Joël et Ami 28 : L’effet boomerang (3)
Write by Dja
Cela faisait maintenant plus de deux ans que
Jeneba était arrivée en France. Elle avait réussi à « percer » dans
une petite radio à Fontainebleau. Pour le moment, elle s’en contentait. Mais,
elle était pressée d’atteindre son objectif premier : travailler pour une
télévision française connue de par le monde. Elle avait confiance en elle, et
son mari aussi.
Finalement, ils s’étaient mariés, Richard et
elle. Sa mère était montée à Paris pour l’occasion, son père également. Il
n’appréciait pas beaucoup le fait de voir sa fille mariée à un homme presque du
même âge que lui. Mais, Awa avait réussi à convaincre le vieux Bamba que sa
fille était heureuse et qu’il fallait les laisser vivre ensemble. Le reste de
la famille était du même avis que sa femme. Aussi, il finit par s’y ranger
également. Même si les autres ne voyaient que l’argent et le fait pour eux de
compter « un mari Blanc » dans la famille.
Malheureusement, il y avait un souci. Jeneba
n’arrivait toujours pas à tomber enceinte. Richard commençait à s’impatienter.
Ils avaient décidé d’attendre encore un peu avant de faire appel à la science.
Jeneba expliquait à son mari que son corps n’était peut-être pas encore prêt à
recevoir un enfant. Il fallait donc se montrer patient.
Mais, chaque soir, malgré ses paroles
rassurantes, elle pleurait dans leur lit, lorsqu'il la croyait endormie. En
réalité, elle n’avait pas tout raconté à son mari de son passé au Sénégal.
Jeneba avait un secret qu’elle n’avait jamais partagé avec personne, pas même
avec sa mère.
Parfois, elle sentait le regard de Richard sur
elle. Un regard soupçonneux. Mais, son mari ne disait rien, il ne posait pas de
question. Sa mère était allé voir le marabout qui les aidait jusque là. Il lui
avait donné quelques feuilles. Il leur avait également donné le nom de celui
qui, dans la famille avait « bloqué » le ventre de sa fille. Elles
avaient donc payé pour conjurer le mauvais sort et « nettoyer » le
ventre. Mais, rien ! Il n’y avait toujours rien ! Jeneba n’enfantait
toujours pas, au grand désarroi de son mari qui commençait à rentrer de plus en
plus tard le soir. Il lui avait expliqué une fois, alors que l’alcool lui était
monté à la tête, qu’il regrettait d’avoir été absent pour l’éducation de ses
premiers enfants. Aussi, il attendait d’en avoir d'autres pour cette fois-ci ne
rien rater.
Jeneba restait malheureusement impuissante,
sans pouvoir lui expliquer ce qui la tracassait, au risque de le perdre…
Ce soir-là, alors qu’elle rentrait du travail,
elle le trouva assis sur le canapé du salon. Les lumières tamisées donnaient un
aspect romantique à la pièce. Leur vaste salon avait été coupé en deux. Une
partie pour les étrangers, une autre pour elle et son mari.
Richard aimait beaucoup comment, avec l’aide
d’un designer d’intérieur, sa femme avait réussi à rendre cet endroit vivant.
Sur un des coins de la pièce, il y avait une cascade dont l'eau se déversait en
contrebas. Une musique rappelant la nature couvrait les bruits de l’eau. Il
était possible de choisir la mélodie à l’aide d’une télécommande. Dans cet
espace, le sol était recouvert d’une sorte de mousse synthétique avec des
animaux qui sortaient des fourrés.
Jeneba avait choisi des couleurs claires pour
l’ensemble de la pièce. Elle disait vouloir faire vivre les lieux.
Alors qu’elle se dirigeait vers la cuisine,
histoire de se désaltérer en ce mois d’août où la canicule la rendait folle,
son mari l’invita à le rejoindre. Il était vêtu d’un seul drap qui montrait la
proéminence de sa verge.
Jeneba le regarda en souriant. Il avait
sûrement dû encore une fois regarder un film érotique en l’attendant, après
avoir avalé une de ses pilules bleues adorées :
« _ Laisse-moi le temps d’arriver mon
amour ! Tu ne peux pas savoir à quel point je suis épuisée. Ce boulot me
tuera un jour.
_ Viens, j’ai besoin de toi maintenant. Ne
t’inquiète pas, je t’ai préparé ta boisson préférée.
_ Tu es vraiment l’homme le plus merveilleux
qu’il m’ait été donné de rencontrer. Je ne me souviens pas avoir vu mon père
une seule fois attendre ma mère et lui montrer autant d’affection. (elle
prit le verre qu’il lui tendait) Merci mon chéri ! Je t’aime
tellement !
_ Je t’en prie, c’est normal. Je t’aime encore
plus. Tu me racontes ton voyage ? (il avait ôté le drap qui le
couvrait et placé la main de sa femme sur son sexe.)
_ Attends un peu, tu es trop gourmand!
_ Tu penses ? Cela fait une semaine que tu
es partie et regardes combien tu m’as manquée.
_ Hum ! Monsieur Richard mon époux, vous
êtes un véritable malade du sexe. Mais, j’aime ça ! »
Elle but encore un peu et, se laissa aller au
jeu de la séduction. Elle voyait bien qu’il ne la laisserait pas tranquille
tant qu’il n’aurait pas eu ce qu’il voulait.
Depuis qu’ils vivaient ensemble, c’était ainsi.
Leur vie était rythmée par le travail, les sorties et le sexe, à deux, à plusieurs,
à la maison ou, ailleurs. Une fois, elle avait proposé qu’ils aillent dans une
boîte d’échangisme où on pouvait s’amuser sans craindre d’être reconnu. A
l’entrée, les clients mettaient sur leur visage un masque et, il était
interdit de citer des noms. Ils avaient commencé à bien s’amuser,
jusqu’au moment où, la jalousie de son mari avait vite fait de prendre le
dessus. Il n’avait pas supporté de la voir se faire caresser par des mecs plus
jeunes et musclés que lui.
Il avait donné un coup de poing au Noir à la
queue plus grosse que la sienne qui avait commencé à attirer sa tigresse sur un
lit rouge. Jeneba s’était énervée et lui avait demandé de sortir de la pièce.
Richard à contrecœur lui avait obéi, car il venait de transgresser une des lois
qu’ils avaient établies : ne jamais interrompre une partie de sexe
commencée, quelle qu’en soit la raison.
Pendant plus d’une demi-heure, il avait
patienté dans une pièce, alors que sa femme hurlait en encaissant les coups de
butoir des autres hommes. Depuis ce jour, il avait refusé de partager à nouveau
ce genre d’expérience.
Toutefois, il se doutait bien qu’elle devait
souvent se rendre dans ce genre de lieu. Une fois, il avait retrouvé un carton
d’invitation dans un de ses nombreux sacs à main. Il ne lui en avait pas parlé.
Elle se serait emportée en sachant qu’il avait fouillé dans ses affaires.
Pourtant, depuis Marlene, Richard ne parvenait plus à accorder une totale
confiance à qui que ce soit. Il aimait sincèrement sa nouvelle femme. Mais, il
avait appris une leçon depuis son précédent mariage. Et comme lui disait
souvent Jeneba : « lorsqu’on a été mordu par un serpent, on
se méfie même d’un mille-pattes. »
Néanmoins, il ne se vexait pas de savoir
qu’elle sortait parfois pour aller prendre du plaisir dans les bras d’autres
hommes. Il savait que cela ne comptait pas. Même si elle inventait des
rendez-vous ou des sorties avec des amies à des heures tardives, cela ne le
dérangeait pas. Sa femme finissait bien par rentrer.
Une semaine plus tôt, elle était partie en
voyage professionnel avec une équipe de journalistes. A son retour, comme il
avait travaillé tard et qu’elle aussi avait été retardée, ils avaient décidé de
se retrouver dans leur appartement en ville. Richard savait qu’elle avait
profité de son voyage pour le tromper. Il en avait la preuve. Il avait su
quelques semaines plus tôt qu'elle entretenait une relation depuis longtemps
avec un homme nommé Calvin. Il l'avait rencontré et offert de l'argent pour
qu'il arrête de la voir. Ce type avait accepté. Il avait trop besoin d'argent
pour refuser sa proposition.
Richard regarda Jeneba, la tête entre ses
cuisses, la bouche dégoulinant de son jus. Ils avaient commencé depuis
longtemps déjà. Elle ruisselait de sueur et son corps en redemandait encore.
Elle ne le savait pas, mais il avait mis une pastille dans son verre. Ainsi,
leur plaisir en était décuplé : lui dont les effets de la pilule bleue
l’aidait à tenir, elle qui supportait ses assauts.
Jeneba était pourtant heureuse quand elle paradait à son bras. Il faut dire que
son mari était un bel homme, avec une plastique qui faisait pâlir des hommes
plus jeunes. Mais, au lit, il continuait de l’ennuyer. Il en avait conscience.
Leurs petits jeux avaient fini par la lasser. Sans oublier qu’il était parfois
tellement pris par ses dossiers que le travail pouvait l’appeler ailleurs. Il
s'absentait alors pendant des jours. Les clients dont il s’occupait étaient
très importants. Le dernier en date était cet homme d’affaires qui risquait de
voir son entreprise couler en plus d’aller en prison,. Il devait donc se
dépatouiller pour le sortir du guêpier dans lequel il s’était fourré. Il avait
mouillé dans une affaire plus louche que d’autres : un trafic de drogue.
Leur nuit terminée, il prit le temps de se
laver et se préparer pour aller travailler. Ce matin, il devait rencontrer ce
PDG japonais à qui il avait donné rendez-vous à dix heures. Il ne devait pas
être en retard.
Avant de s’en aller, il jeta un dernier coup
d’œil derrière lui. Jeneba était allongée, le corps offert et les cheveux
épars. Il ferma la porte sans une once de remord. Désormais, il était trop tard
pour faire machine arrière. Il avait donné congé aux domestiques. Il n’y aurait
donc personne pour venir la déranger.
Il ferma la porte, mit ses lunettes de soleil
et s’en alla.
Très longtemps après, Jeneba se réveilla alors
que l’on tambourinait à la porte. Qui donc venait la déranger et, où était
Richard ? Elle bailla et, ayant placé sa main devant sa bouche, elle
tiqua : son haleine était horrible. Elle ouvrit les yeux grands cette
fois. Le bruit dehors avait fini par la réveiller tout à fait. Elle ignora les
coups et se dirigea vers la salle de bain. L’appartement était plongé dans le
noir. Elle essaya de mettre la lumière, mais rien. L’obscurité était totale.
Elle n’y comprenait rien. Sûrement un fusible qui avait sauté. Elle alluma son
téléphone portable qui affichait le signal « batterie à vingt pour
cent ».
Elle se brossa les dents et remis à plus tard
la douche. Quelle heure était-il ? Et, bon sang, où pouvait bien se
trouver son mari ? Elle se mit à l’appeler à travers l'appartement, mais
comme il ne répondait pas, elle passa une robe de chambre et ouvrit une
fenêtre. La lumière du soleil l’éblouit complètement.
Pourquoi avait-elle aussi mal à la tête ? Elle
avait la bouche pâteuse et une folle envie de boire de l’eau. C’était comme si
elle avait passé des jours sans en boire une seule goutte.
Elle se dirigeait vers la cuisine quand elle
s’entendit de nouveau appeler. Mais, qui cela pouvait-il bien être ?
« C’est bon, c’est bon !
J’arrive ! »
Elle se sentait lasse. Comme après avoir passé
une nuit entière à faire la fête.
Elle entrebâilla la porte puis, l’ouvrit en
grand en poussant un cri de surprise. Sa belle-fille était là, accompagnée d’un
homme qu’elle pensait avoir déjà vu quelque part, sans pour autant se rappeler
où. Elle les regarda dédaigneusement et, leur tournant le dos ne les invita pas
à entrer. Pourtant, c’est ce qu’ils firent, comme elle avait laissé la porte
ouverte :
« _ Que venez-vous faire chez
moi ?
_ Bonjour Madame ! Ou devrais-je dire
Mademoiselle. A ce que je vois, tu n’as pas encore été mise au courant. De
toutes les façons, cela ne saurait tarder. Aussi, je te prierais de bien
vouloir mettre une tenue décente. Sauf si tu préfères rester dans celle que tu
as (elle se mit à ricaner tristement en disant cela). D’ailleurs,
elle te va si bien. Sale traînée que tu es. »
Jeneba se retourna et voulut la frapper. Mais,
le monsieur plus rapide qu’elle s’interposa. Il demanda aux deux femmes de se
calmer et présenta à Jeneba une enveloppe blanche.
« _ Qu’est-ce que c’est ?
_ Regardez par vous-même et vous comprendrez.
_ Vous me faites perdre mon temps. Sortez de
chez moi et ne revenez pas. Je vous ai ouvert au préalable par pure courtoisie.
Mais, à présent, je vous demande de vous en aller.
_ Nous n’irons nulle part très chère !
D’ailleurs, c’est toi qui devras t’en aller. Francis, tu lui expliques ou c’est
moi qui le fais ?
_ Ok, je vais le faire. Tu es trop énervée pour
pouvoir parler sans t’emporter. Madame cet appartement est…
_ Mais, je vous connais vous ! Vous
travaillez avec Richard. Je me souviens vous avoir vu lors d’une visite à son
bureau il y a à peu près un an. Je ne comprends pas ce que vous faites chez
moi.
_ Si vous regardez dans l’enveloppe, vous
comprendrez. Je propose d’ouvrir un peu plus les fenêtres afin d’éclaircir la
pièce.
_ Ecoutez ! Je crois bien que vous
êtes un collègue de mon mari. C’est la raison pour laquelle je vais rester
polie. Mais, maintenant, je vous prierais de sortir d’ici. Je vais appeler
Richard et lui dire que vous êtes venu ici avec cette imbécile pour
m’importuner. »
Maggie accusa le coup et se mit à rire. Elle se
rapprocha de sa belle-mère et lui assena une gifle. L’avocat surpris bloqua le
deuxième coup :
« Maggie, calme-toi voyons !
Allez, viens, sortons prendre un peu d’air. (il se tourna vers Jeneba
que la gifle avait envoyé au sol) Je suis désolée Madame. Nous
reviendrons dans quelques minutes. »
Sans laisser le temps à Jeneba de répondre, il
tira Maggie dehors et ferma la porte derrière eux. Jeneba se mit à hurler de
colère et, envoya au mur l’enveloppe qui était restée sur la table du salon.
Tous les documents s’éparpillèrent. L’un d’eux attira son attention. Elle se
releva et le prit. Ensuite, elle ramassa le reste et s’assit par terre. Son
cœur battait à une vitesse folle. Il fallait qu’elle se calme. Elle alla se
servir de l’eau et se mit à réfléchir. Ses pensées la ramenèrent très loin.
Elle refusa de pleurer mais, les larmes ruisselaient d’elles-mêmes. Elle ne
voulait pas se rappeler de cette vie. Mais, le passé l’avait rattrapé. Comme
l’effet d’un boomerang, les squelettes longtemps enfouis dans le placard de sa
mémoire étaient sortis au grand jour.
Jeneba regarda l’enveloppe et composa le numéro
de Richard. Elle tomba sur son répondeur. Son téléphone allait bientôt
s’éteindre. Il fallait qu’elle le joigne. Sinon, elle était perdue.
Les yeux rivés vers le plafond, son esprit la
ramena à nouveau longtemps en arrière, vers cette vie dont elle ne voulait plus
se souvenir.
C’était un soir, alors qu’elle avait
rendez-vous avec son petit copain. Issam, le fils du gérant de la superette. Il
avait dix neuf ans et était si beau. Toutes les filles du quartier voulaient de
lui. Mais, c’était elle qu’il avait choisie. Elle venait d’avoir quinze ans et,
elle n’en n’avait parlé à personne. Même sa cousine Aminata ne savait rien de
son idylle. Cette idiote qui jouait à la fille sage devant les parents, alors
qu’elle était amoureuse de l’autre gars qu’elle lui avait piqué. Elle se
souvenait de ses larmes quand Aminata les avait surpris. Comme Jeneba en avait
ri en secret. Enfin, quelque chose pouvait l’atteindre. Elle qui pensait
pouvoir tout détenir. Hé bien, elle avait compris qu'elle, Jeneba, était plus
belle, plus attirante et plus experte qu’elle. Les hommes lui mangeaient dans
la main, pas comme sa cousine.
Issam l’attendait chez lui. Ses parents étaient
en voyage et, il avait organisé une petite « boom » à laquelle il
l’avait conviée en tant qu’invitée d’honneur. Il lui avait promis que
lorsqu’ils seraient plus grands, il la présenterait officiellement à ses parents.
Ils allaient se marier. Comme elle avait hâte de grandir. Les parents de son
« fiancé » étaient très riches. Ils possédaient plusieurs magasins en
ville et avaient une grande maison. Parfois, elle venait là après les cours.
Issam passait la chercher en voiture. A chaque fois, il avait essayé de lui
faire l’amour, mais, elle avait refusé. Sa mère lui avait interdit de se donner
à un homme. Elle devait garder sa virginité pour son mari. Et, si son père
apprenait qu’elle ne l’était plus, il la tuerait c’était sûr.
Quand elle l’avait expliqué à Issam, il lui
avait dit qu’il comprenait et qu’il patienterait. Il avait finalement arrêté de
la harceler. Mais, comme il avait déjà été avec d’autres filles, il lui avait
demandé de le laisser « se vider » parfois. Car, à son âge, il en
avait besoin. Jeneba comprenait. Aussi, elle ne lui en voulait pas de sortir
avec d’autres. Elle savait que c’était elle qu’il aimait. Les autres n’étaient
que des objets sexuels.
Même si elle n’avait jamais sauté le pas, elle
avait déjà eu d’autres relations. Mais, Issam était celui qu’elle aimait. Et
puis, il était l’enfant unique de ses parents qui le gâtaient énormément.
Souvent, il lui offrait des cadeaux : des parfums, des vêtements, des
chaussures. Il disait toujours qu’il serait prêt à tout pour elle.
Le soir de la fête, elle avait attendu que tout
le monde dorme et était sortie sans faire de bruit. Son père était en voyage
pour son commerce et sa mère dormait avec un de ses petits frères. La voie
était donc libre. Elle reviendrait avant qu’ils ne se réveillent. Le samedi,
personne ne se levait de bonne heure.
Comme elle était l’aînée de la famille, ses
parents lui avaient permis d’avoir une chambre personnelle. Une fois, elle y
avait même fait entrer Issam alors que sa mère dormait dans la chambre à côté.
Elle admira son reflet dans le miroir. Elle
avait choisi de porter une des robes « empruntée » à une de ses
amies. Celle-ci en avait plein le placard et ne s’était même pas aperçu de la
disparition de la robe blanche avec des pois rouges. Jeneba mit en dessous de
jolis sous-vêtements. Même s’il ne se passait rien entre eux, elle avait déjà
vu comment « SON » Issam la dévorait du regard quand ils jouaient à
se caresser dans sa chambre. L’autre jour, il avait été jusqu’à frotter son
entrejambe entre ses cuisses. Elle s’était sentie toute molle et avait failli
céder à la tentation.
Arrivée chez lui, elle constata que la fête
battait son plein. Issam était là, entouré de leurs amis. La musique
était à fond. Certains avaient des canettes de bière à la main, tandis que
d’autres fumaient. Elle se mit à sourire en son fort intérieur. Issam la
regarda arriver et s’éclipsa en lui faisant signe de le rejoindre. Elle salua
d’abord des amis et prétexta une envie d’aller aux toilettes. Elle savait
qu’Issam l’attendrait dans la chambre. Elle connaissait le chemin.
A son entrée, il ferma la porte à
clé :
« _ Comme tu es jolie ma chérie !
Tout ça, c’est pour moi ?
_ Oui ! Tu vois que je veux me faire belle
pour toi.
_ Je vois ça. Tiens, buvons un peu. Je t’ai
préparé une boisson spéciale. C’est à base de fruits. Tiens, goûte !
_ Merci mon chéri, c’est vraiment gentil !
Mais, tu ne bois pas aussi ?
_ Non, non ! J’ai déjà bu avec les
autres. Ça, c’est spécialement pour toi que je l’ai réservé.
_ Merci beaucoup ! »
Jeneba se mit à boire pendant qu’Issam la
regardait avec attention. Ensuite, il l’invita à s’asseoir sur son lit et mit
un film. Il possédait beaucoup de films X. Elle les avait déjà vus dans une
pochette, mais jamais visionnés. Elle se sentit un peu embarrassée. Aussi,
tenta t-elle de se lever. Mais, Issam lui parla doucement en lui demandant de
ne pas se sentir gênée. Il se déshabilla devant elle et tout nu, il se rassit
sur le lit.
Jeneba se sentait tout à coup bizarre. Elle se
sentait si euphorique, qu'elle se mit à rire sans raison. Elle avait la
sensation de planer et que les objets dans la chambre bougeaient, changeaient
sans cesse de place et dansaient autour d'elle . Elle tenta de à nouveau de se
relever, et se retrouva par terre. Il y avait quelque chose d'anormal.
Le lendemain, elle ne se rappelait plus
exactement ce qui s’était passé. Elle avait très mal à la tête et sa gorge
était très sèche. Au moment où elle voulut descendre du lit, une douleur sourde
la fit se plier en deux. Elle avait très mal à l’intérieur du vagin. Elle ne
comprenait pas. Elle se pencha pour ramasser ses sandales qu’elle gardait
toujours au pied de son lit et vit des traces de sang sur ses pieds. Elle
s'aperçut qu'elle avait abondamment saigné. Elle ne portait plus de culotte et,
sa robe était maculée de sang également. Au même instant, elle se souvint de la
nuit chez Issam. Elle se rappelait seulement du moment où elle avait pris la
boisson qu’il lui avait préparée. Et puis, plus rien. Ensuite, c’était le trou
noir.
Jeneba se mit devant la glace. Elle regarda ce
corps qu’elle ne reconnaissait pas et qui était à présent souillé. Et là, elle
comprit. Issam l’avait droguée. Il avait mis quelque chose dans son verre et
ensuite, avait abusé d’elle. Dès cet instant, elle sut que sa vie allait
changer. Elle avait toujours entendu parler de « la drogue du
viol ». Mais, jamais elle n'aurait pensé qu'elle en serait victime.
A présent, assise des années plus tard, dans son salon à Paris, elle se
souvenait de la suite. Elle n’avait parlé de cela à personne. Elle avait effacé
les traces de « SA HONTE » sous la douche et, pendant des jours,
elle avait été malade. Quand elle tenta de joindre Issam, ses parents lui
apprirent qu’il avait voyagé et qu’il ne reviendrait plus au Sénégal. Il était
allé se marier au pays et allait désormais s’occuper des affaires de son père
là-bas.
Jeneba était anéantie. Sa vie entière était
foutue. Deux mois plus tard, elle avait constaté l’absence de ses règles. Elle
était allée voir une amie plus âgée qu’elle. Cette fille avait déjà été
enceinte, même si elle disait le contraire à tout le monde. Jeneba savait
qu’elle avait déjà fait plus d'un curetage. Elle la convainc alors de l’aider à
se faire avorter. Son père la renierait si son état venait à être connu. Au
pire, il la mettrait à la porte, au mieux, il la tuerait.
Une après-midi, la fille la conduisit dans la maison d’une femme âgée qui
disait savoir ce qu’elle faisait. Jeneba était effrayée, mais comme elle
n’avait pas d’autre choix, elle se laissa faire. L’opération ne se passa
malheureusement pas aussi bien que prévu. Jeneba saigna abondamment mais, la
femme lui assura que c’était normal. Mais, des mois plus tard, elle se mit à
ressentir des douleurs abdominales. Elle se rendit secrètement au centre de
planning familial où elle apprit qu’elle souffrait de blessures génitales et
internes dues à son hémorragie. Elle pouvait recevoir des soins et guérir.
Malheureusement, le médecin lui apprit également qu’elle ne pourrait jamais
avoir d’enfants. L’infection détectée trop tardivement était trop
importante. Jeneba avait pleuré toutes les larmes de son corps et accepté
le traitement. Elle avait gardé ce secret pour elle et avait tenté d’oublié
Issam, jusqu’à ce jour.
En regardant les photos d’elle et Calvin étalées sur le sol et les tests
d’analyse médicale. Elle comprit que Richard l’avait piégée. Elle était sûre
qu’il s’était servi d’un de leurs jeux favoris pour faire faire ces
analyses. Sur les autres papiers, il y avait son accord pour le divorce
signé de sa main. Elle ne se souvenait même pas l'avoir fait. Il
devait avoir profité de son état d'inconscience pour lui faire signer ces
documents.
Elle continua de lire et, tomba sur un document qui disait qu’elle était
séropositive. Sur un autre, il y avait la preuve de sa stérilité.
Au même instant, la porte s’ouvrit et Maggie rentra accompagnée de l’avocat.
Jeneba la regarda sans même en avoir conscience. Sa vie était totalement
fichue. Elle avait tout perdu : son mari, sa richesse et, surtout elle
savait qu’elle était condamnée. Des documents montraient des analyses au nom de
Calvin. C’était lui qui l’avait contaminée.
Maggie la regardait avec l’envie de lui sauter
à la gorge. Elle parvint pourtant à se calmer et s’assit en face d’elle :
« Désormais, tout ce que tu possédais
est à mon frère et à moi. Tu n’as plus rien. Mon père est plus malin que tu ne
le penses. Il a découvert ton compte caché. Il voulait te le laisser, mais j’ai
réussi à le convaincre de n’en rien faire… Tu as jusqu’à (elle regarda
sa montrer Dior sertie de diamants) … quinze heures pour vider les
lieux. Si je te retrouve ici à mon retour, je ferais intervenir la police. »
Elle se levait déjà quand Jeneba la retint par
la jambe :
« Pourquoi autant de méchanceté ?
Qu’est-ce que je t’ai fait pour que tu m’en veuille autant ? »
Maggie la regarda longuement et la repoussa.
Jeneba ne ressemblait plus à celle qui avait osé pousser son père à la mettre à
la porte. Elle était à présent aussi misérable que les personnes dans la rue
qui mendiaient de quoi manger. Elle arriva jusqu’à la porte et revint sur ses
pas :
« Pourquoi ? Hé bien, parce que
sûrement à cause de toi mon père est condamné à mort pour avoir seulement eu la
malchance de te connaître. Et puis aussi, parce que tu n’as pas cessé de le
tromper en essayant de le spolier lui ainsi que mon frère et moi. Voici
pourquoi sale garce ! Tu as la chance que je ne veuille pas me salir les
mains avec une pauvre fille comme toi. Dégage à jamais de notre vie. Sale
traînée ! »
Elle l’abandonna à son sort et sortit les larmes dans les yeux. Maggie pleurait
pour son père. Elle regrettait tellement qu’il ne lui ai pas fait
confiance depuis le début. Elle était si désolée pour ce qui lui arrivait. Il
n’avait jamais eu de chance avec les femmes. D’abord sa mère, ensuite celle-ci.
Elle posa sa tête sur l’épaule de Francis, son mari et, ils attendirent dans le
hall d’entrée que son ex belle-mère veuille bien s’en aller.
Quelques jours plus tard, Jeneba prit l’avion pour Dakar. Richard lui avait
quand même laissé une petite somme sur un compte bancaire. Ses avocats avaient
mis tout en œuvre pour qu’elle n’ait droit à rien. Ils la
menacèrent de la traîner en justice si elle réclamait quoi que ce soit de plus.
Ce fut la dernière fois qu’elle vit son ex-mari. Richard la regardait à travers
ses lunettes noires. Celles qu’elle lui avait offertes au Noël précédent. Elle
ne pouvait lire ce qu’il cachait derrière ses yeux. Mais, elle pensait deviner
qu’il la haïssait totalement. Et, elle n’avait pas tort.
Elle avait informé sa mère de son retour. Celle-ci l’accueillit des larmes dans
la voix. Sa fille lui raconta que son mari l’avait utilisée depuis tout ce
temps et, que ne voulant plus d’elle, Richard l’avait tout simplement
abandonnée. Elle n’eut pas le courage de lui avouer la vérité et du se résoudre
à affronter le regard de son père et les moqueries des autres qui
se gaussaient de sa malchance.