Fantasme ou réalité

Write by fissadi

Je n’avais pas beaucoup dormi cette nuit-là. J’avais remué de vieux souvenirs et d’anciennes mélancolies, j’avais ressassé des résolutions qu’il fallait que je prenne et je m’étais dit que je devais engager une femme d’ouvrage. Depuis que Céline m’a quitté, j’ai réappris à vivre seul, je goûte les femmes que je croise. Des roses, des jaunes, des noires, des briochées, des allumettes, parfum vanille, caramel ou fleur d’oranger. Mais je me lasse et m’exaspère vite. Je n’aime pas les plis qu’elles laissent dans mes draps en percale de coton après une nuit d’amour. Alors je tire rageusement sur les draps, tape sur les coussins, les jette au plafond pour qu’ils oublient nos étreintes.

Je ne veux pas de trace, je me contenterai de quelques souvenirs, je traque les cheveux égarés sur le parquet, les jette par la fenêtre que je laisse ouverte toute la journée pour faire s’évanouir l’odeur de ces femmes dans la tiédeur de l’été. Je me dis que je devrais engager une femme d’ouvrage. Et si elle était jolie, je la paierais le triple pour qu’elle fasse mon ménage en tenue sexy, sous mes yeux. Il paraît que cela existe.

Je vous parle, mais je viens de me rendre compte que je ne me suis pas présenté ! Je me nomme François, j’ai trente-sept ans et je suis le directeur commercial d’une concession Peugeot à Toulouse.

C’est là que je l’ai vue pour la première fois, Stella. Elle accompagnait ses parents, venus acheter un coupé cabriolet pour les cinquante ans de Monsieur. Elle était jolie comme un cœur, les cheveux négligemment relevés en un chignon lâche, des yeux noisette cachés derrière une frange épaisse. Elle portait une jolie robe de soie verte caressant ses formes voluptueuses à chaque pas, des spartiates argentées au pied. Ses parents ont dû saisir mon trouble, sentir une hésitation car son père lui a subitement demandé d’aller les attendre plus loin alors que je leur vendais le confort incomparable de l’intérieur cuir de la 308 cc. Il a d’ailleurs suffi de ce mouvement de son père pour que je m’aperçoive moi-même du plaisir que j’éprouvais à regarder Stella : jusque-là, si je la contemplais, c’était presque par inadvertance.

J’ai réajusté ma veste, ai tourné le dos à la jeune fille et repris mon discours. Convaincre Madame, telle est la clé d’une vente réussie. Depuis des années que je répète inlassablement mon numéro, je sais enfin comment séduire Madame sans offenser Monsieur, ce qui a fait de moi le meilleur vendeur de la concession. J’aimerais croire que j’ai été convaincant, mais cet homme semble acheter des voitures comme d’autres choisissent des pâtes au super marché. Sans émotion, sans état d’âme, si on se trompe, on changera la prochaine fois.
Je les ai conduits au bureau de mon assistante et ai prétexté devoir chercher quelques formulaires à l’accueil. Je me suis dirigé vers elle, elle m’a souri et tendu la main : « Je m’appelle Stella ».

J’ai bandé. Stella. L’aurais-je autant désirée si elle s’était tout bêtement appelée Estelle, comme les filles de mon âge? Elle s’appelait Stella. Ce prénom fleurait bon l’érotisme, tintait comme une promesse d’extase. « Enchanté Stella. Je n’ai pas beaucoup de temps, vos parents vont s’impatienter, mais j’aimerais beaucoup vous revoir. »
Elle baissa les yeux, tourna la tête et rougit. Elle balaya sa frange du revers de la main et répondit timidement : « Moi aussi. »

Je lui tendis une carte de visite pour qu’elle y inscrive son numéro de portable, la remerciai et me précipitai vers mon bureau. J’étais sur le point de franchir le seuil de la porte de mon bureau lorsque je me souvins brusquement que j’étais supposé rapporter un formulaire pour valider l’enregistrement de la vente de la voiture.
Je retournai sur mes pas, attrapai rapidement trois imprimés bleus sur le bureau de ma collègue Solange et priai pour que ses parents ne remarquent pas que les mêmes imprimés trônaient également sur mon bureau.
Je l’ai rappelée le lendemain, elle s’est inventé une virée shopping avec ses copines et nous nous sommes revus le samedi suivant, premier jour des vacances d’été.

Elle a dix-sept ans et vient de passer son bac de français. Dix-sept ans ? Dans ma tête, je fais rapidement le calcul, elle est née en 1995. Oui, je me souviens bien, Jacques Chirac venait d’être élu président de la République après quatorze années de gouvernement de gauche. Quel soulagement pour mes parents ! Nous étions allés célébrer la victoire de leur candidat chez Emile, place Saint-Georges.

Stella a dix-sept ans et elle me regarde avec gourmandise. Elle minaude, me flatte, j’aime ça et j’en redemande. Les filles comme elles ne s’intéressaient pas à moi lorsque j’avais dix-sept ans, alors je prends ma revanche sur mon adolescence, ma timidité, ma candeur d’alors et sur toutes ces Julie, Anne-Laure et Magalie qui me toisaient en ce temps.

Stella m’admire, à moins que ce ne soit ma 508 de fonction. Honnêtement, ça m’est égal. Ma voiture, c’est ma réussite, mon travail, alors si elle est heureuse de frimer auprès de ses copines parce qu’elle se balade en 508 avec son copain de trente-sept ans, libre à elle.

Nous nous promenons main dans la main, nous embrassons langoureusement. Je suis étonné de la facilité avec laquelle tout semble avoir lieu auprès de Stella.

Elle part le lendemain en Italie dans la grande maison familiale pour près de deux mois. Elle me promet de m’appeler tous les jours, que nous nous reverrons à son retour, que déjà elle ne peut se passer de moi. Elle pose sa tête au creux de mon épaule, me caresse le torse, me dit au revoir avec de jolis tremolos dans la voix.
Je ne la crois pas vraiment mais une fois de plus je suis flatté et me laisse attendrir par tout ce qu’il y a en elle de charmant, d’incontestable et d’attirant.

On verra bien, me dis-je, je n’attends rien d’elle. Depuis que Céline m’a quitté, je vis au jour le jour et ne m’embarrasse plus de ce sentiment inutile qu’est l’attente anxieuse de mon amante.
Stella est partie et elle me manque. Quelle trace laisserait-elle sur mon oreiller ? Et son odeur, quelle est-elle déjà ? Je l’ai sentie encore quelques heures sur mon T-shirt, mais elle s’est évanouie.
Elle m’appelle tous les jours, comme elle me l’a promis. Je me laisse prendre à ce jeu, c’est grisant. Elle me confie ses espoirs et ses craintes, ma parle de ses goût musicaux, de mode. « Je porte un caraco en dentelle blanc sur un legging noir aujourd’hui. Est-ce que ça te plait ?
— Oui, beaucoup. »

Je m’imagine faire glisser la bretelle le long de son épaule, découvrir un sein ferme et haut, l’admirer, le frôler du doigt, puis enfin le parcourir de ma langue frétillante. Le legging me sort brusquement de ma rêverie. A mon époque, et Dieu sait que je déteste cette expression, on ne disait pas legging mais caleçon et il était uniquement réservé aux cours d’équitation. A mon époque, les filles ne portaient pas de grosses lunettes cerclées d’écailles non plus comme on le voit si souvent sur les jeunes femmes d’aujourd’hui. Nous les aurions traitées d’intellos, de coincées.

Ai-je mûri ou bien est-ce la mode qui a lavé nos cerveaux ? Les lunettes de Stella m’excitent terriblement aujourd’hui et, si j’ai beaucoup fantasmé sur les bimbos, c’est d’ « intellos » que j’ai désormais envie.
Mon été est rythmé par mes conversations avec Stella et je décide de lui faire la surprise d’aller la chercher au lycée le jour de la rentrée. Les femmes aiment les surprises, les cadeaux, être courtisées en public. Combien de fois ai-je vu Céline soupirer devant des comédies romantiques, envieuse d’héroïnes que leurs amants poursuivent à travers la ville et empêchent in extremis de prendre un avion qui les séparerait pour toujours !

Alors je sors le grand jeu et me présente à la grille de son lycée avec un bouquet de vingt roses rouges.
La sonnerie retentit, le lycée déverse son flots de jeunes gens pressés de rentrer chez eux ou de se retrouver pour une partie de baby-foot au bar d’à côté. Stella sort nonchalamment en grande discussion avec ses copines.

Lorsqu’elle me voit, elle s’arrête brusquement, ouvre la bouche, porte les mains aux joues et court vers moi pour me sauter au cou : « Oh François, que je suis contente de te revoir ! Non, vraiment, il ne fallait pas ! », ajoute-t-elle en jetant un rapide coup d’œil en arrière afin d’être sûre que ses amies ne perdent rien du spectacle.
Elle m’embrasse à pleine bouche, me mordille les lèvres, me picore de petits baisers dans le cou :
— J’ai pensé à toi tout l’été, j’ai terriblement envie de toi.
— Viens chez moi, Stella.
— Je ne peux pas, c’est l’anniversaire de ma sœur ce soir et je ne lui ai toujours pas acheté de cadeau. Mais accompagne moi aux Galeries Lafayette, on pourra passer un moment ensemble. »
Elle prend le bouquet dans les bras, plonge sa tête dans les fleurs, les hume un instant et, radieuse, me sourit : « Qu’est-ce que je suis bien avec toi, François ! ».

Je bois ses paroles comme de l’eau et la détaille amoureusement. Ces deux mois passés au soleil ont ambré sa peau de jolis reflets caramel qui font ressortir ses taches de rousseur.
Elle porte un chignon haut, un bun dit-on, je crois. Sa nuque s’offre à mon regard, à mes caresses, gracile et sensuelle. Je suis captivée par une ombre qui se dessine sur sa peau. Elle nait derrière son cou, descend sur sa clavicule et plonge dans son petit T-shirt blanc. Un soupçon de lait frais dans un bol de chocolat chaud, la trace discrète de son bikini sur sa peau halée.

Elle m’attrape par la main et, le regard happé par cette fine ligne blanche qui danse autour de son cou, je la suis jusqu’au rayon femmes des Galeries Lafayette. Elle attrape en hâte une robe savamment pliée sur un présentoir, me fourre un foulard dans les mains et me dit : « Apporte- moi le foulard en cabine dans trois minutes. »

Je scrute la vendeuse à l’entrée des cabines et profite, pour rejoindre Stella dans sa cabine, du moment où elle s’éloigne pour ranger quelques articles en rayon. Adossée contre le miroir de la cabine, ma belle me regarde en souriant, le regard enflammé.

Sans un mot, elle lève les bras, je soulève son T-shirt et découvre le lac dans lequel se jette la fine ligne blanche. Sa poitrine est nue, arrogante et d’un blanc ivoire hypnotisant. Elle m’offre ce qu’elle a caché à tous tout l’été, ma poitrine se soulève, mon sexe se cabre dans mon pantalon, je me jette sur ses tétons rosés, les aspire, les mordille, les excite du bout de la langue.

Les yeux flambants, elle ondule contre moi et, d’un geste assuré, déboutonne mon pantalon : « Ne sois pas si pressée, ma belle, j’ai tellement envie de te lécher ! » dis-je en glissant un doigt sous sa culotte.
Sa voix se brise sous l’effet de la volupté :
— Une autre fois, François, je n’en peux plus, baise-moi.
Je retire mon doigt trempé de son sexe, le porte à la bouche et le suce : « J’aime ton goût. Tu me sembles bien prête en effet. »
Je glisse mes mains sous ses fesses, la soulève et la plaque contre le mur. Elle halète. Ses yeux clos, sa lèvre supérieure légèrement relevée trahissent une indéfinissable expression de désir. Elle s’accroche à la patère au-dessus d’elle et enroule les jambes autour de ma taille.

Je libère mon sexe du caleçon, soulève d’un doigt sa culotte et la pénètre entièrement dès le premier branle. Elle laisse échapper un cri, de stupeur ou de douleur, je ne saurais-dire. Je plaque ma main contre sa bouche pour la faire taire, elle me regarde les yeux révulsés, puis s’apaise et d’un léger hochement de tête m’indique qu’elle a compris, qu’il faut qu’elle se calme.

— Mademoiselle, ça va bien ? s’inquiète la vendeuse revenue à sa place à l’entrée des cabines d’essayage.
— Oui, oui, chevrote, Stella, je me suis juste coincé le doigt dans la fermeture éclair, mais… euh, ça va aller.
— Bon tant mieux, n’hésitez pas à m’appeler si vous avez besoin d’aide.

Au fond de moi, je crois que j’aurais aimé que la vendeuse nous surprenne. Mon sexe bien raide dans la chatte de Stella, je reprends mon mouvement de va-et-vient et sens l’étreinte de ses cuisses devenir plus forte. Je suce le bout de ses superbes tétons, elle étouffe un râle, jette la tête en arrière, se cambre nerveusement en proie à un désir irrésistible qu’elle ne peut taire. Sa respiration est agitée et sifflante, elle plante ses ongles dans mon épaule droite, m’implore en silence de la laisser reprendre ses esprits.

Mais, ivre de plaisir, j’éprouve une volupté indomptable et, d’un sursaut de rein, j’intensifie et accélère le frôlement de nos chairs, mon désir devient rage et je jouis en elle.
L’ultime étreinte s’accompagne d’un bruyant craquement. La patère à laquelle s’agrippait Stella s’est rompue sous la violence de mon assaut et lui reste entre les mains.
J’entends la vendeuse débouler vers la cabine et ouvrir brusquement le rideau.
— Oh, mon Dieu, mais c’est ignoble ! Sortez immédiatement d’ici ! J’appelle la sécurité !

Je me rhabille en toute hâte, Stella baisse son T-shirt, attrape son bouquet de fleurs et nous courons main dans la main jusqu’à la sortie.
Le personnel de la sécurité bloque une sortie, nous nous jetons sur l’autre et courons à travers les rues du centre-ville. Très vite, nos poursuivants nous laissent fuir et retournent à leur poste ; nous n’avons rien volé après tout.

Nous nous refugions hors d’haleine dans un parking Vinci. Stella m’entraîne à l’intérieur à l’abri des regards. Nous sommes en nage et rions de nos mésaventures. Je glisse mon T-shirt dans mon pantalon, passe la main dans mes cheveux pour leur redonner forme lorsque Stella m’interrompt et boude : « Pas si vite, Monsieur, et mon orgasme ? » Je lui souris, impatient de lui rendre le plaisir qu’elle m’a donné. Je la pousse contre un pilier et ôte son T-shirt. Je plaque ses bras vers le haut et fais glisser ma langue le long de son aisselle. Notre course l’a épuisée, elle a transpiré, je recueille sur le bout de ma langue de petites perles de sueur. Elle a une saveur un peu âcre, légèrement iodée, comme un souvenir de ses vacances au bord de l’Adriatique.
J’aime la boire et poursuis la découverte de son corps en suivant la courbe de ses seins. Soudain, paniquée, elle murmure : « Au sol ! Vite ! »

Accroupis, nous nous cachons entre deux voitures et laissons s’éloigner le couple qui vient de garer sa voiture et s’apprête à rejoindre le monde extérieur des promeneurs et des badauds.
Je réponds à son ordre par un autre :
— Mets-toi à quatre pattes !
Elle s’exécute avec un plaisir visible, sa jupe plissée couvrant à peine sa croupe offerte.
Je m’allonge sur le dos et glisse ma tête entre ses cuisses. Les cheveux contre le sol, je m’enivre de ce mélange entêtant d’asphalte et d’essence.

Je baisse sa petite culotte blanche et m’approche de sa vulve entrouverte. Dans la pénombre, je peine à voir les replis de son intimité, mais ce spectacle offert sans résistance me ravit. Mes mains crispées sur ses fesses, je les presse vers moi et j’aspire son clitoris.
Puis lentement, très lentement, je laisse glisser ma langue contre ses petites lèvres, je chatouille son anus, remonte vers son petit triangle de poils bruns en accentuant la pression de ma langue contre ses lèvres. Du bout de la langue, j’éveille de petits frissons de plaisir sur sa chatte.
Elle soupire, arque le dos, rejette ses cheveux en arrière et laisse échapper un faible cri qui m’encourage à poursuivre mon exploration. Je l’imagine sourire à l’infini.
Je la sens se détendre, frôle ses fesses, son anus se dénoue sous mes caresses.

Mon visage enfoui dans son intimité, j’entrevois la voie désirée et glisse une langue aventureuse dans son petit trou rose. Je savoure le breuvage onctueux qui humecte ses lèvres, pars à la conquête de l’île au trésor.
Je la sens défaillir de plaisir, les jambes tremblantes, les doigts crispés au sol pour ne pas s’écrouler.
Je me retire alors en douceur, non tant pour la laisser reprendre ses esprits que pour l’accabler plus encore, la voir se tordre de plaisir en proie à des soubresauts nerveux.

Son délice s’exaspère, je sens ses seins vibrer d’un halètement plus rapide. Elle semble souffrir et aimer ça. Elle lutte, contracte son vagin, tente de refermer ses jambes mais je les maintiens bien écartées.
J’accentue alors la pression de mon doigt contre sa paroi. J’appuie, je relâche, j’appuie, je relâche dans un mouvement régulier qui s’accélère pour ne lui laisser aucun répit. Mon doigt entre et sort en elle, j’alterne avec des mouvements circulaires. Elle se crispe, je me sens virtuose, interprétant le Boléro de Ravel, exécutant un crescendo progressif dont la seule fin possible, la seule délivrance autorisée, est l’orgasme.
— Arrête, arrête, je sens que ça vient !
Aussitôt, la jouissance l’accable et je sens un flot d’eau claire d’une puissance insoupçonnée se déverser sur moi.

Elle se recroqueville, me regarde comme une bête apeurée, honteuse.
— Stella, j’aime ton goût, j’aime te boire, tu ne pouvais pas m’offrir de plus beau cadeau, lui dis-je avec douceur pour la rassurer.
— Je, je, j’ai tellement joui que j’ai eu peur d’en mourir, hoquète-t-elle. Je dois y aller. Je vais être en retard à l’anniversaire de ma sœur, et en plus, je n’ai toujours pas mon cadeau.
Elle remet sa culotte, se recoiffe, sèche ses larmes et je la raccompagne dehors.

J’ai cru que le temps s’était arrêté un instant, que la terre avait arrêté de tourner, mais les passants contemplent les vitrines, bavardent, marchent, les bras chargés de paquets, ignorant notre plaisir partagé.
Le lendemain, elle ne me rappelle pas. Le surlendemain non plus. Comment la rassurer, lui faire comprendre la jouissance que m’a procurée son abandon.

Je compose son numéro. Elle décroche, indécise :
« Bonjour, François, pourquoi m’appelles-tu ?
— Je m’inquiète pour toi Stella. Tu vas bien ? Je voudrais te revoir.
— Me revoir ? Après ce qui s’est passé ?
— Ce qui s’est passé ? Mais ce qui s’est passé était magnifique ! Stella, je t’aime tellement ! »

Silence au bout du fil. Je me fige. Ai-je vraiment dit ça ? Un « je t’aime tellement » vaut-il un « je t’aime » ? Un « je t’aime bien » est une insulte, mais un « je t’aime tellement », est-ce une déclaration d’amour ?
Stella semble avoir fait son choix car je la sens revivre au bout du fil, gagnée par un immense soulagement mêlé de bonheur.
« Bon, reprenons les choses calmement, dit-elle. Tu m’invites au restaurant ?
— Avec plaisir.
— Très bien, alors on se voit samedi au Mandarin, à 20h00. Et, euh, je t’aime, glisse-t-elle en guise d’au revoir. »

La semaine file à tout allure et je passe la journée du samedi à briquer l’appartement, je change les draps, achète des pivoines au marché et les dispose dans de petits vases sur la table du salon. Peut-être me suivra-t-elle à l’appartement, qui sait ? Mon esprit s’échauffe, je le laisse divaguer. J’aime cette attente, cette aspiration fiévreuse tout autant que nos corps-à-corps. Je ne cherche pas à calmer ce désir qui s’empare de moi, je le déverserai ce soir auprès de Stella.

Lorsque j’arrive au Mandarin à 19h55, Stella est déjà attablée. Elle me sourit et me fait de grands signes de la main pour que je la rejoigne. Ici, c’est buffet à volonté tous les soirs pour 19,90€. J’avoue être un peu étonné par son choix, je pensais qu’elle opterait pour un restaurant plus raffiné. Mais peu m’importe la nourriture au fond, je vais passer la soirée avec elle et c’est bien la seule chose qui compte.
Stella semble songeuse, indifférente presque à mes regards lubriques.

Elle est inquiète et me confie ne pas savoir vers quelle voie se diriger. Ses parents voudraient qu’elle fasse une école de commerce « parce que ça mène à tout » mais elle hésite.
« J’aimerais faire de la décoration d’intérieur aussi. Oh François, comme je t’envie ! Tu as un super boulot, une belle voiture, tu peux sortir quand tu veux, voyager où tu veux… Qu’est-ce que j’aimerais avoir trente-sept ans, moi aussi ! »

Trente-sept ans. J’ai trente-sept ans et jamais je n’ai été aussi perdu. A cet âge, mes parents avaient quatre enfants et une grande maison avec piscine en banlieue. Ce n’est pas nécessairement la vie que je voulais, mais je ne peux m’empêcher de comparer mon existence à la leur. Pour que je puisse acheter mon appartement, ils ont dû se porter garants malgré mon salaire confortable. J’ai ravalé ma fierté, mais ce n’est pas cela qui m’empêche de dormir. Ce qui me tourmente, c’est que j’ai toujours vu mes parents comme des personnes qui savaient tout.

Or moi, je ne sais rien. J’irais même jusqu’à dire que, plus je vieillis, moins j’en sais et plus mes certitudes s’effritent. Je vois mes rêves d’enfants disparaître dans la brume des années qui passent sans que j’aie pris le temps de les remplacer par d’autres. Je voudrais changer de travail, mais pour quoi faire ? J’aimerais croire à l’amour toujours mais ma récente rupture a piétiné cet idéal.

Mais Stella voit en moi son héros, alors je prends mon air confiant et je garde mes inquiétudes pour moi.
— Je vais me laver les mains, je reviens, dis-je en me levant.
Le sol du restaurant est en fait un immense aquarium dans lequel nagent de grosses carpes. Je tape du bout du pied comme pour signaler ma présence mais elles m’ignorent silencieusement.
Je pousse la porte des toilettes. Elles sont tapissées de rouge et un petit chat posé sur le lavabo m’accueille dans son sanctuaire. Vous le reconnaissez ce petit chat ? On le retrouve dans tous les restaurants chinois, il est rouge et or et a la patte gauche levée.
Je n’ai pas le temps d’ouvrir le robinet que Stella se faufile derrière moi et ferme la porte à clé.
— Tu t’es trompée, Stella, ce sont les toilettes des hommes.
— Je sais très bien ce que je fais, Monsieur, répond-elle, les yeux brillants de luxure.

Son « Monsieur » est comme un code qui veut dire « j’ai envie de toi ». Il n’y a qu’en ces occasions que j’ai le droit à une telle distinction. Et ça m’excite. Il est temps que je le reconnaisse : sa jeunesse m’excite, cette saveur de l’interdit, son corps si frais, et cette ombre de perversité que je sens rôder en moi. Que diraient-ils de moi, les autres, les honnêtes gens, s’ils me voyaient baiser une jeune et innocente gamine ? Une gamine ? S’ils savaient, seulement…
— Fais vite et fais-moi mal, ajoute-t-elle en se penchant au-dessus du lavabo.
— A vos ordres, Madame, dis-je en libérant ma virilité.

Stella ne semble pas faire partie de ces femmes qui ont besoin de caresses, de pénombre ou de mots doux pour sentir monter le désir en elles. Elle n’aime pas simplement baiser. Elle aime l’idée même de baiser et c’est pourquoi elle est toujours trempée dès que nos jeux commencent.

Les bras en appui sur le lavabo, face au miroir, elle me jette un regard autoritaire et impatient. Je soulève sa robe, retire la culotte, écarte ses fesses d’une main et sans même prendre le temps de caresser l’entrée de son vagin du bout de mon pénis, le fais entrer en entier d’un vigoureux coup de rein. Elle sursaute, visiblement surprise par mon douloureux assaut, mais en redemande.

Elle n’a pas eu la patience de bien lubrifier, de laisser sa petite fente étroite s’épanouir, mais le contact rugueux de sa chatte me comble, j’exulte de sentir mon membre la remplir pleinement.
Je la baise par derrière et la contemple en même temps jouir dans le miroir. Elle a renversé sa tête en arrière, ses yeux sont fermés et je reconnais sur son visage le rictus de la jouissance. Lorsque mon sexe cogne contre ses fesses, elle esquisse une grimace de douleur qui s’efface dès que je sors à moitié.
L’excitation mêlée à la peur d’être surpris m’incite à hâter ma jouissance. Je ne suis plus dans l’échange, je ne cherche pas à la faire jouir, seule compte la satisfaction de mon irrépressible désir.
Je me colle à elle, agité de violentes secousses. Nous haletons à l’unisson en proie au feu qui nous consume.
Je resserre mes mains sur ses hanches et enfonce mon pénis le plus profondément possible. Une brusque chaleur roule dans mes veines et je me décharge en elle.

Encore enfoncé dans sa chatte par derrière, je me penche sur elle, ouvre le robinet et me rafraichis les tempes. J’essuie mon sexe, défroisse mes vêtements en passant plusieurs fois les mains dessus et regagne la sortie du restaurant, calmement, trop anxieux à l’idée de retourner à table.
Stella me rejoint quelques minutes plus tard, le rouge aux joues et les cheveux décoiffés.
— Mais j’ai faim moi ! Allez, viens, on y retourne, implore-t-elle.
— Je ne retourne pas là-dedans, Stella. Viens chez moi, je suis sûr que ça te plaira. Je nous ferai des pâtes, ça vaudra bien la friture chinoise.

Stella s’exécute et prend place à côté de moi dans la voiture. La soirée est un peu fraîche, mais je décapote tout de même la voiture pour lui faire plaisir.
Nous nous garons au pied de mon immeuble et montons au quatrième et dernier étage. Je tourne la clé dans la serrure, pousse la porte, pose ma main au bas de son dos et l’invite à découvrir mon appartement.

Elle s’exclame :
— Que c’est bien décoré, François !
— Oui, c’est…. C’est Céline voulais-je dire, mais je me retiens de justesse et marmonne : C’est un endroit agréable à vivre.
Stella s’installe dans le canapé, joue avec les petits vases de pivoine dans lesquels j’ai ajouté des eaux colorées et me demande :
— François, est-ce que fantasmer sur un autre homme, c’est tromper ?
— Non, bien sûr. Pourquoi, il y a quelqu’un qui te plait ? parviens-je à répondre en masquant tant bien que mal mon inquiétude.
— Non, non pas du tout, voyons ! s’offusque Stella. Et embrasser, c’est tromper ?
— Non, je ne pense pas. Mais enfin, tu veux me dire quelque chose ?
— Pas du tout, François ! Je ne ferais jamais une chose pareille. Je me pose des questions sur l’amour en général, c’est tout. C’est naturel, c’est la première fois que je suis amoureuse, ajoute-t-elle en baissant la voix et regardant pudiquement le sol.
Je suis soulagé. Il faut vraiment que j’apprenne à tempérer mes émotions, je m’emporte pour un rien.

— Et sucer, c’est tromper ?
— Euh, non, je ne crois pas.
— Donc en fait, il n’y a que coucher qui est tromper ?
— Oui, oui, je pense, dis-je sans grande conviction.
— Ah, merci, merci, François ! Qu’est-ce que je suis soulagée ! s’exclame-t-elle.
— Soulagée de quoi ?
— Et bien, il faut que je t’avoue quelque chose, mais ça n’a pas grande importance puisque je t’ai été fidèle. Avant-hier, j’ai sucé Romain, un copain de classe au bahut.
Je me redresse dans le divan et je la regarde.
—Tu as fait quoi ?
Stella est tétanisée, repliée sur le canapé, elle se demande soudain si elle n’a pas commis la maladresse irrémédiable.
— Je…, je suis désolée François mais tu viens de dire que sucer n’est pas tromper, alors j’ai cru que je pouvais me confier à toi.

Il m’est arrivé une fois de lécher une collègue au bureau, pour un petit plaisir sans conséquence, et j’en ai gardé un souvenir fantastique. Je n’ai jamais considéré que j’avais trompé Céline car cela n’a rien changé à mon amour pour elle, ni à nos habitudes, ni à nos projets, mais maintenant que Stella vient de m’avouer avoir sucé son pote, je tente de discerner en moi quelle émotion prend le pas sur l’autre. Suis-je furieux ? Suis-je triste ? Ou, plus confusément, suis-je… ému de cette confidence qu’elle m’a adressée ?
— Ecoute Stella, je ne sais pas quoi te dire. Il me faut du temps. Imaginer ta jolie bouche qui se referme sur…
Elle redresse la tête, attentive.
— Je suis désolée si je t’ai fait de la peine. C’est vraiment le genre de chose qui n’a pas d’importance, tu sais. Ça ne compte pas, Romain est juste un pote !
— Raconte-moi.
— Que je te raconte quoi ?
— Raconte-moi comment tu l’as sucé.
— Tu… tu es sûr ?
— Raconte, Stella. Si j’imagine la scène, je vais me faire des scénarios impossibles et je risque d’en souffrir. Tandis que, si tu me dis tout…
— Je comprends. Mais… Et bien, soit ! Il m’a aidée pendant une interro de maths et m’a demandé une petite compensation. Je pensais qu’il voulait des clopes ou de l’argent. Ben non, il m’a demandé de le sucer. Alors on a fait ça en salle de gym après les cours.
— Les détails, Stella, je veux tous les détails !
Elle hésite un instant, s’installe plus confortablement dans le canapé et poursuit :
— Donc, on était en salle de gym, on s’est mis dans un coin, il a déboutonné son pantalon, baissé son caleçon et en a sorti son pénis.
— Depuis quand est-ce que tu dis pénis, toi ? Appelle un chat un chat !
Elle reprend :
— Il a baissé son caleçon et en a sorti sa bite.
Je fais de même, Stella me regarde, incrédule.
—J’ai pris ses boules et les ai roulées dans mes mains, je lui ai caressé la bite et je l’ai vue se dresser.
Mes gestes suivent ses paroles.
— Comment est-elle sa bite ?
— Elle n’est pas comme la tienne. Elle est plus fine, légèrement arquée, mais un peu plus longue je crois.
— Et alors, tu l’aimes sa bite ?
— C’est plus facile pour sucer, c’est tout. Mais j’imagine que s’il me prenait, je la sentirais moins bien en moi.
— Continue.
— Laisse-moi te montrer, tu comprendras mieux, glisse-t-elle avec un sourire complice.
— Hors de question, ne t’approche pas de moi. Tu ne me touches pas jusqu’à nouvel ordre !
— Alors, euh, j’ai pris sa bite entre mon pouce et mon index, comme un anneau autour de son gland, j’ai pressé fermement et j’en ai sucé la tête.
J’ai la bouche sèche, le front en feu, je fais face à Stella et accélère la cadence, galvanisé par son récit.
— Son gland était pulpeux et rond, délicieux. Je l’ai longuement suçoté, j’ai dessiné son contour du bout de la langue.
La voix de Stella a mué, elle se fait plus grave, plus rauque, elle parle plus lentement, envahie par les images qui dansent dans sa tête. Elle fait glisser une main le long de son corps, la plonge dans sa culotte.
De nouveau, je lui ordonne de cesser. « Les mains derrière le dos Stella ! Tu ne me touches pas, tu ne te touches pas. Parle ! »
Elle se tortille nerveusement, s’agite sur le canapé, maîtrisant avec le plus grand mal son excitation.
— J’ai enfoncé son sexe tout entier dans ma bouche, son bout s’est écrasé contre mon palais. Je l’ai senti gonfler plus encore, j’ai failli étouffer.

Je l’écoute, je l’imagine. Je vois très bien son merveilleux visage se pencher vers la queue de son copain, je vois ce Romain profiter de l’aubaine, je l’imagine bander dans la bouche de ma chérie, de mon amour, de ma Stella, et je me branle avec feu. Oui, ça m’excite, je n’ai pas honte de le reconnaître ! Je vais jouir ! C’en est trop pour moi, je suis traversé d’un spasme de volupté, me sens pris de vertige, vaincu anéanti. Un flot de sperme monte le long de mon sexe
— Alors j’ai aspiré de plus en plus fort tout en tenant fermement la base de sa bite, continue-t-elle dans un murmure. Il s’est vidé en moi en grognant.
La sensation de délice qui m’envahit est si aigüe qu’elle m’arrache un cri d’extase. J’entre en convulsions, expulse des jets de liquide chaud qui s’échouent sur la table du salon.
Une larme de sperme tombe dans le petit vase dont j’ai teinté l’eau de rose. Nous la regardons s’enfoncer lentement au fond du vase.
Et je prononce d’une voix éraillée : « Tu es une petite salope, mon amour. Et j’adore ça… »

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