Faut il nous quitter sans espoir de retour

Write by Gioia

***Ludovic EHIVET***

J’ai passé tous les congés à ruminer cette histoire avec Arthur et Miriam. Blair et moi on s’est écrit quelque fois mais je me voyais mal lui en parler. Je sais qu’elle va pleurer sa vie entière. Et le truc aussi c’est que je me vois mal me tenir devant elle pour faire le rapporteur. Un mec ça ne colporte pas. En même temps elle ne mérite pas ce que ses deux lui font. Du coup je suis confus et ne sais pas quoi faire.

Aujourd’hui nous reprenons les cours et ça me taraude l’esprit à mort. Melvin quant à lui arbore une tête d’enterrement comme si on l’envoyait se faire guillotiner.

La journée s’est déroulée dans la monotonie. Comme d’habitude les profs nous ont remonté les bretelles, nous rappelant que ce troisième trimestre est la dernière ligne et ceux qui se croient au chaud pour la première seront étonnés. La pause se pointe et mon bulletin dont j’ai sciemment oublié l’existence durant les congés, me revient en esprit. Une petite tape sur l’épaule me sort de ma rêverie. C’est Blair qui se tient derrière moi.

-Alors ça s’est bien passé le deuxième trimestre ? me demande-t-elle

-Euh aucune idée. Je n’ai pas retiré mon bulletin

-Waoooww tes parents ne te surveillent pas toi ? Mon père a demandé mon bulletin illico presto dès le début des congés. Tu attends quoi ?

-Rien, je le ferais après, dis-je vite fait

Ce après a duré quatre jours. Le vendredi elle s’est mise devant moi les mains sur ses hanches et l’air bien farouche

-Mr EHIVET aujourd’hui on va chercher ton bulletin ensemble !

-Je l’ai déjà pris, bluffai-je

-Hooo menteur. Je te vois regarder le secrétariat chaque jour

-Laisse-moi tranquille Blair tu n’es pas ma mère

-Je ne te laisse pas. Je suis ta petite maman à l’école. Donc tu vas faire comme je dis, elle insiste et arrive à m’arracher un sourire

-Avec ta petite tête tu penses pouvoir me mettre au monde toi ? dis-je sur un ton moqueur

-Ce n’est pas comme si tu es super grand de taille non plus hein

-Bien sûr, pas comme ton copain

-Mon copain vient chercher quoi ici ? N’essaie pas de détourner le sujet. Ton pied mon pied aujourd’hui Ludo

Je n’ai pas voulu mais elle m’a tiré avec elle. J’ai pris le bulletin en tremblant et au lieu d’ouvrir l’enveloppe pour le regarder, je la fixais. Elle me la prend finalement et l’ouvre. La peur me tient tellement les entrailles que je n’ai pas la volonté de m’opposer

-Je vais dire à tout le monde que tu es une poule mouillée, ironise-t-elle. Tu as eu 11 de moyenne

-11 ?? Moi ??? Tu es sérieuse Blair ??

-Bon ce n’est pas fameux vu tout le travail que tu as abbatu....

-Rho mais tu penses que je vais me plaindre. C’est bien mieux qu’au premier. C’est grâce à toi merci, dis-je en la soulevant

Elle s’est mise à rire et crier que je vais la faire tomber. Je l’ai reposé avec un grand sourire qui traduisait mon soulagement. Pffiouu Dieu merci je vais garder ma tête sur mon corps pour un moment encore. Le soir venu, j’ai présenté le bulletin à mon père comme on nous le demande pour qu’il le signe.

-Hum un pauvre 11 et tu crois avoir foutu quelque chose. Tu me regardes sans honte au lieu de baisser tes yeux. Emmène ce torchon loin de moi, dit-il en le jetant au sol après l’avoir signé

Je m’en fous de ces histoires de toute façon. Mes efforts ont un peu payé. J’ai réussi et c’est tout ce qui m’importe. Mais le répit fut de courte durée.

Deux mois maintenant qu’on a commencé le troisième trimestre. À la maison les choses se sont envenimées. Maman s’est retrouvée à l’hôpital pour des problèmes de santé qui ne finissent pas. Tantôt le médecin parle de ses reins. Ensuite ce sont les hémorroïdes. Elle y est depuis un mois et je n’arrive pas à m’en sortir mentalement. Sans maman ma vie n’aura plus de sens. Je sais que penser comme ça n’est pas approprié mais parfois, ses idées s’imposent à moi.

Papa rentre quand il veut et nous donne à peine l’argent. Je suis à un doigt de demander de l’aide à Vincent mais je ne sais pas comment lui dire. Je travaille au chantier dès que je sors de l’école. Melvin reste tout seul des fois et je ne sais pas s’il fait ses devoirs. J’arrive plus à étudier comme il se doit et en plus je manque des journées pour aller chercher l’argent. Plus le choix à ce stade. On n’a pas d’oncle ou tante comme les autres en classe qui souvent me racontent qu’ils ont passé les weekends avec leurs cousins. Le tonton qui venait nous chercher de temps en temps pour l’école a coupé ce privilège depuis le début de cette année. Je ne connais aucun contact pour le rejoindre.

J’ignore si c’est à cause de papa que tout le monde a déserté mais aussi longtemps que je m’en souvienne je n’ai jamais vu d’oncle ou de tante hormis chez nous. Les gens que je connais de la grande famille je les ai vu en album photo. Y’a que mémé qui vit à Sassandra qu’on connaît un peu. On lui a parlé quelques fois au téléphone mais elle non plus n’est jamais venue chez nous. Ça va paraître drôle mais je ne connais pas le numéro de mon frère aîné Duke. À un moment il en avait un fixe puis il a commencé à le changer régulièrement. Quand maman essayait de le joindre ça ne passait jamais. C’est juste lui qui débarquait soit une fois aux trois semaines pour saluer et prendre de nos nouvelles. À maman il disait juste que la vie à Bengue est stressante, qu’il jongle et tout. Je ne sais pas s’il trouvait ça acceptable comme raison pour ne pas avoir un numéro fixe mais c’est ce qu’il a toujours dit. Lui et papa ne s’entendaient jamais de toute façon. Des mots que j’ai pu glaner dans les disputes des parents, Duke n’a pas pardonné à papa le fait qu’il cesse de le soutenir financièrement alors que mon frère était encore aux études en France. Du coup c’est Duke lui-même qui a coupé les ponts avec papa. C’est juste maman qu’il considère. Et ça le vieux ne l’a jamais pardonné à maman. Il l’insulte pour à chaque occasion qu’il a.

Des fois je me demande si ce n’est pas pour ça qu’il nous déteste autant Mel et moi. Oui je crois dur comme fer qu’il nous déteste même si maman veut me faire passer crème son comportement. On est un poids pour Henri EHIVET. Je l’ai accepté très tôt et me suis promis de le décharger très tôt du fardeau que Mel et moi sommes comme ça il pourra aller le faire sa politique de chien. Mais le projet déchargement express je le sens de moins en moins. Voilà mes notes qui ont salement chuté. Mr Adou ne me lâche plus. Il y a deux jours il m’a foutu la trouille en disant que je vais échouer à coup sûr. Mais je ne sais pas quoi faire si ça devait arriver. Maman va en pâtir et papa me mettra à la porte. Je le sais. On n’a même pas besoin de me le dire. Je sais qu’il n’attend que ça pour se débarrasser de moi. Toutes ses questions me tiraillent tant l’esprit que je n’arrive pas à ne pas y songer en classe.

Une minute après qu’on ait sonné la pause, j’ai essayé de m’allonger un peu, espérant que la migraine allait passer. J’ai senti une petite main et mon parfum favori près de moi

-Coucou toi

-Salut, dis-je en levant ma tête de la table

-ça ne va pas ? je m’inquiète pour toi Ludo. Tu manques des jours de classe et tu n’as que des mauvaises notes. Il se passe quoi ?

-Ren. Je t’ai déjà dit que tu n’es pas ma mère, dis-je sur un ton acerbe

-Genre ! me retourne-t-elle sur le ton qu’elle emploie quand le mécontentement n’est pas loin. Tu ne vois pas que tu fous ta vie en l’air ? Tu veux reprendre la classe c’est ça ?

-Va casser les oreilles de ton copain plutôt. On n’a pas dit qu’il fume de l’herbe aux dernières nouvelles ?

-Tu fais dans les ragots maintenant ? Tu me déçois

-Je l’ai raconté à qui ? Je te le dis à toi

-Ne parle pas en mal de mon Arthur, dit-elle sèchement. Si sèchement que j’ai eu un mouvement de recul pourtant je suis assis. C’est la première fois que je vois cette Blair. Piqué au vif je l’ai ouvert sachant que j’allais dépasser les bornes mais merde j’en ai ma claque de tout.

-Ton Arthur ne te mérite même pas. Il te fait des trucs que tu n’aimes pas et....

-Oui et ? Ça te regarde ? Tu es dans mon couple ? Et toi donc ? Tu es mieux que lui c’est ça ? Tu es mon ami et tu viens de me rabrouer pourtant je ne fais que m’inquiéter pour toi. Arthur je l’aime et ça ne te regarde pas

-Va te faire foutre Blair

-Pauvre con !! Réplique-t-elle du tac au tac avant de sortir de la classe

Pfff oui je suis un con. Mais juste un con d’un jour. Arthur c’est quoi ? Bref c’est elle qui connaît l’amour.

***Arthur KOUTOUAN***

Il faut que je fasse quelque chose pour évincer ce minable d’Ehivet de ma femme parce que sa présence commence à me les briser. Ce soir je devais voir Blair mais elle a annulé sous prétexte qu’elle n’avait pas le moral à cause de ce minus. Ma copine aussi c’est trop un cas. Toujours à penser à la veuve et l’orphelin comme si elle allait sauver la terre entière. Je lui ai demandé ce qu’Ehivet vient foutre dans notre rdv et elle me sort qu’elle va faire des fiches d’étude pour lui parce qu’il manque trop de cours et à cette allure, il coulera certainement son troisième trimestre. Mais comme nous on mange régulièrement ensemble, on peut remettre une autre fois. Elle m’a rajouté un s’il te plaît essaie de comprendre bébé, je t’aime. Je n’ai même pas répondu à son message. Je l’attends au tournant. Elle me connaît.

Je suis rentré depuis une heure de l’école et ça me reste toujours en travers de la gorge. Je suis allé dans la chambre de Clarence pour qu’elle m’explique le deal avec le minus. C’est sa classe et elle est supposée gérer normalement !

-Ho frappe au moins avant d’entrer. Si j’étais nue maintenant ?

-C’est quoi je n’ai jamais vu ? Bref il faut qu’on parle

-Après. Je regarde Riverdale maintenant. J’ai pris sa commande et éteint la Tv

-Putain je n’aime pas ça Arthur. Maman !!!

-Ferme un peu ton clapet et écoute moi. Tu fous quoi et Blair se rapproche d’Ehivet comme ça ?

-Mais est-ce que c’est ma faute si elle prend le pouilleux en pitié. Ne me dis pas que tu es jaloux de lui, se moque-t-elle

-Ris bien comme une idiote mais elle traîne constamment avec lui. Elle l’appelle Ludo et tout

-Et ? Vince aussi l’appelle comme ça. Est-ce que ça veut dire qu’ils sont ensemble ?

-Elle a dit qu’il est son meilleur ami garçon. Bientôt elle voudra le ramener chez toi. Tu te vois marcher avec un type comme ça dans ton camp ? Surtout que ton copain crie que c’est son meilleur pote ?

-Jamais !! Blair ne peut pas descendre aussi bas

-Reste dans le déni et ne fais rien ! Tu vas te réveiller et venir pleurer chez moi quand ça arrivera

***Clarence KOUTOUAN***

Sur ces mots il est sorti de ma chambre. J’ai perdu le goût de ma série. Toute la soirée je me suis rejouée les scènes entre B et Ehivet. J’ai également pris un mois pour les étudier et faut juste l’avouer, Arthur a raison. Bien qu’ils ne se parlent plus autant je peux voir qu’ils continuent à se jeter des regards. J’ai donc décidé d’intervenir et le jour J s’est présenté plutôt que prévu.

Mimi, Fatima Valencia et moi sommes chez Blair pour notre soirée manicure et masque à cheveux. J’ai profité d’un moment pour prendre son iPhone et mis son code qu’elle pense être la seule à connaître. B c’est trop un bébé et une personne prévisible. J’ai rentré la date d’anniversaire de Kate et le tour était joué. Toutes les filles avaient leurs masques coréens sur le visage. J’ai envoyé la vidéo de mon anniversaire où Il est tombé dans notre piscine via courriel au téléphone de Blair puis je l’ai posté en statut sur son WhatsApp avec des messages bien drôles et insultants dessus. Je suis allée lire leurs messages pour voir si je trouverais des trucs croustillants à mettre dans les messages drôles. Une mine d’or m’attendait. J’ai failli pouffer de rire et me faire prendre mais heureusement les filles avaient toutes le visage recouvert. Je sais que les premières et terminales dorment sur l’appli. Dès que j’ai vu qu’elle a été visionnée par trois personnes j’ai supprimé le tout, ainsi que le courriel envoyé et je suis retournée mettre un autre masque coréen.

***Ludovic EHIVET***

Je rentrais à la maison, plus épuisé que jamais. Encore heureux que nous sommes dans un quartier sécurisé sinon rentrer seul à 23h ça fout la trouille. J’approchais notre portail et une voiture ressemblant à celle de Vince était à notre devanture.

-Ludo tu sors d’où à cette heure ?

-J’avais des choses à faire. Toi tu fais quoi ici ?

-L’affaire est grave. Tu as fait quoi à Blair au juste ?

-moi ? Rien, je réponds confus

-En tout cas tu as réveillé son côté bitch

-Hey ne parle pas d’elle comme ça ! Ça veut dire quoi ?

-Regarde ça avant de jouer à Superman qui sauve les filles en détresse. Seb m’a dit que B a posté près d’une dizaine de choses sur toi avant de les supprimer mais certains ont fait des captures et ils font tourner sur leurs statuts depuis, il m’explique

Il m’a montré des photos de la fête d’anniversaire de Clarence. Et pas n’importe lesquelles. Moi tombant dans l’eau et ressortant avec l’air le plus débile au monde, en train de cracher le contenu de mon estomac et d’autres riant avec des téléphones devant moi. Y’avait plein de photos de mes conversations avec Blair et des statuts me traitant de chochotte, pouilleux, bon à rien et tout. Puis une photo de ce qu’elle disait être mes pieds et sur le statut suivant, elle disait que je lui avais avoué que je me masturbais régulièrement en pensant à elle. Je n’ai pas supporté de regarder la suite. Jamais je n’ai parlé de parler d’ahoco avec Blair. Je n’oserai même pas en parler avec Vince mais je vois qu’elle a partagé des trucs que je lui ai confié. Un vrai imbécile, c’est ce que je suis.

-C’est toi qui m’as donné le truc à boire à la fête et j’ai perdu la tête, dis-je en colère

-De quoi tu parles ?

-A la fête de Clarence. La boisson que tu m’as donné à la fête

-Psssttt, tu parles de ça maintenant ? C’est de ma faute si tu t’es tapé les cocktails comme de l’eau ?

-Un cocktail ? Je demande perdu

-Mec c’était des Palm B. Y’a de l’alcool dans ce genre de cocktail. Tu sais pas ça toi ?

-M0erdeeeee Vincent je n’ai jamais bu de l’alcool de ma vie !! je m’insurge contre lui

-Pourquoi tu ne me l’as pas dit ? il me crie en retour

-Tu dégages d’ici tout de suite. Va rejoindre ta connasse de copine et son amie. Restez dans votre coin et foutez-moi tous la paix

-Moi je suis venu t’aider mais comme tu fais ton idiot tu peux rester seul, dit-il  remonté avant de monter dans sa voiture

***Blair EHIVET***

On vient de finir notre masque et je prends mon téléphone pour voir si ma sœur ma répondu mais j’avais plutôt une tonne de notifications me félicitant d’avoir démasqué ce blaireau d’Ehivet.

-Wahh  B C’est quoi ces messages sur ton pote Ehivet ? rigole l’une des filles

-Je me demande aussi, dis-je tout en défilant mes messages sur WhatsApp. J’ai des messages de partout. Même des gens qui ne m’ont jamais parlé

-Tu as posté un truc sur Ehivet ? m’interroge Clari

-Mais non toi aussi

-C’est ce qui se raconte en tout cas, dit Mimi

Les jours suivants ont été un enfer pour moi. Vincent me faisait la tête et Ludo m’a menacé de gifle devant toute la classe si jamais je lui adressais la parole. Ça m’a tellement cloué le bec que j’ai pleuré toute la journée. Arthur l’a appris et ils se sont battus ce qui leur a causé des soucis avec la direction. Ludo s’est fait expulser pour une semaine malgré mes tentatives pour expliquer la situation. Arthur a reçu le même traitement mais comme ses parents sont appréciés par le dirlo, les profs passaient à la maison lui faire les cours pendant ce temps.

J’ai tenté en vain la ligne de Ludo. En plus Arthur l’avait salement amoché parce qu’il est plus costaud que Ludo. Sinon les messages je pigeais toujours que dalle. On m’a montré des photos et statuts humiliants qui venaient apparemment de mon numéro. Enfin on voit ma photo donc c’est mon numéro. Mais je l’ai pas fait et je sais que ça peut se faire des fake....du moins je crois. J’ai demandé à Kate qui me l’a confirmé.

Le seul qui connais mon code de sécurité c’est Arthur mais il ne ferait pas un truc du genre. Toutefois, juste pour me rassurer je lui ai quand même demandé.

-Lol Blair tu me prends pour un enfant ? Tu penses que je n’ai rien d’autre à faire de ma vie que de colporter ou inventer des rumeurs sur toi ? Tu viens me prendre la tête avec tes gamineries

-Non ce n’est pas ça, juste que....

-Tu sais quoi ? On devrait prendre une pause. On tourne en rond parce que tu fais trop l’enfant

-J’ai seulement posé une question bébé. Pourquoi tu le prends si mal ? dis-je en essayant de me contenir pour ne pas exploser en sanglots tellement ça sortait de nulle part

-On ne peut pas te toucher en public, on doit attendre que tu aies le bac pour coucher et déjà que je prends sur moi parce que je t’aime comme un dingue tu te permets de salir mon honneur avec tes questions stupides. Pardon ne m’énerve pas davantage. Je rentre chez moi

-S’il te plaît bébé pardonne moi. Attends…, dis-je en essayant d’attraper son bras

-Non laisse-moi tranquille. Je ne veux pas que tu viennes chez nous tant que je ne l’ai pas permis. Réfléchis dans ton coin et on verra après mon bac

-C’est dans un mois Arthur, dis-je le cœur anéanti que les choses prennent cette tournure

-Eh bien c’est comme ça ! Je ne veux pas m’énerver et me déconcentrer de mon examen

Il m’a laissé là, avec le choc et la tristesse sur le visage. Je sais déjà que si j’en parle à Clarence elle va prendre la défense de son frère. Donc le week-end j’ai appelé Kate pour lui raconter

-Bah toi aussi ne prend ça dur comme ça. Vous êtes des ados. Dans une semaine une autre histoire viendra et on va oublier

-ça fait une semaine déjà et on rit encore de lui quand il passe dans les couloirs

-Laisse le y faire face. Qui l’a envoyé boire à la fête ?

-Mais c’est super méchant de se moquer des gens. Surtout que Ludo est très calme et en retrait. Je ne veux pas qu’il tombe en dépression ou un truc du genre

-Lol tu vis à Babi mais tu fais tellement ta blanche. Des photos et bim c’est la dépression ? C’est un africain hein pas un blanc. On est solide nous

-La dépression n’a pas de race Kate. J’ai lu dans un livre que ça vient d’un dérèglement hormonal qui agit sur nos humeurs. Et le dérèglement lui-même peut être causé par le stress entre autres. Et tu sais qui avait déjà du stress en masse avant que ses photos soient révélées ? Ludovic .

-T’es sûr que tu veux pas devenir psy ? ironise-t-elle

-C’est pas drôle

-Mais je suis on ne peut plus sérieuse, dit-elle quand même sur un ton blagueur. Tu m’as vendu le truc avec tant d’émotion que j’ai failli lâcher une larme. Y’en a qui ont vu pire B. Ça fait partie de la vie de lycéens ça. Le bizutage personne n’y échappe. Probablement tu auras ton tour à l’université si tu l’as manqué au lycée. En plus c’est cette façon de défendre le type qui rend Arthur jaloux. Un homme n’aime pas que sa copine donne de l’attention à un autre

-Oh. Je dis surprise. Tu penses qu’Arthur a raison alors ?

-Pas totalement mais il n’a pas complètement tort non plus. Il se sent menacé et c’est ce qui prouve qu’il t’aime sincèrement

-OK et je dois faire quoi ? Je ne veux pas faire une pause même s’il m’a interdit de rendre chez eux. C’est dans ce genre de moment que les gars trompent beaucoup

-Vous êtes au lycée. Je t’ai déjà dit que les hommes ne sont pas fidèles et s’ils doivent l’être c’est seulement après avoir goûté un peu partout. Ils en ont besoin pour sortir le banditisme de leur système donc tu te fatigues à espérer de la fidélité d’un ado. Contente de faire ta belle et profiter de ta vie pour le moment. Quand il se fatiguera des autres, il reviendra vers toi parce qu’il sait que tu es la bonne

-Quand même je…je ne veux pas être trompée, chuchotai-je un peu dépitée

-Que ça va changera quoi sur toi si tu l’es ? Ça n’a tué personne ma puce. Il te trompe c’est la vie. Tu viens pleurer chez moi. Je te console. Il revient, tu le fais bien chier pour qu’il comprenne et tu verras qu’il va arrêter un jour. De toute façon on se voit dans un mois à Positano. Laisse-le dans sa pause. Je vais te ramener des nouveaux bikinis et une belle crème dorée que tu vas mettre sur ta peau. Quand il verra ta photo il va ramper pour revenir te chercher. Ignore-le Aussi

-D’accord. Merci Katie

-Toujours mon bébé. Tu te concentres pour finir en beauté hein

-Oui oui. À plus

J’ai donc décidé de suivre ses conseils et rester sagement dans mon coin. De toute façon il fallait aussi préparer les examens qui se sont rapidement pointés. J’ai donné tout ce que j’avais. Dès que je suis sortie de la classe j’étais en mode vacances.

Clarence est parti le soir même parce qu’elle ne voulait pas attendre une minute de plus. Moi je décolle avec maman dans trois jours. Mais avant je voulais essayer une dernière fois de voir Ludo. J’ai demandé à Al de m’aider avec Melvin pour que je rencontre son frère. J’étais avec les deux garçons qui jouaient au jeu vidéo quand la gouvernante a annoncé que Ludo était là pour chercher Melvin.

-Bon je reste ici. Ne lui donne pas le temps de parler hein. Ludo il est têtu. Et dis-lui tout parce qu’il va tirer mes oreilles avec sa main dure comme celle des maçons donc autant que tu utilises bien ta chance, me dit son frère

-Lol OK Mel. Merci du coup de main, dis-je avant de descendre et il a renfrogné la mine dès qu’il m’a vu

-Tu t’appelles Melvin ? il m’interroge avec un peu d’agacement

-Ludo je suis désolée. Je te promets que….

-Je ne veux pas...

-Non tu vas m’écouter, je l’interromps en retour. Tu me penses vraiment capable de faire un truc aussi méchant que t’afficher et mal parler de toi aux autres ? Quelqu’un a dû inventer ça pour nous embrouiller. Ma sœur m’a dit que ça se fait ce genre de trucs. Son air dubitatif m’a encouragé à continuer.

-Tu ne vas pas bien Ludo. Regarde comment tu as maigri.  Tu es malade ? Je....je m’en fais pour toi

-Blair si quelqu’un a fait ça pour te mettre le chapeau dessus alors c’est quelqu’un proche de toi. J’ai lu tous les messages. Il y’ avait des détails personnels, des trucs que seule toi et moi connaissions

-Je ne sais pas quoi dire, répliquai-je encore plus confuse. J’avoue n’avoir pas tout lu aussi

-Economise ta salive et dis à Melvin que je pars dans une minute s’il ne descend pas, il dit du bout des lèvres et me laisse

J’ai laissé couler en me disant qu’au retour des vacances il serait plus calme pour qu’on s’explique. Je suis allée chercher Melvin et il l’a rejoint dehors. Trois jours plus tard je m’envolais pour l’Italie.

***Ludovic EHIVET***

J’ai eu mon bulletin et je m’y attendais. Mon bon résultat du deuxième trimestre ne m’a pas sauvé. Mr Adou s’est particulièrement déchaîné sur moi. Je reprends la classe et M Ehivet va me tuer. Depuis que je l’ai retiré, je suis dehors à faire les tours sans savoir où aller. Je suis arrivé au garage de tonton Didier dans mes balades.

-Mon petit c’est comment ?

Sa question dite sur un ton inquiet est comme un déclic pour moi. Mon cœur qui était lourd depuis le matin essaie de se vider quand je veux l’ouvrir et au lieu des paroles, ce sont les larmes qui sortent en premier.

-Ohh ya quelque chose à la maison ? il continue à se soucier

-Est-ce que .... je peux....je peupeuuux rester chez toi ?

-Comment rester chez moi ? Viens, dit-il en effaçant mes larmes. Dis-moi tout

-Je.....je n’ai pas réussi tonton. Mon....père va me mettre dehors

-Toi aussi. Même si tu n’as pas réussi et qu’il est fâché on ne jette pas son enfant

Je voulais bien expliquer mais ma voix était trop enrouée pour continuer.  A force de pleurer, j’ai fini par m’assoupir.

***Yvette EHIVET***

Je suis rentrée de l’hôpital il y a deux semaines mais je me sens encore faible. J’étais en train de prendre de l’air sur la terrasse quand on a sonné au portail. Melvin est allé ouvrir et il est revenu avec tonton Didier le monsieur qui dirige le garage où Ludovic se rend souvent.

-Bonsoir tonton Didier. J’espère que tout va bien, je dis après que Melvin ait apporté de l’eau

-Oui maman Ludo. En fait Le petit est venu chez au garage aujourd’hui et avant de venir je l’ai laissé à la maison parce qu’il a beaucoup pleuré. Je ne l’ai jamais vu comme ça

-Il a dit avoir mal quelque part ? je m’affole

-Non, c’est seulement papa Ludo qui lui fait peur. Il dit qu’il n’a pas réussi donc on allait le mettre dehors

Mon Dieu. Avec le temps que j’ai fait hospitalisée, j’en ai oublié de demander à mon fils s’il avait eu ses résultats et je ne pense pas que Henri l’ait appris sinon il l’aurait définitivement tué.

-Si vous êtes d’accord, moi je suis venu parler à papa Ludo, continue tonton Didier. Le petit là travaillait déjà trop. Être sur les chantiers et partir à l’école c’est dur donc pardon faites-lui ça doucement

-Merci infiniment pour l’intérêt que tu lui accordes tonton Didier. Je pense que je vais parler avec mon mari d’abord

-OK, mais comme il a beaucoup pleuré, laissons-le dormir. Moi-même je vais le ramener demain à la première heure

-Merci beaucoup. Dieu vous bénisse, je réitère. Et à son départ, je suis assaillie de questions. Comme ça mon fils travaille sur les chantiers ? Depuis quand ? Comment et il a réussi à nous cacher ça ?

Demain est arrivé très vite et voilà Ludo qui franchissait le pas de la porte avec tonton Didier. Encore heureux qu’Henri soit à Gagnoa depuis trois jours. J’ai conversé un peu avec Mr Didier puis il a pris congés de nous, me laissant seul avec mon fils.

-Lorsque tu quittais la maison ici tu ne me disais pas que tu allais étudier avec tes amis ?

-Oui

-Et quand je te demandais où tu trouvais l’argent tu ne me disais pas que c’est tonton Didier qui te donnait parce que tu l’aidais?

-Oui

-Donc tu m’as menti ? Tu as passé ton temps à travailler comme un fou sur les chantiers mon fils? Maintenant on passe vraiment pour des parents irresponsables et tu as échoué. Tu es fier de toi, criai-je malgré moi

-J’aurais du faire quoi demanda-t-il la voix cassée. Tu fais déjà ton maximum maman. Papa s’en fout de nous. Je ne pouvais pas me coucher dans la chambre et voir mon petit frère mourir de faim ou toi souffrir sans médicaments quand tu es malade

Je l’ai pris dans mes bras en pleurant ma peine. Mon pauvre bébé à 14 ans a endossé les responsabilités que son lâche de père ne prenait pas

-On est vraiment maudit maman. Papa va me jeter dehors et je vais devenir quoi? Il demande en pleurs.

-Jamais! vous n’êtes pas maudits. Fais moi confiance. Tu vas voir.

Il me regardait peu confiant mais a hoché quand même la tête.

Henri est rentré en fin de semaine. Aucune question sur comment on vivait ni quand je suis sortie d’hôpital. Il m’a simplement annoncé que nous allons devoir déménager parce qu’on allait lui retirer la maison qui nous avait été donné lorsqu’il travaillait dans le gouvernent au temps où les enfants étaient encore petits. Quand je lui ai demandé pourquoi il a dit n’avoir aucune explication à me fournir.

J’ai pris une semaine pour analyser la situation et la solution que j’ai trouvé me déchirait le cœur mais je n’avais plus le choix. Un matin très tôt alors qu’Henri était dehors, j’ai apprêté Melvin et Ludo pour un voyage. Nous sommes arrivés chez ma mère à Sassandra en fin de journée

-Bonsoir maman comment ça va?

-Ayii Yvette c’est toi que mes yeux voient comme ça, s’étonne ma mère Ginette en se frottant les yeux alors qu’elle a une vue impeccable malgré ses 75 ans. Hoooo Melvin et Ludovic venez me saluer dit-elle en riant bruyamment comme à son habitude.

Les garçons lui ont tendu la main n’étant pas trop habitués à elle. Mais elle eut vite fait de les tirer dans ses bras pour les étouffer. Nous nous sommes endormis et le matin elle a demandé à me parler pendant que les garçons dormaient encore.

-Bon Yvette tu n’es pas venue ici ça fait six ans. C’est quoi qui s’est passé là-bas? Ton mari fait encore les choses de politique ?

-Maman J’ai besoin de ton aide avec les garçons.

Pour la première fois je lui ai tout raconté de ma vie. Tout dans les moindres détails.

-HUM! Yvette!!! Tu aurais dû faire comme ça depuis. Regarde-toi même comment tu es devenue brindille dans ça ? Le foyer c’est pas l’enterrement pour que tu passes le temps à pleurer hein. Si ça te dépasse, tu reviens me trouver ici même. Je ne t’ai jamais chassé.

-Non, moi ça va, le plus important ce sont les garçons.

-Okay alors, je vais leur chercher école.

J’ai fait deux semaines avec eux et Melvin n’arrêtait pas de me demander quand on allait repartir à Abidjan parce qu’il déteste le village. J’ai tout essayé pour lui faire comprendre que Sassandra n’est qu’une ville aussi, certes avec moins d’attractions qu’Abidjan mais ici il aura la viande et le poisson de temps en temps. Mais rien. Tout ce qu’il chantait c’était Abidjan. Je veux retourner à la maison et voir mes amis. Pourtant je pars demain et je n’ai pas encore trouvé le courage de leur dire qu’ils vont rester ici avec leur grand-mère. Le courage ne m’a jamais trouvé au final pour mon deuxième. J’ai attendu qu’il s’endorme pour expliquer à Ludovic.

-Je sais qu’on t’a beaucoup demandé mais je vais devoir compter sur toi encore une fois mon bébé.

-On va vivre ici, il dit la mort dans l’âme.

-Tu avais compris?

-Oui comme j’ai échoué, papa nous a renvoyé.

-Non fiston ce n’est pas ta faute. Je veux que Melvin et toi vous vous concentriez que sur l’école et rien d’autre. Avec mamie je sais que vous aurez le meilleur encadrement. Tu n’auras plus besoin de te fatiguer pour manger. Moi je vais retourner en ville pour envoyer de l’argent pour l’école.

-...mais....mais tu ....ne peux pas rester avec nous? Il demande perdu.

-Non pas cette fois. Il faut que je prenne soin de vous.  Mais je viendrais vous voir durant les vacances.

-Je ne veux pas que tu restes seule maman, sanglote-t-il. Si tu tombes malade qui va veiller sur toi?

-Il faut prier pour moi Ludo. Je ne vais pas tomber malade, j’essaie de le rassurer bien que mon cœur souffre atrocement.

-Tu promets de bien manger et ne pas trop te fatiguer?

-Promis. Je dis en versant déjà des larmes

-Tu vas me manquer, il murmure et me serre contre lui. De tous mes enfants, Ludovic est le moins expressif alors je lui en donne autant que possible surtout que je n’ai aucune idée du moment où je le reverrai.

Je savais que ça serait difficile mais là ça me semble impossible. J’étais à ça de changer d’avis et rester avec eux quand il a demandé s’il pouvait dormir avec moi pour le dernier soir. Je n’ai pas fermé l’œil.  Je me suis levée de bonne heure pour partir avant qu’ils ne se réveillent.

 

-Regarde comment tes yeux sont gonflés on dirait une grenouille, c’est comme ça que ma mère me salue.

-Merci pour le tact maman

-Tact pour bébé vient faire quoi dans ça?

-Tact maman. Les bébés utilisent le talc.

-C’est toi seule qui a fait grande école oh mon cher. Tiens prends ça, tu mange sur la route dit-elle en me présentant un sachet.

-Merci maman. Tu....tu prends bien soin d’eux.

-Yvette si une larme sort de mes yeux ici à cause de toi tu vas me connaître.

Je lui ai fait un câlin et j’allais sortir quand j’ai entendu avec effroi la voix endormie de Melvin derrière moi pourtant il n’est même pas cinq heures du matin.

-Maman tu vas où ? il me questionne d’une voix ensommeillée.

-Viens mel, faut partir dodo, tente maman mais il se dégage.

-J’ai douze ans. Je ne fais plus dodo mémé. Maman on part?

-Melvin je.....

-Attend, je vais réveiller Ludo j’arrive, dit-il très excité en courant dans la chambre.

-Vas-y mon ami chauffeur est là, je me fais dire par maman et pousser dehors.

-Maman je ne vais pas y arriver, je dis en pleurant à chaudes larmes.

-Ne fais pas je vais te gifle hein, entre dedans, dit-elle en me prenant par la main pour me mettre dans la voiture.

La dernière image que mes yeux brouillés ont pu distinguer, c’est celle de Melvin arrivant avec les chaussures en main alors que Ludo le suivait de près.

***Ludovic EHIVET***

-Maman??? Maman!!!!! Attends!!! Ne pars pas ! dit-il en criant alors que j’essayais de le retenir. Il m’a giflé, donné un coup au ventre avant de commencer à courir derrière la voiture avec ses chaussures en main. Mémé essayait de le rattraper avec son pagne qui tombait d’elle tandis que je luttais contre la douleur pour me tenir debout et courir aussi. Finalement je l’ai eu mais il continuait de se débattre.

-Calme toi Mel!!!!

-Noooonnnn!!! Je veux partir avec maman. Je veux pas rester au village Ludovic, sanglote-t-il avec force.

-Je suis là avec toi Melvin. Regarde-moi, je suis là, nous sommes ensemble ! je n’ai cessé de répéter mais il ne voulait pas se calmer.

Depuis ce jour et pendant une semaine, il ne nous a pas adressé la parole et parfois tentait de faire la grève de faim sans succès. Après tout on est juste deux dans la galère désormais avec cette mémé un peu bizarre qu’on ne connaît même pas si bien.

***Blair Gueye***

Je suis rentrée de Positano il y a une semaine. C’était purement magique. Mais on n’a pas aussi bien profité que ça. Arthur et Seb ont raté le bac alors l’ambiance n’était pas vraiment au rendez-vous. J’ai tellement de peine pour mon pauvre chéri, mais je n’aurais pas trop le temps de m’occuper de lui cette année. C’est la première et je passe l’anticipé du bac que je compte valider avec des notes bien élevées pour ne pas trop me stresser durant ma terminale. Demain c’est la rentrée et j’ai hâte de retrouver les copains. Nos chemins vont se séparer désormais vu que chacun a choisi sa spécialité. Clari et moi on s’en va en ES (économie sociale) et je sais que Vince, Miriam, Fatima et Julien iront en S (sciences). Certains iront en L (littéraire) mais pour le reste je ne suis pas au courant. J’ai appris aussi avec surprise que juste deux personnes ont repris la classe en dépit des résultats pas fameux qu’on alignait vers la fin. Je priais juste que Ludo n’en fasse pas partie. Nous sommes arrivés à l’école et à ma grande déception je ne l’ai vu ni lui ni Melvin. Je me suis renseignée chez Vince et Al mais personne n’avait des nouvelles depuis les vacances. Une semaine plus tard je suis allée dans son quartier et découvert qu’ils avaient déménagé. Les nouveaux locataires n’avaient aucune idée de leur nouvelle demeure et le numéro de Ludo n’a plus jamais fonctionné.

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