L'autre monde
Write by L'Africain
Sur la rive nord du fleuve St Laurent, à mi-chemin entre Québec et Montréal, dans la ville de Trois-Rivières, François Dupuis prenait un café dans une terrasse. C’était un garçon sobre, la vingtaine révolue, blond aux yeux bleu, mince et d’une taille d’environ un mètre et soixante-quinze centimètre. Il était très timide, avec un manque de confiance et d’estime de soi. Aussi, il était surtout passionné par l’histoire des premiers colons français arrivés au Québec tel que Jacques CARTIER. Il vouait une fascination face à l’abnégation, la persévérance et le courage de ces pionniers, qui ont tout abandonné pour s’offrir une nouvelle vie, dans le nouveau monde.
Son seul compagnon de route, était un petit chien de race labrador surnommé Chocho, qui était tout rond et robuste, à la couleur sable et chocolat. Il aimait passer tout son temps libre avec lui et il était très difficile de le voir sans l’apercevoir à ses côtés. Mais ce jour bizarrement, son chien n’était pas présent car il souhaitait avoir un moment de solitude pour réfléchir sur sa vie. Assis sur cette terrasse pour la première fois, François plongea dans ses pensées. Il venait à peine d’obtenir son diplôme universitaire d’ingénierie, et se demandait ce qui l’attendait pour la suite.
Son père Benoît, un homme âgé de 54 ans, était un ancien technicien d’une industrie de textile. Il était devenu alcoolique après le décès de son épouse jeanne, qui avait perdu la vie suite à un accident mortel de la route. D’ailleurs son excès de consommation d’alcool lui fit prendre en l’espace de quelques années, plusieurs kilos. A la vue, il avait un ventre énorme au point ou porter un vêtement était devenu un véritable supplice. Son ventre pendait tellement, qu’aucun vêtement aussi large soit-il, ne pouvait le cacher. Très éprouvé par le départ subit de son épouse, il était reparti vivre en villégiature après son licenciement pour motif économique. Et pour s’occuper, il avait ouvert avec trois de ses copains, une ferme d’élevage de porc.
Un soir allongé sur son divan à suivre un match de hockey sur glace, avec une bière fraiche à la main, il lança un juron dans son patois local : tabarnac, qui signifiait dans le patois québécois, l’étonnement face à une situation.
- Il a encore raté ce tir, ajouta-t-il pour montrer son mécontentement.
Puis quelques gouttes pétillantes du liquide de couleur ocre dégoulinèrent dans son gosier pour aller remplir à l’extrême sa panse, prête à exploser vu la quantité de liquide déjà ingurgité. Puis s’en suivit un rot à faire trembler la terre. Il était furieux de voir son équipe perdre ce match aussi bêtement. De ce fait, il augmenta rageusement le volume de son téléviseur afin de ne rater aucune séquence, ce qui dérangea fortement le voisinage.
Soudain on sonna à sa porte, mais tellement il était concentré sur son match, qu’aucun son ne lui parvenait à l’oreille. Voyant ainsi que personne ne daigne ouvrir la porte, celui-ci insista longuement sur la sonnerie afin de faire savoir sa présence. Puis après plusieurs tentatives, Benoît finit par entendre et se leva pour se diriger vers la porte. En essayant de voir à travers la petite ouverture de celle-ci, il constata que c’était son fils. Ne s’étant plus revu depuis deux années, il se demandait s’il fallait bien ouvrir la porte à son unique rejeton resté pour ses études universitaires dans la ville de Trois-Rivières. Le cœur tout de même chaleureux et content de revoir ce dernier, il posa la main sur la poignée de la porte et pendant quelques secondes resta immobile. La tête baissée, il retira la chaine de protection installée sur le mur et servant à entrevoir son hôte sans ouvrir complètement la porte :
-Tient François s’exclama-t-il, « qu’es t’emmène par ici chez mwé », il voulait dire qu’est ce qui peut bien t’emmener chez moi ? Puis sans attendre sa réponse, il ouvrit complètement la porte, tendit ses bras et l’embrassa chaleureusement en évitant de faire couler quelques larmes.
-Entre et prend une bière dans le réfrigérateur. Puis il se remit sur son divan et repris à hurler seul face à son écran de télé, réprimant à tort ou à raison les passes ratées de son équipe préférée : « les canadiens de Montréal ».
Puis François lui dit d’un air bien soucieux :
-Papa j’ai à te parler, en fait j’ai besoin de conseils.
Son père surprit d’un tel intérêt envers sa personne, baissa le volume de la télé et lui dit :
-Je t’écoute.
Il ingurgita également une gorgée de bière qu’il avait prise au réfrigérateur et afficha un air pensif pendant quelques secondes.
-Je suis à bout lui dit-il. Je veux changer de vie.
-Changer de quoi ! s’exclama son père
-De vie, répéta François. Je suis né à Trois-Rivières, j’ai grandi dans cette ville et les perspectives d’emploi qui se présentent à moi sont aussi ici. Je veux partir visiter d’autres contrées.
Son père se mit à éclater de rire puis pris une gorgée de bière et lui dit :
- Tabarwaite, qui est une autre variante phonétique de l’expression tabarnac, tu as perdu la tête ou bien.
-Non lui répondit François
-Moi ton père, je n’ai connu que cette ville. Même ta mère, paix à son âme, a également toujours vécus à Trois-Rivières et toi tu veux partir loin d’ici. Mais où ?
-Je ne sais pas, lui répondit François.
-Ecoute ! Poursuivis son père, tu as un diplôme d’ingénierie, et avec ce sésame, tu pourras trouver un emploi sécurisant quelque part. Au moins tu ne deviendras pas comme moi. Regarde ce que je suis devenu, un gros porc. J’ai donné toute ma vie à TEXTILCO. Avec la délocalisation dans les pays du sud et l’Asie, ils nous ont tous foutus à la porte. Toi au moins tu es dans l’ingénierie, sois en sur mon « p’tit gas » tu vaux de l’or.
Benoît pris cette fois-ci un air vraiment sérieux et lui dit :
-Mais ce n’est pas ça ce que je veux ! Ecoute papa, il me semble que tu ne me comprennes pas et je ferai mieux de partir. Joignant la parole au geste, il se leva d’un bond, énervé du fait que son père ne puisse pas comprendre son intérêt à vouloir découvrir d’autres contrées. Arrivée au seuil de la porte, son père l’interpella d’un air beaucoup plus complaisant, et lui balança de manière fortuite :
-Je te mettrai en contact avec un vieil ami militaire à la retraite ayant fait du service en Alberta.
François pas très convaincu, lui répondit qu’il allait attendre son contact. Une dernière accolade d’au revoir s’en suivit puis il prit les marches qui mènent vers la sortie et son père referma la porte.
Arrivé dans sa chambre du campus universitaire, François se mit à repenser à la vive discussion qu’il avait eue avec son père. Tout ce qu’il souhaitait à présent dans sa vie, c’était de quitter au plus vite cette ville qui l’avait vu grandir. Il ressentait le besoin de découvrir autre chose, un monde nouveau avec des cultures différentes. C’est ainsi que plongé dans ses pensées, et lasse de toutes réflexions, il se résolut à lire un roman d’aventure : voyage au centre de la terre de Jules verne. Puis son imagination l’emmena dans un endroit où nul homme n’y était allé, avec des plantes ainsi que des animaux et paysages inconnus. Finalement, il s’endormit sur le divan.
Marie-Stéphanie, sa colocataire, mince et au teint bronzé, le réveilla car il était déjà 7 heures du matin. Elle lui fit comprendre qu’il avait passé la nuit sur le divan. D’un air surpris, il lui demanda s’il avait vraiment passé la nuit sur ce canapé. Tout en l’apportant d’abord un bol de chocolat chaud, elle lui demanda s’il avait besoin de parler, car elle ne l’avait jamais vu dans un état pareil. Il lui répondit :
- s’il t’advenait de partir loin d’ici ou préfèrera tu aller ?
Elle écarquilla les yeux en signe d’étonnement et lui demanda si tout allait bien. En esquissant un sourire, il répondit en disant qu’il allait très bien. Il ajouta ensuite :
- pourquoi les personnes à qui je pose cette question me reposent la même réponse que toi. Est- ce un mal à vouloir partir ?
- Non, bien sûr que non lui répondit –elle. Juste que tu es la dernière personne à qui je pouvais m’attendre à me poser pareille question. Ben !!! Va dans soit les provinces de l’Ontario ou l’Alberta je ne sais pas moi, au moins ça va un peu te changer les idées. Tu pourras probablement y voir clair dans ta vie.
-Oui s’exclama t’il !!! C’est bien ça, je vais allez dans l’Ontario, je pense que je pourrai découvrir de nouvelles choses. Puis il se leva et l’embrassa comme signe d’amitié sincère.
Subitement, quelqu’un frappa à la porte et François allant voir au travers de la chaîne de sécurité se trouvant sur la porte et s’écria dans un patois québécois :
- Marie-Steph c’est ton « tchum », expression qui signifie, le petit ami.
En ouvrant la porte, après une poignée de main bien forte, François dit à Mathieu, le tchum de Marie-Stéphanie :
-Soit le bienvenu.
Après un bref câlin de Marie-Stéphanie à ce dernier, il prit deux secondes à lire le titre du livre de jules verne posé sur la tablette du salon et s’exclama ainsi :
-Humm !!! On dirait qu’il y a un voyage dans l’air !
-Heu !!! Pas vraiment répondit Marie-Stéphanie. Ben je pense que François pourra mieux t’en parler.
François l’air ébahit et embarrassé répondit en disant :
-oui il y a un voyage mais je ne sais pas où. En fait je veux « chrisser mon camp » d’ici. Autres expressions toujours dans le patois québécois, signifiant partir.
-Mais tu ne peux pas partir sans savoir où ? lui répondit Mathieu.
-Tel est la question lui dit François.
Après plusieurs heures à discuter des possibilités d’emploi dans la canada et aux États-Unis, et ne voyant pas l’heure passée, ils se proposèrent d’aller dîner dans un resto de la place. En plein dîner, François reçu un texto de son père, lui transmettant les coordonnées de son vieil ami militaire. Il se demanda dans son for intérieur ce que pouvait bien lui apporter comme solution ce vieillard. Mais il tentât le coup et pris l’engagement de l’appeler lorsqu’il aura le temps.
Après le diner et le soir venu, François prit son compagnon chocho et alla se balader au bord du fleuve St Laurent. Puis sur un banc, il composa le numéro de ce monsieur. Après trois tentatives de sonnerie du téléphone, l’interlocuteur à l’autre bout du fil décrocha :
- Allo !
- Allo, répondit François, Votre numéro m’a été transmis par votre ami Benoît qui est mon père.
- Ahhh ok lui répondit le monsieur, il m’a appelé et m’a demandé si je pouvais t’aider à partir pour l’Alberta.
- Heuuu ! Je pense qu’il n’a certainement pas bien compris ma requête, répliqua François, je voulais juste un peu discuter avec vous.
- D’accord mais tu sais, lui dis le monsieur, ton père et moi étions de grands amis à l’époque et je suis disposé à lui rendre un service tant que cela sera possible à mon niveau.
Tout en caressant chocho, François lui dit qu’il souhaitait partir chercher du travail dans l’industrie pétrolière.
- C’est facile lui répondit le monsieur, il y a plusieurs sociétés qui recrutent en ce moment en Alberta, avec un diplôme d’ingénierie comme le tient, tu es à l’abri du chômage. Je le dis car je suis consultant en sécurité incendie dans ce secteur d’activité. Pendant mon service militaire je me suis spécialisé afin de pouvoir me reconvertir dès ma retraite. De toutes les façons, applique sur le site de demande d’emploi dans ce secteur et avec un peu de chance tu pourras être contacté.
- Merci lui répondis François et à très bientôt.
Voici une perspective nouvelle pour François qui, dans son for intérieur se dit qu’enfin il est sur la bonne voie. Ragaillardis par cette conversation, il s’empressa d’aller sur son smartphone pour se connecter sur des sites des sociétés exerçant dans l’exploitation pétrolière en l’Alberta. Après plusieurs heures de recherches et de mise à disposition de son curriculum vitae sur les sites d’offre d’emploi, il tomba sur une multinationale qui fait de l’exploitation pétrolière. Comme toutes les autres sociétés, il enregistra sa candidature pour un poste vacant et se senti soudain, satisfait d’avoir accomplis quelque chose qui fera certainement avancer sa situation.
Le lendemain, il appela son père et le remercia d’avoir contacté son ami, car il se sentait mieux que la dernière fois. Son père quant à lui, toujours en train de lever le coude avec une bouteille en main, l’écoutait à peine car il était très concentré sur le match de hockey sur glace, dont son équipe favorite, largement dominé d’ailleurs, passait à l’écran de son téléviseur. Après avoir raccroché, François alla se divertir avec des copains dans un pub du centre-ville, afin de prendre un peu d’air, vu ces derniers jours difficiles qu’il ait dû passer.
Après deux jours passés, François reçu un appel de cette multinationale :
-Bonjour, pourrais-je avoir monsieur François DUPUIS, demanda l’interlocuteur au bout du fil
-Bonjour répondit-il, c’est bien François DUPUIS, en quoi puis-je vous aider ?
-C’est la société TEXACO, nous avons passé en revu votre curriculum vitae, et sommes très intéressées par votre profil. Ainsi vous êtes prié de vous rendre le plus tôt possible, à notre direction de Montréal, lui dit son interlocuteur.
-Dès demain je pourrais être prêt pour un entretien répondis François.
-Ok et à demain alors
Alors, le soir même, il prépara son sac en quelques minutes et prit les clefs de son véhicule pour se rendre sur Montréal par voie routière. Mais avant, il souhaita informer Marie-Stéphanie en l’appelant sur son téléphone portable. Il lui annonça tout plein de joie, son départ sur Montréal avec beaucoup d’enthousiasmes en ces termes :
-Allo, bonjour Marie-Steph, figure toi que je pars ce soir sur Montréal, j’ai obtenu un entretien d’embauche avec une multinationale qui fait dans l’exploitation pétrolière, certainement je m’en irais vers l’ouest du Canada.
-Waouh ! lui-dit-elle, superbe, j’aurais bien voulu t’accompagner mais j’ai un projet à rédiger ce soir. Ben bonne route alors. Et surtout bonne chance pour l’entretient.
-Merci répondit François.
Après quelques caresses et câlins à Chocho, Il sortit de l’appartement en refermant la porte, puis prit les marches d’escaliers qui mènent vers le parking où était stationné son automobile. En ouvrant la portière du véhicule, il déposa d’abord ses affaires dans le coffre arrière, puis monta en essayant de démarrer avec beaucoup de peine son vieux carrosse qui semblait refuser de partir. Il entreprit curieusement un dialogue avec celui-ci, en l’implorant afin de démarrer pour arriver dans les temps. Fort heureusement pour lui, comme si le véhicule l’avait entendu, après trois tentatives de démarrage, il finit par enfumer le parking avec un ronflement assourdissant. Sur le chemin de Montréal, il prit conscience qu’il était en train d’atteindre son objectif, celui de partir travailler loin d’ici. En fond sonore, une douce mélodie de jazz berçait l’ambiance dans le véhicule durant tout le trajet. Etant en pleine saison d’automne, quelques gouttes de pluie ruisselèrent le long du pare-brise, laissant ainsi apparaître une légère brume qui réduisait de façon crescendo la visibilité du chauffeur sur le trajet. Il ne tarda pas d’ailleurs à mettre en marche le système de chauffage qui finit par améliorer son confort visuel. Aussi, le son de trompette du morceau de jazz qui passait à la radio ainsi que le ballait des essuies glaces, le fit replonger dans son imagination, celui d’aller loin, très loin et rencontrer d’autres horizons.
Après 2 heures de route, il entrevit enfin les panneaux indiquant le nombre de kilomètre restant avant d’arriver à Montréal. Comme galvanisé par ce désir d’arriver à destination, son pied devint soudainement assez lourd pour appuyer sur l’accélérateur tout en dépassant légèrement la limite de vitesse autorisée sur l’autoroute. Arrivé à bon port, il se demanda ou il pourrait passer la nuit. Il aimait le gout de l’aventure, et le simple fait de dormir dans un endroit inconnu, le faisait d’avantage frémir. Ainsi, en raison du long trajet qu’il dû parcourir, il s’arrêta dans un restaurant pour s’offrir un repas avant de continuer son aventure. Assis seul sur une table dans ce restaurant, comme si le destin le souriait, il vit à l’extrême gauche de la pièce, un vieil ami d’université parti continuer une thèse de doctorat à l’université de Montréal. Le sourire plein la vue, il se leva avec beaucoup d’enthousiasme et se dirigea vers ce dernier qui était accompagné de deux de ses amis. Arrive en face de celui-ci, il l’appela par son nom et tendis sa main pour le saluer. Son ami le reconnu à peine, vu la barbe qu’il avait laissé pousser ces dernières années. Mais il finit tout de même par le reconnaître et tendis également sa main pour le serrer dans ses bras. Après quelques minutes de brèves salutations, son ami le présenta à ses copains qui partageaient le repas avec lui. Puis il l’invita à se joindre à eux, vu qu’il semblait être seul sur sa table se disait-il. Au cours du repas, son ami lui demanda s’il vivait à Montréal et surtout ce qu’il faisait dans la vie à près leur séparation à l’université. François décrit brièvement l’objet de sa présence à Montréal et lui demanda s’il pouvait passer la nuit ce soir chez lui. Ne s’étant plus revu depuis belle lurette, il répondit favorablement pour lui offrir son hospitalité. Mais vu qu’il ne rentrait pas de sitôt dans ses appartements, Il lui proposa de passer la soirée avec eux, qui s’annonçait bien longue. Après plus d’une heure de divertissement, François et son ami prirent le chemin du retour conduisant aux appartements de ce dernier. Arrivé sur les lieux, les deux s’installèrent confortablement sur le canapé et se mirent à échanger afin de se remémorer des moments passés.
-Alors parle-moi de ce futur emploi, demanda son ami
-Je suis là pour un entretien d’embauche avec une multinationale, et j’espère partir loin d’ici peut être en Alberta, car je ressens le besoin de vivre de nouvelles expériences.
-Nouvelles expériences ! répéta son ami.
-Oui, rencontrer de nouvelles personnes vivant loin du Québec tu vois !
-Ok répondit son amis, ben du courage alors.
Puis ils se mirent à festoyer leur retrouvaille avec des bières franchement sortie du réfrigérateur.
Après un trinque bien ferme, à l’honneur de leur retrouvaille, François ingurgita le quasi moitié de la bouteille de bière, et s’exclama ainsi :
- Ah voici une bonne bière qui me rafraichit la gorge. Alors vis tu avec quelqu’un ?
-Heu non, répondit son ami, mon colocataire est parti en Afrique faire du safari, c’est un français.
-Ah ok, drôle de destination lui dis François,
-Pourquoi répondit son ami.
-Heuuu ! Juste parce que l’Afrique serait la dernière destination où je souhaiterai aller, s’il m’advenait à prendre des vacances. Tu sais la famine, les guerres ethniques… bref, tout ça ne donne pas envie d’y allez. Alors parles-moi de tes recherches de thèse rajouta François.
-Ben ! s’exclama son ami, je travaille sur la modélisation moléculaire…
Puis François l’interrompit en esquissant un sourire et dit :
-Heu ! Je pense qu’on ferait peut-être mieux de parler d’autres choses, car je n’y comprendrai absolument rien.
-Ok répondit son ami.
Puis pendant toute la soirée, ils se remémorèrent des mésaventures et moments agréables passés ensembles. Voyant l’heure très avancés dans la nuit, son ami redressa le canapé lit du salon et l’invita à se coucher dessus après lui avoir fait une brève visite de l’appartement. Il rajouta en lui demandant de faire comme chez lui. Très exténué par le trajet parcouru depuis Trois-Rivières, François ne tarda pas à s’endormir avec tous ses vêtements sur lui.
Le lendemain de bonne heure, François se jeta dans la salle de bain et une fois terminé, il se mit à enfiler une chemise blanche assortie d’un complet veston cravate bleu marine.
Son ami debout bien plus tôt, pris du temps à préparer une omelette et réchauffer un café. Lorsqu’il vit François, il s’écria :
- Whoo ! Tu m’as l’air d’un professionnel des banques, en esquissant un sourire.
François sourit également, et lui dit :
- Tu ne me souhaites pas bonne chance ?
Son ami lui répondit en éclatant de rire : bonne chance mon ami.
Après avoir pris rapidement une tasse de café, François se jeta dans son véhicule, direction le DOWNTOWN. Guidé par son GPS, il arriva à l’adresse où loge la direction de la multinationale. Il se parqua sur une rue, et descendit pour mettre trois pièces de deux dollars dans l’horodateur, afin de s’assurer un stationnement de plus de deux heures.
En entrant dans un immeuble de plusieurs étages, il se dirigea vers l’un des 8 ascenseurs qui se présenta en face de lui. Il demanda à un agent de sureté s’y trouvant debout :
-Bonjour monsieur l’agent, puis-je savoir où se trouve l’étage de la direction de la multinationale TEXACO ?
-C’est au 20 ième étage lui répondit l’agent
-Merci
Puis il se dirigea vers un ascenseur où des personnes vêtues de complets costumes cravates, de couleur sobre et très concentrées à manipuler leur smartphone, y montaient et descendaient. Très intimidé par ce milieu où les gens ne se parlent pas, mais esquissent uniquement des mimiques faciales durant les manipulations incessantes de leur smartphone. C’est comme si le monde réel n’existait plus et seul les avatars créés via les réseaux sociaux, semblaient être la réalité. Puis il finit par adopter un air très sérieux également en dépit du fait qu’il n’avait quasiment personne avec qui discuter sur son téléphone portable. Arrivé aux 20 ième étages, il descendit de l’ascenseur et suivit la direction des flèches qui indiquaient les bureaux de la multinationale TEXACO. En entrant dans la salle où se trouvait les bureaux, il se présenta à la première personne qu’il croisa en face de lui. Celui-ci le dirigea vers une très jolie dame de teint métissé, vêtue d’un ensemble tailleur jupe veste de couleur sobre et coiffée tel une star de cinéma. Cette dernière l’invita à prendre place sur un fauteuil dans son bureau et lui dit :
- Bonjour, je m’appelle Mélanie et je suis chargée du recrutement pour le compte de la société TEXACO. C’est moi qui vous ai appelé et je vous remercie de la promptitude avec laquelle vous avez répondu présent. Alors, pour des raisons de service, nous avons besoin en urgence pour notre succursale au Gabon en Afrique d’un ingénieur.
Il écarquilla les yeux, et dit :
-Où ça ? En Afrique !
-Oui, répondit-elle, c’est en urgence d’ailleurs, si vous êtes partant, aujourd’hui même votre contrat sera prêt.
- S’il vous plait, dit-il d’un air ébahit, n y’a- t-il pas un autre endroit aux Etats-Unis ou dans l’ouest du Canada par exemple ?
-Non, en tout cas pas pour l’instant, répondit-elle.
Alors il somma à la dame, de lui accorder un instant pour réfléchir, car ce n’était pas une décision à prendre à la légère. Conscient du choix délicat qui l’incombait, elle lui concéda quelques instants de réflexion. Il en profita pour passer un coup de fil à Marie-Stéphanie, afin de lui présenter la proposition et de lui demander conseil.
Cette dernière répondit :
-Ben ! mon chère François, je pense que tu l’as enfin obtenu ton ticket pour un nouveau monde.
-Oui mais j’étais loin de m’imaginer que cela serait en Afrique, répond-il. La famine, les guerres ethniques, crois-tu que je serai en sécurité là-bas ?
-Ecoute, la seule façon de le savoir, c’est de partir. Je sais que tu t’y plairas car tu as toujours aimé le gout de l’aventure. Te souviens-tu des histoires auxquelles nous avons passé des milliers d’heures à se raconter, celles des pionniers arrivés au Québec, abandonnant tout en France pour tenter une nouvelle vie dans le nouveau monde. En tout cas pour ma part, je te conseillerai de tenter l’expérience et si cela ne te convient pas, ben tu reviens.
-Ok, lui dit-il, je te remercie marie-Steph et sache que tu comptes beaucoup pour moi. Je t’embrasse.
Puis, il s’empressa de repartir dans le bureau de Mélanie pour lui informer son approbation pour le contrat. Surprise par son enthousiasme soudain, elle se permit de lui demander ce qui avait bien pu occasionner une aussi prompte décision, vu l’hésitation et la réticence qu’il manifesta quelques instants plus tôt. A cela, il lui répondit en disant qu’il souhaiterait bien tenter cette aventure africaine, en esquissant un sourire.
Puis, après signature du contrat, elle lui indiqua qu’il ira au Gabon, un pays où la société Texaco exploite depuis plus de cinquante ans du pétrole en offshore. C’est une exploitation en haute mer sur des plates-formes. Aussi, elle ajouta qu’il sera dans une petite ville appelée Gamba, situé au large des côtes Gabonaise.
Ainsi commença l’aventure de François pour l’Afrique, une partie du monde, dont il ne pouvait s’imaginer un seul instant y mettre les pieds un jour. Un endroit où les médias ne parlent que de famines, de guerres, d’enfants soldats... Tout cela commença à faire défiler de milliers d’images dans sa tête. Du coup, il finit par se trouver dans une situation d’inquiétude, mais aussi et surtout de soif d’en savoir plus là où il ira. C’est ainsi qu’il s’empressa d’aller sur internet faire des recherches sur le Gabon, pour savoir les langues, la superficie, les ethnies et la culture. Une passion soudaine l’envahit de découvrir ce nouveau monde qui se présente à lui. Une terre qui pourra donner des opportunités, voire un sens à sa vie. Il découvre ainsi dans ses recherches que Libreville la capitale du Gabon fut fondée par des esclaves libérés, suite à l’abolition de l’esclavage au milieu du dix-neuvième siècle. Impatient de vivre ces nouvelles expériences, il se rendit sur Trois-Rivières en passant chez son ami, afin de le remercier pour son hospitalité. Sur le chemin du retour, il pensa à tout ce qu’il allait laisser au Québec à savoir : Chocho, Marie-Stéphanie et bien d’autres.
Arrivé dans ses appartements au campus de Trois-Rivières, il s’empressa de raconter à Marie-Stéphanie son enthousiasme d’aller en Afrique. C’est ainsi qu’en déposant ses clefs sur le pupitre du coin du salon, il leva les bras en disant :
-Marie-Steph tu es la meilleur et chocho viens dans mes bras
-Wouh ! wouh ! fit chocho en remuant la queue
-Ben ! Je n’ai fait que ce que je pensais être bien pour toi, lui répondit-elle avec un air joyeux.
-Figure-toi que je vais au Gabon et dans mes recherches, j’ai appris qu’il y a une flore et une faune très importante. Des animaux vivent en libertés dans des aires protégées. J’aimerai voir des gorilles, des éléphants et des girafes.
-Tu en verras certainement, répondis Marie. Alors c’est pour quand le départ.
-Heu ! Dès que je serai prêt, répondit François. Je fais mon sac et je saute dans le premier avion, en esquissant un sourire.
Puis, en repensant à l’idée de laisser ses proches, il prit soudainement un air manifestant la tristesse et dit :
- Marie-Steph peux-tu me rendre un service
-Oui, bien sûr, tu sais que tu peux toujours compter sur moi
- Pourras-tu prendre soin de chocho ?
-Mais oui soit sans crainte il est entre de bonnes mains, tout en faisant des caresses à Chocho.
Elle ajouta :
- Ne t’inquiète surtout pas pour lui, je vais prendre grand soin, en laissant échapper quelques gouttes de larmes qui dégoulinèrent jusqu’à ses lèvres en passant par les joues.
-Mais pourquoi pleures-tu, dit François.
-Tu vas beaucoup me manquer.
Puis il se mit à côté d’elle et avec Chocho, ils se serrèrent tous ensembles.
-Nous allons arroser ça, dit-elle, en essuyant ses larmes d’un revers de la main.
Elle sortit une bouteille de whisky et se leva pour prendre des glaçons. Il se leva également et se dirigea vers le lecteur audio du salon pour mettre de la musique. Après un trinque, ils prirent une gorgée sèche qui produisit une sensation de brulure au niveau de leur estomac.
Ensuite elle sortit une pierre d’émeraude et lui dit :
-Je te pris d’accepter cette pierre pour symboliser notre amitié.
-Merci Marie-Steph répondit François.
Lui également retira une fine chênette en argent munie d’un minuscule pendentif en forme de cuillère, qu’il avait toujours portée autour du cou pendant plusieurs années et la lui donna en signe d’amitié.
Puis la soirée passa dans un climat où s’entremêlèrent festivité et tristesse.
Quelques heures plus tard, François fut informé via sa boite mail par Mélanie, de la date et l’heure de réservation pour son voyage au Gabon. Son départ était pour le lendemain dans la soirée. Il s’empressa de donna cette information à Marie-Stéphanie et se leva rapidement pour préparer son sac de voyage. Ils ne tardèrent pas à se coucher vu le programme du lendemain qui s’annonçait bien chargé.
Le lendemain de bonne heure, curieusement il ne vit pas Marie-Stéphanie dans sa chambre. En essayant de la chercher dans tout l’appartement, il se rendit compte qu’elle était sortie très tôt, certainement pour éviter les au revoir, qui pour elle, serait très difficile à supporter. Il comprit cela et ne l’en voulu guère. Par contre, comme si Chocho savait qu’il partait pour une longue durée, il fit atteint soudainement d’une fièvre qui le paralysa sur le canapé du salon. Malgré cela, François pris son sac d’une poignée de main, vu le temps qui lui restait pour partir à l’aéroport, caressa quelques minutes Chocho pour une dernière fois et se dirigea vers la porte sans regarder en arrière. A cet instant, tel les pionniers au départ pour le nouveau monde, il venait de poser le premier pas qui le conduirait là-bas.
Arrivé à l’aéroport de Montréal, s’était avec beaucoup de difficultés qu’il essayait de lire sur les multiples écrans fixés sur les murs, le terminal du vol qu’il devait emprunter pour le départ sur Libreville au Gabon, avec une escale sur Paris en France. Après quelques minutes de recherches infructueuses, il se renseigna avec une hôtesse qui indiquait les directions aux voyageurs en regardant sur leur billet. Après avoir obtenu l’itinéraire conduisant vers le terminal où se trouve l’avion qu’il devait prendre, il se mit à courir tel un sprinter du cent mètre vers l’endroit indiqué. Arrivé sur les lieux, il présenta son billet à une autre hôtesse, qui l’invita par la suite à prendre le corridor conduisant vers la porte de l’avion. Sur place, après l’installation de tous les passagers sur leur siège respectif, le commandant de bord déclina à ces derniers l’itinéraire du vol qui les conduirait jusqu’à Paris en France. En effet, n’ayant aucune de ligne d’avion directe jusqu’au Gabon depuis Montréal, cette escale va permettre à François de commencer son immersion dans le nouveau monde.
Dès son arrivée en matinée dans la zone internationale de l’aéroport Roissy Charles De Gaule de Paris, François se trouva pour la première fois dans un environnement où il n’y avait aucun Canadien aux alentours, mais que des ressortissants de pays d’autres continents. Tout était différent de ceux qu’il avait toujours vus et entendus dans son pays. Il y avait entre autres, des indiens, des africains, des chinois, bref, diverses communautés tous avec des vêtements aussi diversifiés que le sont leurs cultures respectives. Même la langue française qu’ils parlaient était aux antipodes de son québécois natal.
Au sortir de l’avion, François se dirigea vers le terminal B tel que mentionné sur son billet, pour attendre patiemment l’heure de départ sur Libreville. Dans cette zone, il vit des européens très habitués certainement à l’Afrique, vu l’aisance avec laquelle ils relataient avec beaucoup d’enthousiasmes, les expériences vécues, lors de parties de safari dans la savane. Il vit également un couple d’africains, gabonais se disait-il, car en essayant de prêter l’oreille à leur conversation, qu’il avait du mal à comprendre d’ailleurs, il entendit le nom de Libreville dans leur échange. Puis pour assouvir sa curiosité sur le Gabon, tout en hésitant, il se permit de leur demander s’ils étaient de nationalité gabonaise. Ces derniers, manifestement étonnés, lui répondirent par l’affirmative. Alors François se présentât et déclina l’objet de son voyage au Gabon tout en manifestant la joie qu’il l’animait de découvrir ce pays. Ainsi, le couple très flatté de voir ce canadien exprimer un tel engouement à vouloir découvrir leur pays, se mirent également à lui parler de ce qu’il allait certainement découvrir là-bas.
Puis les passagers à destination de Libreville se mirent en file indienne suite à l’invitation faite par une hôtesse, arborant fièrement les couleurs vert, jaune et bleu de la compagnie aérienne Air Gabon, qui vérifiait tous les billets avant d’accéder au corridor menant vers la porte l’avion. Dès son arrivée au seuil de la porte de l’avion, une autre hôtesse l’indiqua où se trouvait le numéro du siège mentionné sur son billet. Pour s’y rendre, il avançait à pas de tortue, vu le bouchon créé par les nombreux passagers qui tentaient d’insérer avec difficulté, leur valise dans la cabine au-dessus des sièges. Puis après une longue attente en station debout, François prit enfin place sur son siège. Etant confortablement assis, il observait autour de lui, des gamins qui s’amusaient à faire et défaire le mécanisme d’insertion de la ceinture de sécurité. Juste à côté, il y avait un homme d’affaire de nationalité française qui partait au Gabon pour un séminaire scientifique. En vue d’établir une conversation avec son voisin direct, il se présenta, tout en signifiant qu’il se rendait au Gabon pour la première fois. Alors celui-ci lui répondit qu’il avait l’habitude d’aller au Gabon dans le cadre de ses activités scientifiques mais aussi touristiques. Il rajouta également qu’il aimait ce pays, autant pour la flore et la faune, mais aussi pour la diversité culturelle.
Après quelques minutes d’attention demandée par les hôtesses afin d’effectuer les procédures de sécurité en cas d’urgence, l’avion se mit à décollé crescendo, en atteignant après quelques secondes, une vitesse vertigineuse qui fit trembler tout le cockpit. Puis poussé par la puissance du moteur, l’engin mécanique de plusieurs tonnes s’arracha du sol pour se retrouver dans les airs, avec une inclinaison à la verticale. Tous les passagers furent scotchés sur leur siège au cours de cette phase de décollage, en s’adonnant totalement à l’expérience du pilote pour espérer arriver à bon port.
Durant tout le trajet, le mal du pays commença à gagner peu à peu François, car devoir partir très loin de sa terre natale ne l’avait jamais traversé l’esprit. Il se mit à revivre les moments les plus heureux qu’il avait passé durant toute sa vie à Trois-Rivières. Les personnes avec qui, il eut vécu des moments agréables. Puis tout doucement, prit par la fatigue, il tomba dans un profond sommeil malgré les vibrations que faisait l’avion dans les zones de turbulences.
Arrivé à Libreville en après-midi, un jeune homme l’attendait à l’extérieur de la zone de contrôle des passeports des passagers, en brandissant une pancarte à laquelle était inscrite en gros caractères : François DUPUIS. Toutefois, à la sortie, François eu du mal à identifier celui qui l’attendait car il régnait une ambiance bruyante et mouvementée. Entre des personnes qui s’embrassaient pour les retrouvailles et d’autres qui cherchaient encore leurs hôtes, une confusion totale vint l’habiter.
Soudain, avec un peu de patience, il finit par identifier son nom sur la pancarte tenue par ce jeune homme. Il se dirigea vers lui et déclina son identité. La première impression qu’eue François, fut la chaleur tropicale intense. Il se mit à transpirer en l’espace de quelques secondes à grosse goutte, tel un glaçon fondant sous un soleil « agnangoulé », c’est-à-dire sous un soleil au zénith dans le patois local. En esquissant un petit sourire, le jeune homme comprit que la chaleur commençait à déranger son hôte. Alors ils prirent quelques secondes pour les présentations, et le conduisit dans un hôtel de la place, pour y passer la nuit avant son voyage le lendemain pour la ville de Gamba.
Dans la soirée, après un repos durant tout l’après-midi, François quitta sa chambre pour se diriger vers le restaurant de l’hôtel, où un buffet avec des mets locaux diversifiés attendait les clients pour la dégustation. Assis seul sur une table, un restaurateur l’invita à se servir tout en lui présentant les spécialités culinaires préparées. Il y avait entre autre, un mélange de poisson salé, de choux et de carotte le tout assorti d’une sauce tomate, de moutarde et de plusieurs épices. Aussi il y avait plusieurs variétés de fruits de mer et de poissons marinés dans une sauce à base de mayonnaise fortement relevée et agrémentée d’oignons, de câpres et de fines herbes. Face à l’embarras du choix, il se lança tout azimut sur les différents mets, afin de laisser ses papilles gustatives apprécier totalement ces saveurs tropicales propres au Gabon. Le tout fut arrosé par un grand cru équatorial local appelé MALYMAS et produit par le vignoble de Ngouoni. C’est un domaine dans le sud-est du Gabon sur lequel s’est épanouit le premier vin du pays.
Tôt le matin, de retour à l’aéroport, le jeune homme le conduisit jusqu’à la zone d’embarquement des passagers pour Gamba et lui souhaita un bon voyage. Tout doucement, l’avion pris son envol avec pas mal de secousse, dû à l’état de vétusté de l’appareil. François quant à lui, indifférent aux vibrations que faisait l’avions, prenait son temps à écouter avec beaucoup d’attention, l’accent français des gens qui était très différent de son québécois natal.
Arrivé à Gamba, une équipe vint l’attendre dans la petite aérogare qui était très différente de Libreville. Vu la fatigue qui se lisait dans ses yeux, l’équipe le conduisit directement vers le logement qui lui était préparé.
En cours de route, il fut surpris de voir cohabiter les animaux et les habitants de la ville. Une symbiose s’y était installée dans l’ensemble du règne animal. Jamais il n’avait vu des animaux tropicaux en pareil liberté. Des éléphants et des singes s’amusaient à jouer les mendiants en implorant par l’air qu’ils affichaient, les bonnes grâces des passants, afin d’obtenir un peu de nourriture. D’ailleurs, sur le chemin de son logement, le véhicule qui les transportait stationna pendant quelques minutes, pour laisser passer un python de plusieurs mètres qui prenait tout son temps à traverser la piste.
Durant tout le weekend, afin que François se familiarise avec son nouvel environnement, ses nouveaux collègues de travail l’amenèrent visiter des espaces protégés par l’état gabonais. Il y découvrit des parcs de plusieurs kilomètres carrés ou vivent en toute sérénité, des pachydermes, des primates, des félins, des reptiles, etc. Toutefois, le braconnage venait quelquefois troubler la quiétude de ce havre de paix tropical, surtout pour les ivoires d’éléphants, très prisés par les contrebandiers des pays asiatiques. Puis, François fut surpris par la visite de tortues, qui viennent des côtes d’Amérique du sud, pour la ponte d’œufs sur les côtes gabonaises en une saison bien précises. Ce fut un spectacle magnifique qui l’amena à prendre conscience que le monde était vraiment un village planétaire.
Après une longue fin de semaine de safari, s’en suivit le travail pour lequel il fut embauché. Ainsi, il dû partir pendant plus d’un mois en haute mer sur des plates formes pétrolières, travailler jour et nuit dans la prospection des zones, afin d’extraire des hydrocarbures.
Puis après plus de quatre semaines loin de la terre, le voici de retour sur la terre ferme de Gamba pour un repos bien mérité. Dans une virée nocturne avec des collègues de travail, il se rendit dans un bar jouxtant le littoral, très fréquenté par les blancs de la ville. Assis sur une table à siroter un cocktail de mélange de rhum et de fruits tropicaux dans un récipient de coco, il observait le spectacle d’un orchestre local qui jouait de la rumba. Certains blancs se déhanchaient avec des filles que l’on appelle dans le jargon local les filles à white. C’est des filles de tout âge et de nationalités diverses des pays d’Afrique, très souvent de teint noir ébène et de corpulence assez mince, qui comme les chercheurs d’or, se rendaient dans ces milieux à la quête d’un blanc. D’autres par contre consommaient une bière blonde local produite par les brasseries du Gabon et très appréciée par les blancs vivant ou en visite au pays. Il régnait une ambiance à laquelle François s’y plaisait agréablement.
Soudain, son regard se posa sur une fille de la vingtaine à peine, très mince et de teint noir ébène qui dansait seul sur la piste au rythme de la rumba. Elle portait une petite robe sombre qui tournait de façon cadencé avec son mouvement corporel. Sa physionomie était tellement bien sculptée, qu’on avait l’impression qu’elle faisait corps avec sa tenue. Elle arrivait à faire des mouvements circulaires de son bassin, sans que le corps entier ne bouge. Elle portait également une coiffure complexe faite de tresses, qui longeaient jusqu’au genou et se mouvaient au rythme de la danse. Aussi, les bijoux de pacotille qu’elle portait autour du cou, donnaient l’impression que s’étaient de l’or. Ainsi, comme ensorcelé par la chorégraphie qu’elle semblait effectuer en même temps que d’autres filles, il ne s’empêcha d’applaudir, en la fixant longuement du regard. Remarquant l’insistance du regard de ce blanc sur elle, elle s’approcha vers lui toujours sous la même cadence rythmique de la musique, pour l’inviter à danser. Ne sachant même pas bouger et prit par la timidité, il se demanda un instant s’il fallait accepter. Mais l’ensorcellement fut plus fort que lui et finit par se lever. Soudainement, il ne comprit plus rien, car malgré son inexpérience dans ce type de danse, il se mit à débouler comme un gamin manifestement content d’avoir appris un nouveau pas de danse. Il avait certes des cours à apprendre, mais tant pis car pour lui il fallait laisser sortir cette joie d’être dans cet endroit.
Après un moment de pose de l’orchestre, ils s’assirent sur une table. C’est ainsi qu’ils se présentèrent :
-Vous dansez très bien lui dit-il
-Merci répondit elle, j’ai appris à danser depuis l’âge de cinq ans. C’est une danse traditionnelle de chez moi. Vous êtes nouvellement arrivé à Gamba ? demanda-t-elle
-Oui je m’appelle François Dupuis et je viens du Canada
-Je l’ai tout de suite remarqué car je connais la plupart des blancs d’ici et surtout ta façon de me regarder m’a donné l’impression que tu voulais me dévorer.
-Mais non-dit-il, en esquissant un sourire. Et toi comment t’appelles-tu ?
-Rosa, Rosa Mboumba, insista –elle, mais appelle moi juste Rosa.
-Enchanté alors, dit-il.
Puis après une longue soirée à discuter, François lui demanda si elle voulait bien qu’ils se revoient. Elle répondit par l’affirmatif tout en disant qu’il pouvait la revoir dans ce bar qui était son lieu de travail. C’est ainsi qu’il se rendit chaque soir dans ce bar à la rencontre de la belle Rosa. De jour en jour son admiration pour elle grandissait et il cherchait de plus en plus à connaitre sa tradition qui l’avait appris cet art de danser. Puis un soir après une longue soirée, Rosa accepta de rentrer avec lui dans ses appartements.
Ce soir-là, tous les deux se mirent à se dévorer du regard. Puis sous une lumière tamisée, elle se déshabilla sensuellement en laissant glisser ses vêtements pour se retrouver en tenue d’Adam et Eve. Seul le collier fait d’une alternance de perles et de cauris qu’elle portait autour des reins, était son unique ornement. Ne sachant s’y prendre avec les femmes, surtout avec une fille de peau noire qu’il n’avait jamais eu à fréquenter auparavant, François laissa ses yeux admiratifs face à cette splendide anatomie, tel sculptée par le plus habile des tailleurs de bois. Afin de briser l’état de crispation qui régnait dans la pièce, elle se mit à danser en se déhanchant sans qu’il n’y ait aucune musique autour d’eux. Elle vint vers lui, toujours dans un mouvement cadencé, s’approcha de ses lèvres et se mit à l’embrasser langoureusement. Sous l’impulsion de cette sensation érotique et exotique, son excitation vint à son comble, si bien qu’il la souleva, la posa sur le divan et se mit à l’embrasser passionnément. A présent, plus rien ne pouvait l’arrêter car l’exploration de ce nouveau monde tropical, donna envie d’en découvrir davantage.
Soudain, elle lui demanda d’arrêter un instant. Coupé dans son excitation, il lui dit avec beaucoup d’étonnement :
-Que ce passe-t-il ?
-Es-tu circoncis, lui demanda t’elle
-C’est quoi ça ?
-C’est une pratique qui consiste à extraire le prépuce de l’organe géniteur masculin. Moi je suis initié à un rite traditionnel auquel il m’ait interdit d’avoir une relation intime avec des hommes non circoncis. La raison je l’ignore mais je sais que je ne dois pas le faire.
Perplexe, il ne sut quoi dire car il était totalement étranger à cette culture. Mais toujours curieux de découvrir ce monde qui était totalement inconnu pour lui, il voulut en savoir plus.
Puis le temps passa et François devins un client fidèle de ce bar ou il fit la connaissance de Rosa. Même les autres filles à white qui fréquentaient le milieu, savait qu’il était amoureux de Rosa. Du coup, tel une règle tacite entre elle, plus personne n’avait le droit de lui faire des avances, au risque de s’exposer aux conséquences établies depuis très longtemps par les plus anciennes des lieux. Lors d’un litige par exemple, une espèce de tribunal était convoqué par la patronne des lieux, fille à white généralement, pour rappeler les règles qui doivent prévaloir, en vue de garantir les intérêts de tout un chacun. Notamment lorsqu’un nouveau blanc arrivait dans le milieu où la ville par exemple, celle qui l’accoste la première ou celle à laquelle les avances sont faites en premier, détient immédiatement le monopole sur ce client. Une autre fille peu se positionner que si le blanc lui-même s’y intéresse officiellement. En cas de désaccord entre elles, des témoins sont appelés pour apporter leur version des faits. Le cas échéant, celle qui refuse de se soumettre malgré la décision finale du tribunal, se fait soit exclure des lieux ou pire se fait « passer à taba » par le groupe rival. Même les blancs de ces milieux également s’érigeaient des règles tacites sur ces filles qui devaient leur jurer fidélités. Un soir d’ailleurs, François assista à une vive discussion dans un club entre un ressortissant français et belge. Ce dernier pour avoir avancé des propos aguicheurs, ainsi que des attouchements à l’égard d’une des filles, n’a manifestement pas plus à son copain français. Il aurait fallu l’intervention des forces de l’ordre pour ramener l’accalmie dans le club.
Puis après un certain nombre de jours passés avec François dans ses appartements, Rosa finit par habiter avec lui. D’ailleurs, il remarqua que le placard qui lui était dédié pour installer quelques affaires, s’était remplis en l’espace d’un temps très cours.
Toutes les soirées avaient un air de fête. Elle lui apprit quelques mots en dialecte local. Lui aussi l’appris des mots du patois québécois. L’amour véritable les gagnait peu à peu. De tout ce qui se passait entre eux, Il était surtout fasciné par les histoires relatives à sa tradition. Les danses, les chants, l’art culinaire, ainsi que tout le patrimoine immatériel de sa culture.
C’est ainsi qu’après plusieurs semaines à se raconter des mythes et légendes, il demanda à Rosa de se faire circoncire. Elle lui dit :
- Tu dois alors chercher à rencontrer le Grand Chef de mon village. C’est un homme âgé et reconnaissable par sa grande barbe blanche et sa longue tunique qu’on appelle ici un boubou. Mais pour qu’il te dise quoi que ce soit, tu dois lui apporter un présent.
-Mais quoi dont ! lui dit-il
-Tu dois chercher dans ton cœur, quelque chose qui te tient à cœur. Le symbole de quelque chose de plus grand, qui selon toi n’a aucun prix. Car le savoir qu’il détient date de la nuit des temps et seuls les initiés y ont accès.
Perplexe, il se demanda bien ce qu’il possédait et qui n’avait aucun prix. C’est alors qu’il pensa à la pierre d’émeraude que lui donna la seule personne qui comptait pour lui, Marie-Stéphanie.
Après plusieurs minutes de réflexion, il dit :
- Je crois savoir ce que je peux lui offrir. Une pierre d’émeraude. Je lui dirai que cette pierre symbolise l’amitié incommensurable d’une personne à laquelle j’y tiens beaucoup.
-Ok mais j’ai oublié un détail, rajouta Rosa
-Quoi ? Répondit François
-Il faudra aussi une bouteille d’alcool.
-Laquelle ?
- Je ne sais pas, du gin, du rhum ou du whisky.
-Mais pourquoi ?
- Je ne saurai te le dire, car j’ai eu accès qu’a un certain niveau de connaissance.
-Ok, répondit-il, je pense que nous ne devons plus perdre de temps. Je vais acheter une bouteille et on file.
Après avoir acheté une bouteille de GIN CORDON, ils se rendirent à la gare routière, où se trouvaient les véhicules pick-up, appelé dans le jargon populaire « clandos », qui devait les conduire dans le village de Rosa : Minkebe.
Tous les passants, ainsi que les voyageurs assis patiemment dans les clandos, observaient avec curiosité ce blanc, qui selon eux, s’était certainement égaré. Ils ne comprenaient pas la présence d’un blanc dans un endroit aussi répugnant qu’est cette gare routière. Car ici, les blancs fréquentes généralement des milieux réservés qu’aux blancs et aux cadres supérieurs gabonais des sociétés pétrolières.
Puis un jeune garçon de la vingtaine révolue, débout face aux clandos, appelait à haute voix les voyageurs :
- Il reste deux places pour Minkebe, allez ! Venez vite nous allons partir.
-Nous partons pour Minkebe, lui dit Rosa
-Oui, répondit le garçon, il reste deux places et ça vous coutera dix mille francs CFA pour vous deux.
Elle paya et ils embarquèrent dans le pick-up, empaquetés comme des sardines dans une boîte. Puis vers la fin de l’après-midi, le chauffeur démarra le véhicule et tout doucement s’éloigna de la gare routière. Sur le chemin, François laissa sa vue se détendre sur le panorama qui s’offrait à lui. Ils traversèrent entre autres, des cases de villages, virent des paysans rentrant de chasse avec leur butin sur une épaule et un fusil sur l’autre, le long de la route. Aussi, il observait des animaux sauvages fumés et accrochés sur des étals de fortune, attendant patiemment un potentiel acheteur. Les secousses n’y manquaient pas, tant la route était mauvaise. On avait l’impression que les passagers dansaient au rythme de la rumba qui passait dans le lecteur audio du véhicule. Puis le couché de soleil laissait place progressivement à la nuit. Ainsi la nuit tombée, la plupart des passagers furent plongés dans un lent et doux sommeil. Toutefois, François, entre fatigue et enthousiasme d’y arriver, luttait contre le sommeil. Finalement, la fatigue finit par le gagner, si bien que tous les passagers hormis le chauffeur, tombèrent dans un profond sommeil.