Jour 1 - Samedi matin

Write by lpbk

Lorsqu’elle ouvrit les yeux, la première pensée de Sally fut pour les vacances qui commençaient. Elle s’étira, un sourire aux lèvres, heureuse de la perspective de ses longues journées de détente à venir. Un rayon de soleil baignait la chambre de sa douceur et créait une atmosphère propice à la rêverie. Elle savoura la sensation de son corps enroulé dans la couverture douce, sur le matelas moelleux…

Le paradis n’a-t-il pas cet aspect cotonneux ?

Puis elle repensa à l’ultimatum qu’elle avait envoyé à Jonas la veille, après qu’il l’eut énervée au-delà de la limite encore une fois.

Une semaine pour lui prouver qu’il l’aimait, après quoi elle ferait ses valises et le quitterait si elle n’était pas convaincue.

Le rayon de soleil disparu derrière un nuage comme un reflet de ses pensées…

Mince…

Elle se redressa dans son lit, mais n’eut pas le temps de réfléchir davantage aux conséquences de son acte car la porte de la chambre s’ouvrit subitement, et une jambe habillée d’un jean entra. Le reste du corps de Jonas s’engouffra aussitôt, encombré par un plateau qu’il tenait maladroitement.

Sally eut envie de rire devant le manque d’expérience évident de son compagnon. Sur le plateau, un verre de jus de fruit chancelait, un bol de chocolat chaud menaçait de se renverser sur une jolie viennoiserie et une petite rose habillait le tout dans un vase en verre tout simple.

Le tout tintaient à mesure que le plateau peinait à se stabiliser dans les mains malhabiles d’un Jonas pas très à l’aise. Si le jus de fruit ne finissait pas sur la moquette, ils auraient de la chance.

     Coucou, commenta le jeune homme, ce qui eut pour effet de déséquilibrer à nouveau le plateau.

     Salut mon chéri, répondit Sally sans se départir de son sourire amusé.

Elle ne l’avouerait pas facilement mais ce petit effort lui faisait très plaisir. Bien sûr elle savait que leur dispute de la veille était à l’origine de ce geste, mais tout de même. Jonas prenait sa menace au sérieux, et si elle avait douté du bien-fondé de son ultimatum le temps d’une fraction de seconde, elle comptait finalement profiter des bons moments que cela lui réservait.

Après tout ce n’était pas tous les jours que son compagnon la traitait comme une princesse, alors pour une fois…

Ce dernier arriva finalement au bord du lit où il s’assit, posant délicatement le plateau devant la jeune femme. Tout sourire, il déposa un agréable baiser sur ses lèvres. Il sentait bon le savon et le parfum qu’il mettait pour la vie de tous les jours, une fragrance de grande marque à l’odeur masculine, un peu sucré mais surtout très virile. Jonas savait à quel point elle aimait ce parfum, et en mettre pour lui apporter le petit déjeuner au lit avait quelque chose d’incroyablement romantique.

Je resterais bien au lit avec lui tout la matinée, tiens…

Elle s’empara du plateau et en observa plus attentivement le contenu. Une jolie rose rouge, fraiche, ouvrait ses pétales.

Gourmande, elle s’empara du croissant et commença à en découper des morceaux pour le tremper dans le bol de chocolat encore chaud, sous le regard tendre de Jonas.

     Je m’en veux pour hier, s’excusa-t-il encore. J’aurais dû faire plus attention, c’est de ma faute.

Sally prit quelques secondes avant de répondre. Tout pouvait s’arrêter dès ce matin si elle laissait tomber. Mais non, elle n’en avait pas l’intention. L’absence de son compagnon l’avait blessé au plus haut point alors autant faire en sorte qu’il s’en souvienne longtemps.

     Tu feras mieux la prochaine fois, se contente-t-elle de répondre, évasive.

Mais Jonas semblait décidé à ne pas en rester là. Il releva la tête et planta son regard dans le sien.

     Je ne peux rien te dire pour le moment mais en vérité je te réserve plein de surprises, et un programme se qualité pour cette semaine.

Elle haussa un sourcil.

     Ha bon ?

     Bien sûr. J’ai beaucoup réfléchi cette nuit et je crois que tu as raison, je devrais m’occuper de toi plus et mieux.

Son regard sincère et ému fit fondre le cœur de la jeune femme.

J’ai vraiment de la chance, cet homme est le plus beau qui existe, et en plus il est gentil…

Il s’empara de sa main avant qu’elle ne reprenne un morceau de croissant.

     Le travail a pris trop de place dans ma vie et je ne veux plus que cela se reproduise. Ta colère d’hier soir était légitime et m’a fait réfléchir. Mais elle arrive aussi à un drôle de moment et…

Sally vit qu’il hésitait à aller plus loin, il lui cachait quelque chose.

     Et ?

     Et nous en reparlerons.

Le visage de Jonas s’était soudain fermé et sa voix faite plus grave. Un doute envahit Sally : et si elle se trompait ? En dépit de tous les mots gentils, que pouvait bien cacher Jonas ?

Malgré tout, elle ne voulait pas gâcher ce beau moment par une peur soudaine et irraisonnée. Elle mit cet élément dans un coin de sa tête et tâcha de ne rien laisser paraitre de son trouble.

     Très bien.

Elle finit rapidement son petit-déjeuner, sa bonne humeur s’étant voilée après cet échange avec Jonas. De son côté, le jeune homme ne semblait rien avoir remarqué.

Comme d’habitude avec les hommes, si on ne le formule pas clairement ils ne se rendent compte de rien…

Elle soupira.

Jonas qui était toujours assis au bord du lit, entreprit de déposer la rose sur la table de nuit de sa chérie et, après un nouveau baiser et quelques compliments au sujet de sa beauté au naturel, repartir à la cuisine avec le plateau. Sally se trouva de nouveau seule dans la chambre.

Il n’était que 10h23 quand son téléphone bipa pour annoncer l’arrivée d’un nouveau mail. Elle pouvait choisir de se couper du monde pendant quelques jours, ou au moins pour le week-end, et profiter du début de ses vacances, mais une intuition lui souffla de ne pas le faire. Si bien qu’elle roula sur le côté pour s’emparer du petit mobile en plastique resté sur la table de nuit.

En effet, un nouveau mail venait d’arriver.

Son cœur manqua un battement lorsqu’elle vit de quel expéditeur il émanait et encore un quand elle parcouru le contenu.

Elle eut soudain très chaud, puis extrêmement froid. Des frissons remontèrent le long de sa colonne vertébrale et ses neurones n’arrivaient plus à former une pensée cohérente. C’était comme si on venait de lui donner un grand coup derrière la tête.

Les yeux ronds, le souffle court, elle avait beau lire et relire le message, elle n’arrivait pas à le croire. Avait-elle bien compris ?

Ses paupières clignèrent à nouveau et elle éloigna le téléphone pour reprendre ses esprits. Un coup d’œil à droite, puis à gauche, et lorsqu’elle revint sur l’écran, le mail était toujours là.

Elle ne rêvait pas.

     Jonas !

L’excitation l’envahit au point qu’elle avait envie de sauter sur le lit comme une petite fille.

     Jonas !

Elle sortit de sous la couette en vitesse et enfila un jogging sous sa nuisette.

Son compagnon arriva à cet instant, les mains encore humides de la vaisselle qu’il était en train de faire.

     Qu’est-ce qui se passe ?

     Je viens de recevoir un mail, tu ne devineras jamais… !

Son grand sourire témoignait de la nature positive du mail, mais vu son visage, l’homme se demanda de quoi il pouvait bien retourner.

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De : Jamel Debbouze ([email protected])

A : Sally Florence Moanda ([email protected])

Objet : Proposition de sketch pour audition 2018-2019

Madame,

Ayant vu récemment votre spectacle au théâtre du Lucernaire, je souhaite vous inviter à auditionner pour la prochaine saison de spectacles comiques au Fridge, restaurant situé au 164 de la rue Saint-Denis dans le 2ème arrondissement de Paris.

Si cette proposition vous intéresse, je vous remercie de me faire parvenir avant dimanche prochain une courte vidéo présentant un sketch inédit de votre part.

Dans le cas où l’essai serait concluant, j’aurai le plaisir de vous proposer plusieurs représentations lors de la saison 2018/2019.

Recevez mes plus sincères salutations.

J. Debbouze

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Le visage de Jonas reflétait la même surprise que celui de Sally. Des yeux en forme de bille et un large sourire.

Il fit deux pas vers elle et la souleva du sol en la prenant dans ses bras.

     Félicitation ma chérie, je suis fier de toi !

Il l’embrassa passionnément et Sally frissonna sous l’expression aussi affirmée de ses sentiments. Elle n’en avait pas l’habitude et, pendant une seconde, elle se demanda s’il se forçait.

Je suis mauvaise langue… mais pour une fois qu’il est démonstratif…

Une fois ses deux pieds à nouveau par terre, elle remit une mèche de cheveux derrière son oreille. Son cerveau tournait à toute allure à mesure qu’elle comprenait tout ce que ce mail impliquait dans un futur immédiat.

     Holala mais cela veut dire que j’ai une semaine pour écrire un sketch, le filmer, le monter et l’envoyer…

La panique la gagnait, à présent. Une occasion pareille ne se refusait pas, mais serait-elle à la hauteur ?

Je ne vais jamais y arriver…

Deux années lui avaient été nécessaires pour écrire son premier spectacle et le mettre en scène. L’écriture n’était pas une chose naturelle, chez elle, contrairement à la représentation et à l’expression devant un public.

Jonas revint vers elle, une expression étrange sur le visage. Son regard pétillait mais sa voix était grave.

     Eh ho… Pas de panique, tout va bien se passer. Je suis sûre que tu seras parfaite et que tu sauras relever ce défi.

La peur la rendait irritable.

     Qu’en sais-tu ? Tu n’as jamais vu ce que je fais.

Les mots avaient franchi ses lèvres sans qu’elle ne puisse les retenir et ils flottèrent un instant entre eux. Le regard de Jonas se voila. Il baissa la tête, l’air coupable.

     Tu as parfaitement raison.

Elle se mordit la lèvre car elle sentait bien qu’elle l’avait blessé.

Quelle idiote, alors que tout partait bien…

Sally savait que Jonas faisait des efforts pour se racheter, et si elle gardait son ressentiment, ils n’iraient pas loin. Autant qu’elle fasse sa valise tout de suite et qu’ils en restent là.

Cette idée lui serra le cœur.

     Excuse-moi, dit-elle, contrite.

Elle se laissa tomber sur le bord du lit, le téléphone toujours à la main.

     La peur de l’échec me rend mauvaise, ce n’est pas ce que je voulais dire.

Il y eut un silence. Jonas releva la tête et vint s’asseoir à côté d’elle. Il lui enleva le téléphone de la main pour ensuite la prendre dans la sienne. Sa peau était chaude, rassurante. Sally sentit sa nervosité refluer.

     Ce mail vient tout juste d’arriver, tu n’es pas obligée d’y répondre tout de suite. Pour l’instant c’est le week-end et nous devons passer du temps tous les deux. Cela te fera du bien de relâcher la pression avant de t’y remettre, tu ne crois pas ? Tu dois te distraire, te sortir tout cela de la tête.

Elle chercha son regard. Quand elle le trouva, elle vit qu’il brillait d’une lueur nouvelle : une lueur malicieuse. Il avait quelque chose derrière la tête.

     Ok, promis, je laisse cela de côté pour le week-end.

     Parfait !

Les yeux de Sally brillaient désormais, eux aussi. Une douce chaleur s’insinuait dans tout son corps.

     Mais à quoi pensais-tu au juste quand tu disais que je devais me distraire ?

Le sourire qui apparut sur ses lèvres ne laissait aucune place au doute quant à ses propres idées. Il sentait toujours aussi bon, il faisait toujours aussi beau et le lit était toujours aussi moelleux.

Jonas arqua un sourcil, taquin.

     Et toi, tu as une idée ?

Elle se rapproche de lui, les épaules en arrière et la poitrine en avant.

     Cela se pourrait…

Elle l’embrasse avec gentillesse et gourmandise, sans équivoque. Il répondit de la même façon, acceptant par là son projet.

Lorsqu’il l’allongea sur le lit, il interrompit leur baiser un instant.

     Je m’occupe de toi et ensuite je t’emmène dans un endroit surprise, okay ?

Sally rit, chassant pour quelques temps son travail et ses soucis.

     Ho ! Tu fais des cachoteries maintenant ?

     Il me semble avoir compris que c’est le mot de la semaine, et que tu n’attendais que ça.

Il sourit contre sa bouche, son souffle chaud sentait la menthe.

Un peu de plaisir, un peu de bonheur, elle en avait tant manqué ces dernières semaines. Juste retour des choses. Elle avait l’impression d’avoir dû se battre pour en arriver là, contrairement à d’autres pour qui tout arrivait simplement. Son compagnon l’avait délaissé pour son travail, sa nouvelle carrière démarrait…

Mais tout est à construire, se dit-elle…

Et elle comptait bien que le premier jour du reste de sa nouvelle vie commence aujourd’hui. 

7 jours pour le prou...