Épisode 5
Write by Mona Lys
5
***ANGELA
Le regard perdu dans le vide, je ne
cesse de passer mes doigts sur mes lèvres. Deux jours que je n’arrête pas de
penser à ce baiser. Je ne m'y attendais pas du tout. Ça a été soudain… mais si
bon. Je ferme les yeux pour mieux revivre la scène. Il a une manière
d’embrasser carrément divine. Sa langue qui s’enroulait sur la mienne a fait
chavirer mon cœur. Ce baiser était tout simplement délicieux. J'en ai rêvé ces
deux nuits. Je l'ai senti près de moi et pire, je l'ai imaginé en moi, me
faisant l'amour comme il m’a embrassée. Tendrement, passionnément,
divinement. Une chaleur irradie dans mon
bas-ventre.
Diantre, il faut que je me le sorte
de la tête.
Quand j'ouvre les yeux, je croise
ceux d’Elionne.
— Tu vas enfin me dire ce qui s'est
passé entre toi et lui pour que tu sois tout le temps dans les nuages ?
— Il m'a embrassée.
Ses lèvres s’élargissent par un
sourire.
— Oh my God ! Enfin ça vient.
Et comment c’était ?
— Parfait. Tout était parfait et
c’est justement ce qui me fait peur. Avec Jérôme c’était pareil. Un baiser, une
nuit puis après il a disparu, me laissant seule avec une grossesse. Il revient
quelques années plus tard et cette fois c’est une succession de malheurs.
— Pourquoi penses-tu déjà
ainsi ? Il te plaît ?
Je promène mon regard qui finit baissé.
— Je crois bien que oui.
— C’est pourquoi t'es restée enfermée
ces deux jours ? Pour l'éviter ?
— Oui. J’ai peur de vite aller en
besogne. J’ai peur de ne pas pouvoir lui résister. J’ai peur de souffrir à
nouveau.
— Écoute ma puce, tous les hommes ne
sont pas pareils. Ce que tu as vécu avec ce chien pourri de Jérôme est loin
derrière toi. Tu dois aller de l'avant. Te redonner une chance en amour. Je
n'en peux plus de te voir si seule. Tu as besoin d'un homme qui t'aimera et
fera de toi sa reine.
— Existe-t-il encore ce genre
d'homme ?
— Moi je crois que si. Mon homme en
est un donc il y en a encore d’autres. Si tu te sens bien avec ce type, bah
laisse-toi aller. La vie est un risque et qui ne risque rien n'a rien.
— Il est un peu plus jeune que moi,
je crois.
— Ce doit être un petit écart. Je ne
te dis pas de lui tomber dans les bras. Mais de ne pas non plus mettre trop de
barrières autour de toi. Lâche-toi ma belle.
Je fais un faible sourire. J’ai
tellement peur d'une autre déception que je ne veux plus rencontrer cet homme.
Pourtant il me manque.
— Je crois que je vais aller faire
un peu de footing. Depuis que nous sommes là je n’ai pas fait de sport et je
commence à prendre du ventre.
— Ok. Moi je retourne au lit. J’ai
besoin de faire la grasse mat avant de retourner près de ma mère.
Je me mets en tenue et je me dépêche
de rejoindre l’ascenseur. En passant devant sa porte, j’ai même peur qu’il ne sorte
et que l’on se rencontre. Je fais un ouf de soulagement lorsque je suis hors de
l’hôtel. Je vais courir juste le long de la rue et revenir. J'en ai besoin pour
oublier un peu ce baiser qui me trouble autant. Après trois ans, je me fais de
nouveau embrasser par un homme. Ça m'a tellement troublée que j’ai préféré
garder le silence.
Et s'il était parti ?
Cette pensée saute tout à coup dans
mon esprit. Ça fait deux jours que je me suis enfermée dans ma chambre. Il
n'est pas non plus venu frapper. Peut-être qu’il a quitté l’hôtel. Cette pensée
me rend tout à coup triste. Notre petite aventure serait terminée avant même
d'avoir commencé. Il est donc préférable pour moi de l’oublier.
Marchant sur le chemin retour, je
suis perdue dans mes pensées. J’hésite à demander à la réception s'il est
toujours là. Je me rends compte que je ne connais pas son prénom.
— Salut !
Mon cœur fait un saut. Quand je lève
les yeux, il est là, devant moi, dans un ensemble jogging et une capuche sur la
tête. Son regard est grisant.
— Salut ! répondé-je en
rangeant un cheveu derrière mon oreille.
— J’ai cru un moment que tu étais
partie. Enfin, après avoir pensé que tu m’évitais.
— Je ne t’évitais pas. Je me
reposais un peu après la folle journée que nous avions passée.
— J'en suis rassuré.
Il me sourit, de ce sourire charmeur
qui ne laisserait aucune femme indifférente. Il a aussi terminé son footing
alors nous faisons le chemin retour ensemble.
— C’est rare de voir de nos jours
des femmes qui pratiquent le sport. Elles sont généralement trop occupées à se
faire les ongles et mettre des artifices.
— J’ai toujours aimé faire du sport.
Alors j'en fais pour garder la ligne. Je fais cinq kilomètres chaque matin sur
mon tapis de course.
Il siffle.
— Eh ben dis donc. Mais bon, moi
j'en fais dix donc.
— Donc quoi ? Tu es plus
sportif que moi ?
— Apparemment oui. Cinq kilomètres
face à dix, c’est petit.
— J'en fais cinq parce que je dois
aller bosser après.
— Non, tu en fais cinq parce que
c’est tout ce que tu peux faire.
Je fais un O avec ma bouche. Je
m’arrête.
— Tu me sous-estimes à ce
point ?
— Prouve-moi donc le contraire. On
fait la course ?
— Ne me pousse pas à te ridiculiser.
Il pouffe de rire.
— La femme qui me ridiculisera n’est
pas encore née, crois-moi.
— Ok on fait la course. Si je gagne
tu te prosternes devant moi.
— Ok et si je gagne tu dînes avec
moi ce soir. Un dîner rien que tous les deux, dans un endroit isolé.
— Ça marche.
— Ok, en position.
Nous prenons la position et il donne
le top départ. A peine je me lance qu'il prend déjà de l’avance. Qui m'a envoyé
accepter ce défi ? Le voyant vraiment très loin, je pousse un cri de douleur.
Je fais semblant de m’être foulée la cheville. Il revient rapidement vers moi.
— Qu’as-tu ? demande-t-il tout
inquiet.
— J’ai mal à la cheville.
Il se baisse pour mieux voir. Mais
je le pousse et me mets à courir. Seulement, je ne fais même pas deux pas qu'il
m'attrape par la taille.
— Viens là, petite sournoise. Je le
savais bien.
— Non lâche-moi !
Il me retient fermement pendant que
je me débats. Nous rigolons comme des gamins en pleine rue. Je trébuche et
tombe. Il se retrouve couché au-dessus de moi. Le temps semble figé dans
l’échange de regard qui s'en suit. Son visage est beaucoup trop proche du mien.
Juste un petit mouvement et nos lèvres se croisent. Ma respiration se saccade.
— Tu me dois un dîner, souffle-t-il
pour dissiper l’atmosphère sexuelle qui nous
a enveloppé.
Je souris. Il se relève et m'aide à
faire autant. Nous reprenons la marche mais pour de vrai je ressens une douleur
à la cheville.
— Je crois que cette fois j’ai
vraiment mal.
— Vraiment ? Tu as beaucoup
mal ?
— Non. Je crois que c’est une
crampe.
— Ok, grimpe.
Il me présente son dos.
— Quoi ?
— Monte sur mon dos. Il n'est pas
question que tu prennes une douleur à la cheville comme prétexte pour ne pas
répondre à mon dîner.
— Lol je n'ai pas…
— Monte où je te soulève de force.
Je roule les yeux. Je saute sur son
dos. Malgré la sueur, son parfum m’enveloppe. Il reprend la marche. Je
m’agrippe à lui, le sourire aux lèvres. C’est bien la première fois de toute ma
vie qu'un homme me prend sur son dos. Quelle galanterie ! Tout le monde
nous regarde dans l’hôtel mais ça n'a pas l'air de le gêner. Normal, personne
ne le voit vraiment avec sa capuche qui couvre son visage. Même dans
l’ascenseur il refuse de me faire descendre. Il nous conduit dans sa chambre,
m’installe dans son divan et revient avec un baume. Sans me demander mon avis,
il se met à me masser la cheville. Je le regarde sans comprendre ce qui peut
bien le pousser à se comporter ainsi avec moi. Il appuie sur son portable et la
musique s’élève dans la pièce. J’éclate de rire.
— Tu es grave toi.
— Il faut que tu aimes cette
chanson.
Il a remis la musique de cet
artiste. Il le fredonne en même temps en continuant à me masser. A force de le
regarder chanter je finis par le rejoindre avec joie. Il sourit. Je crois que
j’ai retenu les paroles à force de l'écouter malgré moi. Nous chantons ensemble
les deux morceaux qui suivent. Finalement, cet artiste chante bien.
— Tu vois que c’est quand tu veux,
me dit-il.
— Comment ne pas céder quand tu me
poursuis avec ? Attends d’ailleurs que je fasse une petite recherche sur
cet artiste histoire d’en connaître un peu plus sur lui.
Je prends mon portable mais il me
l'arrache aussitôt
— Pas maintenant. Tu dois te
détendre pendant que je te fais ton massage.
Je me détends. Après le massage il
me raccompagne à ma chambre. Je prends une douche et je rejoins Elionne dans sa
grasse mat.
*Mona
*LYS
Nous arrivons dans un endroit qui me
semble être un parc. Je suis stupéfaite.
— Que faisons-nous à cette heure
dans un parc ? Je croyais que nous allions dîner ?
— Oui, nous allons diner. Ici.
Je le regarde. Il est sérieux ?
— Viens, suis-moi !
Il me guide par ma main qu'il tient fermement
dans la sienne. Nous nous arrêtons devant le grand manège. Il discute avec un
homme et la minute d’après il nous demande de nous asseoir.
— Quoi ? Tu es sérieux ?
Non, je ne vais pas monter sur ce manège.
— Hey, fais-moi confiance ma douce.
Je ne ferai rien qui mettrait ta vie en danger. En plus c’est une dette. Tu es
obligée.
— Rappelle-moi de ne plus faire de
pari avec toi.
Il sourit. Je me laisse encore
guider par lui. Avec le cœur battant, je m’installe. Il fait de même près de
moi. L'homme lui donne un paquet.
— C’est quoi ? Lui demandé-je.
— Notre dîner.
— Tu es fou.
Mon rire se perd dans ma gorge quand
la grande roue se met à tourner.
— Oh mon Dieu !
— Arrête de hurler, ça ne va même
pas vite, rigole-t-il.
— Si je meurs, je t’emmène avec moi.
— Avec plaisir.
Je m’habitue au rythme. Il a raison
ça va doucement. Je crois être au bout de mes peines quand la machine s’arrête
alors que nous sommes haut dans le ciel.
— OH MON DIEU !!! La machine
est en panne. Nous allons mourir.
Il se tord de rire.
— Calme-toi Angie ! C’est moi
qui ai demandé qu'il l’arrête une fois à cette hauteur.
— Mais pourquoi ? Tu as perdu
la tête ou quoi ?
— Regarde devant toi !
Je tourne la tête et là…
Waouh ! Nous avons une magnifique vue sur la ville. La ville est très
belle et illuminée.
— Alors ? demande-t-il.
— C’est beau. Tu as de
l’imagination, je l'avoue.
— Faut pas me négliger.
Je garde mon regard figé sur la
nature. Pas trop loin, on peut voir les voitures circuler. Je vois un peu de
tout. Des immeubles, des gratte-ciels, la lagune Ebrié, bref un peu de tout.
— Tiens !
Je prends la canette de sucrerie
qu'il me tend et je retourne à ma contemplation. Je me sens revivre, bien, en
paix, paisible. Je ressens quelque chose que j'avais ressenti il y a bien des
lustres. Je me sens à ma place.
— A quoi penses-tu ? me demande-t-il,
curieux.
— Vu comme ça, tout semble aller
pour le mieux. Tout semble paisible et agréable. Mais une fois descendus, la
réalité nous frappera de nouveau au visage avec tous nos problèmes.
Je respire profondément.
— J’ai quitté ce pays il y a huit
ans de cela. J’ai quitté mes parents espérant aller vers un monde meilleur.
Pourtant je me jetais dans la gueule du loup.
— Le père de ta fille ?
— Oui. Ma fille, je l'ai eue à 15
ans.
— Encore difficile à m’y faire.
— Oui. J’étais jeune, stupide et
amoureuse. J'avais 15 ans et lui 18. Il était ma première fois et cette fois à
suffit pour donner un bébé. Il a nié la paternité parce qu'il devait s’envoler
pour la France. Un bébé ferait tout annuler. Il est parti, mes parents m'ont
foutue à la porte, j’ai vécu chez les parents d'une amie de classe jusqu’à huit
mois de grossesse quand mes parents sont revenus à de meilleurs sentiments.
J’ai dû arrêter l’école. Même après la naissance du bébé. Mes parents ne
roulaient pas sur l'or, alors ils ne pouvaient s’occuper de ma fille et payer
encore mes cours. J’ai alors commencé à vendre avec ma mère au marché. Je
mettais de l'argent de côté. J’ai repris le chemin de l'école à 18 ans car
j'avais gagné assez dans les petits jobs que je faisais. J’ai lutté pour avoir
le BAC afin de pouvoir passer des concours. Tout s’est passé comme espéré et
j’ai eu mon premier boulot.
Je souris.
— C’était la fête à la maison. Enfin
j'allais sortir la tête de l'eau. Enfin j'allais pouvoir subvenir convenablement
aux besoins de mon bébé et aider mes vieux parents. Tout était parfait même si
je n'arrivais plus à avoir de relation stable. Mon cœur était en miettes. Je
vivais donc avec ma fille jusqu’à ce qu’un jour, alors que j'avais 25 ans, le
diable frappa à ma porte. Il était revenu demander pardon pour tout le mal
qu’il m’avait fait. Il voulait connaître sa fille et m'épouser. Je ne voulais
pas mais mon cœur a flanché. Je l’aimais toujours. Mes parents ont trouvé que
c’était la vie qui me donnait une chance d’être totalement heureuse. J'avais là
l’occasion de réformer ma petite famille. Alors j'acceptais sa demande en
mariage. Grave erreur.
Je bois un coup.
— Nous nous sommes mariés la même
année et avons pris l'avion pour la France. Dans les débuts tout était beau.
Mais on ne peut faire semblant longtemps. Sa vraie nature est revenue au galop.
Il me trompait à tout va. Chaque jour une nouvelle fille. Chaque soir c’était
un nouveau parfum de femme. Je ne comprenais pas. Pourquoi m'avoir épousée si
c’était pour me faire subir ça ? J’ai alors découvert, un an plus tard,
que s'il était revenu vers nous c’était par dépit. Il s’était marié mais sa
femme ne pouvait lui donner d’enfant. Et lui aussi avait eu un petit problème
au niveau de sa semence. Problème qui allait prendre du temps avant d’être
réparé. En gros, j’étais celle qui lui avais donné sa seule descendance. Voici
la raison de son retour. Mais malgré tout ça, je suis restée. De toutes les
façons je n’avais nulle part où aller. Il ne voulait pas que je travaille. Je
dépendais donc en tout de lui. J’ai supporté pendant cinq ans sa vie volage. Je
suis tombée plus d'une fois sur des nudes. Mais j'ai fermé les yeux pour ma
fille. Elle aimait avoir un papa. Je ne voulais pas lui priver de cette joie.
Seulement à la quatrième année, il m'a filé six IST en même temps. D’habitude
c’était juste une seule, que je soignais facilement. Mais là c’était six
carrément. Je n’en pouvais plus et j’ai demandé le divorce. C’était sans
compter sur sa collaboration. Il a menacé de me prendre ma fille si je restais
sur ma décision.
— Et tu l'as fait je suppose ?
— Pas cette fois‑là. J’ai cédé et je
suis restée, pour ma fille. J’épargnais sans qu'il ne sache parce qu’il n’était
jamais présent. C’était avec cet argent que je comptais payer les frais d'avocat.
Mais je suis finalement restée. Les choses ont repris comme avant. Infidélité,
humiliation, bastonnade, bref, la totale. Un an après, je chopais une énième IST qui cette fois m'a presque rendue stérile. Enfin, si
je ne le suis pas réellement. Le docteur a dit que je devais maintenant compter
sur ma bonne étoile parce que je pourrais, comme ne plus jamais enfanter.
J’étais dévastée. Mon monde s’écroulait. Moi j'avais foi que je pouvais avoir
un autre bébé avec mon homme. Mais là c’était mort. J’ai remis le divorce sur
le tapis. Il a remis la menace aussi sur le tapis.
— Et ?
— Je suis allée jusqu’au bout. Je me
suis dit, qu'il était préférable que je reste loin de ma fille en vie plutôt
que d’être morte. Je ne voulais pas qu'elle soit orpheline. J’ai foncé.
Résultat, il m'a pris ma fille et je me suis retrouvée sans sous. Tout lui
appartenait de toute façon. Mais mon avocat a bataillé pour que je garde la
maison. Je l'ai vendue et je me suis reconstruite une autre vie dans une autre
ville. Mes parents sont morts dans la même période donc je me retrouvais
complètement seule. Jusqu’à ce que je tombe sur Elionne. Elle a vu sa sœur
Ivoirienne dans le besoin et elle n'a pas hésité à m'aider. Son mari m'a
embauchée dans sa boite et grâce à eux, aujourd’hui je suis plutôt stable
financièrement.
— Mais ta fille ?
— Je prie qu'elle me contacte
puisque maintenant elle est majeure. Moi j’ai fait tout ce que je pouvais pour
la retrouver en vain. J’ai lancé un avis de recherche avec l’aide de la police
mais jusque-là sans suite. J’ai essayé les réseaux sociaux, toujours rien. En
plus je ne m'y connais pas vraiment. A notre époque il n'y avait pas toutes ces
choses.
— Votre époque ? Tu parles comme
si tu étais une vieille femme, rigole-t-il.
— Je dis ça par rapport à toi. Tu es
plus jeune que moi.
— Oui, de juste cinq ans. Ce n’est
pas si éloigné que ça.
— Peu importe. Nous ne sommes pas de
la même époque.
Je le rejoins dans son rire.
— Je préfère te voir avec ce sourire
sur les lèvres, déclare-t-il. Je te préfère avec le sourire qu’avec les larmes.
Sa voix se fait douce. Je tourne ma
tête dans sa direction. Il me fixe.
— Aucun homme n'a le droit de te
faire pleurer. Mais je retiens ce soir que tu es beaucoup plus que je pensais.
Tu es très courageuse. Vivre tout ce que tu as vécu et être encore sur
pieds ? Faut être toi pour y arriver.
Il glisse son doigt sur ma joue.
— Tu mérites
d’être aimée comme jamais on a aimé. Tu mérites toute la douceur du monde parce
que tu as assez encaissé les douleurs du monde. Tu es comme du miel et personne
n'a le droit de t’enlever ta douceur, ta saveur, et ce goût exquis qui se cache
en toi.
— Ce ne serait pas les paroles d’une
chanson ça ?
— Je viens de l’inventer.
Je rigole pour camoufler mes
émotions. Que ces paroles sont belles. Il rapproche ses lèvres et les pose
délicatement sur les miennes. Je frémis. Il brise la barrière de mes lèvres
avec sa langue et moi malgré toute ma volonté, je lui cède le passage. Il va
finir par me rendre folle avec cette délicieuse manière qu'il a d’embrasser. Il
glisse ses doigts sur ma joue pour mieux approfondir le baiser. J’ai envie de
plus. J’ai envie d’être aimée ce soir. Mais il met fin au baiser. Bien trop
vite.
— J’ai chaque fois envie de
t’embrasser quand je te vois, m'avoue-t-il.
Je souris et baisse la tête.
— On devrait se dépêcher de finir et
rentrer avant que je ne perde tout contrôle de ma personne.
— Ok.
Le chemin retour s'est encore fait
en silence. Je me mordais la lèvre sans cesse de peur de lui demander quelque
chose que j'allais regretter.
***COLLINS
Je me retiens de l’embrasser de
nouveau, dans l’ascenseur. Le fait de n’être que tous les deux n'arrange pas
les choses. Nous arrivons enfin.
— J’espère que tu t'es bien
amusée ?
— Oui, répond-t-elle timidement.
Merci !
— Plaisir partagé.
Nous nous arrêtons devant la porte
de ma chambre.
— Alors on se dit à demain ?
— Oui. A demain.
Nous restons encore quelques
secondes à échanger un regard. Elle est la première à tourner les talons. Je
fais de même. Mais une fois ma porte ouverte, je suis piqué au vif. Je me
retourne de nouveau.
— Angie !
Dès qu'elle se retourne, je me jette
littéralement sur ses lèvres. Elle pose automatiquement les bras autour de mon
cou comme si elle n’attendait ça.
— Je veux plus de toi cette nuit,
lui avoué-je contre ses lèvres.
Une étincelle s'allume dans son
regard. Je crois qu'elle le désire aussi. Je la ramène dans ma chambre que je
condamne sans regarder. Mes lèvres sont déjà perdues sur les siennes. Je la
presse fortement contre moi. J’ai l’impression que si je la laisse, je la perds
définitivement. Je ne veux plus libérer ses lèvres pulpeuses. Je veux m'en
délecter toute ma vie. Je lui retire sa robe et je la soulève. Elle enroule ses
jambes autour de moi. Je vais la poser sur le lit en prenant soin de ne pas la
heurter. Je sors mon portable de la poche arrière de mon jean et j'active le
lecteur. Les notes de ma chanson se font entendre. Elle m'aide à me
déshabiller. Avec mes dents, je lui retire sa lingerie. Je remonte avec des
baisers de ses jambes à sa poitrine.
— Tu es magnifique Angie !
Elle gémit et se cambre au contact
de mes doigts sur sa fleur. J'adore la façon dont ses seins pointent vers moi.
Sans lâcher sa fleur, j’en aspire un. L'entendre gémir décuple mon plaisir.
J'ai envie de la posséder là tout de suite mais je veux d’abord lui montrer,
par mes gestes, à quel point elle est précieuse. Elle a besoin de se sentir de
nouveau belle et désirable après tout ce qu'elle a vécu. Je veux lui montrer à
quel point elle me fait perdre la tête quand je suis avec elle.
Elle s’agrippe au lit quand mes
doigts glissent en elle. Elle halète de plus en plus. J’enchaîne avec les
suçons dans son cou. Je la sens venir. Son corps est pris de tremblement.
— Vas-y lâche-toi mon miel,
soufflé-je dans le creux de son oreille. Tu es tellement belle quand tu gémis.
Je vais plus loin et là, c’est
l’explosion. Je l'embrasse pour étouffer son cri. Elle redescend petit à petit.
Je la regarde reprendre son souffle. Elle est tellement belle ainsi. J’ai envie
de la regarder toute ma vie. La faire jouir toute ma vie. Lui montrer qu’elle
est spéciale.
— Ça va ? lui demandé-je.
Elle fait oui de la tête en gardant
les yeux baissés. Je crois qu'elle a honte.
— Qu’est-ce qu'il y a ?
— Je… je n’ai plus connu d'homme
depuis mon divorce. Je crains ne pas être à la hauteur.
Je souris.
— Contente-toi juste de profiter.
C’est tout ce que je désire. T'as pas idée de ce que tu provoques en moi,
Angie.
Elle me regarde. Je l’embrasse.
— Laisse-moi prendre soin de toi.
Je reprends les caresses, les
baisers. Je la prépare à me recevoir. Puis quand j'entre en elle après m’être
protégé, je m’immobilise à la seconde même. Je suis vrillé par un désir fugace.
Mais je suis surtout frappé par une évidence. Je ne pourrai plus me passer de
cette femme. Elle vient de me marquer. Après un moment à repousser la
jouissance, je commence à me mouvoir. Elle n'est plus que soupir et
gémissement. Je ressens son plaisir dans ma chair. J'y vais à chaque coup un
peu plus fort. Elle part la première dans l’orgasme. Je la suis deux coups plus
tard. Je m'écroule près d’elle et l'attire dans mes bras. Personne ne parle
mais je crois que nous nous comprenons.
Elle a fini par s’endormir dans mes
bras après que nous ayons encore fait l’amour. Elle dort paisiblement. Je ne
fais que la regarder. C’est fou ce qu'elle m'a apporté en juste une semaine de
fréquentation. Cette femme a changé ma vie. Par sa simplicité, par sa beauté
mais surtout par son sourire qui m'a fait craquer dès le premier jour.
Maintenant, que va-t-il se passer ? Est-ce que je lui dis la vérité sur
moi ? Sur la raison de ma venue dans ce pays ? Et, voudra-t-elle
toujours me fréquenter ? Ou, si elle accepte de me fréquenter, ce sera moi
qu'elle appréciera ou l’artiste ?
Je sursaute aux coups violents qui
sont donnés sur la porte.
— Merde, mais qui cela peut-il
être ?
Je quitte le lit doucement. J'enfile
un bas et je vais ouvrir.
— Papa ?
— Oui papa. On rentre.
— Que fais-tu là ?
— J’ai dit on rentre et maintenant.
Le jet est déjà prêt.
Il essaie de rentrer mais je lui
barre le chemin.
— Qu’est-ce qui se passe ?
Il me détaille.
— Ah, tu es avec une pute.
— Je t'interdis de la qualifier
ainsi.
— Peu importe. Dépêche-toi de
récupérer tes affaires.
Je sors complètement et referme la porte
derrière moi.
— Je ne peux pas partir comme ça,
papa. J’ai quelque chose à régler avant tout.
— Avec cette… fille qui est à
l’intérieur ? Collins, tu as déjà un souci avec une fille et tu veux en
rajouter ?
— Papa…
— Ecoute-moi, là je te parle en tant
que manager et non ton père. Ta carrière est en jeu avec cette histoire de
viol. Tu veux t’amuser ? Oui, pas de souci, tu le feras. Mais après que
cette histoire se soit réglée. Pour l’heure tu ne peux te permettre une
distraction. Tu es une star noire dans un pays de blancs et ces blancs sont
prêts à briser ta carrière. Ne leur laisse pas cette opportunité. Rappelle-toi
de toutes tes nuits blanches à composer les sons de ton premier album qui a été
disque d'or, d'argent et de platine. Tu ne veux plus revivre cette
expérience ? Tu ne veux plus faire ce que tu aimes le plus au monde ?
Tu ne veux plus entendre ton public scander ton nom pendant les concerts ?
Collins, on parle de ton rêve. Tu as travaillé dur pour être là. Tu es prêt à
laisser cette famille tout t’arracher comme ça ?
Je baisse la tête.
— Cette fille est juste une de plus.
Tu verras que dans moins d’une semaine, tu en trouveras une autre.
— C’est différent.
— Dans ce cas laisse la vie vous
réunir. Tu pourras la retrouver quand tu le voudras. Je veux juste que tu te
concentres sur ta carrière. Tu dois faire sortir un nouvel album qui effacera
tous ces scandales. Tu dois revenir au-devant de la scène. Ton public
s’impatiente. Nous devons y aller maintenant, Collins.
J’ai mal de le reconnaître mais mon
père a raison. Ma carrière est en train de partir en fumée. Il me faut la
sauver. J’ai travaillé dur pour en arriver là. Je refuse de tout perdre
maintenant.
— Ok, attends-moi je reviens.
Je retourne dans la chambre. Elle
est toujours endormie. Sans faire de bruit je range mes affaires. J’ai
affreusement mal que ça se termine ainsi entre elle et moi, mais je ne peux pas
lui imposer ma vie, mon monde. C’est trop compliqué en ce moment pour que je
l'y fasse entrer. Elle a besoin d'une vie paisible. Elle a besoin d'un homme
qui pourra la protéger. Moi, avec les médias qui sont à mes trousses à chaque
moment, je crains ne pouvoir l’épargner de certaines choses. Je note un mot sur
un bout de papier que je dépose sur la table de chevet. Je lui pose un baiser
sur la tempe et je sors retrouver mon père. Plus je m’éloigne de la chambre,
plus j’ai mal. Elle me détestera peut-être mais c’est mieux ainsi pour tous les
deux. Et dire que je suis tombé amoureux d'elle.
***ANGELA
Je me réveille toute étourdie.
L'odeur du mâle dans les draps me rappelle ma folle nuit. Je serre mes yeux de
honte. Mon Dieu comment ai-je pu gémir autant et si fort dans les bras de cet
inconnu ? Comment me verra-t-il maintenant ? J’ai hurlé comme une
malade. Mais comment ne pas, lorsque mon corps a été en manque trois
années ? Comment ne pas, quand il a manipulé mon corps avec expertise
comme si c’était lui qui l'avait façonné ? Comment je fais maintenant pour
le regarder dans les yeux ? Je n’y arriverai pas. Mais il va falloir que
je l'affronte. Je suis dans sa chambre et dans son lit.
Je tourne dans sa direction mais sa
place est vide. Il est peut-être dans la salle de bain. Je m’assieds en prenant
le soin de couvrir ma poitrine avec le drap. Que va-t-il se passer maintenant ?
Sommes-nous ensemble, dans une relation ? Ou c’est juste une idylle qui
durera le temps de notre séjour ici ? Est-ce que moi j’ai envie d'une
relation ? Avec lui ? Je me sens bien avec lui. Je me sens spéciale
quand il pose les yeux sur moi. Dois-je donc me laisser aller ? Peut-être
que ma meilleure amie a raison. Je devrais me redonner une chance en amour.
Je suis intriguée par le silence qui
plane dans la pièce. Est-il sorti faire une course ? Je fais un mouvement
quand une feuille tombe du lit. Je la ramasse. Il y a une inscription dessus.
« Je suis parti. Désolé. »
Hum ? Quoi ? Comment
ça ? Comment ça il est parti ? Parti où ? Est-ce une
blague ? J'appelle à la réception parce que je suis intriguée.
— « M. AGNIMEL s'en est allé hier
dans la nuit. Il a écourté son séjour. Vous êtes la femme qui occupez sa
chambre en ce moment ? »
Mes oreilles bourdonnent. Il est
parti hier tard dans la nuit. Je raccroche telle un automate, sans répondre à
la réceptionniste. Il est parti comme ça, après notre nuit. Qu’est-ce qui n'a
pas marché ? Qu’ai-je fait qui l’a fait
fuir ? N’étais-je pas aussi bonne que ça ? A moins que…
— Oh mon Dieu !
Je me suis faite avoir comme gamine.
Il ne faisait que jouer avec moi. Il me menait en bateau pendant que moi j'y ai
mis les organes. Oh Dieu comment ai-je pu être aussi naïve ? Me faire
avoir comme une bleue par un homme plus jeune que moi ? Il voulait juste
s'amuser. Un jeune qui s'est sûrement lancé le défi de coucher avec une femme
plus âgée que lui. Et moi… moi… Mon Dieu, j’ai mal. Je m’habille et sors à
toute vitesse de sa chambre. Avant que je n'arrive à la mienne, mes larmes me
trahissent. Je claque la porte.
— Oh mais qu’est-ce qui se
passe ? Pourquoi tu claques la porte ainsi ?
Je m'assois lourdement sur le lit.
Ma gorge est nouée.
— Ta nuit n'a pas été belle ?
— Je me suis faite avoir Elionne. Je
te l'avais dit mais tu ne m'as pas écoutée.
— Hein ?
— Je t'avais dit que je ne voulais
plus fréquenter d'homme, dis-je la voix tremblante.
— Mais…
— Je ne voulais plus faire confiance
à un homme. Je ne voulais plus me laisser berner, je ne voulais plus ouvrir mon
cœur. Je ne voulais pas me laisser aller. Mais tu m'en as dissuadée. Tout ça
c’est de ta faute.
— Bébé, dis-moi ce qui ne va pas.
Pourquoi tu es dans cet état ?
— Il est parti, tu m'entends ? dis-je
en haussant le ton. Je me suis donnée à lui toute la nuit. Je me suis laissée
aller comme tu avais dit. Je me suis offerte à lui et il est parti. Il m'a
utilisée et il a disparu. Et tu sais c’est quoi le pire ? C’est que je me
suis ouverte à lui. Je lui ai tout dit de moi. De mon passé, de mes blessures.
Je me suis confiée à lui alors que moi je ne sais absolument rien de lui. Je ne
sais pas qui il est. Je ne connais même pas son nom. Mon Dieu qu'ai-je
fait ?
Je me cache le visage et pleure en
silence.
— Je suis désolée ma puce,
compatit-elle en me caressant les cheveux.
— C’est ta faute, Élie. Pourquoi ne
m’as-tu pas laissée simplement à Paris dans mon quotidien ? Pourquoi m’as-tu
encouragée à faire cela ?
— Je voulais juste que tu te
détendes. J'avais foi que tu trouverais l'amour. Mais pourquoi es-tu dans cet
état ? Prends ce qu'il s’est passé au deuxième degré. Il a pris du bon
temps, toi aussi. Chacun en sort gagnant.
Je baisse les yeux.
— A moins que… Tu es tombée
amoureuse de lui ?
Je serre les dents. Sans lui
répondre, je me rends dans la salle de bain et ferme derrière moi. Je ne veux
pas y penser. Je préfère ne pas y penser.