<< La voie à suivre >> Chapitre 19

Write by Le Kpetoulogue

Chapitre 19


Dans le bureau désormais déserté, il ne restait plus que deux hommes. Le président et M. Koua. Ce dernier était assis, le regard vide, abattu. Mais ce n’était pas la culpabilité qui le rongeait. Ce n’était pas le remords. Non. C’était la frustration. Il venait de perdre son terrain de chasse. S’il était radié, il ne pourrait plus profiter de ce plaisir déviant qui l’obsédait. Son fantasme, sa drogue, ce besoin insatiable qu’il nourrissait depuis trop longtemps. Il ne pouvait pas laisser cela arriver.

M. Koua : « Grand frère… Tu vas me laisser tomber ? Tu vas m’abandonner ? »

Le président resta silencieux un instant.

Le Président : « C’est quoi ton problème ?! »

Sa voix tremblait de colère.

Le Président : « J’en ai plus que marre de devoir nettoyer chacune de tes merdes. J’ai couvert tes dettes de jeu. J’ai effacé les scandales dans tes deux derniers établissements. Je t’ai fait embaucher ici, espérant que sous mon toit, tu te tiendrais à carreau. Mais tu es incapable d’être un homme normal ! »

Il s’approcha lentement, plongeant son regard brûlant dans celui de son frère cadet.

M. Koua : « Mais… Je n’ai rien fait… Ce sont ces salopes qui m’ont séduit… Tout est de leur faute… »

Le Président : « Ferme-la. Tu me fais honte. Je n’arrive pas à croire que nous soyons du même sang. Nos parents se retourneraient dans leurs tombes s’ils voyaient en quoi tu t’es transformé. »

Un dernier regard, froid et dénué d’émotion.

Le Président : « Je ne bougerai pas le moindre doigt pour toi, cette fois-ci. Débrouille-toi. »

Il se détourna, ouvrit la porte et désigna l’extérieur.

Le Président : « Sors d’ici. Je ne veux plus jamais te revoir. »

M. Koua sentit un frisson parcourir son échine. Il était seul. Et cette fois-ci, personne ne viendrait le sauver.

M. Koua rentra chez lui, titubant comme un homme vidé de toute substance. Il n’avait plus rien d’un être humain. Seulement une coquille vide, un fantôme errant dans son propre enfer. Son monde venait de s’effondrer. D’abord, il ne ressentit rien. Juste un vide, un gouffre noir qui l’aspirait. Puis vint la colère. Une rage pure, viscérale, incontrôlable. Avec un hurlement bestial, il balança tout ce qui lui tombait sous la main. Les bouteilles d’alcool s’écrasèrent contre les murs, les cadres volèrent en éclats, la table basse fut renversée dans un fracas assourdissant. Il frappait les murs, cognait contre les meubles, comme si la douleur pouvait compenser l’humiliation.

Comment cela avait-il pu arriver ?

D’habitude, ses victimes étaient dociles. Silencieuses. Brisées. Grâce… Grâce paraissait être la plus faible de toutes. Et pourtant, c’était elle qui avait tout détruit.

M. Koua : « CETTE SALE PUTE… »

Sa voix tremblait de haine.

M. Koua : « Elle kiffait pourtant bien quand je lui léchais sa petite chatte dégoulinante… Mais ça, elle ne l’a pas dit, hein ?! Cette chienne prenait son pied quand je la défouraillais… et maintenant, elle joue les saintes ?! »

Il éclata d’un rire amer et tordu. Ses mains tremblaient. Son souffle était saccadé. Il ouvrit son frigo d’un geste brusque et attrapa une bouteille d’alcool, l’arrachant presque de l’étagère. Il but une première gorgée. Puis une deuxième. Puis encore. L’alcool coula dans sa gorge comme du feu liquide, mais il n’en avait rien à faire. Il voulait oublier. Ou non… Il voulait se venger.

La pièce commença à tourner autour de lui. Il s’écroula sur son canapé en cuir, haletant. Son esprit embué commença à lui jouer des tours. Des ombres se matérialisèrent dans son salon. Des doubles de lui-même, assis sur les fauteuils, accoudés aux murs. Des copies fantomatiques qui le fixaient avec des sourires mauvais.

M. Koua : « C’est quoi ce bordel… ? »

L’un des doubles ricana.

Ombre 1 : « Tu vas la laisser gagner ? Tu vas te laisser faire comme un chien battu ? »

Un autre secoua la tête, moqueur.

Ombre 2 : « Bathily t’a pourri la vie depuis le début. Il t’a traqué, traqué, traqué… et maintenant, il a réussi à t’avoir. »

Ombre 3 : « Mais le pire, c’est Grâce… Cette petite ingrate. Elle a joué à la victime… alors qu’elle jouissait comme une salope. »

Les voix se mélangeaient dans sa tête. Son crâne bourdonnait. Puis, une pensée s’imposa à lui. Il devait se venger

Son téléphone était posé sur la table, l’écran faiblement illuminé. Son regard tomba dessus. Il ouvrit l’application de messagerie, et dans un élan impulsif, il enclencha une note vocale éphémère a Grâce

Sa voix était pâteuse, déformée par l’alcool, mais l’intention était claire.

M. Koua complètement saoul : « Sale petite pute… Tu es contente de ce que tu as fait ? Tu penses que c’est fini comme ça ? Tu crois que c’est ma vie à moi qui va être détruite ? Hahahahaha… Pauvre idiote… »

Il se mit à rire, un rire délirant et instable.

M. Koua : « Tu crois vraiment que je n’ai rien gardé, hein ? Tu crois que j’ai supprimé ces vidéos où tu faisais la chienne ? Où tu me suppliais de t’enfoncer plus fort ? Tu te souviens de la vidéo sur le toit de l’université ? De comment tu as pissé quand je te défonçais ? »

Il s’arrêta un instant, reprenant difficilement son souffle.

M. Koua : « Je me demande… ce que tes parents diraient en voyant ça. Hahahahahaha… Oh, Grâce… Je vais te pourrir la vie. Tu peux compter sur moi pour ça. »

Il laissa échapper un dernier rire amer et envoya le message. L’écran de son téléphone s’éteignit. La pièce retomba dans un silence lourd, pesant vu qu’il s’était aussitôt subitement endormi profondément ne remarquant meme pas les appels incessants de Grace qui suivirent 

Il était 3h du matin. La sonnerie de son téléphone brisa le silence paisible de la nuit. Grâce ouvrit lentement les yeux, encore ensommeillée, et attrapa machinalement son portable posé sur sa table de nuit. Une note vocale. Elle fronça les sourcils. Son cœur s’accéléra légèrement. Avec une hésitation fébrile, elle appuya sur lecture. Et là, son sang se glaça. La voix de M. Koua, déformée par l’alcool, cracha une litanie d’horreurs dans son oreille.

"Sale petite pute… Tu penses que c’est fini comme ça ? Hahahaha… Tu crois que c’est ta vie qui va être détruite ? Attends un peu. Tu crois que j’ai supprimé les vidéos, hein ? Que j’ai oublié comment tu me suppliais de te prendre encore et encore ? Tu te souviens de celle sur le toit ? Tu te souviens de comment tu as pissé quand je te défoncais ? Hahahaha… Je me demande ce que tes parents diraient en voyant ça."

Grâce sentit un frisson glacial parcourir son échine. Elle lâcha son téléphone comme s’il venait de prendre feu. Son cœur battait à s’en rompre. Sa respiration devint erratique, incontrôlable. La pièce autour d’elle se mit à tourner.

Grâce : « Non… Non… NON. »

Elle croyait que c’était terminé. Que tout était fini. Mais non. M. Koua n’avait pas perdu. Il avait encore une arme. Une corde invisible, nouée autour de son cou, prête à se resserrer à tout moment. Elle sentit son corps se glacer, comme si elle sombrait dans un océan sans fond. Chaque bruit dans la maison devenait menaçant. Elle se retourna violemment lorsqu’un meuble craqua sous le poids du vent.

Était-il là ? Allait-il frapper à sa porte ? Allait-il exposer ces vidéos ?

Un tsunami de panique s’empara d’elle. Son cerveau tourna en boucle, imaginant le pire. Que diraient ses parents ? Sa mère, si douce, si fière d’elle… Son père, un homme respectable, qui avait tout sacrifié pour lui offrir un avenir… Ils ne supporteraient pas la honte. Elle serait un déshonneur. Une paria.

Grâce tremblait violemment. Ses mains étaient moites, son souffle était haché. Elle chercha désespérément du réconfort. Elle appela Leila. Une fois. Deux fois. Trois fois. Pas de réponse. Leila dormait profondément, inconsciente de la tempête qui dévastait l’esprit de Grâce. La gorge nouée, Grâce laissa tomber son téléphone sur son lit. Ses pensées devinrent plus sombres. Ce n’était pas la première fois qu’elle se retrouvait au bord de l’abîme. Mais ce soir… Ce soir, c’était différent. Ce soir, elle voyait clairement la seule issue. Sa respiration se calma. Ses tremblements s’atténuèrent. Elle se leva, marchant lentement vers son bureau. Elle ouvrit un tiroir et en sortit plusieurs flacons de médicaments. Ses mains tremblaient légèrement, mais son esprit était étrangement apaisé. Elle s’assit sur son lit, les jambes repliées contre sa poitrine. Elle pleura silencieusement tout en écrivant un message a Leila sur son téléphone. 

Puis, elle ouvrit les flacons et versa dans sa paume une poignée de cachets. Une larme solitaire roula sur sa joue. Elle les avala d’un coup. Son corps bascula lentement en arrière, écrasé par le poids du monde. Et alors que ses paupières s’alourdissaient, une dernière pensée lui traversa l’esprit.

"Tout sera enfin terminé."

Il était 5heures du matin quand une envie de pisser réveilla Leila. Apres être sorti de sa salle de bain, elle remarqua un clignotement de notification sur son téléphone. Elle se disait que c’était des notifications de son réseau et voulut juste les effacer. Quand elle prit son téléphone, elle vit qu’elle avait plusieurs appels manqués de Grâce et un message d’elle. Son estomac se noua. Un frisson glacé parcourut son échine.




Message de Grâce

<< Leila, Je ne sais même pas par où commencer. Comment te dire merci pour tout ce que tu as fait pour moi ? Tu es venue dans ma vie comme une lumière dans l’obscurité, comme la grande sœur que je n’ai jamais eue. Tu as été là, sans jugement, sans hésitation. Tu as porté ma douleur comme si c’était la tienne, et pour ça, je ne pourrai jamais te remercier assez.

Mais Leila, je suis fatiguée. Tellement fatiguée. Chaque jour était comme un poids qui écrasait ma poitrine, un poids qui ne me laissait plus respirer. J’ai essayé de tenir, vraiment. J’ai essayé de me battre, de trouver une issue, mais je suis coincée dans un cauchemar qui ne finit jamais. M. Koua … il ne me lâchera jamais. Il vient à nouveau de me menacer via une note vocale éphémère. Il a d’autres videos de moi. Ce n’était pas que dans son ordinateur. Ces vidéos, cette honte, cette peur… Je ne peux plus.

Je ne veux pas que mes parents voient ça. Je ne veux pas qu’ils découvrent à quel point leur fille est devenue une source de honte. Mon père, avec sa foi, sa position… Comment pourraient-ils continuer à vivre avec ça ? Comment pourraient-ils encore me regarder dans les yeux ? Je ne veux pas être celle qui détruit tout ce qu’ils ont construit, tout ce en quoi ils croient.

Leila, tu as été mon seul espoir. Tu m’as montré ce que c’était d’être forte, d’être aimée sans condition. Mais je n’ai plus la force de continuer. Chaque jour, un peu plus de moi s’effaçait, un peu plus de mon âme se brisait. Hier j’avais repris un peu d’espoir mais ce fut de courte durée. J’ai l’impression qu’il ne reste plus rien de moi. Je ne veux plus vivre dans cette peur constante, dans cette angoisse qui ne me quitte jamais.

S’il te plaît, ne sois pas en colère contre moi. Ne te dis pas que tu aurais pu faire plus. Tu as déjà fait tellement. Tu m’as donné un peu de répit, un peu de réconfort dans ce monde qui me dévorait. Pour ça, je t’en serai éternellement reconnaissante.

Je ne sais pas si tu comprendras mon choix, mais s’il te plaît, essaie de ne pas m’en vouloir. Je ne vois pas d’autre issue. Je ne veux plus être un fardeau pour qui que ce soit.

Prends soin de toi, Leila. Continue à être cette personne incroyable que tu es. Tu mérites tellement plus que ce monde ne te donne.

Merci pour toi Grande Sœur >>

Leila lut le message une première fois, puis une deuxième, ses yeux parcourant les mots avec une rapidité croissante, comme si elle espérait que relire les phrases changerait leur sens. Mais non. Les mots restaient là, immuables, brutaux. Son cœur se serra, comme écrasé par une main invisible. Elle sentit une boule monter dans sa gorge, une douleur sourde s'installer dans sa poitrine. 

Leila : « Non… Non, non, NNOOOOOOONNNNNN … »

Un cri strident déchira le silence de la maison. Leila hurla si fort que ses parents bondirent de leur lit. Affolés, ils coururent vers sa chambre.

Ils la trouvèrent assise au bord de son lit, tremblante, son téléphone tremblant entre ses mains. Des larmes incontrôlables coulaient le long de son visage. Son corps tout entier semblait sur le point de s’effondrer.

Mr Touré : « Leila !? Qu’est-ce qui se passe ?! »

Mme Touré : « Ma chérie, parle-nous ! Qu’est-ce qu’il y a !? »

Leila releva la tête, son regard perdu.

Leila avec une voix brisée : « Maman… Papa… Elle… Grâce… Elle ne répond pas… Elle ne décroche pas… »

Son père s’agenouilla devant elle et l’entoura de ses bras pour la calmer. Pendant ce temps, sa mère attrapa son téléphone. En voyant le message de Grâce, elle porta une main tremblante à sa bouche. Ses yeux s’écarquillèrent d’horreur.

Mme Touré : « Mon Dieu… »

Elle tendit le téléphone à son mari. Quand Mr Touré lut les mots de Grâce, son sang se glaça.

Mr Touré : « Seigneur… Leila ! Tu sais où elle habite ?! »

Leila en hochant la tête : « Oui… »

Mr Touré : « Dépêchons-nous ! Il est peut-être encore temps ! »

Sans perdre une seconde, ils montèrent dans la voiture. Leila, à l’arrière, se mordait les lèvres pour ne pas crier. Ses mains serraient son téléphone si fort que ses jointures étaient blanches.

Leila : « S’il te plaît… S’il te plaît, Grâce… Bon Dieu… Fais que ce ne soit pas trop tard… »

Mais alors qu’ils s’approchaient de chez Grâce, elle vit la foule. Un attroupement. Un brouhaha confus. Puis, son regard tomba sur une silhouette familière. Sa mère. Dévastée. Elle se tenait la tête, hurlant, comme si la folie s’était emparée d’elle. Ses frères et sœurs en larmes. Et surtout… Le corbillard stationné de l’autre côté de la route. Un silence de mort tomba sur Leila. Tout en elle se figea. Sa gorge se noua. Elle ne pouvait plus respirer.

Mr Touré  : « Leila… »

Elle cligna lentement des yeux. Puis secoua la tête.

Leila : « R-rentrons… Papa… C’est trop tard… »

Sa mère passa un bras protecteur autour de ses épaules et tenta d’essuyer ses larmes, mais elles ne cessaient de couler. Ses parents voulurent qu’elle reste à la maison, mais Leila leur fit comprendre qu’il était important pour elle d’aller à l’université.

A Suivre …


La voie à suivre