Jour 9 : Au bord du gouffre

Write by Owali

*** Solène d’Almeida ***


JOUR 9


Je suis devenue la fille adoptive du silence! 


Je ne suis plus que peur, désespoir et regrets… Je n’arrive plus à garder de la contenance moi qui suis toujours très propre sur moi, à l’affut du moindre laisser aller, soucieuse de ma bonne tenue et de celle de mon entourage, du respect des convenances et des apparences, moi la « Miss self-control », j’ai déjà eu deux crises de nerfs en 9 jours…


9 jours, une éternité dans cette jungle hostile! 


Seigneur, pourquoi moi, pourquoi nous ?? 


Cette question ne cesse de me tarauder l’esprit, j’ai même été jusqu’à penser que j’étais rattrapée par mes écarts de conduite surtout depuis que nous nous sommes retrouvés tous les trois : Jude, JK et moi.


Comment ne pas devenir parano tant l’ironie de la situation est grande :

J’ai quitté Libreville pour donner une leçon à William et je me retrouve coincée sur une île « déserte » avec l’homme qui a un temps ébranlé mon mariage… Ce serait calculé que ça n’aurait pas été fait différemment.


D’ailleurs, si il ne s’agissait pas de J.K, je me dirais que c’est lui-même qui a organisé tout ceci mais pour quelle raison un célibataire, endurci-égoïste-égocentrique, manigancerait pour avoir une ex amante sur une île, une île sans 5 étoiles ou villa de luxe qui plus est !


Et Jude ? Me souffle ma conscience. 

Lui et ses airs de conspirateur, sa façon parfois sombre de me regarder, que penser de lui ?!


Je me secoue mentalement la tête, faut absolument que j’arrête d’avoir ce genre de pensée car elles risquent de me mener à la paranoïa, celle-ci me mènera à coup sûr à une nouvelle crise d’angoisse…


Seigneur, 9 jours ! 


Et personne ne va s’inquiéter de mon absence ! Pire, avec les messages assassins que j’ai laissé à Wil, aucune chance qu’il ait l’envie de me contacter…


Pourquoi. Pourquoi moi ? Et moi qui avais trouvé mon arrivée prometteuse…


…Flashback 9 jours plus tôt…


Après quelques péripéties qui n’avaient pas réussi à me décourager, j’arrive à « the Zanzibar International Airport » par un magnifique matin ensoleillé.

Comme annoncé, quelqu’un m’attend et après les salutations m’informe que nous allons à la marina, 20 minutes plus tard, c’est chose faite.

Alors que le chauffeur descend mon trolley et mon vanity, il me semble reconnaître une silhouette au loin : un homme grand, dans les 1 m 80, athlétique et quelque chose dans sa posture accélère les battements de mon cœur…


Non, ça ne peut pas être lui… J. K.?


Il se retourne, aurais-je parlé à haute voix ?


Ce beau sourire, ce magnifique teint noir et ce regard si profond qu’il semble regarder au-delà des vêtements… Nous nous avançons l’un vers l’autre et il me sert dans ses bras.


- La plus belle des femmes mariées !


- Le plus charmeur des hommes obstinément célibataires !


Et nous éclatons d’un rire franc.


- Que fais-tu là ma douce ?


- On dirait que comme toi, je vais au soleil !


- Woooh et où est ton « garde du corps » ? Aïe ! Je viens de lui administrer une tape car c’est ainsi qu’il surnomme Will.


- Il est sur Paris, c’est une invitation que j’ai reçu dans le cadre de l’écriture.


- Tiens tiens, moi…


- Excusez-moi, nous interrompt un jeune homme, mais nous devons y aller M. Tomoko.


- Déjà ? S’exclame J.K


- Oui oui. Lui répond le gars.


- Ecoute ma douce, j’ai été heureux de te revoir, peut-être à plus tard car quelque chose me dit qu’on va se revoir très vite…


- A plus tard donc minaudais-je…


Oui, je minaude ! 

C’est l’effet qu’il me fait. Ben quoi, être mariée ne signifie pas être glaçon…


En parlant de mariage, après un dernier regard vers cet adonis… je vérifie mon réseau ça semble ok, je lance l’appel et toujours le répondeur. 

Cette fois je coupe et ne laisse pas de message. 

D’ailleurs, je décide de savourer, je suis au soleil que diantre ! Les contrariétés, aux orties !!!


…Retour au présent…


Je suis tirée de mes pensées par le retour de JK, qui, certainement galvanisé par sa belle prise d’hier, s’est proposé pour un nouveau tour.


Ils ont institué des rotations depuis ma chute car je ne peux plus me déplacer aisément avec l’entorse que je me suis payée lors de la débandade d’il y a 2 jours et il est hors de question que je me retrouve seule dans ce « guet-apens » grandeur nature…


Heureusement que je me ballade toujours avec une petite « pharmacie » sinon, Dieu seul sait dans quel état serait mon pied à l’heure actuelle car le quart de comprimé fournit par JK n’aurait pas suffi…


…Flashback 2 jours plus tôt…


Jude venait de finir de renforcer le toit de notre abri, situé à quelques mètres de la plage, donc pas vraiment sur la plage mais pas totalement dans la forêt.


Les gars s’étaient surpassés en ingéniosité -grâce aux branchages récoltés, aux lianes et autres feuillages- pour nous créer un coin où se réfugier en cas de nouvelle pluie car au soir du 3ème jour de notre mésaventure, une pluie torrentielle s’était abattue sur l’île, elle avait été courte mais son intensité était telle qu’on aurait dit le déluge…


Nous étions donc en pleine admiration de notre œuvre, quand j’entendis le premier sifflement, je n’y fis pas réellement attention puis quelques secondes après, ce fut une avalanche de sifflements qui se révélèrent être des flèches qui arrivaient en tirs dispersés, sans demander notre reste, nous prîmes la poudre d’escampette.


Malheureusement pour moi, ou peut-être heureusement car ça m’évita de m’enfoncer dans la forêt que nous avions décidé de ne point explorer…, je me pris les pieds dans les racines d’un arbre et m’étalais sans aucune grâce !


La douleur fût si violente que je ne pus m’empêcher de pousser un cri strident suivi de très près par un gros sanglot.


Jusque-là, j’avais été forte, je n’en pouvais plus, je ne comprenais pas ce qui se passait !


Certes il était devenu plus qu’évident, après avoir recoupé nos arrivées respectives et évalué le chemin que chacun de nous avait parcouru, que quelqu’un avait savamment manigancé pour nous faire venir dans ce trou perdu. Mais la question restait omniprésente : POURQUOI ???


Et après cette attaque, car oui, c’était bien le nom qu’il fallait donner à ce déferlement de flèches, le doute n’était plus permis, nous n’étions absolument pas seuls et quelqu’un nous voulait du mal !


Alors oui, j’avais craqué, et c’est là, au pied de cet arbre de merde, qu’environ une heure après (j’avais toujours ma montre) « mes » hommes m’avaient retrouvée, le visage baignée de larmes.


D’un accord tacite, aucun de nous n’avait pipé mots, JK m’avait examinée et avait déclaré que je ne pouvais pas marcher pour repartir vers l’orée de la forêt.


Leur petite rivalité silencieuse s’était à nouveau révélée quant à savoir lequel était plus apte à me soulever…

C’est là que j’eu ma première « crise » de silence, signe d’une grande angoisse chez moi, et je me remis à revivre mon arrivée pour la énième fois.


…1er jour…


20 min après avoir quitté l’île principale, nous accostons à un ponton qui me rappelle un peu celui de la Baie des tortues à la Pointe Denis (Gabon). Mon pilote m’aide à descendre et m’explique que la voiturette de l’hôtel va arriver mais que lui il doit repartir n’étant qu’une navette de la marina, il a sa journée à poursuivre.


Il m’a menée jusqu’à un parasol et une chaise longue avec une tablette où un seau à glace avec un Perrier m’attendait manifestement car je suis accroc à cette boisson, les organisateurs ont donc bien fait leurs devoirs ! C’est rassurant, je suis bel et bien attendue.


Je m’installe et me laisse tenter par le Perrier car il faut bien le dire, il fait une chaleur terrible !


C’est une fois sur le transat que je vois, à côté de mes bagages, une glacière, j’ouvre et je découvre des sachets amuses gueules, des chips, deux cartons de nuggets surgelés, deux autres Perrier, des petites bouteilles de Volvic, des Ferrero… bref, un assortiment de petites « cochonneries » délicieuses que je devine être un ravitaillement pour l’hôtel.


Je me repositionne de façon à admirer la vue en attendant…

Une brise caresse mon visage et me sors de la somnolence, érotique et chargée d’images de J.K, dans laquelle j’étais tombée.


Un coup d’œil à mon Smartphone m’indique que ça fait près d’une heure que je suis là. Je veux bien être en vacances sur une île, j’ai besoin d’un minimum de civilisation et cette attente commence à être soulante. Je décide de laisser trolley et vanity mais j’embarque le sac à dos que j’ai récupéré dans mes affaires et dans lequel j’ai transféré le contenu de mon cabas puis me met en marche.


Une île, c’est rond et si je ne vais pas dans le bon sens, immanquablement, je tomberai sur l’hôtel et au pire des cas, quand ils arriveront au transat, ils verront mes affaires et sauront que je ne suis pas loin…


Heureusement que j’ai un pantalon léger et que sous ma chemise j’ai un top, j’ôte donc la chemise et l’attache au tour de mes reins. 

Je progresse à un rythme raisonnable mais je sors tout de même mon brumisateur du sac à dos et je m’asperge un peu, ça aide !


Ça fait à peine une trentaine de minutes que je marche quand au loin j’aperçois une silhouette.

Plus je me rapproche et je me rends compte que c’est un homme qui s’acharne sur un coco.


- Ohé ! Ohé ! Vous là-bas ! –je me mets à crier.


Il suspend ses gestes. J’accélère le pas.


- Oh Dieu soit loué ! Enfin, je tombe sur quelqu’un ! –je m’exclame encore.

Mais je rêve ! C’est quel mufle ça ?! Le bon monsieur s’est tranquillement remis à savourer sa noix… J’arrive à son niveau, en gesticulant de plus belle :


- Oh ! Je vous parle. Vous pourriez au moins répondre. Vous êtes sourd ou quoi ?

C’est comme si je parlais à un arbre ou que j’étais invisible. Non mais ooh, il s’est cru où ?! Attendez, je vais le calmer tout de suite et clap ! En plein dans sa tronche !


Il se redresse et me fait face et là, choc, je le reconnais. Mais ce n’est pas possible, à moins que…


- Jude ? –comme un souffle, son prénom m’a échappée des lèvres.


- Judicaël Dos Santos ! Mais oui c’est toi.


Dieu soit loué ! Quel soulagement ! Je n’ai jamais autant été heureuse de croiser un ami !


….Retour au présent…


Cette fois, JK a ramené des oursins, grâce aux flèches récolté après l’attaque. Jude avait confectionné un « rôtissoire » avec les maigres possibilités que nous avions. Le feu quant à lui était jalousement entretenu par nos soins car l’allumer avait été une gageure…


Après « manger », alors qu’une fois encore ces deux-là s’éloignaient pour faire des messes basses, je n’y tins plus :


- Ohé, si je vous gêne, dites-le carrément !


- Comment ça. Répondit JK


- Et vous jouez les étonnés ? Régulièrement, vous vous éloignez et murmurez dans votre coin, ce n’est pas parce que je suis stressée que je ne vois rien !!!


- Solène, calme-toi, tenta Jude !


- Je me calme si je veux ! On est dans cette galère tous les 3, à quoi ça rime d’avoir des apartés ?


Ils échangent un regard et semble avoir une discussion silencieuse. Finalement, c’est JK qui se décide et reprend :

- Ecoute ma grande, va falloir rester zen, c’est vrai que c’est dur…


- Crache le morceau J !!! L’interrompé-je.


- Le soir de la pluie, nous avons entendu des coups de feu, quand nous allons chercher à manger, nous explorons un peu plus de forêt à chaque fois et ce matin, je suis tombée sur un arbre maculé de ce qu’il semble être du sang et ce qui ressemble à des restes. 


Je ne saurais dire s’il s’agit d’un animal ou d’un être humain…


La fin de sa phrase était comme murmurée ce qui lui donna une connotation encore plus lugubre.


Contre toute attente, je n’ai ni pleurer, ni crier, je me suis contenter de dire ceci :

- Ne me cachez plus rien ! Nous sommes dans le même bateau que je sache !


Et je suis repartie vers notre abri…


Le lendemain, Jude est allé pour la recherche de choses à manger. J’avais recommencé à mieux marcher bien qu’un léger boitillement persistait.


JK et moi avons marché un peu sur la plage, histoire que je fasse un peu d’exercice tout en vérifiant que le « SOS » que nous avons « écris » à l’aide de cailloux sur une dune, il y a quelques jours, existe toujours.

Il y était toujours… Nous n’avons quasiment pas parlé, entre le stress, la fatigue et la chaleur, c’était comme superflu.


Nous avons fini par regagner l’abri pour découvrir que Jude n’était toujours pas là, ce qui n’était pas normal, ça faisait plus de 3 heures qu’il était parti.


Armé d’une des flèches restantes et après quelques recommandations, JK parti à sa recherche. Je n’en menais pas large car avec tout ce qui s’était passé, me retrouver seule-là ne me plaisait absolument pas ! 

Mais c’était ça ou risqué de prolonger mon problème à la cheville car la marche sur la plage m’avait plutôt épuisée.


Vous connaissez le silence absolu qui précède une catastrophe ou une mauvaise nouvelle ?! 


C’est celui qui s’est abattu sur la forêt environ 30 min après que JK soit allé à la rencontre de Jude.


Sans savoir comment, je me suis retrouvée à genoux et en prière, chose que je n’avais pas faite depuis des lustres.

J’ai d’abord demandé pardon au Père pour mon long silence tout en lui rappelant que s’Il ne m’avait pas ôté ma petite Warisse, ça ne serait jamais arrivé… 


Mais je m’égarais ! Je Lui ai donc demandé pardon, puis je L’ai supplié de nous venir en aide. 

J’ai demandé à Maman Marie de couvrir « mes » hommes de sa Sainte protection et alors que j’en étais à mon 3ème Je vous salue Marie, je vis Jude réapparaître.


Il était hagard, maculé de sang et dans un grand délire où il mélangeait des histoires incohérentes mais une phrase revenait à intervalle régulier et me glaçait le sang de peur et d’incompréhension totale :


« Je n’ai pas voulu sa mort, pardonne moi. »


Ne me dites pas ça, non, ce n’est pas possible ! 


Il ne peut pas être en train de parler de JK n’est-ce pas ?!

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