Là où tout a commencé (1)
Write by Saria
***Dylan***
J’étais couché mais le sommeil me fuyait. Je me tourne dans mon lit incapable de dormir. Tout me revenait comme si c’était hier ?!
***Dix ans plus tôt***
***Parakou-Marché Arzèkè***
***Dylan***
Moi : Madame vous êtes sûr que l’igname est bonne pour faire de l’igname pilée*
Vendeuse : oui !
J’avais un doute sans pouvoir le préciser. Une chose est sûre je ne m’y connais pas du tout en igname mais j’avais quand-même pris le risque de venir seul au marché. Je vois une jeune fille s’approcher de la dame, elle parle en dendi** évidemment je ne capte pas grand-chose. Elles discutent un moment avant que la fille se tourne vers moi, la première chose qui me frappe se sont ses grands-yeux rieurs et son beau sourire. Elle avait noué sur sa tête un foulard en tissu Wax, et sur un top noire elle avait porté une jupe paysanne du même tissu que son foulard.
Jeune fille : Si vous voulez acheter de l’igname de bonne qualité je vous suggère de compléter 1000 fcfa au prix initial
Je la regarde d’un air méfiant, alors elle m’explique.
Jeune fille : La dame vous a vendu de l’igname mais pour réussir votre plat la tâche va être ardu…surtout que vous n’avez pas l’air de vous y connaître…Alors complétez 1000 Fcfa et vous achèterez deux tas de « laboko » qui est la meilleure igname… Je trouve que c’est un meilleur compromis.
Moi (soulagé) : Ok…Merci beaucoup…
Jeune fille : Je vous en prie !
Elle repart comme elle est venue. Je paye mes achats et
rentre. Une quinzaine de jours plus tard, je peinais encore devant l’étale de
fromage peuhl lorsqu’elle réapparaît.
Jeune fille (me regardant droit dans les yeux) : C’est quoi votre budget ?
Moi (troublé) : heum…Heu 2000 fcfa
Jeune fille : Ok
Elle commence à discuter avec la dame, rigole un peu. Finalement on m’emballe trois gros fromages dans un sachet. J’étais choqué quand je pense que la dame voulait me vendre l’unité à 1200 !
Moi : Comment on vous appelle ?
Jeune fille : Est-ce nécessaire ?
Moi : Oui…disons que vous êtes mon ange gardien du marché.
Elle éclate d’un rire gai qui lui creuse automatiquement de belles fossettes. Elle avait également de très belles dents blanches bien alignées. De taille moyenne, elle est mince avec en prime un beau teint noir.
Jeune fille : Nimata
Moi : Pardon ?
Jeune fille : On m’appelle Nimata
De fil en aiguille nous nous mettons à discuter. J’ai su qu’elle était en classe terminale G2 à Espoir Plus. Je lui apprends que j’étais en troisième année à l’UNIPAR en sciences de gestion.
Après le marché nous avions commencé à nous voir à la
bibliothèque du Centre Guy Riobé, ou encore j’allais la chercher « à
pied » à son école et on faisait un bout de chemin. En fait j’avais une
vieille BBCT qui marchait une fois sur deux, il fallait parfois mettre le gaz
se taper un cent mètre plat avant qu’elle ne prenne. Je ne me voyais pas faire
tout ça devant Nimata avant de la remorquer, ce serait trop ridicule.
L’amitié a mué en amour au fil du temps mais j’attendais. Le jour où je lui ai déclaré ma flamme, elle a pleuré et m’a avoué qu’elle pensait que jamais je ne me serais lancé. Je savais que notre idylle était menacé d’abord parce que je suis chrétien catholique et qu’elle est musulmane pratiquante. Je savais ses parents très exigeant sur la question de la religion mais j’avais foi en nous.
En plus de mon secours universitaire, je faisais des jobs à
gauche et à droite. Cela m’aidait à joindre les deux bouts.
Quand notre relation eut un an, elle venait également d’avoir le Bac on avait une double-raison de fêter. J’avais tout préparé dans mon studio : le repas, une peluche en cadeau pour l'évènement. On était censé se voir à partir de 16h mais je l’attendis toute l’après-midi mais elle ne vint pas. Je n’arrivais pas à comprendre, c’est une fille sérieuse et quand il lui arrivait d’avoir un empêchement elle prenait la peine d’avertir. J’appelle sur son téléphone portable mais celui-ci est éteint.
Sur les coups de 22h j’entends quelqu’un frapper avec insistance, je réalise que je m’étais assoupi, couché sur le dos en travers de mon lit. Je tends l’oreille…C’est la voix de Nima…
J’ouvre la porte, elle rentre dans mon studio précipitamment. Elle semblait très agitée, en la regardant ma rancœur fond comme neige au soleil. Je lui ouvre les bras et elle se jette dedans. Nous restons collé l’un à l’autre lorsque je la sens plus calme je m’écarte un peu d’elle. Alors elle fait ce que je n’aurais jamais pensé qu’elle ferait : elle défait son pagne et le laisse tomber, puis enlève son corsage. Elle était nue devant moi, sans aucun sous-vêtement, elle n’en avait pas. Je la regarde dépassé
Moi : Mais…Que fais-tu ?
Nimata : Aime-moi s’il te plaît
J’étais figé, incapable de faire un geste, jusqu’ici nous nous sommes limité aux étreintes furtives, baisers, caresses mais rien de sérieux.
Moi : Mais tu disais ne pas être prête !
Nimata : Dy je t’en supplie ne pose pas de question…fais-moi l’amour s’il te plaît.
Je ne me fais pas prier plus longtemps, je la soulève et l’emmène vers le lit. Lorsque je la pose délicatement dessus je cherche encore son regard, elle se redresse et m’embrasse. Alors je cède, mes dernières réticences sont balayées.
Ce soir-là je l’initie aux gestes de l’amour. Nous nous aimons jusqu’à l’épuisement…A deux heures du matin je la ramène chez elle discrètement. En partant, elle prend la peluche que je lui avait offerte et me dit les yeux brillants, il s'appellera Missié Teddy. C’est la dernière fois que je la vois.
Avec le recoupement que je fais, je réalise qu’elle s’était offerte à moi la veille de ses noces avec un autre. Rien dans son comportement ne m’a laissé entrevoir qu’elle voyait quelqu'un. J’ai appris quelques semaines plus tard qu’elle avait convolé en juste noces avec un riche transporteur nigérien.
Quelques changements datant d’il y a quelques mois aurait dû me mettre la puce à l’oreille. Elle avait reçu successivement un nouveau téléphone portable, une moto djenana, de nouvelles tenues, des bijoux elle avait également plus de cash. Toutes les fois où j’ai demandé la provenance, elle m’a répondu invariablement que c’est de la part d’un ami de la famille, un tonton. Pour moi ce n’était pas un problème tant que ce n’était pas un jeune homme qui la couvrait de somptueux cadeaux.
J’ai déprimé pendant près de plusieurs mois. Incapable de faire quoique ce soit de moi-même : j’étais fou de douleur, rempli d’interrogations sans réponses. Nima, ma Nima en avait épousé un autre plus vieux mais plus riche!
Mon diplôme de maîtrise en poche, je suis redescendu à Cotonou où j’ai enchaîné de petits boulots jusqu’au jour où mon chemin rencontre celui de Mme Mensah l’une des directrices de la BOA-Bénin. J’ai fait un stage de six mois auprès d’elle où j’ai appris les ficelles du métier. Je lui avais fait bonne impression et elle a pensé à moi pendant les vagues de recrutement. C’est ainsi que j’ai grandi au sein de la structure bénéficiant de formation et séminaires. Lorsqu’on m’a proposé le poste de Parakou, j’ai accepté immédiatement.
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*Plat très apprécié au Centre et au Nord du Bénin.
**dialecte courant au Nord Bénin