Joël et Ami 9 : Aboubacar
Write by Dja
Qu’avait-elle fait ?
Comment en était-elle arrivé là ? En rentrant de la fête, elle s’était jetée dans son lit et pendant des jours avait refusé de sortir de la chambre.
Heureusement pour elle, son père était parti en voyage d’affaires dès le lendemain. C’était une aubaine. Sinon, il lui aurait demandé des explications et jamais elle n’aurait su quoi inventer. Tout ce qu’elle savait, c’est qu’elle avait mal au plus profond d’elle et qu’elle ne voulait plus voir personne. Surtout pas ce salopard de Joël.
Alors que son oreiller s’humidifiait au gré des larmes qu’elle versait, ses pensées retournèrent à ce fameux jour où sa mère et elle avait rencontré Joël au supermarché. Ho, Allah ! Pourquoi n’avait-elle pas continué de l’ignorer ? Elle n’en serait pas là aujourd’hui. Si elle s’était contentée de le saluer, elle n’aurait pas été aussi humiliée tout de suite après avoir connu la première fois l’amour.
Comme elle avait été idiote de croire qu’il aurait pu l’aimer, ou ne serait-ce que la considérer comme sa petite amie.
Mais, surtout, comme elle s’en voulait. Elle avait si mal que son cœur aurait pu exploser. D’ailleurs, elle se demandait comment il pouvait encore battre malgré la douleur qu’elle ressentait.
Depuis le soir de la fête, elle avait refusé d’ouvrir sa porte. Même à sa mère qui ne comprenait pas les raisons de son malheur. Comment aurait-elle pu d'ailleurs ? Si elle lui disait seulement ce qu’elle avait fait, Yaye Fatou la tuerait. Maintenant, elle n’était plus vierge et le jour même de son dépucelage, alors qu’elle venait de vivre les heures les plus belles de sa vie, elle avait également connu les minutes les plus douloureuses et surtout, les affres de la jalousie.
Comment Joël avait-il pu être aussi ignoble !? Elle n’en revenait pas.
Quand elle était sortie du bureau, le laissant avec cette fille, cette Sandra, elle avait voulu le frapper. Mais, la fierté avait pris le dessus et elle était allée retrouver ses parents. Jeneba et les autres l’avaient cherchée tout ce temps, mais elle ne leur avait rien dit. Malgré leur insistance pour savoir où elle était passée depuis, elle tut son secret. Personne ne devait savoir. Elle pourrait le regretter. Et puis, elle savait que ses cousines n’attendaient que le moment où elle passerait à l’acte pour aller le dire à tout le monde. Car, elles, elles n’étaient plus vierges depuis des années. Leurs parents peinaient d’ailleurs à leur trouver des maris. Dans le village, leur réputation avait dépassé le seuil des maisons.
Sa mère la regardait bizarrement. Mais, comme il y avait Oumar, elle ne pouvait rien demander. Ami savait qu’elle se doutait que quelque chose n’allait pas. Aussi, prétextant d’aller aider à la cuisine, elle entraina sa fille avec elle, hors des oreilles indiscrètes :
« _ Aminata, où étais-tu passée ?
_ J’étais avec Joël Yaye ! (à quoi bon lui mentir, elle le saurait de toute façon)
_ Quoi !? Ma fille, fais attention à ce que tu fais.
_ Oui maman, pardon ! (elle avait baissé la tête. Elle ne voulait pas que sa mère lise la peine qu’il y avait dans ses yeux)
_ Bon, dis-moi, pourquoi cette tête ? Ca va ?
_ Oui maman ! Ça va !
_ Hum ! Tu en es sûre ? Parce qu’on dirait que tu vas te mettre à pleurer.
_ Non, ça va maman ! Il n’y a rien de grave. Je me suis simplement disputée avec lui, mais ça va.
_ Huuuuum ! Tu en es sûre ? (elle avait insisté sur le dernier mot en relevant la tête de sa fille)
_ Oui maman, je te promets. Juste, il m’a énervée, mais maintenant c’est passé.
_ Très bien ! Si tu le dis, je veux bien te croire. Mais fais attention quand même. Ce garçon ne doit pas te prendre la tête. N’oublie pas que tu vas bientôt te marier. Vous ne devez pas faire n’importe quoi !
_ Non maman, ne t’inquiète pas. Nous faisons attention.
_ Hum ! Ton père nous tuerait si tu lui désobéissais. Donc…»
Elle finit sans plus rien ajouter. Aminata baissa de nouveau la tête. A la pensée de son mariage prochain et de son histoire d’amour qui venait de s’achever aussitôt qu’elle avait commencé, elle sentit des larmes ruisseler le long de ses joues. Heureusement, que sa mère était sortie. Sinon elle savait qu’elle aurait cherché à voir Joël. Cet imbécile lui aurait alors peut-être avoué les raisons de son chagrin.
Prenant quelques minutes avant de retourner dans la salle de réception, elle s’épongea avec le bas de sa robe et partit rejoindre les autres. Joël et la fille se trouvaient là maintenant. Elle voyait bien qu’il la cherchait du regard. Elle alla donc se mettre à côté de son père. Jamais il n’oserait venir l’importuner là.
Oumar qui était en grande conversation avec un monsieur qu’elle ne connaissait pas la présenta comme un trophée. Mais, son esprit était ailleurs. Elle n’écoutait pas ce qu’il disait et s’entendit répondre oui à une question que lui posait son père. Puis, l’heure étant déjà bien avancée, ils prirent congé.
Alors qu’ils disaient au revoir et que sa mère traînait encore un peu avec ses amies, Aminata sentit une main se poser sur son avant-bras. Elle se retourna et vit que c’était Sandra.
Comment osait-elle la toucher ? Cette pute qui pensait que parce qu’elle était Blanche, elle pouvait venir comme ça lui prendre son mec. Et elle osait la toucher. Si ce n’était pas à cause des gens autour, elle lui aurait sauté dessus.
« _ Tu es folle ? (Ami ne pouvait se contenir) Comment oses-tu ?
_ Je voulais simplement te dire que Joël et moi ce n’est pas sérieux. C’est tout !
_ Ha bon ? Et qu’est ce que cela peut bien me faire ?
_ Je m’en fiche ! Je voulais seulement te le dire. Tu n’as pas à t’en faire, je ne suis pas une rivale. Lui et moi on se voit de temps en temps pour se donner du bon temps.
_ Tu devrais avoir honte de parler ainsi. On dirait une pute.
_ Hé, je ne te permets pas de m’insulter. Je suis venue te parler gentiment pour te rassurer. Mais, si tu le prends ainsi, cela n’engage que toi.
_ Je n’ai pas besoin d’être rassurée. Fiches-moi la paix !
_ Hum ! Moi qui pensais bien faire. Ecoute ! Joël est fâché contre moi parce qu’il dit que je t’ai blessée. Donc, je suis venue te parler de femme à femme pour que tu sois tranquille. Mais, si tu ne veux pas, tant pis. J’apprécie beaucoup les moments que je passe avec lui. Alors, si tu le laisses, saches que je le récupérerais volontiers.
_ Sale petite Blanche ! Tu penses que c’est parce que tu B***es avec lui sans vergogne que je vais te laisser venir me parler ainsi ? Faites ce que vous voulez tous les deux, cela ne me regarde pas. Mais ne viens plus jamais me toucher ni me parler. Pour qui te prends-tu ?»
Ayant terminer, Aminata la bouscula au passage, mais Sandra la retint par le bras :
« Je t’ai déjà avertie ! Ne m’insulte plus ok ! Toi petite idiote qui te laisses B***er sur le bureau d’un gars, en plus pour la première fois. C’est toi qui devrais avoir honte. »
Ami ne s’attendait pas à ce qu’elle soit au courant de son dépucelage. Elle la regarda avec des yeux ronds. Sandra la toisait avec un sourire moqueur :
« _ Oui, Joël me l’a dit. Donc, s’il te plait vas faire la sainte nitouche ailleurs. Bien, sur ce, je te laisse!
_ Tu ne vas pas t’en aller comme ça (Ami la retint à son tour par la bretelle de la robe). Si tu t’approches encore de moi, je te casse la gueule. Tu peux prendre Joël, je te le laisse. De toute façon, vous êtes pareils tous les deux. »
Sur ces mots, elle s’en alla en laissant derrière elle une Sandra hilarante.
Elle bouillonnait à l’intérieur. Quelle honte ! Elle aurait voulu retourner à l'intérieur de la maison, saisir Joël par le cou et l’étriper. Si seulement elle ne d’était pas donnée aussi vite. Si seulement elle avait écouté les conseils de sa mère. Maintenant, elle était là, en train de regretter ce moment dans ses bras qui avait failli la rendre folle.
Elle le détestait. Elle se détestait.
En rentrant donc ce soir là, Ami ferma son téléphone. Elle avait décidé de ne plus parler à personne pendant un certain moment. Elle avait mal partout. C’était comme si on lui avait arraché le cœur.
Elle ne se rendait compte que maintenant des sentiments qu’elle ressentait pour ce salopard. Elle qui avait pensé maîtriser la situation, elle se retrouvait maintenant là, à ne plus savoir quoi faire. Elle aurait tellement voulu aller se confier à sa mère. Mais, elle ne le pouvait pas. Aussi, il était préférable qu’elle reste ainsi pendant tout le temps où elle se sentirait aussi mal.
Le cinquième jour après la fête, Yaye Fatou n’y tenait plus. Soit sa fille lui disait ce qui s’était passé, soit elle en référerait à son mari. Et là, tant pis pour Ami. Elle en avait assez de la voir dans cet état et surtout, elle ne voulait pas qu’Oumar rentre de voyage et qu’il la tienne pour responsable de la situation. Elle alla donc frapper à la porte de sa fille qui dormait encore :
« Aminata ! »
Elle frappa ainsi pendant plusieurs minutes en employant un ton doucereux. Puis, voyant que sa fille ne voulait toujours pas ouvrir, elle prit cette fois un ton menaçant :
« Aminata, ouvre ! Si tu continues de rester cloîtrer, je le dirais à ton père. On verra bien s’il ne te fera pas sortir. »
Elle attendit encore quelques minutes. La porte restait toujours fermée. Résignée, Yaye Fatou retourna vers le salon. Alors qu’elle était déjà dans l’escalier, elle entendit la porte de la chambre de sa fille s’ouvrir et une petite voix l’appeler :
« Yaye ! Yaye ! Viens, s’il te plaît ! Ne dis rien à Baye !»
La mère n’attendait que ça. Elle revint vers la chambre et regardant sa fille, elle fut peinée de la voir aussi malheureuse. Sans dire un mot, elle la prit dans ses bras. Ce qui eut pour résultat de la faire pleurer encore plus. Aminata ne s’était jamais sentie aussi malheureuse. Elle voulait revenir en arrière et surtout, revenir à l’instant où elle s’était donnée à Joël. Elle pensait à ce qu’elle avait fait et à la trahison qui s’en était suivie.
Sa mère qui était loin d’imaginer la véritable raison de son chagrin l’avait entraînée dans la chambre et tout doucement s’était mise à la bercer comme on le fait avec un tout petit. Elle avait pris un peigne dans la coiffeuse à côté et avec infiniment de douceur se mit à coiffer la masse soyeuse des cheveux de sa file bien aimée en chantonnant. Quand elle se fut quelque peu calmée, Fatoumata la regarda droit dans les yeux et lui dit :
« Ecoute ma fille, je ne sais pas ce que Joël a bien pu te faire pour que tu te mettes dans un état pareil. Mais, ça me rend triste de te voir comme ça.
Dis-moi si je peux faire quelque chose.
_ Non, Yaye ! Il n’y a rien que tu puisses faire.
_ Alors, il faut arrêter de pleurer. N’oublie pas que ton père rentre ce soir. S’il te voit dans cet état, il ne sera pas content. Il exigera des explications. Et moi, je ne veux pas lui mentir.
_ J’ai compris Mâ . Je vais me reprendre.
_ D’accord ! Alors, tu vas me dire ce qu’il a fait pour que tu refuses même de te nourrir ?
_ Heuuu ! Heuuu !
_ Quoi !? Tu ne veux pas me dire ?
_ Maman !
_ Quoi !? Je m’inquiète c’est tout !
_ Tu n’as plus à t’en faire. Je vais bien mieux maintenant.
_ Ok, très bien ! Bon, je redescends. Si tu as envie, je te ferais ce plat dont tu raffoles tant.
_ Merci Mâ ! »
Puis, elle se jeta dans ses bras. Elle était heureuse d’avoir une mère comme la sienne. Au moins, elle ne l’empêchait pas de faire ce qu’elle voulait et surtout, elle la comprenait. Les mères de ses amies n’auraient jamais osé permettre qu’elle fréquente un jeune homme. Surtout en plus qu’elle était maintenant fiancée. En y repensant, Ami serra encore plus fort sa mère.
Yaye Fatou était une femme moderne. Elle savait aussi que sa fille étant têtue, elle devait la laisser vivre ses expériences de crainte qu’elle ne prenne des risques inutiles. Elle se disait qu’elle pouvait faire confiance à sa fille qui ne lui aurait jamais désobéi d’ailleurs.
Si seulement elle avait su ...
Deux jours plus tard, alors qu'elles étaient en train de préparer le repas du soir, elles entendirent frapper à la porte de la cuisine. Souvent, du fait des odeurs qui pouvaient se répandre jusque dans la salle de séjour, Fatou fermait la porte. Mais aussi, elle aimait rester avec sa fille et lorsque la porte était ainsi close, les domestiques savaient qu’ils ne devaient pas venir les déranger. Ce temps à elles, les deux femmes l’appréciaient encore plus. Cela leur permettait de partager des petits secrets en même temps qu’Ami prenait des cours de cuisine.
On frappa à nouveau. C’était l’une des servantes qui venait annoncer de la visite pour Oumar. Fatou se précipita pour aller les recevoir. Un homme et son fils étaient là, assis dans le salon. Comme ils étaient de dos, elle ne pouvait pas bien voir de qui il était question. Alors, elle retourna dans la cuisine et ayant pris le plateau que la servante avait dans les mains, elle alla leur servir de l’eau, Aminata la suivant de près.
Elles le reconnurent quand il se leva pour les saluer. Fatoumata s’excusa de l’absence de son mari, mais il leur expliqua qu’ils venaient de s’appeler et qu’Oumar était sur le chemin de la maison. Il lui avait demandé de le devancer car il devait régler une petite affaire en rentrant.
Fatoumata rassurée, elle installa tout le monde à la terrasse. Aminata, en bonne fille restait derrière sa mère, la tête baissée et les yeux dirigés vers le sol. Elle n’osait pas regarder le jeune homme qui accompagnait Monsieur Mbaye, mais elle aurait bien voulu le faire. Elle l’avait vu de dos et sa haute stature laissait deviner un amoureux du sport en salle.
Ils étaient à peine assis qu’on entendit la voix joyeuse d’Oumar retentir dans le séjour. Il les retrouva sur la terrasse et ouvrant les bras, s’avança vers son ami :
« _ Alors, comment va mon cher Mbaye ! Dis donc tu as bonne mine. Cela fait vraiment plaisir de te revoir.
_ Ho, ça va mon cher ami ! La mort n’est pas encore plus maligne que moi. J’ai bien réussi à déjouer son dernier piège. »
Et les deux amis tombèrent dans les bras l’un de l’autre. Ami et sa mère attendaient patiemment qu’ils aient fini de s’enquérir de la santé de l’un et de l’autre et de la famille et des affaires. Enfin, après toute une formulation de politesses héritée d’habitudes ancestrales, Oumar se tourna vers les deux femmes pour leur demander de se rasseoir comme elles s’étaient levées à son entrée, et attendaient en signe de respect que le chef de famille les autorise à se rasseoir.
Alors, Mbaye fit les présentations :
« _ Mesdames, je vous présente mon fils, Aboubacar. Il est rentré de voyage il y a quelques jours. J’attendais l’occasion propice pour faire la surprise à tout le monde.
_ Ha ! Je comprends maintenant ton empressement à passer me voir, répondit Oumar. Ainsi, mon futur gendre est arrivé. (Il se tourna vers le fiancé d’Aminata)
Comment vas-tu mon fils ? As-tu fais un bon voyage ? J’espère que tu nous rapportes de bonnes nouvelles et, surtout que tu es heureux d’être enfin de retour au pays ?
_ Bonjour Baye Oumar ! Ca va, je suis heureux d’être enfin parmi vous. Le pays m’a tellement manqué. Surtout cette année où je n’ai pas pu rentrer pour les vacances de fin d’année. Il me fallait terminer avec les partiels (examens) et je ne voulais pas me laisser perturber par quoi que ce soit.
_ Tu as très bien fait fiston. Ton père m’a expliqué tout cela. Et, tu sais, je suis fier que tu fasses bientôt partie de notre famille.
_ C’est moi qui en suis honoré Baye. Et je n’oublie pas que c’est grâce à vous que j’ai pu terminer mes études. Car, sans votre aide, je ne sais pas comment nous aurions fait (et il se tourna vers son père en terminant sa phrase).
Ils continuèrent de discuter ainsi, alors que les deux femmes s’étaient éclipsées depuis plusieurs minutes déjà à la cuisine. L’usage voulait que lorsque le père de famille recevait des gens, les femmes ne devaient pas rester avec eux. Elles ne reviendraient que s’il le leur permettait ou s’il avait besoin d’elles.
Du côté de la cuisine d’ailleurs, Ami n’en revenait pas :
« _ Yaye, mais, ce n’est pas lui le fils de Monsieur Mbaye.
_ Qu'est-ce que tu racontes jeune fille ?
_ Mais, ce n’est pas la même personne que Jeneba m’a montré sur facebook.
_ Ha bon !? Tu en es sûre ?
_ Oui Mâ ! Je te le promets. D’ailleurs, si tu veux, on peut lui demander de m’envoyer la photo. Ils sont restés en contact depuis.
_ Ok, vas-y ! »
Ami sort donc pour aller chercher son téléphone resté dans la chambre. Sa mère lui avait interdit depuis longtemps de le ramener dans la cuisine. Elle disait qu’il l’empêchait de se concentrer sur le repas. Surtout depuis cette fois où Ami avait failli mettre le feu à la maison. Elle était en grande discussion sur facebook avec ses amies et avait oublié l’huile qui chauffait dans une poêle. Quand elle y avait plongé le poisson que sa mère avait prévu pour le repas du soir, le feu avait jaillit de la poêle. Prise de panique, Ami avait mis de l’eau sur le feu, ce qui n’avait eu pour effet que d’augmenter les flammes. Heureusement pour elle, le gardien venait se servir à boire. Il avait eu le geste qui sauve en l’éloignant du feu et en y jetant des linges mouillés. Fatoumata avait piqué une colère qui cachait en réalité la peur qu’elle avait eue en apprenant l’incident à son retour du marché. Depuis ce jour, Ami n’avait plus jamais ramené de téléphone ou un autre écran dans la cuisine.
Elle revint vers sa mère, les yeux écarquillés et lui montra la photo que sa cousine venait de lui envoyer. Elle ne pouvait pas y croire. Sinon, il y avait bien une explication plausible à tout cela.
Sa mère regardait la photo sans trop y croire non plus. Sa fille devait sûrement se tromper.
« _ Ecoute ! Je ne sais pas si réellement c’est lui, mais dans tous les cas, ce n’est pas le même garçon que Mbaye nous a présenté.
_ Maman ! Je te jure que c’est vrai ! En plus, Jeneba discute souvent avec lui. Même si c’est vrai que depuis quelques temps, il ne lui répond plus, mais sur la photo que je t’ai montrée, il s’agit bien du fils de Monsieur Mbaye.
_ Ok ! Je veux bien te le concéder. Mais alors, qui est celui qui est au salon avec l’ami de ton père ?
_ Alors ça maman, je ne sais pas. Attendons un peu et papa nous appellera sûrement.
_ Hum !
_ En tout cas, moi je veux voir clair là-dedans.
_ D’accord ! Mais pour l’instant, finissons de dresser la table. Nous allons servir le repas »
Là dessus, elle s’activèrent à préparer la table en y ajoutant deux assiettes.
Le repas s’était terminé dans une ambiance tranquille. Ami feignait de rester concentrée sur ce que disait son père. Mais dès que personne ne la regardait, elle jetait des coups d’œil furtifs et parfois plus prolongés vers le jeune homme présenté comme Aboubacar. Elle était de plus en plus intriguée par le mystère qu’il présentait. Elle se posait des questions et attendait impatiemment la fin du repas pour les lui poser. Car, oui, elle les lui poserait. N’était-il pas sensé être son futur époux ? Et, vraisemblablement comme ce n’était pas lui le type sur facebook, alors, qui était l’autre ?
Elle ne cessait pas de se poser la même question. Et bien sûr, elle le détaillait dans son esprit.
Houlala ! Dieu, qu’il était beau et bien bâti. Ce n’était pas le gars à la canne que lui avait montré Jen. Non ! Celui qui se tenait en face d’elle était aussi beau que les garçons dans les films afro-américains. Il avait un accent qui trahissait ses années d’études aux USA. Il ne portait pas les mêmes loupes que le garçon de facebook. Ses lunettes à lui étaient plus belles et d’une marque coûteuse sur le marché. En plus, il sentait bon. Lorsqu’elle était arrivée au salon pour les inviter à passer à table, elle s’était un peu collée à lui et avait fermé les yeux à son passage. Elle n’avait d’ailleurs pas compris pourquoi elle l’avait fait. Mais, Dieu qu’il était beau ! Qu’il sentait bon ! Qu’il parlait bien ! Elle avait l’impression de voir un acteur de film en face d’elle. Sa mère de l’autre de la table lui jetait des regards courroucés. Ce n’était pas une façon de regarder les gens.
Mais, malgré les avertissements de sa mère, Aminata ne pouvait s’en empêcher. Elle écoutait comment Abou parlait de ses années d’études et des voyages qu’il avait faits au gré de ces stages d’études. Il avait été en Australie, au Japon, en Chine, au Venezuela, et même à Cuba. D’ailleurs, il avait une surprise pour son père qu’il lui remettrait au sortir de table.
Quand ils eurent fini de manger, Fatou les invita à aller s’installer sur la véranda pour prendre les desserts. Revenus là, Mbaye prit la parole :
« _ Oumar mon ami, mon frère ! Je suis heureux d’être ici aujourd’hui et de pouvoir te présenter mon fils. (il le désigna de la main Lève-toi Abou ! (Le jeune homme vint se placer devant son père) Abou, tu es mon fils, mon unique garçon. Je t’ai envoyé loin de moi pendant plusieurs années et, tu m’es revenu avec un sac rempli de diplômes et surtout, en bonne santé.
L’homme que tu vois devant toi est celui que Dieu a mis sur notre route pour que tu me trouves encore en vie à ton retour. S’il n’avait pas été là, c’est sous la terre que tu m’aurais retrouvé. Je lui dois beaucoup, et encore plus, Dieu m’est témoin.
(Se tournant vers Oumar) :
Mon ami, je suis si heureux et si fier de te présenter mon fils. Le voici, c’est Aboubacar ! Il est arrivé il ya quelques jours et je tenais à venir le présenter à sa future famille. Car, toi mon frère, tu me fais l’honneur de l’inviter à devenir ton fils. Nous sommes donc des frères à présent.
(Se tournant de nouveau vers son fils)
Aboubacar ! Cet homme que tu vois debout devant toi, à partir d’aujourd’hui tu devras le considérer comme un deuxième père. Car, il me fait l’honneur de nous donner sa fille en mariage. Elle devient donc ma fille. Tu peux aller te rasseoir !
(Oumar prit la parole) :
_ Mbaye ! Merci pour tout ce que tu viens de dire. Ma famille et moi-même en sommes honorés. C’est moi qui en suis le plus heureux car, tu as accepté ma fille comme la tienne. Merci d’avoir permis l’union de ces deux jeunes et de permettre à ma famille de bientôt s’agrandir. Car, je ne doute pas que bien assez tôt, nous aurons des raisons de nous réjouir.
(Il se tourna maintenant vers les deux femmes) :
Fatoumata, amène notre fille ! (quand elles se furent levées) Mbaye, voici ma femme. Je sais qu’Aboubacar a malheureusement perdu la sienne il y a quelques années. Mais, tu peux lui dire que désormais, il en a une. Fatoumata, je te présente ton fils. Il revient de très loin et il a décidé de prendre notre fille pour femme.
Viens fils ! Je te présente ta mère et ta femme. Dès aujourd’hui, tu peux te considérer comme faisant partie de la famille. »
Ce disant, il le prit dans ses bras et l’embrassa longuement. Puis, ce fut au tour de sa femme qui avait quelques larmes dans les yeux. Elle remercia également Mbaye et son mari pour le bonheur qu’ils lui faisaient d’avoir trouvé un mari à sa fille. Puis, elle demanda la permission aux deux hommes pour laisser les jeunes faire connaissance pendant quelques instants à l’écart. En vérité, c’était une demande d’Ami qui voulait en finir avec cette affaire autour du profil facebook. Les deux pères ne virent aucun inconvénient et c’est donc la tête toujours baissée en signe de respect qu’Aminata suivit sa mère et qu’Aboubacar les rejoignit derrière la maison, après s’être excusé auprès de son père et d’Oumar.
A son arrivée, Fatoumata lui dit :
« _ Mon fils, je te remercie d’avoir accepté d’épouser ma fille. Je vous laisse quelques instants ensemble. Surtout, ne fais pas attention à sa grande bouche. Parfois, elle parle trop et dit des bêtises sans s’en rendre compte.
_ Mâ, qu’est ce que tu racontes ? Ne l’écoute pas ! dit-elle en se tournant vers Aboubacar qui souriait en les voyant se chamailler.
_ Tu vois, qu’est ce que je te disais. Et en plus, elle ne respecte même pas sa mère.
_ Mâ ! Tu me gênes !
_ Hum ! Tiens-toi bien et surtout fais attention à ce que tu vas dire. C’est à ton mari que tu vas t’adresser, ne l’oublie pas. »
Pour toute réponse, Aminata lui tira la langue et lui fit un bisou sur la bouche. Elle savait que malgré tout, sa mère était émue. Même si Aminata ne voulait pas épouser cet étranger, sa mère voyait d’un bon œil ce mariage arrangé. Elle était de surcroît plus rassuré de voir que ce n’était pas l’homme que lui avait un jour dépeint sa fille : laid, avec de grosses lunettes et qui passait son temps à faire la fête. Fatou en voyant son futur gendre avait senti ses épaules se relever lorsqu’il leur avait été présenté. Elle espérait en le voyant aussi beau et aussi présentable, qu’il réussirait à faire sortir de la tête d'Ami ce coureur de jupons de Joël. Car, elle avait été mise au courant des frasques de celui-ci. Et, le soir de la fêt, elle avait vu Sandra arriver derrière Joël en réajustant sa robe. De son expérience de femme, elle avait senti que quelque chose de plus fort que de l’amitié les liait et surtout, elle avait vu l’animosité dans son regard lorsqu’elle s’était adressée à sa fille.
Fatoumata voulait le meilleur pour Ami Et, elle savait qu’Oumar ne lui pardonnerait pas de l’avoir encouragée à fréquenter Joël. Au mieux il la battrait, au pire, il la répudierait, s'il ne la tuait. pas avant Il ne supporterait pas l’humiliation si Ami lui faisait l’affront de ne pas épouser Abou. Elle craignait d’ailleurs qu’il ne s’en prenne également à elle.
Aussi, de voir qu’Ami était promise à un aussi beau parti, la rendait tellement fière. Il avait fait des études de médecine. Elle était rassurée, il saurait prendre soin de sa fille. S’il ne savait pas comment faire, elle s’en mêlerait. Elle ne voulait pas que son bébé souffre.
Les laissant tous les deux, elle parti rejoindre les hommes.
Dès qu’elle se fut suffisamment éloignée, Ami se tourna vers Aboubacar qui la scrutait depuis et détaillait chaque partie de son corps sans se gêner. Elle plissa les yeux et croisa ses bras sur sa poitrine. Elle se sentait nue, sous le regard insistant du jeune homme.
« _ Alors, comme ça c’est toi Aboubacar ?
_ Oui, c’est moi ! Ou bien tu t’attendais à voir quelqu’un d’autre ? (il avait toujours ce sourire en coin qui le rendait charmant)
_ Hum ! Tu sais, je n’aime pas aller en long et en travers.
_ Je l’avais bien compris ça.
_ Tant mieux alors ! Qui es-tu vraiment ? Ou alors, qui est ce gars sur ta photo de profil facebook ?
_ Comment ça ?
_ Bein, ma cousine Jeneba a contacté un mec du même nom et prénom que toi avec les mêmes infos et venant d’ici qui ne te ressemble pas.
_ Je ne comprends toujours pas !
_ Tiens, regarde ! (elle lui montra la photo sur son téléphone).
_ Ha, oui, ok ! Lui, c’est mon ami et même mon frère. Il s’est souvent amusé à alimenter mon compte pendant des années, car c’est vrai que je l’ai délaissé pendant longtemps. Et puis quand il a répondu à la demande de ta cousine, je lui ai demandé de ne pas changé de photo. Elle s’était également faite passer pour toi et je ne voulais pas gâter l’idylle qui naissait entre vous deux.
_ Nous deux ? Comment ça ? Je ne comprends pas !
_ Hum ! Tu devrais aller lui demander.
_ Hum ! Ok, si tu le dis, je verrais bien !
_ Bon, dans tous les cas, ce n’est pas moi que tu as vu sur face. par contre, moi je savais qui étais avant aujourd'hui. Mon père m’a montré quelques photos de toi lorsque je suis allé le rejoindre en Afrique du Sud.
_ Et, tu n’as rien dit ?
_ Je viens de t’expliquer que je ne voulais pas m’immiscer dans leur relation naissante. Mon frère est amoureux de ta cousine. C’est un camerounais. Il viendra ici à notre mariage.
_ Hum ! Je n’ai pas encore dit que j’étais d’accord hein.
_ Ha ! Je me disais aussi que tu ne correspondais pas à l’image que m’ont dépeinte tes frères. Et oui, avant que tu ne poses la question (il lui avait posé un doigt sur les lèvres). Je connais également tes frères. De vrais cerbères avec qui j’ai réussi à avoir des infos sur toi. Ils m’ont bien expliqué que tu n’étais pas pour ce mariage, quoi qu’en dise votre père.
_ Hum ! Qu’est-ce qu’ils ont à venir te parler de moi ceux-là ?
_ et… (continua t-il comme s’il ne l’avait pas entendue) que tu es tout de même une belle jeune femme, malgré ta sauvagerie.
_ Quoi ? De quoi ? Non, mais ho ! »
Aboubacar se mit à rire. L’irritation de sa fiancée l’amusait.
C’était vraiment un bel homme. Il était très grand. Le pantalon jean qui moulait ses cuisses de sportif le seyait à merveille et la chemise rentrée dans son pantalon laissait entrevoir un buste d’athlète. Il avait aux pieds des mocassins griffés et sa coupe de cheveux donnait à son visage un air de bogoss à l’américaine.
Malgré la simplicité de sa tenue, la façon qu’il avait de se tenir debout et le ton qu’il employait trahissaient une certaine classe. Aminata ne pouvait s’empêcher de le comparer à Joël et elle se rendait compte intérieurement qu’il battait de loin son amant sur plusieurs plans.
« _ Arrête de te moquer de moi. Je n’aime pas ça !
_ Je ne me moque pas, vraiment. Mais, tes frères ne m’ont pas dit combien tu es belle quand tu te fâches.
_ Hum !
_ C’est vrai ! Bon, ne te fâche plus. Je te promets de ne plus rire pour rien. Toutefois, c’est vrai que tu es très belle. Encore plus en vrai qu’en photo.
_ Arrête avec tes compliments. Ce n’est pas ça qui fera que j’accepte de t’épouser. »
Elle avait décidé de dire à Abou ce qu’elle ressentait. Elle avait conscience qu’elle jouait gros et surtout qu’il pouvait tout rapporter à son père. Mais, elle s’en fichait. De toute façon, elle savait que rien ne changerait sa décision. Et l'américain devait savoir ce q u'elle pensait de ce mariage arrangé.
Abou intrigué s’assit sur une chaise qui traînait et lui demanda :
« _ Pourquoi tu refuses ce mariage ?
_ Parce que je ne t’aime pas.
_ Tu ne me connais même pas. Comment pourrais-tu m’aimer ?
_ C’est bien de cela dont il s’agit. Je ne te connais pas, et tu ne me connais pas non plus. Comment pouvons-nous alors nous marier ?
_ Hé bien, peut-être parce que nos parents en ont décidé ainsi.
_ Et c’est tout selon toi ? C’est la seule raison ? Toi qui as fait des études à l’étranger, tu devrais refuser ça. De là où tu viens, les mariages ne sont pas arrangés. Les gens se mettent ensemble par amour et non par contrainte.
_ Ma chère amie, tu sauras que malgré mes nombreuses années hors du pays, je reste ancré à nos traditions et fidèle à ce que m’a inculqué mon père. (il se sentait un tout peu vexé qu’elle le repousse ainsi sans même le connaître).
Toi qui es restée ici, tu ne devrais pas parler comme ça. Tu devrais plutôt obéir à ton père et faire sa volonté. Je devrais me fâcher que