. J’en brûlais depuis que je l’ai vu.
Moi (souriant) : Voilà je l’ai
enlevé.
Leela (troublée) : Merci. Je…On
doit y aller.
Moi : On peut vous déposer si vous
voulez.
Leela : Non merci monsieur.
Je n’ai même pas le temps d’en placer une
qu’elle s’en va presqu’en courant en tirant son fils. Je lui ai juste proposé
de la déposer et voilà qu’elle part en courant. Elle a peur que je la kidnappe
ou quoi ? Je me mets à rire en la regardant partir.
***Le lendemain***
***Leela***
Moi (au téléphone) : Allô…Oui
madame…Quoi comment ça ? Que lui ait-il arrivé ?...Ok j’y vais tout
de suite.
Mon cœur bas à 100 à l’heure. C’est la
directrice de l’école de Benji. Elle dit qu’il s’est évanoui en classe. J’étais
en train de ranger mes affaires pour aller le chercher à l’école et voilà qu’on
me dit qu’il est à l’hôpital. J’ai peur, peur qu’il arrive quelque chose de
grave à mon fils. Je ne supporterai pas s’il lui arrivait quelque chose. Il est
la seule personne étrangère qui m’ait accepté et m’aime comme je suis. J’ai
appris à l’aimer et aujourd’hui je l’aime comme si je l’avais mis au monde, je
l’aime de toutes mes forces.
J’arrive à l’Hôpital général de Marcory
presqu’en pleurant. Je n’ai pas cessé d’imaginer toute sorte de scénario. Que
vont-ils me dire ? Pourquoi s’est-il évanoui ? Il allait pourtant
bien ce matin quand je l’ai déposé à l’école. Je me renseigne à la réception.
« Leela »
Je me retourne et vois monsieur Kelvin
venir vers moi. Que fait-il ici ?
Moi : Monsieur ?
Kelvin : Bonsoir Leela, c’est moi qui
ai envoyé Benji ici.
Moi : Et où est-il ? Où est mon fils
monsieur ? Comment va-t-il ?
Il n’a pas le temps de répondre que je
vois passer un homme avec une blouse blanche. Je suppose que c’est un docteur.
Je m’avance vers lui en laissant Kelvin planter là.
Moi : Docteur je suis la mère du
petit garçon de 6 ans qui s’est évanouie.
Il me regarde l’air de réfléchir. Il se
rappelle lorsqu’il voit Kelvin derrière moi.
Docteur : Ah oui je vois.
Moi : Comment va-t-il ?
Docteur : Nous sommes en train de lui
faire des examens donc nous ne pouvons rien vous dire pour l’instant.
Moi : Mais est-ce que je peux le
voir ?
Docteur : Non pas encore. Désolé j’ai
un patient à aller voir.
Il s’en va mais je le suis toujours en lui
demandant de me laisser voir mon fils. Je sens Kelvin derrière moi qui me suit
mais je continue de suivre le docteur. Un moment je sens une main m’entourer la
taille.
Kelvin : Hé hé hé viens-là.
Il me fait retourner avec sa main autour
de ma taille et me ramène contre lui me prenant dans ses bras. Je m’y réfugie
aussitôt mes deux bras plier contre son torse…Je me sens bien tout à
coup…J’oublie mon angoisse. Je reste dans ses bras les yeux fermés profitant de
la chaleur que dégage son corps. Mon cœur s’apaise aussitôt…Je me sens en
sécurité. J’ai l’impression que plus rien ne peut m’atteindre…J’adore son
parfum et sentir son cœur battre me donne l’impression d’y être. Il me tient
serrer contre lui et je suis sur une autre planète. Il me caresse le dos et je
frissonne. J’oublie l’espace d’un moment que je suis différente. J’oublie mon
handicap. J’oublie que lui et moi ne faisons pas partie du même monde. J’oublie
que je suis défigurée.
Mais je reviens à moi dès que j’entends
les pleurs d’un enfant qui réclame des bonbons à sa maman. J’ouvre les yeux et
me rends compte que je me suis trop laissé aller dans ses bras. Je me détache
toute gênée et vérifie que mon écharpe cache toujours mon visage. Je baisse la
tête toute honteuse et lui remet ses mains dans ses poches.
Kelvin : Ça va ?
Je hoche la tête en essayant de me
reprendre. Il me propose d’aller s’assoir ce que j’accepte sans hésiter. Il
faut vraiment que je m’asseye avec toutes ces émotions qui m’ont traversé dans
ses bras je risque de m’effondrer.
Moi : Où est votre fille et comment
ça se fait que ce soit vous qui ayez envoyé Benji ici ?
Kelvin : J’ai demandé à mon frère
d’aller chercher Prunella. Si j’ai pu envoyer votre fils à l’hôpital c’est
parce que j’étais dans le bureau de la directrice de l’école. On discutait des
performances de ma fille lorsque des cris nous sont parvenus disant qu’un élève
s’était évanoui. Nous sommes allés voir et comme je savais que c’était votre
fils j’ai proposé de m’occuper de lui.
Moi : Merci.
Kelvin : Et où est son père ?
Moi : Il n’en n’a pas...Au fait j’ai
adopté Benji. Il vivait dans la rue donc j’ai décidé de le prendre avec moi
surtout que j’étais seule.
Kelvin : Ah ok je vois. C’est
vraiment gentil de votre part de prendre sous votre ail un enfant que vous ne
connaissez pas. Vous avez bon cœur.
Moi : Ouais.
**
Nous avons récupéré Benji et nous sommes
rentrés. C’est Kelvin qui nous a déposés, il a même payé la facture de
l’hôpital. Le docteur dit que Benji est anémié ce qui a causer son
évanouissement mais avec les médicaments il devrait reprendre vite. Je l’ai mis
au lit et je suis dans la mienne assise devant mon miroir. Je me regarde et je
repense à ce petit moment que j’ai passé dans les bras de Kelvin à l’hôpital.
Je me dis que je devais arrêter de me faire des films. Jamais une super star
comme lui ne s’intéressera à une fille comme moi. Lui il est toujours sur les
feux des projecteurs alors que moi je n’ai pas un visage bon à photographier.
Pourquoi il faut que ce soit pour un homme comme lui que je ressente toutes ces
choses que je n’avais plus ressentie depuis belle lurette ? Je dois mettre
mes distances sinon c’est lui qui le fera une fois qu’il aura vu mon visage. Je
le déteste ce visage donc c’est sûr que personne d’autre ne l’aimera.
Je suis affreuse…